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Traduction du traité 6 (IV 8) Sur la descente de l’âme dans les corps

Chapitre 1

Souvent, m‘éveillant hors de mon corps vers moi-même et devenant extérieur aux autres choses, mais intérieur à moi-même, voyant une beauté merveilleusement grande404, [5] alors, étant confiant au plus haut point d‘avoir appartenu à un sort405 supérieur et d‘avoir actualisé la vie la meilleure, et, étant devenu une même choseavec le divin et ayant été établi en lui, en étant venu à cette activité-là en m‘étant établi au-dessus de tout le reste de l‘intelligible406

; (alors), après ce repos dans le divin, étant redescendu de l‘intellect vers le raisonnement, je ne sais encore m‘expliquer407

comment, dans le passé et maintenant, je redescends, et comment mon âme a pu se retrouver à un moment à l‘intérieur [10] d‘un corps, en étant telle qu‘elle s‘est manifestée être par elle-même, bien que résidant en un corps408.

404 ζαπκαζηὸλ ἡιίθνλ : expression qui marque l‘étonnement. Cette formulation semble s‘être forgée tardivement et apparaît rarement dans la littérature grecque. Voir Demosthène, In Timocratem, 122, 2 ; Pro

Phormione, 44, 3 et Lucien de Samosate, Quomodo historia conscribenda sit, 23, 3 ; 28, 16.

405 Μνίξαο. ARMSTRONG : belonged ; BRÉHIER : destinée ; D‘ANCONA : parte ; FLEET, part ; IGAL : porción ; LAVAUD : sort ; SANTA CRUZ/CRESPO : destino. Suivant les traductions françaises, nous croyons que Plotin emploie le terme κνίξαο non pas dans son sens neutre le plus courant (portion, part), mais dans son sens dérivé de lot, destiné ou sort assigné à chacun.

406 Suivant LAVAUD.

407 Suivant D‘ANCONA. IGAL : pregunto perplejo. ἀπνξ῵ et π῵ο sont reliés à πνιιάθηο.

408 Notre traduction s‘inspire fortement de celle proposée par Pierre Hadot : « Souvent, m‘éveillant de mon corps à moi-même, devenu extérieur à toutes les autres choses, mais intérieur à moi, voyant alors une beauté extraordinaire, ayant la certitude d'appartenir à la partie la meilleure de la réalité, exerçant l'activité propre à la vie la meilleure, étant devenu une même chose avec le divin, ayant été établi en lui, m‘étant établi moi-même au-dessus de tout autre objet d'intellection, après ce repos dans le divin, retombant de l'intellection à la raison, je me demande comment il est possible qu'une fois déjà et maintenant encore je puisse ainsi descendre et comment mon âme a-t-elle pu se trouver à l'intérieur de mon corps, si elle est telle qu'elle m'est apparue en elle-même, bien qu‘étant dans le corps ». Cf. P. HADOT, « Patristique latine », École pratique des hautes

études, Section des sciences religieuses, vol. 82, n° 78, 1969, p. 278‑296. Cette lecture respecte très

étroitement le mot à mot du texte de Plotin et nous avons tenté de bien rendre les deux suites de participes, qui sont au présent et à l‘aoriste dans le texte et que Hadot conserve, mais qui rend toutefois la lecture moins conviviale. Nous avons donc tenté de conserver la manière dont Hadot comprend le texte tout en le rendant plus agréable à lire. Plotin nous raconte un récit autobiographique et c‘est pourquoi nous recourrons au passé simple. Cf. commentaire, lignes 1 à 11.

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En effet, Héraclite, qui nous prescrit de chercher cela, à la fois en posant la nécessité des changements (réciproques) des contraires et en disant que « le chemin en haut est en bas »409, que « ce qui410 change est en repos », et qu‘« il est pénible [15] de travailler aux mêmes tâches et d‘être sous leur commandement », nous a laissé ces conjectures411

en négligeant de nous rendre claire son argumentation, peut-être parce qu‘il faut chercher en nous-même, de même qu‘il a lui aussi trouvé en cherchant.

Puis Empédocle, qui a affirmé que c‘est une loi pour les âmes qui ont commis une faute d‘être tombées ici-bas et que lui-même, devenu « un exilé des dieux », est venu412 [20] « se confier à la Discorde en furie », en a révélé autant que Pythagore et ses disciples, qui, je crois, ont parlé par énigmes413, tant à propos de ce sujet qu‘à propos de beaucoup d‘autres. Mais dans ce cas aussi, il pouvait414, à cause de la forme poétique, ne pas être clair.

Il nous reste donc le divin Platon, qui a dit nombre de belles choses à propos de l‘âme et qui s‘est exprimé en divers passages dans ses discours au sujet de son arrivée (en ce lieu) [25], de telle sorte que nous avons l‘espoir de tirer quelque chose de clair de lui415.

Que dit donc ce philosophe ?

Il apparaîtra qu‘il ne dit pas partout la même chose, de telle sorte qu‘on aurait facilement pu voir le dessein de cet homme, mais partout [dans ses discours] il a méprisé le sensible en entier et a critiqué [30] l‘association de l‘âme avec le corps. De plus, il a affirmé que l‘âme est « enchaînée »416 et ensevelie dans le corps417, et a qualifié de « grand le discours des

409 Suivant FLEET. Il s‘agit d‘une originalité influencée par la lecture du fragment complet (B 60).

410

L‘article ne se trouve pas dans le texte grec.

411

Il nous semble impossible de rendre ici εἰθάδεηλ par un verbe à l‘infinitif.

412 Ce qui signifie : la venue d‘Empédocle au monde (il est venu ici-bas).

413 Suivant LAVAUD.

414

Pour l‘emploi spécial de pareinai dans un sens impersonnel, cf. LSG, p. 813.

415 Suivant LAVAUD. Voir aussi LSG, p. 26.

416 Phédon 67 D 1.

417 LAVAUD, p. 253, note 8 voit ici une allusion au Gorgias 493 A 3, mais les deux passages ne semblent pas concorder. Comparer « ηεζάθζαη ἐλ α὎ηῶ ηὴλ ςπρὴλ » avec « η῅ο δὲ ςπρ῅ο ηνῦην ἐλ ᾧ [ζ῵κά] » dans le Gorgias. D‘ANCONA, p. 143, détecte quant à elle le verbe ζάπησ dans le Cratyle, 400 C 2 [ηεζακκέλεο]. Même si Plotin utilise le même verbe que Platon, rien n‘indique qu‘il avait sous les yeux ce dialogue précis et il ne pourrait s‘agir que d‘une coïncidence. Le terme apparaît de toute façon à plusieurs reprises dans le Phédon (115 C 3 ; D 2 ; E 3 et 7), que Plotin a assurément sous la main, puisqu‘il y réfère explicitement à plusieurs reprises dans la même section.

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Mystères »418 selon lequel on dit que l‘âme est « en prison »419 ; aussi, sa caverne, comme la grotte d‘Empédocle, expose – me semble-t-il – cet univers-ci, là où Platon dit précisément que la « délivrance des chaînes » et « l‘ascension hors de la caverne » représentent pour [35] l‘âme « le voyage vers l‘intelligible »420. Par ailleurs421, dans le Phèdre, la « perte des ailes »422 constitue la cause de son arrivée ici-bas ; en outre, des cycles transportent de nouveau dans ce monde-ci l‘âme qui était remontée, alors que des « jugements », des « tirages au sort », des fortunes et des nécessités423 en précipitent d‘autres ici-bas. [40] Même si424 dans tous ces passages, [Platon] a dénigré l‘arrivée de l‘âme auprès du corps, dans le Timée il parle au sujet de cet univers-ci et fait l‘éloge du cosmos, et il dit qu‘il s‘agit d‘un « dieu bienheureux »425, et que l‘âme a été donnée par la « bonté du démiurge »426 afin que ce monde soit intelligent427, [45] puisqu‘il fallait que celui-ci soit intelligent, et que sans l‘âme il n‘était pas capable428

de le devenir. Et c‘est donc à cette fin que l‘âme de cet univers a été envoyée en lui par le dieu, ainsi que celle de chacun de nous, dans le but que l‘univers fut parfait ; puisqu‘il fallait qu‘à l‘instar du monde intelligible, « les mêmes genres d‘êtres vivants existent aussi dans le monde sensible »429

.

418 Phédon, 62 B 2-5.

419 Phédon, 62 B 2-5.

420

Cf. l‘Allégorie de la caverne, de la République, respectivement 514 A 5, 514 C 4-5, 517 A-518 B.

421 Suivant LAVAUD. 422 En 246 C 2 et 248 C 9. 423 En 249 A 6, 249 B 1. 424 Suivant LAVAUD. 425 En 34 B 8. 426 En 29 A 3. 427 Suivant LAVAUD. 428 νἷφλ ηε : cf. LSG, p. 728. 429Timée 39E 7-10.

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Chapitre 2

De sorte qu‘il arrive, nous qui cherchons à apprendre de Platon à propos de notre âme, de nécessairement s‘attacher à ces questions et de mener une recherche de manière générale au sujet de l‘âme430, (à savoir) comment donc elle peut par nature s‘associer avec le corps ; et, à propos de la nature du monde, de quel type il faut [5] supposer431 celui dans lequel l‘âme habite, soit volontairement, soit en ayant été contrainte, soit d‘une autre façon ; et aussi, à propos du producteur, s‘il a agi correctement ou s‘il a peut-être agi comme nos âmes, lesquelles, comme elles gouvernent des corps inférieurs, devaient s‘enfoncer profondément en les pénétrant432, puisqu‘elles étaient sur le point de les dominer ; sinon, chacun aurait été dispersé et porté vers son lieu propre – alors que dans l‘univers [10] tout corps repose par nature dans le lieu qui lui est propre – ; mais en fait, les corps ont besoin d‘une providence multiple et effrénée433, étant donné que de nombreux corps étrangers leur échoient434, qu‘ils sont sans cesse maintenus dans l‘insuffisance et qu‘ils nécessitent toute sorte de secours, comme ceux-là se trouvent dans une grande difficulté435.

En revanche, ce qui [15] est parfait, autosuffisant et autarcique, et qui ne contient en lui rien de contraire à la nature, n‘a besoin que d‘une sorte de bref commandement436

; de plus, l‘âme est perpétuellement comme sa nature consent à l‘être et demeure toujours ainsi, elle-même n‘ayant ni désirs ni affection, car « il n‘y a rien qui ne s‘en éloigne ni ne s‘en

430

πεξὶ ςπρ῅ο ὅισο δεη῅ζαη : ARMSTRONG : a general enquiry about soul ; BRÉHIER : cette question sur l‘âme en général ; D‘ANCONA : l‘indagine sull‘anima in generale ; IGAL : la investigacíon acerca del alma en general ; FLEET : a search about soul in general ; LAVAUD : à ces recherches : sur l‘âme en général. Les traducteurs ont manifestement eu de la difficulté à rendre δεη῅ζαη par un verbe dans ce passage.

431

Suivant LAVAUD. Tous les autres traducteurs rattachent θχζεσο (fém.) à θφζκνπ (masc.), ce qui trahit le texte à cause de α὎ηὸλ.

432 Lavaud lit différemment le passage, di’autôn = à cause d‘eux (les corps) et ajoute « le monde » (sous-entendu) après « profondément ».

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ὀριψδνπο, qui vient qualifier « providence » et que nous rendons ici par « effrénée », est difficile à comprendre. Nous croyons que Plotin cherche à signaler que la providence s‘effectue toujours (sans frein), mais également de manière inégale et désordonnée, chaque corps ne pouvant recevoir la même destinée.

434 Plotin choisit ici très bien le terme « πξνζπίπησ », puisqu‘il est question du destin des corps. Le philosophe veut signifier qu‘une certaine providence, à savoir ces nombreux corps étrangers, arrive – tombe sur – aux corps. Sur cette acception du verbe « πξνζπίπησ », voir MAGNIEN-LACROIX, p. 1586.

435 Il s‘agit de la situation des corps qui ont besoin de la pronoia, de la gouvernance de l‘âme. Cf. Phédon, 66 B 7- C 5 et Phèdre, 246 B 4. À ce sujet, voir D‘ANCONA, p. 151).

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Suivant particulièrement LAVAUD, mais aussi tous les autres traducteurs qui ont très bien compris le sens de cette phrase. Plotin paraphrase le Timée (34 B 2 ss.)

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approche »437. C‘est pourquoi (Platon) dit encore que notre âme aussi, si elle s‘est trouvée aux côtés de cette âme parfaite, étant elle aussi rendue parfaite, « chemine dans les airs [20] et gouverne tout le cosmos438 » ; lorsqu‘elle s‘éloigne dans le but de ne pas être à l‘intérieur des corps ni être (l‘âme) de l‘un d‘eux, alors elle aussi, à l‘instar de l‘âme de l‘univers, collaborera à gouverner l‘univers avec facilité, étant donné qu‘il ne s‘agit pas d‘un mal pour l‘âme de fournir d‘une manière ou d‘une autre la [25] puissance d‘être-bien et d‘exister, parce que toute providence exercée sur la réalité inférieure n‘invalide pas le fait que le terme provident demeure dans le terme supérieur439. Il y a en effet deux sortes de soin exercé sur l‘univers : d‘une part celui de type général, qui met en ordre par un commandement en s‘appliquant de manière non-affairée440 par une autorité royale, d‘autre part celui des agents particuliers, qui produit en agissant immédiatement par lui-même, avec lequel l‘agent, [30] par son contact avec ce sur quoi il agit, remplit441 la nature du produit. Or, en affirmant que l‘âme divine gouverne toujours de cette manière le ciel dans sa totalité, puisqu‘elle est placée au-dessus [du ciel] du point de vue de sa partie supérieure et qu‘elle envoie sa puissance dernière à l‘intérieur de lui, on ne peut sans doute plus dire que le dieu se voit reprocher442 le fait de produire [35] dans un lieu inférieur ; et l‘âme ne se trouve pas privée de ce qui se conforme à la nature443, puisqu‘elle possède cela depuis l‘éternité et qu‘elle le possédera toujours, ce qui ne peut être contre sa propre nature, comme cela lui appartient toujours d‘une manière continue sans n‘avoir jamais commencé. Et en disant que les âmes des astres entretiennent avec le corps la même relation que [l‘âme de l‘univers] [40] avec l‘univers – car il place aussi leurs corps dans les révolutions de l‘âme – Platon peut aussi préserver le bonheur qui convient à ces astres. En effet, il y a deux raisons qui rendent pénible l‘association de l‘âme avec le corps, à savoir qu‘elle devient un obstacle auprès des intellections, et qu‘elle remplit l‘âme de plaisirs, [45] de

437 Timée, 33 C 6-7.

438 Cf. Phèdre, 246 C 1-3. Suivant S. Fortier (31 [V 8], 7, 34).

439

Suivant IGAL.

440 Il faut rendre apragmoni à la fin du chapitre 2 par le même terme. Voir la note de Lavaud. DUFOUR (33 [II 9], 2, 12) : sans s‘affairer ; LAVAUD : sans intervenir (l. 28), détachée (l. 53) ; FLEET : clear of the action (l. 28), uninvolved (l. 53) ; D‘ANCONA : sensa affanno (l. 28 et 53) ; ARMSTRONG : inactive (l. 28), no active (l. 53) ; J. IGAL : descansadamente [tranquillement] (l. 28), descansada (l. 53) ; BRÉHIER : qu‘il n‘exécute pas (l. 28), sans rien exécuter (l. 53) ; NARBONNE2 : non-affairée (33 [II 9], 2, 12).

441 Voir notre commentaire, lignes 26-30.

442 αἰηίαλ a ici un sens juridique (attribuer un blâme, reprocher quelque chose à quelqu‘un, être responsable de quelque chose, etc.). Cf. SLEEMAN-POLLET, p. 44.

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désirs et de douleurs ; aucune de ces deux choses ne saurait advenir à l‘âme qui n‘a pas plongé à l‘intérieur du corps, qui n‘appartient pas à un corps particulier, qui ne s‘est pas mise à être possédée par le corps, mais qui possède plutôt celui-ci, comme elle n‘a ni besoin de rien ni ne manque de rien, de telle sorte qu‘il ne remplit pas non plus l‘âme de désirs ou de craintes ; car elle ne s‘attend jamais à rien de redoutable au sujet d‘un tel corps444 [50], et qu‘aucune préoccupation lui faisant faire une inclinaison vers le bas ne l‘éloigne de sa contemplation supérieure et bienheureuse, mais elle demeure toujours auprès des intelligibles, ordonnant par sa puissance non-affairée cet univers.

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Chapitre 3

C‘est donc à propos de l‘âme humaine, dont Platon dit que dans le corps, elle éprouve toutes les souffrances et toutes les peines, parce qu‘elle se trouve dans des déraisons, des désirs, des craintes et dans tous les autres maux, pour laquelle le corps est une prison et un tombeau445, et le monde une caverne [5] et une grotte, dont il fournit une réflexion qui ne se contredit pas, s‘appuyant sur des causes de la descente qui ne sont pas les mêmes, que nous parlerons maintenant446. Eh bien ! puisque l‘Intellect universel se trouve en entier et en totalité447 dans le lieu de l‘intellection que nous appelons volontiers448 « monde intelligible », et qu‘il existe aussi les puissances intellectives et les intellects particuliers contenus en lui – [10] car il n‘est pas seul et unique, mais un et multiple – il fallait aussi qu‘il existe des âmes multiples et une âme une, et qu‘à partir de cette âme une provienne de multiples âmes différentes, comme du genre unique proviennent les espèces, les unes meilleures, les autres pires, les unes plus intelligentes, les autres moins (intelligentes) par leur activité.

De fait, là-bas dans l‘Intellect il y a d‘une part l‘Intellect, qui contient en puissance les autres choses comme un grand être vivant449, d‘autre part chaque intellect particulier est en acte [15] ce que l‘autre contient en puissance ; comme si une cité était animée et contenait d‘autres êtres animés : l‘âme de la cité est plus parfaite et plus puissante, nonobstant rien n‘empêcherait que les autres âmes soient elles aussi de la même nature. Ou encore, c‘est comme si à partir du feu universel provenait d‘une part le grand feu450, [20] d‘autre part de plus petits feux ; or, l‘essence totale est celle du feu universel, ou plutôt, elle est celle dont provient précisément l‘essence du feu universel. La fonction de l‘âme plus rationnelle est donc de penser l‘intellection, mais pas seulement de penser l‘intellection451 : car qu‘est-ce qui la différencierait encore de l‘Intellect ? En effet, ayant aussi reçu une autre

445 Voir Phédon, 66 B-E.

446 λῦλιέγσκελ, qui se trouve tout à la fin de la phrase, est lié au début du chapitre (πεξὶ δὲ η῅ο ἀλζξσπείαο ςπρ῅ο), ce qui rend la construction de la phrase difficile en français.

447

C‘est-à-dire que l‘Intellect universel [παληὸο λνῦ] se trouve dans le lieu intelligible en tant qu‘il est universel et dans la totalité de ses parties [ὅινπ ηε θαὶ παληφο].

448 Ou : précisément.

449 νἷνλ δῶνλ κέγα : cf. Timée, 30-31 et 39 E.

450

Nous lisons « feu » au neutre génitif singulier.

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caractéristique en plus du fait d‘être intelligente, l‘âme n‘est pas simplement demeurée une intelligence ; elle possède aussi une fonction, si vraiment tout ce qui se trouve parmi les intelligibles (en a une)452. Donc, en regardant [25] d‘une part vers ce qui la précède, l‘âme intellige, d‘autre part en regardant vers elle-même elle ordonne et elle administre ce qui vient après elle, et elle règne sur lui ; parce qu‘il ne serait pas possible que toute chose soit demeurée immobile dans l‘intelligible, comme quelque chose d‘autre peut également advenir à la suite, certes inférieure, mais dont l‘existence est nécessaire, s‘il est vrai [30] que ce qui vient avant existe aussi.

452 Nous lisons εἴπεξ πᾶλ, ὃ ἐὰλ ᾖ η῵λ λνεη῵λ. Cf. H.-S., Addenda ad textum, VI, p. 397. Voir aussi D‘ANCONA et ARMSTRONG.L‘espagnol et l‘italien permettent de mieux suivre l‘ordre des mots en grec. Cf. D‘ANCONA :«se è vero che tutto ciò che davvero sta fra gli intellegibili ne ha una »;IGAL :« puesto que todo cuanto pertenece al reino de los inteligibles la posee ».

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Chapitre 4

Ainsi, les âmes individuelles, en se servant de leur désir intellectuel dans leur conversion vers ce dont elles proviennent, mais possédant aussi une puissance orientée vers ce qui est ici-bas – à la manière de la lumière qui dépend du côté du haut du soleil et qui offre sans jalousie à ce qui vient après elle – [5] celles-ci demeurent sans trouble en restant auprès de l‘Âme totale dans l‘intelligible, et dans le ciel, en compagnie de l‘Âme totale, elle collabore à gouverner avec elle453, à l‘instar de ceux qui, étant associés au roi qui domine toutes choses, collabore à gouverner avec lui sans descendre non plus des lieux royaux ; de fait, ils sont alors tous ensemble dans le même lieu. [10] Mais les âmes individuelles changent, sortent de l‘Âme totale pour n‘être qu‘une partie et pour s‘appartenir à elles-mêmes, et étant pour ainsi dire fatiguées d‘être avec un autre, elles se retirent chacune vers ce qui est à elle-même. Lors donc que l‘âme fait cela pendant longtemps en fuyant la totalité et en s‘y détachant pour être à part454, et qu‘elle ne regarde plus vers l‘intelligible, étant devenue une partie, elle s‘isole, [15] s‘affaiblit, se disperse dans des préoccupations multiples et elle regarde vers une partie et, à cause de sa séparation d‘avec la totalité, elle est montée sur ce véhicule unique455, et a fui toute autre chose ; étant arrivée à cette unité-là et s‘étant tournée vers celle-ci, laquelle est frappée par toute chose et de tous côtés456, elle s‘est détachée de la totalité et gouverne le [corps] particulier avec difficulté, [20] étant aussi désormais en contact avec [le corps particulier/lui], elle prend soin des choses extérieures, est présente [au corps particulier], et elle est profondément plongée à l‘intérieur de ce corps.

453 Cf. chapitre 2, 23.

454

Suivant FLEET.

455

Ce terme fut repris par la tradition néoplatonicienne pour exprimer la façon dont le cavalier se tient juché sur le char dans le mythe du Phèdre, plus précisément en 250 C. C‘est pourquoi nous choisissons, avec Fleet, de traduire ἑλφο ηηλνο par « véhicule unique », puisque Plotin pense probablement au char du Phèdre. Platon n‘utilise toutefois pas ce verbe et on ne le rencontre qu‘à une autre reprise dans les Ennéades (15 [III 4], 6,