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Lecture-compréhension

5. Conceptualisation de la situation ou d’un domaine de situations

4.3. Indices du traitement du texte

4.3.4. Paramètres linguistiques

4.3.4.3. Différents traitements de l’anaphore

Selon G. Kleiber, la validation des expressions anaphoriques s’effectue par deux phénomènes, le phénomène textuel et le phénomène mémoriel131. Pour cet auteur, le traitement cognitif aide à reconnaître la référence de l’expression référentielle. Les opérations ne visent qu’à trouver un référent qui est immédiatement accessible : c’est- à-dire que lorsqu’il rencontre une expression anaphorique, le lecteur peut se rappeler de la représentation du référent structurée dans sa mémoire de travail. De notre point de vue, le traitement de l’anaphore est perçu comme une opération de calcul textuel qui nécessite parfois le recours aux paramètres extratextuels. L’accès immédiat au référent nous paraît ainsi difficile car les lecteurs doivent construire et ensuite valider leurs hypothèses avant d’assigner un référent à une expression anaphorique.

Nous soutenons que les traitements impliquent des interactions entre le lecteur lui-même, l’expression anaphorique et des contraintes sémantiques. Donc le phénomène mémoriel seul ne nous semble pas pertinent à la validation de l’expression

130 G. Kleiber, 1994 : 30.

anaphorique puisque les opérations interprétatives peuvent porter sur n’importe quel évènement extralinguistique.

En outre, la notion de coréférence doit être examinée au cours du traitement de l’expression anaphorique. Selon J. Gardes-Tamine132 :

« On n’assimilera donc pas l’anaphore et la coréférence, même si l’anaphore peut parfois établir une coréférence, qui n’est qu’une conséquence de certaines configurations, mais ne constitue absolument pas un trait général et définitoire. »

Cet auteur donne l’exemple suivant qui explique la non-coréférence entre le référent et l’anaphorique : « J’ai acheté des gâteaux pour le dessert. Jacques en a mangé deux ». L’anaphorique « en … deux » ne reprend pas le même objet que celui désigné par l’antécédent. En interprétant ces deux phrases, nous savons que Jacques a mangé seulement une partie des gâteaux auxquels il est fait référence : l’expression anaphorique n’est donc pas équivalente à l’antécédent. Le processus de mise en rapport entre l’antécédent, la référence et le référent entraîne ainsi des difficultés de compréhension du texte pour les apprenants. Toutefois, ces différences sont très subtiles, et d’après nous elles pourraient être accessibles aux apprenants-lecteurs du niveau expérimenté mais nous pensons que nos enquêtés ne sont pas assez sensibles à cette divergence et ne s’interrogent pas suffisamment sur ces relations : d’où notre intérêt porté à la capacité à reconnaître la relation entre des unités de langue et plus particulièrement celle de l’expression anaphorique et référentielle.

Il est en outre important d’étudier différents types de contextes pour deux raisons : en premier lieu, préciser le type de contexte permet de trouver les indices qui donnent le domaine de la validation d’expressions anaphoriques : en second lieu, en Thaïlande, il est peu fréquent que l’enseignant différencie les types de contextes lors des pratiques interprétatoires. Grâce à l’étude de la reformulation des apprenants, nous nous sommes rendu compte que l’emploi du terme « contexte » seul est trop vague et cette imprécision le vide de son sens et lorsque les enquêtés justifient d’avoir trouvé des indices interprétatifs dans le contexte, il ne s’agit souvent que de la répétition du discours de l’enseignant. Nous supposons donc que dans certaines situations, il est

possible que les apprenants ne sachent pas ce à quoi renvoie la notion de contexte qu’ils ont mentionnée.

Dans le présent travail, nous différencions trois types de contexte dans les opérations interprétatives de l’anaphore :

● le contexte immédiat : il s’agit des unités linguistiques immédiatement attachées à l’anaphorique. Nous le nommons le « cotexte ».

● le contexte textuel : ce type de contexte renvoie au contenu sémantique à un niveau plus global. Dans le cas où le cotexte ne permet pas la validation de l’anaphorique, le lecteur doit se référer aux informations situées plus loin dans le texte afin d’assigner un référent à l’expression traitée.

● le contexte situationnel : certains parcours d’interprétation font appel, par exemple, à la connaissance socioculturelle, à la connaissance préalable du monde en rapport avec le sujet en question, à la connaissance spécifique des concepts abordés dans le texte, etc.

Pour montrer les différentes sortes de contexte, citons un exemple de C. Blanche-Benveniste133 rapportant une partie d’une conversation à la banque (le contexte situationnel) :

« On 1 le renvoie comme ça et puis on 2 nous le renvoie comme ça. »

Si nous décomposons cet énoncé, nous obtenons deux phrases simples relativement identiques. Grâce au cotexte « nous », dans la deuxième partie de la phrase, on ne peut pas se substituer à nous, ce qui peut être le cas du premier on.

Après avoir expliqué le système anaphorique, nous définirons à présent la notion d’anaphore. L’anaphorique est un terme qui n’a de référent que par sa mise en relation à un terme qui, lui, possède un référent. Pour notre travail, nous prendrons en compte l’anaphore au sens strict, dont la valeur référentielle est déterminée par la reconnaissance de la relation entre l’anaphorique et l’expression référentielle dans un contexte intratextuel. Il s’agit, par exemple, des pronoms il(s)/elle(s) dont l’antécédent précède souvent l’anaphorique. Le déictique fait également partie de ce

type d’anaphore : la construction d’un référent doit, en effet, se réaliser dans une situation d’énonciation.

Quant à l’anaphore au sens large, nous nous référons à l’expression nominale on, qui peut être déictique dans « On y va ! », ou non déictique, comme dans « On m’a dit que …. ». Nous nous intéresserons particulièrement au deuxième cas qui conduit le récepteur à recourir notamment au contexte extratextuel, ce qui nous semble problématique pour la compréhension des apprenants thaïlandais. Assigner un référent à on implique une capacité à identifier le domaine de validation qui est, pour nous, une conjonction de paramètres tels qu’une marque de lieu, de temps, etc.

Étant donné que les opérations dynamiques du calcul interprétatif des anaphoriques sont complexes, nous nous proposons dans la partie ci-après de mettre en relief les conditions d’emploi des anaphoriques présents dans nos textes qui entrent en jeu dans les opérations d’interprétation.