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par unité de consommation (par an, en euros)

4. Relations spatiales entre ville et agriculture (plaine Ouest)

4.3. L’organisation spatiale mobile

Ce type d’organisation concerne des UAA dont l’espace est contraint par différents paramètres, ce qui amène les agriculteurs à se déplacer (mobilité sur le territoire) ou bien à agir différemment selon un gradient spatial. Certains agriculteurs développent une adaptation au milieu périurbain, lorsqu’ils sont fréquemment confrontés à ses externalités négatives (principalement le trafic routier et les incivilités). Ils adaptent leurs pratiques à la circulation, modifiant par exemple l’organisation du travail, certains espaces étant évités, mis en gel ou abandonnés car peu accessibles à cause de la circulation.

« A St Jean de Védas j'avais des parcelles, mais je les ai abandonnées, la circulation était impossible. C’était trop compliqué pour y aller, la moissonneuse ne passait plus… » (Céréalier, 2015).

Cela est vrai aussi pour les éleveurs, qui évitent certains espaces aux heures de pointe, sous peine de ne pas pouvoir conduire le troupeau :

« Là, entre 17h et 19h c'est pas la peine d'y aller, trop de voitures, on ne peut pas conduire le troupeau, ce n’est pas gérable » (Eleveur ovin, 2017).

La gestion de parcours en périurbain articule des adaptations aux contraintes, qui peuvent aller jusqu’à éviter le déplacement en révélant des ressources fourragères disponibles localement : les vignes après les vendanges ; des champs de blé dur ou de fourrages après la moisson ; des endroits permettant de s’abriter en été (sous-bois) ; etc. Lorsqu’une zone est entourée d’habitations, le voisinage avec les urbains peut poser problème, les travaux agricoles constituant des nuisances (sonores, olfactives, santé…) pour les citadins. Cela peut amener les agriculteurs à décaler leurs horaires de travail. Dans les zones reculées, il y a souvent des dépôts d’ordures qui contraignent les agriculteurs dans la conduite des chantiers agricoles, et les amènent à changer leur organisation. Dans les zones d’expansion urbaine, les agriculteurs peuvent être contraints d’abandonner leurs parcelles, étant expropriés, par exemple dans le cas d’une zone d’aménagement réalisée par une collectivité territoriale. Ils vont alors réinvestir d’autres secteurs, plus éloignés de la ville, après avoir négocié financièrement l’expropriation pour pourvoir maintenir leur activité ailleurs.

Les agriculteurs développent donc des logiques qui relèvent de leur perception du lieu. Selon qu’ils s’y sentent bien ou pas, ils vont éviter ou favoriser leur propre fréquentation de lieux. Des endroits de conflits potentiels peuvent être évités. Des lieux visibles, peu isolés, proches d’une route par exemple, peuvent être préférés à des endroits plus isolés. La perception impacte directement la pratique agricole, en portant plus de soin, d’attention, de travail sur les espaces où l’agriculteur se sent plus en sécurité par exemple. D’autres vont au contraire occuper volontairement un espace qu’ils jugent dangereux, de façon à lutter contre certaines externalités du périurbain :

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« Tous les week-ends je fais un tour ici, soit avec les brebis soit en 4x4, histoire d'occuper, de dire que c'est à quelqu’un, ce n’est pas vraiment à moi mais je le dis »

(Eleveur ovin, 2017).

Enfin, certains travaillent des espaces viticoles peu productifs, peu cohérents avec leur système de production, mais par « topophilie » (Tuan, 1974), par amour du lieu, par « attachement au territoire » (Jean, 1993), parce qu’ils ont un lien affectif à la parcelle, synonyme pour eux de transmission inter-générationnelle par exemple.

La localisation des parcelles dans l’espace, selon la distance au siège de l’exploitation ou au lieu de stockage du matériel amène les agriculteurs à développer des logiques de

simplification des itinéraires techniques dans les zones éloignées, afin de limiter les trajets.

L’organisation des productions dans l’espace est donc impactée par la distance au siège.

« Ce qui fait que je mette du foin ou des céréales, c’est la difficulté d’y aller. Les céréales, une fois semé, je retourne pour récolter. Le foin, il me faut le faucher, le faner, l'andainer, le presser le transporter, ça fait cinq voyages ». (Céréalier, 2015).

De la même manière, dans la conduite d’un troupeau de brebis, l’agriculteur essaie d’exploiter au mieux les espaces les plus proches pour limiter les déplacements du troupeau, par exemple en demandant aux voisins de pouvoir paître leurs champs si le troupeau est déplacé de pré en pré.

Confrontés à la ville, ces agriculteurs ont donc une organisation mobile, au sens propre, abandonnant certains espaces pour en réinvestir d’autres (si possible), modifiant les espaces cultivés dans le temps. La mobilité peut aussi s’exprimer selon un gradient dans l’espace, selon par exemple la distance au siège, ou le ressenti de l’agriculteur (isolé ou non).

Au final, les aires spatiales pratiquées par les agriculteurs s’échelonnent selon un gradient, de la commune au Monde. De nombreux viticulteurs coopérateurs ont la majorité de leurs parcelles sur la commune ou la commune voisine, qui accueille également la cave coopérative. A l’échelle de l’aire urbaine, les centres équestres contribuent à une articulation entre espaces du cheval et du cavalier (Vial et al., 2010). Les maraîchers sont mobiles à l’échelle du temps court sur un rayon d’environ 50 km pour s’approvisionner en intrants (plants et semences) et pour écouler leur production. Les éleveurs pratiquant la transhumance se déplacent chaque année vers le sud du Massif Central (Mont Aigoual ou Mont Lozère) et plus régulièrement dans un rayon de 80 km pour accéder aux structures de transformation incontournables pour développer la vente directe et les circuits courts (abattoir, salle de découpe). Certains vignerons indépendants agissent à l’échelle du département, car ils mettent en valeur plusieurs terroirs complémentaires (Larzac, Pic Saint Loup et Collines de la Moure par exemple) et peuvent être amenés à promouvoir leurs vins à l’occasion de foires ou de missions économiques allant jusqu’en Chine. Parmi les agriculteurs nomades rencontrés, l’entreprise Soldive, entreprise melonnière familiale originellement créée dans les Deux-Sèvres, est aujourd’hui une transnationale installée également en France (à Lunel et en Guadeloupe), en Espagne, au Maroc et au Sénégal.

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Nous proposons donc de distinguer parmi les nomades trois profils :

Capital foncier Capital matériel Espace, Activité

Nomade (échelle

départementale – mondiale)

Capital hérité en partie complété par des parcelles sur accord verbal ou baux courts

Important capital matériel, salariés, prestation d’activité

Prestataire pour autres agriculteurs (ETA) (surfaces travaillées > 1000ha) Nomade (échelle locale – rayon de 80 km) Capital hérité en partie complété par des parcelles sur accord verbal ou baux courts

Matériel en propriété Vente de fourrages et/ou céréales Entre 100 et 200 ha cultivés

Pas de capital, baux verbaux en majorité

Très peu de matériel, recours aux services d’ETA

Moins de 100 ha

Tableau 7. Échelles d’agricultures nomades, du local au global.

(Source : Hasnaoui Amri et al., 2018a)

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