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Carte 8 : Régionalisation des espaces touristiques selon l’étude de Klarić de

A. Un tourisme balnéaire prépondérant

La localisation des flux touristiques a montré une très forte concentration sur le littoral, notamment sur quelques secteurs, et nous avons déjà souligné l’importance du tourisme balnéaire. Quelles sont donc, à côté, les pratiques touristiques qui lui sont liées ?

1. L’écrasante domination du tourisme balnéaire

Il s’agira, ici, d’analyser le poids et l’évolution du tourisme balnéaire et de montrer comment la diversité des pratiques balnéaires permet à la Croatie d’attirer de plus en plus de touristes.

a. Le poids du balnéaire

Cinq formes touristiques officielles ont été distinguées par le Ministère du tourisme croate : le tourisme balnéaire, le tourisme des montagnes (qu’il soit lié aux sports d’hiver, notamment sur le mont Sjleme, ou qu’il soit de randonnée ou d’escalade), le tourisme urbain de Zagreb, le tourisme thermal et les autres types de tourisme, à savoir essentiellement le tourisme de nature et le tourisme vert. Les nuitées touristiques ont ainsi

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été réparties en fonction de ces pratiques touristiques, chaque commune étant associée à une pratique majoritaire. Les communes du littoral sont ainsi associées à la seule pratique touristique balnéaire tandis que le tourisme de Zagreb est lié au tourisme d’affaires, mais aussi au tourisme urbain.

La figure n°17 représente la répartition de ces cinq groupes en fonction du nombre des seules nuitées internationales touristiques réalisées en 2008 (soit 50 625 000 nuitées).

Figure 17 : Part de chaque forme de tourisme en 2008 (% du nombre de nuitées)

(Source : Tourism in figures, 2009, p.17)

L’essentiel du tourisme international est donc réalisé par le tourisme balnéaire qui cumule plus de 48 millions de nuitées soit 96 % du total. Il s’agit donc de la forme de tourisme totalement prédominante, ne laissant, en termes d’accueil, aucune place aux autres formes.

Trois questions peuvent dès lors se poser. La première concerne les différentes pratiques liées au tourisme balnéaire : quelles sont-elles pour justifier un déséquilibre aussi écrasant ? De plus, les touristes ne viennent-ils sur le littoral que pour les plages (surtout si, nous le verrons, ces dernières sont rares - voir infra chap.5) ? Une autre question est liée à l’évolution du tourisme balnéaire dans le pays : cette suprématie du balnéaire n’est-elle que le simple héritage des périodes antérieures de développement touristique ou s’est-elle renforcée depuis la fin de la Yougoslavie ? Enfin, nous pourrons nous interroger sur les autres formes de tourisme pour savoir si le balnéaire peut favoriser leur décollage, et ce, en particulier à l’intérieur du pays ?

96% 1% 1% 0% 2% Tourisme balnéaire Tourisme de Zagreb Tourisme de montagnes Tourisme thermal

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b. L’hégémonie et l’amplification de la balnéarisation dans la Croatie nouvelle

Nous observerons, grâce à l’histogramme représenté sur la figure n°18, que l’évolution (entre 1975 et 2005) de la part des nuitées réalisées par le tourisme balnéaire par rapport à celle des autres formes de tourisme tend à prouver un certain renforcement du balnéaire, et ce bien avant la guerre de la fin de la Yougoslavie.

Figure 18 : Evolution de la répartition des nuitées entre le tourisme balnéaire et les autres

formes de tourisme sur la période de 1975 à 2005

(Source : Tourism in figures, 2009, p.14)

On constate d’abord une hégémonie classique et durable du tourisme balnéaire. En effet, le tourisme balnéaire a, quelle que soit l’année de référence, toujours représenté au minimum 80 % des nuitées. La "crise" liée à la guerre n’a donc pas modifié cette prépondérance qui s’était installée dès la période titiste, mais au contraire elle l’a amplifiée.

Alors qu’en 1975, les formes de tourisme autres que balnéaires représentaient près de 20 % des nuitées, elles constituent moins de 5 % en 2005. Rappelons, ici, que dès les années 1960, le tourisme balnéaire était la principale forme de tourisme (cf. chapitre 6 et l’ouverture, souhaitée par Tito, des littoraux yougoslaves aux touristes occidentaux). Depuis 1995, la tendance soulignée est bien celle d’un renforcement du poids du balnéaire par rapport aux autres formes : il y a donc une certaine spécialisation de l’activité touristique croate même si, en valeur absolue, on observe bien un maintien des nuitées réalisées par les autres formes de tourisme (2 820 000 nuitées en 1975 et 2 645 000 en 2005). 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005

Autres formes de tourisme Tourisme balnéaire

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2. Des pratiques « classiques » liées au tourisme balnéaire

Une fois ce poids du tourisme balnéaire souligné, nous pouvons dès lors chercher à l’expliquer par les différentes pratiques touristiques spécifiques développées sur les littoraux croates. Quelles sont donc les pratiques qui concentrent les touristes sur les littoraux croates ? Quelle est la place de la plage, celle du tourisme naturiste de plage, celle de la navigation de plaisance ou encore celle du tourisme insulaire ? Comment ces pratiques peuvent-elles expliquer le succès de la destination croate et l’amplification du tourisme balénaire, au détriment des autres formes de tourisme ?

L’analyse qui suit sera essentiellement descriptive : il ne s’agira pas, ici, de s’appuyer sur les motivations des touristes (qui seront analysées dans le chapitre 5 consacré aux facteurs explicatifs du phénomène touristique et, entre autres, à l’analyse de l’image "idéale" telle que nous l’avons précédemment décrite). Nous chercherons donc à analyser les faits, en nous intéressant aux principales pratiques touristiques classiques décrites par les géographes du tourisme.

a. Un tourisme des « 3 S »

Nos recherches sur le terrain nous ont permis de constater que les touristes se rendent en Croatie dans le but principal de pratiquer un tourisme de repos, en profitant des plages et du soleil. L’étude de la très forte saisonnalité estivale du phénomène touristique (cf. p.134) confirme cette remarque.

De fait, le tourisme en Croatie est essentiellement lié à la "pratique des 3 S" (Sea,

sand and sun). Il s’agit donc d’une destination méditerranéenne très classique dont

l’attraction résulte de son climat et de son littoral (cf. chapitre 5), caractéristiques partagées d’ailleurs avec les destinations exotiques. Dans ces conditions, les plages (notamment celles de sable fin et blanc) sont les plus appréciées. Or, il est difficile de trouver, en Croatie, le deuxième S (sand) qui légitime souvent le tourisme de masse. En effet, le pays ne compte que très peu de ces littoraux d’accumulation (cf. descriptif des côtes croates - chapitre 6) et n’a pas cherché à en créer de totalement artificielles, choix qui a, par ailleurs, été effectué par certains de ses concurrents. Ainsi, on ne trouve pas en Croatie d’artificialisation comme on en rencontre, par exemple, aux Canaries, dans la baie de Palma de Majorque aux Baléares, voire à Aqaba en Jordanie ou encore sur la côte amalfitaine ou dans la baie de Naples.

De ce fait, les touristes doivent composer avec des littoraux rocheux ou, au mieux, avec quelques plages où les galets et les petits cailloux sont la norme. Pour faire face à ce handicap certain, par rapport à d’autres destinations méditerranéennes, quelques hôtels offrent à leurs clients des plages en béton (donc une artificialisation en "miniature"), dont la surface, souvent limitée, occupe le fond d’une crique.

Du fait de l’absence de grandes étendues sableuses, voire d’estrans rocheux accessibles et pouvant permettre la baignade, les touristes se concentrent, le plus souvent sur les quelques rares plages. Pour s’isoler, le touriste doit alors accepter de s’installer dans des criques rocheuses.

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De plus, comme de nombreuses autres destinations méditerranéennes, la Croatie essaye de proposer aux touristes des activités liées à la mer. Mais, en raison visiblement du manque de place, ces dernières sont encore rares sur les plages (durant nos séjours, nous n’avons vu que très peu de clubs de plage, les bars étant toujours situés dans les villes). Les clubs de plongée sont, eux, de plus en plus nombreux. En 2005, on dénombrait ainsi une centaine de clubs enregistrés et titulaires d’une licence d’exploitation. Certains sites sous- marins de l’Adriatique sont, en effet, très attractifs grâce à leurs grottes (comme la grotte bleue sur l’île de Biševo), leurs épaves de bateaux et d’avions datant des première et seconde guerres mondiales, etc.

Au total, la Croatie ne bénéficie pas d’atouts extrêmement favorables en relation avec ses plages. Toutefois, certaines remarques peuvent être émises. Tout d’abord, elle semble profiter de la fin de ce que les sociologues ont nommé le « bronzer idiot ». Ainsi, de très nombreux touristes y séjournent en mêlant les pratiques balnéaires et culturelles (visite de villes, de monuments, etc.), y ajoutant parfoisdes activités sportives (randonnées notamment). Cette remarque nous amènera, de fait, à nous interroger sur les relations entre les pratiques balnéaires et les autres formes de tourisme. Peut-on, dès lors, considérer que ces dernières ont un développement autonome, ou sont-elles purement des annexes du tourisme balnéaire (cf. ce même chapitre partie II.B suivante) ? Ensuite, "l’absence" de plages nous amène à souligner, dès à présent, le rôle primordial de la promotion. Comment cette dernière s’y prend-elle pour effacer ce handicap, dans un marché compétitif et concurrentiel, auprès de clients attentifs à ce contenu obligé de leur séjour ?

Cependant la plage n’est pas un atout absolu : tous les touristes balnéaires ne sont pas friands de sables fins et les côtes rocheuses, naturelles et peu accessibles, peuvent devenir un avantage pour certaines pratiques, comme le naturisme de plage.

b. Le nudo-naturisme balnéaire

Bien que le naturisme ne se résume pas à une pratique purement balnéaire, il nous faut voir ici comment il s’est développé en Croatie.

Notre analyse se bornera à étudier les capacités d’accueil des centres naturistes qui sont, en Croatie, uniquement littoraux. Il s’agit, en effet, d’analyser l’existence de cette pratique touristique, fortement développée pendant la période yougoslave, même si elle est née, comme ailleurs en Europe, dès le XIXème siècle. A l’époque de la Yougoslavie socialiste, cette niche de clientèle, partagée avec quelques autres pays européens, dont notamment la France, a été exploitée pour attirer de nouvelles devises occidentales mais aussi pour montrer un certain état d’esprit "progressiste" et offrir un espace d’hospitalité à ceux qui ne pouvaient pratiquer le naturisme dans leur pays, du fait d’un judéo- christianisme exacerbé.

- b.1/ Une très forte concentration dans la péninsule istrienne

La Croatie compte, aujourd’hui, vingt centres naturistes, représentés sur la carte ci- dessous (carte n°9 p.163) qui indique leur capacité d’accueil. Au total, ils peuvent accueillir près de 46 000 personnes dans des structures qui combinent, le plus souvent, des hébergements en hôtels et en campings. Ces centres sont tous situés en bord de mer. Le

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premier constat est donc que la pratique naturiste correspond, absolument, au "nudo- naturisme balnéaire".