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Tourisme littéraire, recherches historiques et guide de voyage : la campagne et la

Chapitre 1. Villégiature et monoculture : une réaction à l’industrialisation et un terreau fertile

1.1.1 Tourisme littéraire, recherches historiques et guide de voyage : la campagne et la

La récente prospérité des années 1900 et la popularité grandissante de l’automobile, contrecoups de l’industrialisation, marquent la croissance de l’industrie touristique dorénavant accessible à un public plus large108. Basée sur la valorisation de la culture canadienne-française, la politique touristique de l’État vise donc à développer un réseau de transport permettant l’accessibilité des zones rurales auxquelles les villégiateurs accordent un intérêt croissant, dont l’île d’Orléans. Dans cette optique, nous proposons d’amorcer notre étude par l’analyse du rôle de l’insularité dans la préservation du mythe. Nous montrerons, entre autres, que la menace liée à l’ouverture du territoire interfère sur le désir de protéger son caractère, considéré comme l’essence de la culture canadienne-française. Nous suggérons ensuite de se pencher sur la construction du mythe de l’île, qu’on s’attache à décrire comme un paradis terrestre. Cette image, selon nous, se base sur l’enchevêtrement de deux principes fondamentaux dont le ciment se veut la tradition : la survivance du caractère agricole et la transmission de l’héritage foncier.

106 Étienne Berthold, Patrimoine, culture et récit : l’île d’Orléans et la place Royale de Québec, Québec, Les

Presses de l’Université Laval, 2012.

107 Raoul Blanchard, Le Québec en images, Montréal, Librairie Beauchemin limitée, 1949, p. 39-45. 108 Réjean Prévost, op.cit., p. 15.

L’insularité en péril : consolidation d’un rempart physique et symbolique

L’espace insulaire représente, à la lumière de ce que les publications touristiques révèlent, un atout non négligeable à la construction symbolique de l’île d’Orléans. La reconnaissance de ce lieu qu’on souhaite traiter indépendamment des autres régions provient majoritairement de la valeur ajoutée qu’on accorde à la ruralité depuis le début du XXe siècle. Avec l’avènement de l’ère industrielle qui se profile comme une menace, les Québécois tentent, en réaction aux bouleversements engendrés par la modernité, de protéger et cibler les remparts de leur identité culturelle. La situation géographique de l’île d’Orléans, caractérisée par un certain isolement physique, devient alors synonyme de préservation de la tradition aux yeux de la population.

Cette authenticité sera bientôt menacée par un projet majeur; relier l’île d’Orléans et Québec par une voie de communication autre que le traversier. Alors que l’idée semble se concrétiser, la population et les hauts dirigeants du gouvernement (l’opposition notamment) manifestent leurs craintes à l’égard du projet109. Malgré les contestations, le projet est approuvé le 16 juin 1931 par la Commission des bills privés de la Chambre des communes à Ottawa110. Secrétaire de la province de Québec au moment où la construction du pont est annoncée, Athanase David partage les craintes qu’il ressent à l’idée de voir l’île d’Orléans, envahie par une manne de touristes, dépossédée de son charme. Athanase David propose ainsi de créer une loi selon laquelle l’île serait traitée et considérée indépendamment des autres régions touristiques de la province, requête qui témoigne du caractère particulier de ce territoire.

Le 29 mars 1935, on annonce qu’une loi spéciale permettra à l’île d’Orléans de devenir officiellement le Jardin de la province, « le Fontainebleau de Québec »111. En vertu du projet de loi entériné par l’Assemblée législative du Québec, tous les travaux et constructions enclins à modifier le paysage de l’île doivent être soumis au Conseil du Tourisme et acceptés par celui-ci, une mesure qui freine l’urbanisme et place le territoire sous protection juridique. Il est intéressant de voir comment l’île d’Orléans, depuis l’adoption de cette loi spéciale 109 [S.n.], « La vie canadienne, La Revue Moderne, 7, mai 1931, p. 12.

110 [S.n.], « Le pont de l’île d’Orléans », Le Soleil, 16 juin 1931, p. 1.

considéré comme particulièrement par les chercheurs112, a toujours bénéficié d’un traitement particulier de la part des instances gouvernementales depuis 1935113.

Menaçant d’altérer un paysage auquel on accorde une importance renouvelée, la création d’un lien organique entre la rive nord et l’île a joué un rôle dans la survivance du mythe. Malgré la construction du pont, le Bureau du tourisme continue de sélectionner des images et des textes présentant la permanence de l’ancienneté de ce lieu de villégiature, la préservation de ses mœurs et de ses coutumes. En 1947, l’île d’Orléans est toujours présentée comme « the land that time forgot »114. Cette préservation de la tradition, on l’attribue à la population qui, protégée par son isolement, a su conserver « plus fidèlement que partout ailleurs les traditions du passé »115. Par ailleurs, les illustrations servant à présenter l’île

d’Orléans des années 1940 n’affichent aucune trace de mécanisation ni ne témoignent d’une évolution des pratiques agricoles116.

Visiblement, l’ouverture de l’île d’Orléans par une voie de communication terrestre permanente n’entache en rien, du moins dans les représentations, le mythe qui l’entoure. Au contraire, l’atteinte de l’insularité devient un moteur de développement pour la mise en place d’un dispositif unique de protection et de valorisation de l’île – tel que constaté par l’adoption d’une loi spéciale et la perpétuation des discours valorisants après 1935. Loin d’être unique, cette équation semble correspondre aux conclusions établies par d’autres chercheurs; ce que les îles perdent en insularité, elles le reprennent en mythe117. Mais comment, justement, cette permanence de l’historicité du lieu et la reconnaissance de son caractère identitaire s’articulent-elles? La première réponse à cette question se retrouve dans la valorisation de la

112 Louise Brunelle-Lavoie, « Le Québec dans une île », Continuité, 1997, p. 18.

113 À la suite de la création du ministère des Affaires culturelles en 1961, la Loi des monuments historiques est

adoptée par le Parlement en 1963. En vertu de ces nouvelles dispositions, le Service des Monuments historiques du Ministère peut accorder le statut d’arrondissement historique à un lieu jugé patrimonial. L’île d’Orléans est ensuite déclarée arrondissement historique le 11 mars 1970 et devient l’un des plus vastes territoires patrimoniaux reconnus. Voir Sylvain Lizotte (dir.) et al., Plan de conservation du site patrimonial de l’île

d’Orléans, Québec, ministère de la Culture et des Communications, 2017, p. 10.

114 Gorman Kennedy, Holiday in La province de Québec, Québec, Bureau du Tourisme, 1947 [?], p. 2. 115 [S.n.], « Un pèlerinage aux sources de la survivance française au Canada », La presse, 24 juin 1961, p. 11. 116 Suzanne Brunel, Patrimoine et paysage agricole de l’arrondissement historique de l’île d’Orléans, Québec,

Commission des biens culturels, 2006, p. 18.

vocation agricole de l’île, devenue une icône de la ruralité canadienne-française incarnant l’idéal romantique de la ruralité.

Le jardin potager du Québec : un paradis terrestre aux yeux du citadin

Dans le dernier quart du XIXe siècle et encore davantage au début du XXe, les modifications qui menacent le paysage et la tradition des campagnes entraînent dans leur sillage une vague de nouvelles représentations du monde rural ; une vision idéalisée, voire paradisiaque dans laquelle s’insère justement l’île d’Orléans118. Autrement dit, la valorisation du monde

agricole offre une carte de visite inédite aux régions et une vitrine pour les produits fermiers qui profitent de cette reconnaissance, tant interne qu’externe. Ce phénomène de glorification des campagnes inhérente à l’industrialisation et le regain d’intérêt simultané pour l’île d’Orléans, observable sous l’angle du tourisme, se manifestent également dans le milieu littéraire, académique et artistique au début des années 1900, et même au milieu du XIXe siècle. Achevée par le juge Joseph-Camille Pouliot en 1927, l’introduction de Glanures

historiques et familiales : L’Île d’Orléans rend bien compte de cette réalité :

Dans ce siècle d’évolution, de rénovation, témoin d’une course fébrile, vers un modernisme multiforme, il m’a semblé opportun de rappeler la stabilité du nom de la famille canadienne, dont les lettres de noblesse furent conquises par le soc de la charrue […]. […] En ce pèlerinage à travers les champs historiques de l’Ile d’Orléans, je me suis appliquée à réunir les souvenirs parfumés de nos origines ancestrales119.

La cohérence du discours entre ces divers milieux nous a permis de dégager avec assurance deux thématiques que nous avons effleurées et sur lesquelles se fonde l’idéal rural de l’île : l’atemporalité et l’abondance alimentaire. Alors responsable de l’extension des routes, le ministère de la Voirie publie un premier guide touristique bilingue en 1926 intitulé Voyez

Québec d’abord ! : tours de fin de semaine et itinéraires de vacances suggérés aux automobilistes. Parmi ces itinéraires de voyage conçus par le ministère de la Voirie, plus tard

aidé par le Bureau du Tourisme crée par le gouvernement en 1926, figure le tour de l’île d’Orléans. Parce qu’elle dégage un charme incontestable avec ses paysages et ses souvenirs

118 Serge Gagnon (2007), op.cit., p. 151.

historiques, l’île d’Orléans attire une foule de touristes120. En 1929, un nouvel instrument

promotionnel voit le jour, beaucoup plus complet. L’ouvrage monumental de 874 pages Sur

les routes du Québec révèle plusieurs constances avec l’ancien guide, mais ce qui retient

notre attention, c’est l’ajout de cette affirmation : « Après plus de deux siècles et demi de développement intense, l’île d’Orléans possède cette distinction unique d’avoir conservé intactes les principales caractéristiques de sa physionomie originaire121 ». À l’abri du temps, l’île d’Orléans gagne l’imaginaire des visiteurs et des résidents comme d’un lieu intemporel. Cette conception d’atemporalité subsistant dans les guides touristiques des années 1930 s’alimente notamment des images mettant en scène la vie rurale et le paysage insulaire. Adjacentes au court paragraphe sur l’île d’Orléans retrouvé dans Québec, the good road

province, des images illustrent la vie des Orléanais122 . Le choix de montrer ces photos reflète

bien l’image qu’on souhaite véhiculer : celle d’un lieu paisible, rural, où les valeurs canadiennes-françaises subsistent. Cette conception s’affirme d’autant plus avec la parution de Tours in Québec, Canada en 1931; on compare alors un passage sur l’île à un pèlerinage vers la pureté des traditions, vers un lieu, semble-t-il, exempt des mutations engendrées par la modernité123. Ce qui, en notre sens, confère au lieu une garantie d’authenticité manifeste, bien que plus ou moins exacte.

À la même époque, le folklore continue de gagner ses lettres de noblesse en tant qu’objet d’étude. Le milieu académique, également touché par les mutations sociales des années 1920- 1930, partage la crainte de voir le fait francophone en Amérique du Nord et la survivance du mode de vie des sociétés paysannes disparaître sous la domination rapide de l’industrialisation124. Animé d’un fort sentiment nationaliste, le pionnier de l’ethnologie

québécoise Marius Barbeau tente ainsi de sauvegarder l’essence de la culture canadienne-

120 Serge Gagnon (2007), op.cit., p. 157.

121 Bureau provincial du Tourisme, Sur les routes de Québec : guide du touriste, Québec, Bureau provincial du

Tourisme, 1929, p. 823-825.

122 Bureau provincial du Tourisme, Québec, the good road province, Québec, Bureau provincial du Tourisme,

1931, p. 7.

123 Bureau provincial du Tourisme, Tours in Québec, Canada, Québec, Bureau provincial du Tourisme, 1931,

p. 34-35.

française d’autrefois125 en menant des recherches sur les traditions orales, les arts, les métiers

traditionnels et les savoir-faire126. L’île d’Orléans se présente dès lors comme un terrain d’étude privilégié pour l’ethnologue, mais aussi pour certains artistes qui appuient sa mission de préservation127.

À travers l’œil des artistes tels que celui d’Horatio Walker et d’André Bieler, l’île d’Orléans est dépeinte comme un lieu mythique et romantique. Ayant déjà un penchant pour l’exécution de toile mettant en scène le mode de vie rural, Horatio Walker, anglophone d’origine américaine, investit encore davantage le caractère traditionnel et bucolique de l’île au moment où il prend conscience de l’éventuelle détérioration de la vocation agricole du territoire au début des années 1920128. Également sensible à cette dégradation causée par la

domination graduelle de la modernité urbaine pendant son court séjour à l’île entre 1927 et 1929, André Biéler prend le parti de volontairement occulter les progrès agricoles et mécaniques en privilégiant les compositions champêtres, dépourvues de tracteurs et de véhicules129. En agissant ainsi, Biéler confère à l’île d’Orléans un caractère atemporel. Cette collaboration entre le milieu artistique et académique témoigne du remarquable dynamisme de la quête identitaire des années 20-30 caractérisée par l’éloge de la ruralité, une particularité qui ne semble pas disparaître dans les décennies futures.

Ainsi, des ouvrages comme la thèse de Nora Dawson (également anglophone) sur La vie

traditionnelle à Saint-Pierre (Île d’Orléans), publiée en 1960 et dirigée par l’ethnographe

Luc Lacourcière, mettent en évidence « une certaine forme de nationalisme qui va puiser dans la culture populaire, écrite ou non »130, du monde rural. En recourant à des ouvrages plus anciens, Nora Dawson fait appel aux propos soutenus par des figures d’autorité, telle que M. J.A Godbout, pour attester de l’ancienneté du caractère agricole de l’île d’Orléans : « Le cachet de l’île est avant tout agricole. Dès les premiers temps de la colonie, l’île

125 Christine Bricault, Anne-Marie Desdouits et Dominique Sarny, op.cit., p. 27.

126 Benoît Thériault, « Les archives de Marius Barbeau : une richesse à découvrir ou à redécouvrir », Rabaska,

13, 2015, p. 227.

127 David Karle et André Charles Biéler, André Biéler : At the Crossroads of Canadian Painting, Québec,

Presses de l’Université Laval, 2004, p. 127.

128 Martin Fournier, « Île d’Orléans, patrimoine naturel », Histoire Québec, 17, 1, 2011, p. 11. 129 David Karle et André Charles Biéler, op.cit., p. 69.

d’Orléans attira vers elle les pionniers de l’agriculture canadienne à la recherche des terres fertiles131 ». Cette thématique de l’abondance végétale et alimentaire reconnue par Godbout en 1935 a été célébrée avant et après lui par différents acteurs du milieu littéraire et touristique, comme nous le verrons dans les paragraphes suivants.

Afin de respecter le cadre chronologique choisi pour notre étude, nous avons décidé de ne pas traiter des ouvrages publiés entre le XVIIe et le XVIIIe siècles, même si plusieurs d’entre eux reconnaissent déjà l’immensité des ressources du territoire. Contrairement à ses prédécesseurs Noël Bowen132 et Hubert LaRue133, dont les travaux se voient réservés à l’élite intellectuelle, Louis-Philippe Turcotte signe en 1867 une brochure à la vision inclusive intitulée Histoire de l’île d’Orléans. En s’adressant à « tous les cultivateurs »134, Turcotte fait

appel à la mémoire collective et veille à la survivance du mythe de l’île d’Orléans, qu’il insère dans une tradition agricole remontant aux débuts de la colonie. De fait, remarque-t-il, « l’Île d’Orléans a toujours été reconnue comme un des endroits les plus fertiles du Bas-Canada »135.

Bien qu’il ne parle pas encore de la fraise, l’historien Turcotte rapporte que plusieurs productions de l’île détiennent une grande renommée partout à travers le pays. Cette réputation, explique-t-il, provient du climat particulier et du sol fertile de son environnement136.

L’usage de retourner aux sources du peuplement de l’Amérique française pour inscrire la prospérité de l’île d’Orléans dans la longévité est abondamment employé par les auteurs. Naturellement, cette tendance fixe dans l’imaginaire collectif la représentation d’un paradis terrestre destiné à devenir un « lieu de délices »137, auquel la cohérence des témoignages livrés en ce sens contribue.

131 Nora Dawson, La vie traditionnelle à Saint-Pierre (île d’Orléans), Québec, Les Presses Universitaires Laval,

1960, p. 119.

132 Noël Hill Bowen, An Historical Sketch of the Isle of Orleans, Québec, The Québec Mercury, 1860. 133 Hubert LaRue, « Voyage autour de l’île d’Orléans », Les Soirées canadiennes recueil de littérature nationale

Québec, 1, 1, 1861, p. 111-173.

134 Louis-Philippe Turcotte, Histoire de l’île d’Orléans, Québec, Ateliers typographiques du Canadien, 1867,

p. 5.

135 Ibid., p. 75. 136 Ibid., p. 77.

137 Eugène Achard, Les deux bossus de l’île d’Orléans et autres contes, Montréal, Éditions Eugène Achard,

L’abbé Louis Édouard Blois rapporte que « les forêts et les bocages de l’Île fournissaient abondamment diverses espèces de fruits sauvages, qui tous sont réellement d’une saveur exquise » 138. Quant à la description de l’île de l’Orléans fournie par le juge Pouliot, cette dernière célèbre l’abondance et la prospérité du territoire insulaire. La précision des descriptions sur la prospérité maraîchère et fruitière du territoire offert par Pouliot nous livre un précieux indice sur les débuts du processus de patrimonialisation de la fraise de l’île d’Orléans. De fait, le juge Pouliot apparaît comme l’un des premiers auteurs à reconnaître la spécialisation des paroisses de l’île dans la production de denrées particulières139.

Effectivement, l’île d’Orléans connaît une popularité grandissante de ses produits spécifiques, conséquence de l’abandon progressif des cultures céréalières et de la rationalisation de l’agriculture du premier quart du XXe siècle. En 1945, Damase Potvin admet l’existence de ce changement majeur; à l’époque de Joseph Bouchette en 1815, la production de fraises n’est pas mentionnée alors qu’au temps de Potvin, on vante l’abondance de sa production qui, précise-t-on, relève d’une forme de « magie culturale »140 - expression qui bien évidemment alimente le mythe. Les observations effectuées par les ethnologues corroborent cette nouvelle réalité. En analysant la thèse de Nora Dawson, on remarque que l’étudiante s’engage également dans la caractérisation du paysage rural de l’île d’Orléans en définissant ce pour quoi on la reconnaît, c’est-à-dire la culture fruitière, dont la renommée « dépasse même les bornes de la province de Québec »141.

Reproduisant la logique du mythe diffusée par les lettres, le discours promotionnel touristique entourant la visite de l’île d’Orléans en 1929 met de l’avant « la fertilité de son sol » et l’ancienneté de son territoire, sans parler de la popularité de ses productions fruitières et maraîchères dans les marchés de Montréal et de Québec142. Si on ne mentionne pas encore

138 Louis Édouard Blois, L’Île d’Orléans : notes sur son étendue, ses premiers établissements, sa population,

les mœurs de ses habitants, ses productions…, Québec, Imprimerie générale Augustin Côté et Cie, 1895.

139 Joseph-Camille Pouliot, op.cit., p. 107.

140 Damase Potvin et Gabriel Rivard, Le Saint-Laurent et ses îles : histoire, légendes, anecdotes, description,

topographie, Québec, Éditions Garneau, 1945, p. 41.

141 Nora Dawson, op.cit., p. 123.

la réputation de la fraise, on insiste sur la beauté de ses jardins et la renommée de ses vergers143. Bien que l’alimentation ne figure toujours pas comme un attrait touristique indépendant, elle reste néanmoins un atout et un divertissement144. Quelques décennies plus tard, la végétation luxuriante et l’abondance alimentaire de l’île continuent d’évoquer un sens particulier pour la société québécoise de la deuxième moitié du siècle. Parmi les pages de la section intitulée L’Isle d’Orléans, idylle du vieux monde de la 4e édition de La Province de

Québec publiée entre 1950 et 1961, le Service du tourisme persiste à brosser le tableau d’une

« terre verdoyante, couverte de champs et de bois »145 où le cultivateur arrive à « faire rendre à la terre cent pour un »146. D’ailleurs, on ajoute que « les légumes et les fruits de l’Île

d’Orléans ont une qualité et une saveur très appréciées des gourmets »147, surtout les fraises

et les prunes.

À la lumière de nos recherches, nous arrivons à répertorier un bon nombre de surnoms collectionnés par l’île d’Orléans depuis le début du XXe siècle. Les pseudonymes lui étant attribués présentent des caractéristiques similaires renvoyant généralement à l’image d’une terre où la végétation, les fruits et les légumes poussent en abondance : « paradis terrestre148 », « corbeille de verdure »149, « émeraude du Saint-Laurent »150, « porte de verdure de la Nouvelle-France »151. Ce jardin potager, semble-t-il, renvoie à une culture dépassant largement l’unique culture fruitière : « C’est le jardin du Canada, un jardin de beauté et un jardin d’histoire, un jardin de fidélité où se cultivent les fleurs les plus vivaces du passé et de la tradition »152. Cette pérennité du passé, on l’attribue notamment à la

143 Ministère de la voirie, Voyez Québec d’abord ! : tours de fin de semaine et itinéraires de vacances suggérés

aux automobilistes. See Québec first! : week-end trips and holiday suggestions for motorists, Québec, Ministère