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Lecture-compréhension

5. Conceptualisation de la situation ou d’un domaine de situations

4.2. Traitement du texte

Le traitement de la compréhension textuelle par les opérations interprétatives ne dépend pas seulement du contenu linguistique explicite mais aussi du contenu implicite. Notre objectif, qui porte sur la compréhension textuelle, nous place dans une situation langagière particulière : nous nous intéressons notamment à la compréhension très spécifique et locale que suppose le système anaphorique qui exige la saisie du rapport entre deux unités de nature semblable ou de nature différente. Nous tenterons d’évaluer la capacité des apprenants à mettre en relation des éléments textuels ou cotextuels. Comme les compétences linguistiques sont le sujet central de

notre recherche, nous nous interrogerons sur les corrélations entre les compétences langagières requises par le texte et les compétences acquises des apprenants-lecteur.

Pour mesurer ces corrélations, nous distinguerons trois paramètres : état, évènement et action. L’état renvoie aux caractéristiques de l’apprenant-lecteur qui relèvent de ses connaissances et compétences ; l’évènement détermine la situation ou les caractères de la tâche ; enfin, l’action se manifeste dans la manière d’atteindre l’objectif visé.

Si le but est la compréhension du texte, le niveau d’exigence des compétences langagières pour saisir le sens du texte ne doit pas être trop élevé par rapport à celui qu’a acquis l’apprenant. L’hétérogénéité de ces deux paramètres entraîne une interprétation inadéquate ou de l’incompréhension. Dans notre recherche, nous soutenons que la construction de sens dans le texte nécessite la capacité à mettre en relation les paramètres textuels et extratextuels. Nous soulignerons l’importance de la présentation du texte, de sa forme : elle nous paraît significative car elle donne au lecteur un indice préliminaire à tout traitement et fait appel au genre textuel selon la culture de la langue traitée.

Nous aborderons la conception de W. Kintsch et T.A. Van Dijk du modèle de compréhension pour expliciter notre propos. La construction de la représentation est composée de trois types de traitement d’un texte : celui de la surface, de la base du texte et du modèle de situation. Le premier et le deuxième s’intègrent explicitement dans le domaine linguistique, le troisième s’inscrit plus dans la dimension extralinguistique. Lors de la construction de la sémantique textuelle, ces trois niveaux ne sont pas dissociables car ils doivent être activés les uns après les autres.

La surface concerne l’organisation des mots par les règles syntaxiques : cet enchaînement linéaire engendre le traitement de la base du texte que cible la sémantique. La base du texte se divise en microstructure et macrostructure, dont le référent sera intégré à la mémoire de travail pour être ensuite activé lors du traitement au troisième type, celui du modèle de la situation. Nous illustrerons ainsi les opérations qui concernent la compréhension d’un texte :

Figure 12 : Traitement du texte

Le traitement de la surface et de la base rappellent la conception de J.- F. Richard sur la construction des représentations-outils qui interagissent pour établir la compréhension. Le traitement du modèle de la situation vise particulièrement les opérations cognitives afin de relier toutes les représentations en fonction de leur relation, dont la corrélation peut être à la fois explicite et implicite. Dans le deuxième cas, le lecteur doit effectuer son jugement en se référant à ses connaissances préalables mais aussi aux expériences vécues dans son environnement.

Après le traitement de la surface, de la base du texte et du modèle de la situation, le lecteur est capable de reformuler les informations relevées dans le texte sous forme de propositions sémantiques, reliées entre elles de diverses manières, sous forme de schéma. Pour les psychologues du langage, ces propositions sont des outils méthodologiques pertinents pour évaluer la compréhension et la mémorisation des textes. La signification d’une phrase simple peut être représentée par une proposition complexe : un prédicat (des termes relationnels comme des verbes, des adjectifs, des adverbes) associé à des arguments (des noms), des circonstants de temps, de lieu et des éléments modificateurs. D’après notre hypothèse, c’est la raison pour laquelle la mesure de la compréhension par la construction des schémas de pensée111 est pertinente : différentes idées sont reformulées sous la forme de syntagmes nominaux.

111 Le genre de la prise de note est composé d’images dont la forme est arborescente, le thème traité

étant entouré par différentes idées. Tony Bussan a développé cette conception en se référant aux théories cérébrales selon lesquelles les idées peuvent se lier indéfiniment.

Surface Microstructure

Macrostructure Base

Dans notre recherche, nous mettrons l’accent, sur les opérations sémantiques portant sur la base du texte, par exemple, l’analyse des relations entre les unités linguistiques (telles que les pronoms, le système anaphorique au niveau de surface), ce qui permettra de comprendre le sens du paragraphe qui est, à son tour, actualisé au cours du traitement de l’ensemble de texte.

Le texte est donc découpé en segments correspondants à plusieurs propositions pour le traitement de la base. Deux niveaux subdivisés sont sollicités, la microtructure (le niveau local) et la macrostructure (le niveau global). Malgré l’organisation linéaire des propositions, leur relation demeure non-linéaire : la sémantique de chaque segment produit par le traitement de la microstructure est employée à la construction du réseau des relations directement dérivées du texte. Dans tous les cas, le premier niveau subdivisé précède le deuxième : le résultat de son traitement produit les unités interprétatives pour l’autre.

L’ouvrage de P. Coirier, D. Gaonac’h et J.-M. Passerault112 témoigne de la pertinence du traitement propositionnel et en donne deux raisons.

D’une part, le sens du texte est structuré hiérarchiquement et non linéairement, comme le suggérerait sa forme et il faut par conséquent se détacher de la forme au niveau sémantique.

D’autre part, le contenu conceptuel émerge pour être stocké dans la mémoire de travail. Les informations transmises y sont conservées selon le degré de leur importance ; les propositions de niveau plus élevé sont probablement mieux mémorisées et reconnues dans les étapes suivantes.

Nous aborderons maintenant le traitement de la base qui est subdivisée en micro- et macrostructure. Ce type de traitement s’appuie notamment sur la sémantique de l’unité en question, cependant, le calcul de la syntaxe est également nécessaire car chaque unité doit s’enchaîner en respectant les règles grammaticales. Ces dernières sont significatives lors de l’interprétation textuelle : le lecteur doit donc prendre en compte leur rôle pendant le traitement.

112 P. Coirier et al., op. cit. : 16-17.

4.2.1. Microstructure

Une phrase engendre deux phases d’opérations au niveau local : sémantique et syntaxique, qui participent à la description du monde réel. Le traitement sémantique s’appuie sur l’organisation des unités significatives liées hiérarchiquement selon l’importance que leur donne l’auteur. Autrement dit, il s’agit de l’agencement du concept présenté par les unités linguistiques dans un contexte précis. La seconde phase, syntaxique, concerne la continuité et la progression référentielles entre les mots et les phrases. Cette opération exige l’observation des moyens servant à expliciter des relations entre les unités, par exemple les marqueurs de connexité (la logique ; la sémantique discursive : conjonction, adverbe, syntagme prépositionnel, etc.), les chaînes de référence (les relations anaphoriques, les expressions supposant un savoir partagé entre les interlocuteurs), les progressions thématiques (le style personnel, les normes conventionnelles, etc.). Le résultat sera intégré aux connaissances en mémoire de travail et sera activé lors du traitement de la macrostructure.

4.2.2. Macrostructure

Le traitement de la macrostructure du texte porte sur une série de propositions qui s’enchaînent sémantiquement, de manière hiérarchique. À ce niveau plus global, les indices textuels des opérations sont les titres, les sous-titres, le thème de la première phrase, le contexte, etc. Pour ce qui est des facteurs extralinguistiques, le lecteur doit recourir aux connaissances générales déjà acquises pour construire le sens des propositions.

D’après T. A. Van Dijk, les macrorègles permettent d’élaborer la macrostructure par la réduction ou par l’organisation des propositions. Cet auteur introduit quatre règles : les deux premières portent sur l’abandon de certaines informations, les deux autres généralisent les informations que l’auteur veut transmettre. La première macrorègle consiste à supprimer les propositions dont les informations ne sont pas pertinentes : la deuxième macrorègle concerne, de même, la suppression de propositions mais d’une manière plus rigoureuse : malgré leur pertinence au niveau local, les informations non nécessaires à l’interprétation globale

sont alors éliminées. La troisième macrorègle vise à remplacer certaines propositions par d’autres, selon leurs traits communs, qui sont plus générales : cette règle remplace donc les micropropositions qui présentent les particularités du contenu par une macroproposition. Enfin, la quatrième macrorègle se distingue de la précédente par la relation entre les parties du texte comme la cause, la conséquence, le but, etc.

Selon T. A. Van Dijk et W. Kintsch, la macrostructure est caractérisée par sa nature récursive concernant la hiérarchisation de l’importance du contenu. Une fois la macroproposition établie, les macrorègles s’appliquent à nouveau pour différencier la position du contenu : le niveau le plus élevé est ainsi le résumé synthétique du texte.

Ces traitements micro- et macrostructuraux s’intègrent aux dimensions de

texture et de structure. La texture porte sur les relations de cohésion qui s’expriment,

par exemple, par des catégories linguistiques comme les pronoms, les articles, les adjectifs possessifs, etc. Cela exige un processus d’interprétation des indices du contexte précis pour comprendre le contenu. La dimension structurale nécessite le traitement textuel au niveau supérieur à celui des phrases (les paragraphes par exemple). Parallèlement, concernant les compétences linguistiques, le sujet-lecteur doit mobiliser ses connaissances thématiques dans le domaine traité pour décider d’une valeur sémantique.

Il est possible que les réseaux sémantiques dans un texte donné soient incohérents. Dans ce cas, le lecteur complète des « trous sémantiques » en ajoutant des « nœuds » ; il établit en effet d’autres connexions à partir de ses propres connaissances et expériences. C’est la raison pour laquelle ce niveau de traitement nécessite l’intervention des connaissances préalables du lecteur, qui résultent de ses apprentissages et de ses expériences.

Enfin, nous souhaiterions attirer l’attention sur la notion de schémas prototypiques que propose J.-M. Adam en adoptant celle de superstructure de T.A. Van Dijk113 qui la conçoit ainsi :

113 Cité par J.-M. Adam, 2005 :14.

« Les superstructures sont des structures globales qui ressemblent à un schéma. À la différence des macrostructures, elles ne déterminent pas un « contenu » global, mais plutôt la « forme globale » d’un discours. Cette forme est définie, comme en syntaxe, en termes de catégories schématiques. »

La construction des superstructures est également de nature hiérarchique. Grâce à une distinction plus fine, ce type de structure peut permettre au lecteur d’introduire des stratégies de compréhension mais aussi d’orienter la manière de les contrôler. Contrairement aux deux niveaux précédents qui touchent plus particulièrement aux dimensions linguistiques, la superstructure en inclut aussi d’autres comme les connaissances pragmatiques et les connaissances du monde, etc.