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Portrait du maraîcher bénéficiaire de parcelles du domaine de Viviers (2012).

La création de l’agriparc à l’épreuve

Encadré 11. Portrait du maraîcher bénéficiaire de parcelles du domaine de Viviers (2012).

L’ADEAR associée à CreaLEAD pour préfigurer le premier espace-test agricole de l’Hérault prépare et présente un projet décliné en un « socle de base » axé sur la pratique du maraîchage biologique diversifié orienté sur les circuits courts et une option plus complète, intégrant d’autres terres, les oliveraies du domaine (abandonnées mais potentiellement productives si elles sont reprises) et des bois. Finalement, c’est le socle de base qui est retenu par le comité local SAFER, qui considère la superficie allouée comme suffisante pour initier l’activité d’espace-test. Les membres du comité attendent de voir si la coopérative pourra se maintenir dans la durée, prouver sa « viabilité », avant de s’étendre sur de plus vastes superficies. Les premiers « couvés » s’installent sur le site de la plaine de Gratte au cours de l’été 2012.

Des différences importantes de « vécu » apparaissent entre les figures agricoles bénéficiaires de foncier public. Pour les maraîchers, l’obtention d’un terrain « nu » n’est que le début d’un cheminement qui les amène à « créer » progressivement un environnement adapté à leur pratique, avec la mise en place de bâti technique, de serres, de chemins, d’aires de lavage, etc. Pour les viticulteurs, l’installation implique une nouvelle plantation de vigne. La CAM s’est chargée en amont de l’allocation de réaliser l’arrachage des vignes historiques du

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domaine. A la différence des maraîchers, les viticulteurs peuvent déplacer leur personnel et leur matériel selon le type de travaux à réaliser. Les agriculteurs nomades sont eux spécialistes de cette gestion agricole à façon. Ils sont habitués à travailler sur une base de foncier précaire, pour installer des cultures conduites de façon normée, référencée, en lien à des marchés identifiés. Ils peuvent si besoin simplifier leurs itinéraires techniques et s’associer avec d’autres producteurs spécialisés pour mettre en œuvre des rotations agronomiques à grande échelle.

3. Entre territoire productif et territoire paysage

Cette section s’intéresse aux apprentissages relatifs à la participation que l’on peut pointer à partir de la chronique de dispositif. Pour cela, je m’intéresse à ce qui crée tension, polémique, controverse ou de la coopération dans le déroulé de l’action, et à ce que cela produit en termes d’apprentissages, en m’appuyant sur l’idée que les apprentissages sont liés à un processus situé de participation.

3.1. Quelle cohérence entre territoire multifonctionnel prescrit

et territoire agricole ?

Les formes agricoles préconisées par le SCoT et l’Agenda 21 à travers le guide des agriparcs apparaissent en décalage avec les réalités de l’agriculture locale, dominée par des viticulteurs en grande partie propriétaires de leur foncier et des agriculteurs nomades capables de mettre en valeur des terres périurbaines même lorsque leur disponibilité est limitée.

Les élus et les agents de développement en charge de la mise en œuvre des actions sont pris dans une tension entre favoriser des activités connues, référencées localement (comme la viticulture) et les activités évoquées dans les documents stratégiques, les formes agricoles plus liées à la ville, qui sont plus innovantes, semblent a priori plus répondre aux attentes des urbains, mais sont peu connues, peu référencées localement (car les densités d’agriculteurs les pratiquant sont faibles).

Ainsi, les acteurs historiques, plus ancrés dans les réseaux autochtones, émettent des doutes sur les constats réalisés par l’ADEAR, qui reprend en partie les arguments développés par la Confédération paysanne : « ce n’est pas viable ce type d’activité… c’est du bricolage, pas de

l’agriculture » (Conseiller CAM Service Foncier, 2015). Comme pour les débats syndicaux plus

larges sur les modèles agricoles au niveau national entre la Confédération paysanne et la FNSEA, on retrouve les arguments du registre économique placés en opposition et au-dessus des arguments de nature sociale et/ou environnementale. La référence citée du « domaine de Valédeau » est un exemple pour le binôme en charge de l’opération, CAM et SAFER :

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« Après le domaine de Viviers, Montpellier Agglomération a acquis le domaine de Valédeau pour contribuer à la constitution d’un nouvel Agriparc. Situées au nord du Domaine de Grammont, sur le territoire de la ville de Montpellier, et d’une superficie totale de 10 hectares, les parcelles du domaine sont en cours d’attribution auprès des viticulteurs locaux. Ces vignes labellisées AOC ont été plantées en 2011 avec les cépages recommandés par l’appellation Grés de Montpellier : Syrah, Grenache, Mourvèdre, Vermentino et Marsanne » (Journal intercommunal « Montpellier

Agglo » (n°3, juillet-août 2010)).

Plus largement, les acteurs agricoles « professionnels » et leurs OPA majoritaires identifient un risque de « gâchis de terres fertiles » :

« on a peu de terre là autour de Montpellier, si en plus on donne le peu qui reste à des gens qui ne savent pas y faire, où va-t-on ? » (Vigneron indépendant, 2016).

Les activités agricoles ne s’installent pas à la même vitesse selon que l’on soit céréalier, viticulteur ou maraîcher. L’espace-test agricole est en plus confronté à une gestion de type publique (car la structure est bénéficiaire d’appuis européens et régionaux), ce qui ne facilite pas les arrangements (absence de facturation, ventes « au black », etc.) auxquels font appel la plupart des autres maraîchers. Suite à l’allocation, un décalage se fait sentir entre la réalité de l’allocation, qui bénéficie majoritairement aux viticulteurs de la cave coopérative d’Assas, et une forme de sur-médiatisation des formes agricoles « alternatives » qui se sont installé. Pour les « nouveaux » agriculteurs, cette sur-médiatisation (Encadré 12) est le signe d’attentes sociales fortes autour d’une écologisation et d’une relocalisation de l’alimentation. Elle risque toutefois de surestimer la place des activités alternatives non majoritaires et d’en donner une image idéalisée, avec le risque de passer sous silence tous les efforts à mettre en œuvre pour « innover », trouver des formes situées plus économes et autonomes de pratiques agroécologiques.

Midi Libre (1er déc.2010). Viviers, terre d’élection de la nouvelle agriculture.

Extraits : « L’agriculture péri-urbaine est en cours de mutation : l'extension de la ville consomme des terres fertiles tandis que les citadins recherchent de plus en plus les productions locales. Le Domaine de Viviers, sis sur les communes d'Assas, de Clapiers, de Jacou et de Teyran, acquis récemment par la Communauté d'Agglomération de Montpellier, est en train de devenir : - un refuge pour des viticulteurs en quête d'une stabilité foncière (relocalisation suite à expropriation pour passage de grandes infrastructures, besoin d'agrandissement, recherche d'un bail à long terme permettant de rentabiliser une plantation de vigne), - une opportunité pour l'installation de paysans souhaitant cultiver en Bio et commercialiser en circuit court. […] Pour revenir à Terracoopa et au Domaine de Viviers, s'il existait déjà des couveuses pour les services, l'artisanat et l'industrie, elles sont nouvelles en agriculture : Clapiers héberge donc une initiative innovante, porteuse en terme de développement durable. Création de 7 emplois, pérennisation de l'agriculture, préservation des sols et des eaux, offre de produits alimentaires sains, la commune de Clapiers et ses alentours vont bénéficier à plein du dynamisme de Terracoopa, de sa couveuse et de ses maraîchers Bio. »

Montpellier Agglo (n°3, juillet-août 2012). Le domaine de Viviers bourgeonne à nouveau.

Extraits : « Au nord de l’Agglomération, ce domaine agricole de 189 hectares connaît une seconde jeunesse. Montpellier Agglomération a décidé de confier une large partie de ces terrains cultivables à des agriculteurs

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locaux et de créer une nouvelle pépinière d’entreprises spécialisée dans le domaine agricole. Entre les communes de Jacou, Clapiers, Teyran et Assas, le domaine de Viviers, qui équivaut à 200 fois la place de la Comédie, est en pleine renaissance. Laissé à l’abandon par ses anciens propriétaires, l’immense domaine, composé de forêts et de terres cultivables, a été racheté par Montpellier Agglomération en septembre 2010, en vue de constituer un Agriparc pour faire vivre cet espace agricole. L’objectif premier était de préserver le cadre naturel exceptionnel en évitant de construire de nouveaux bâtiments sur place. C’est autour d’une demeure de maître et de ses dépendances agricoles, que ce projet va voir le jour. Un espace agricole sauvegardé, accessible au public, dans un milieu relativement urbanisé.

Une production diversifiée – Aujourd’hui, sur les 88 hectares de terres, la collectivité a déjà attribué 71 hectares à des agriculteurs. En tant que soutien historique du monde viticole, Montpellier Agglomération a confié les terres situées au nord du domaine à des viticulteurs sélectionnés par la SAFER, organisme chargé de l’aménagement foncier sur le territoire. Au nord-est, les terrains aux sols les plus riches ont été attribués à des producteurs de cultures légumières, qui nécessitent des terres particulièrement fertiles. La partie sud de la propriété, située sur la commune de Clapiers, est quant à elle réservée exclusivement à la production de céréales et de fourrages biologiques.

Création d’une pépinière d’entreprises agricoles – Isolés au nord du domaine, 10 hectares sont alloués au projet de pépinière d’entreprises pour soutenir des néo-agriculteurs, porteurs de projets agricoles innovants ».

Midi Libre (10 sept. 2012). Les agriculteurs essaiment à la porte de la ville.

Extraits : « Se lancer en tant qu’agriculteur en périphérie de Montpellier est devenu une véritable gageure avec la flambée du foncier. Johan et Gilles, candidats à l’installation, ont réussi à relever le défi grâce à TerraCoopa. Cette coopérative a germé sur 8 hectares du domaine de Viviers, à Clapiers. L’agglomération de Montpellier, qui a racheté cette propriété de 192 ha en 2011, a confié à la SAFER le soin d’attribuer seize lots à des agriculteurs. C’est aujourd’hui chose faite. »

Paysan du Midi (9 nov. 2012). Témoignage d’un agriculteur en devenir

Extraits : « Il se qualifie lui-même de « créateur d’activité ». Johan Crance fait partie des candidats à l’installation participant au dispositif d’espace-test mis en place par TerraCoopa au Domaine de Viviers. « Je suis rentré dans la couveuse agricole en août », indique-t-il. Pour une participation financière de 1000 euros annuels, la coopérative d’installation l’héberge juridiquement et lui donne l’accès à un hectare de terres qu’il exploitera en maraîchage bio. En plus, il disposera de matériels agricoles mis en commun, d’une serre collective et de de l’irrigation […] A l’image des actions menées par TerraCoopa dans l’Hérault, d’autres structures disséminées sur le territoire national se consacrent à la création d’espaces-tests agricoles pour favoriser les installations dans ce secteur d’activités. Depuis le 12 mars 2012, une structure rassemble l’ensemble de ces porteurs de projets. Il s’agit du Réseau national des espaces-tests agricoles (RENETA). Son objectif : la promotion de démarches visant à tester l’activité en vue de l’installation agricole, la gestion et l’animation du réseau ainsi que la représentation de ses membres. […] »

Midi Libre (22 nov. 2012). Visite de RENETA au Domaine de Viviers

Extrait : « Les rencontres du réseau national des espaces-tests agricoles se sont tenues les 15 et 16 novembre à Montpellier et à Clapiers. Elles ont réuni une centaine d’agents de développement, d’acteurs de la coopération, de bénévoles associatifs, venus de Métropole et d’Outre-Mer. […] Ces rencontres avaient pour objet de sensibiliser les organismes de développement agricole ainsi que les partenaires institutionnels à l’importance de l’outil « espace-test ». Ce sont des lieux où des créateurs d’entreprises agricoles peuvent s’essayer à la culture, à la transformation et à la commercialisation. […] ».

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Montpellier Agglo (n°9, février 2013). Dossier « Commerce, artisanat, agriculture : petites entreprises, grands enjeux »

Extrait : « TerraCoopa est une couveuse d’exploitations bio installée sur l’agriparc du Domaine de Viviers. Montpellier Agglomération lui a octroyé un bail de 18 ans sur 10 hectares de terre, qu’elle reloue par lots aux agriculteurs, pour 3 ans, le temps de tester leur activité avant de s’installer définitivement sur d’autres terres. « Nous développons des activités rémunératrices sur de petites surfaces, pour l’instant du maraîchage bio, mais ce pourrait aussi être de l’élevage en plein air. » explique Joseph Leblanc, le gérant de TerraCoopa. Quatre agriculteurs sont déjà installés et il reste des lots disponibles. […] Les agriculteurs sont souvent des « néo », qui trouvent un intérêt à être si près de la ville. « S’installer ici implique des compromis sur l’utilisation de l’espace, compensés par l’importance du bassin de consommation et la proximité du consommateur », explique Joseph Leblanc, pour qui, « les circuits courts sont la voie de l’avenir économique et environnemental ».

Midi Libre (22 mai 2013). A Clapiers : des paysans dans la ville.

Extraits : « […] La coopérative d’activités TerraCoopa loue les terres. Elle les met à disposition de porteurs de projet auxquels elle fournit les autres moyens de production : matériel agricole et serres. […] Gilles Fourgous, Johan Crance et Christian Abbes ont été les premiers à s'installer sur le Domaine de Viviers : ils bénéficient chacun d'un hectare de terrain irrigable grâce à un réseau d'eau du Rhône mise sous pression. […] Concernant le pôle maraîchage Bio, les 5 paysans déjà en place vont s'entendre pour tenir en permanence un étal sur le marché hebdomadaire de Clapiers. […]La plupart de ces maraîchers débutant leur activité seront amenés à orienter leurs productions, à imaginer la transformation de certains de leurs produits et à adapter leurs modes de commercialisation.

Le renouveau de l'agriculture vivrière, de proximité, que l'on constate à Clapiers, n'est pas le fruit du hasard. Il s'inscrit dans la volonté politique de la Communauté d'Agglomération de Montpellier de créer un Agriparc englobant le Domaine de La Valette, les pinèdes de Clapiers, Montferrier, Prades le Lez et Jacou ainsi que le Domaine de Viviers, c'est-à-dire un lieu où l'exploitation agricole, voire forestière, soient pérennisées et où les visiteurs soient les bienvenus dans le cadre d'une ouverture maîtrisée à la promenade, à la découverte et à l'échange. » (Michel Chastaing, correspondant local, Midi Libre Blogues).

La Gazette de Montpellier (du 19 au 25 juin 2014) : Hérault : une coopérative fertilise les jeunes pousses paysannes

Extraits : « TerraCoopa est un concept unique. Cette coopérative d’activités regroupe, à Clapiers dans l’Hérault, plusieurs métiers autour de l’agriculture biologique et de l’environnement. Sur un même site, paysans, paysagistes et différents métiers liés à l’environnement coopèrent pour proposer une alimentation de qualité. A quelques kilomètres de Montpellier, le domaine de Viviers est un espace test qui « consiste à développer une activité agricole de manière responsable et autonome, en grandeur réelle, sur une durée limitée et dans un cadre qui réduit la prise de risque. ». […] « A l’avenir, l’objectif est qu’on arrive à combler le manque d’aliments bio sur Montpellier. Nous défendons une production paysanne, et ça a encore du mal à se réaliser. » Avec une capitale régionale qui connaît un fort développement démographique, Joseph Le Blanc voit là un afflux de nouveaux consommateurs : « Il faut maintenant que ça se traduise par de l’emploi agricole », analyse-t-il. » La Gazette de Montpellier Mag Chic Printemps (supplément à La Gazette de Montpellier n°1452) (14 au 20 avril 2016). P.45, rubrique « Tendance » : Montpellier fait son retour à la terre.

Extraits : « Entre les immeubles, les fruits et légumes… […]. Alors que les circuits courts se développent à grande vitesse, une nouvelle génération d’agriculteurs s’installe aux portes de l’urbanisme. Une dynamique soutenue par les élus, décidés à créer des « sanctuaires naturels et agricoles » dans la métropole. Car l’enjeu est majeur : protéger le paysage et le cadre de vie. Et, à terme, généraliser la consommation de produits locaux et de qualité. »

Encadré 12. Revue de presse concernant l’allocation de foncier du Domaine de Viviers par

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