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Lecture-compréhension

5. Conceptualisation de la situation ou d’un domaine de situations

4.4. Étude de cas

4.4.2. Expression nominale ON

Traditionnellement, on est également classé comme un pronom, plus précisément comme un pronom indéfini, mais nous préférons le concevoir comme une expression nominale, car on peut faire référence non seulement à un nom mais aussi à un syntagme nominal interprété dans tout type de contexte. Nous le dissocions par conséquent des autres pronoms personnels.

En effet, on a un référent, il n’est pas au sens strict dans une relation anaphorique (à la différence de il/elle, etc.). Cependant, l’assignation de la référence repose sur le domaine de validation associé : contexte ou situation.

L’emploi de on est particulier : sa forme est toujours invariable mais son interprétation est très hétérogène. Si la forme ne permet pas la compréhension, le lecteur doit se référer à d’autres paramètres pour saisir le sens. F. Atlani139 illustre l’hétérogénéité de on :

« Le caméléon se joue de ceux qui l’observent en s’identifiant à ce qui l’entoure. En revanche, on est trompe l’œil parce qu’il contraint son environnement à obéir à ses propres règles. »

Selon le même auteur, on peut se substituer à toute la catégorie des pronoms sauf il : « On, c’est nous, moi qui vous parle et vous qui m’écoutez ; c’est tout le monde et n’importe qui, sauf il » 140.

Cette hétérogénéité nous conduit à étudier plus en détail son fonctionnement. Vu que on peut se substituer à presque toutes les personnes, sa valeur sémantique est polysémique donc génératrice d’ambiguïté : le lecteur doit alors trouver un potentiel d’identification qui pose divers problèmes141. Du point de vue morphosyntaxique, on se comporte comme un pronom sujet de la troisième personne du singulier (accord du verbe), on est associable à des pronoms ou des possessifs singulier ou pluriel, de la première ou de la troisième personne : soi, se, son, ses, nos, etc. Sur le plan de la sémantique, on peut désigner une ou plusieurs personnes tout en gardant une valeur indéfinie. Cependant, lors de l’interprétation, le lecteur doit éliminer tous les possibles afin de détermine le mieux possible le référent.

R. Eluerd142 repère deux origines à l’indétermination : d’une part, l’indéfinition est réelle parce que le référent ne peut pas être directement identifié. On est donc perçu comme un nominal de sens variable ; d’autre part, l’indéfinition est volontaire car le locuteur veut masquer le référent. Ce pronom se conduit comme un substitut qui peut remplacer les référents de toutes les personnes.

Étant donné sa particularité, la validation de la valeur sémantique de on commande des opérations interprétatives complexes, qui nous conduisent à émettre une hypothèse sur nos enquêtés. Ces derniers peuvent normalement comprendre le contenu global du texte mais si nous ciblons l’analyse de termes relationnels comme on, une incompréhension peut naître. En effet, ce type d’unités linguistiques vise la mise en relation des éléments textuels avec des termes qui sont soit intratextuels soit extratextuels. Par ailleurs, au cours du cursus d’apprentissage, les manuels utilisés ainsi que la méthodologie d’enseignement peuvent aussi être à l’origine de l’incompétence à assigner un référent à on. Il convient cependant de souligner que la

140 Ibid. : 25.

141 R. Eluerd, 2002 : 80. 142 Ibid.

flexibilité de on entraîne rarement des difficultés de compréhension pour les natifs, comme l’a remarqué C. Blanche-Benveniste143.

« À examiner les emplois de ON dans les usages les plus courants de la langue française contemporaine, il y a lieu de s’étonner de l’agilité des francophones, qui utilisent ce pronom dans des significations parfois opposées, en s’y embrouillant très rarement. »

Les activités métacognitives devraient faciliter la sélection des paramètres nécessaires aux opérations d’interprétation. À la différence des autres pronoms personnels pour lesquels les marques morphosyntaxiques offrent de solides indices pour l’expression référentielle, l’assignation d’une valeur référentielle à on oblige souvent le lecteur à calculer d’une manière plus complexe la valeur sémantique possible. En effet, pour comprendre on dans un contexte précis, le lecteur doit émettre une hypothèse sur son sens possible en prenant en compte à la fois des règles grammaticales et d’autres aspects non conventionnels qui peuvent influencer la manière d’interpréter.

4.4.2.1. Description caractéristique

D’après notre expérience d’apprenante, on est enseigné comme « un pronom personnel (sujet) indéfini », ce qui est vrai et en même temps insuffisant, après notre étude plus ciblée sur ses caractéristiques. Selon Le nouveau Petit Robert de la langue

française 2010144, on est caractérisé comme pronom qui marque l’indétermination et

peut correspondre :

● aux hommes en général, à l’homme ; ● aux gens ;

● à un plus ou moins grand nombre de personnes ; ● à une personne quelconque.

143 C. Blanche-Benveniste, op. cit. : 43.

F. Atlani145 confirme cette valeur d’indétermination :

« La forme on, quant à elle, ne suppose justement pas, pour son fonctionnement, qu’il y ait une quelconque identification. Ne référant à personne spécifiquement, il peut tout aussi bien désigner ‘tout le monde y compris moi’, ‘n’importe qui’, ‘personne’ etc. C’est ce qui lui donne ce caractère d’indéfini. »

À part la notion d’indétermination, cette explication montre une caractéristique de on : le substitut doit posséder un caractère humain. Cela peut s’expliquer par son étymologie : on vient en effet du nominatif latin homo, « l’homme ». Hors de tout contexte, nous ne pouvons retenir que deux propriétés de on : la fonction de sujet du verbe et la propriété du référent d’être « humain ».

4.4.2.2. Sémantique de ON

Avant d’analyser les opérations interprétatives, nous présenterons un schéma qui permet une approche globale du traitement de on.

Figure 13 : Opérations interprétatives de on

Dans un contexte précis, on assigne un référent dans le monde réel mais la validation de cette unité linguistique commande l’activité d’interprétation ou calcul textuel. Souvent, les éléments cotextuels ne permettent pas l’actualisation du sens. Le lecteur doit ainsi fait appel au contexte textuel et/ou situationnel. Nous soutenons que on est une expression nominale interprétable, ses propriétés étant à relever dans le contexte. Cependant, la propriété intrinsèque (être humain) peut donner à un certain degré, le domaine de la validation mais elle n’est pas suffisante pour déterminer le référent. En réalité, le lecteur doit examiner si cet être humain est remplacé par un pronom personne (ex. je/tu) ou non personne (ex. ils/elles), dans le sens employé par Benveniste. Le premier cas implique le contexte discursif, pour le second, seul le contexte textuel peut orienter la façon de valider le sens de on.

Selon G. Kleiber, les opérations d’identification de l’antécédent et d’assignation du référent visé ne relèvent pas seulement de traitements linguistiques mais aussi de compétences pragmatiques. Dans certains cas, les seuls éléments textuels

ON

Propriétés intrinsèques : Sujet grammatical / Humain

Autres propriétés dépendant du contexte

intra-et/ou extratextuel

Domaine de la validation : cotexte, contexte, situation

Opérations interprétatives

ne suffisent pas aux opérations interprétatives de l’expression anaphorique, le lecteur doit se référer au contexte extratextuel pour valider la valeur sémantique des unités traitées. Il faut donc savoir enchaîner les relations entre l’expression anaphorique et l’expression référentielle. Si l’expression anaphorique possède un antécédent textuel, son traitement paraît moins complexe. En son absence, le lecteur doit mobiliser davantage ses compétences pragmatiques pour trouver la référence substitutive. G. Kleiber appelle cette approche « pragma-sémantique référentielle » et l’explique dans son ouvrage Anaphore et pronom comme :

« une approche qui accorde aussi bien une place à la sémantique qu’à la pragmatique dans le fonctionnement des marqueurs référentiels et qui ne se coupe pas de la dimension cognitive. »146

Nous partageons ce point de vue et nous le concevons comme un sous-domaine de la métacognition. Des activités métacognitives peuvent être évaluées à partir de la reformulation de la compréhension du texte, ce qui nous permettra de mesurer la capacité à préciser les interrelations entre des unités de langues.

Nous présenterons maintenant l’analyse de la validation de on dans différents types de contextes : cotexte, contexte textuel et contexte situationnel. Les exemples ci- dessous sont tirés de l’article de F. Atlani147 « On L’illusioniste » : cet auteur a analysé l’emploi de on par des journalistes. Exemplifions trois cas.