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DES PRATIQUES TOURISTIQUES MULTIPLES MAIS ETOUFFEES PAR LE BALNEAIRE

(Analyse des formes touristiques en Croatie)

Lors du chapitre précédent, nous avons identifié les principaux foyers émetteurs de touristes vers la Croatie. Il nous faut désormais analyser la diffusion de ces flux touristiques sur le territoire croate : le développement touristique s’effectue-t-il, en Croatie, de la même manière dans toutes les régions géographiques ? Peut-on mettre en évidence des espaces plus touristiques que d’autres ? Autrement dit, quels sont les espaces du tourisme en Croatie et quelles formes touristiques y sont visibles ?

L’analyse qui suit a donc un double but : il s’agit d’abord d’étudier les équilibres du fait touristique, puis d’essayer de comprendre quelles sont les formes et pratiques de tourisme qui se sont développées dans le pays, et d’en étudier, par ailleurs, le poids respectif. Le tourisme balnéaire doit-il être considéré comme la seule forme touristique ou peut-on considérer que d’autres ont pu, ou peuvent, se développer ?

Notre analyse sera, ici, divisée en trois temps. Dans une première partie, nous étudierons la ventilation des flux touristiques à l’intérieur du territoire croate, en dégageant les principaux espaces touristiques. Puis nous chercherons à analyser les différentes formes, ainsi que les pratiques touristiques. La seconde partie sera, ainsi, consacrée au tourisme balnéaire, et la troisième aux autres formes qui ont un certain poids. Il s’agira de savoir si l’activité touristique a réussi à se diversifier (et est alors le résultat d’un dynamisme global) ou si l’essentiel du tourisme y demeure balnéaire.

I. DES FLUX TOURISTIQUES ORIENTES VERS LES LITTORAUX

Vers où se dirigent les Européens dont nous avons noté, au chapitre précédent, qu’ils constituent l’essentiel des touristes internationaux ? Quelles sont les régions les plus touristiques de Croatie ?

A. Une forte concentration de la fréquentation touristique

Il s’agit, ici, d’étudier la répartition du phénomène touristique sur l’ensemble du territoire croate et de voir l’équilibre en fonction des différentes régions administratives (ou županije).

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La carte n°6, ci-dessous, indiquant le nombre de nuitées réalisées dans chacune d’elles (en 2007), est complétée par le tableau n°7 qui montre, pour chaque županija, la part relative qu’elle représente, tant dans la capacité d’accueil simultanée que dans le nombre total de nuitées réalisées en Croatie.

1. Un littoral touristique s’opposant à un désert intérieur

Au total, en 2008, la Croatie a cumulé 57 millions de nuitées (tourismes domestique et international inclus), réalisées dans toutes les formes d’hébergement et par des touristes nationaux et internationaux. La carte ci-dessous indique comment cette fréquentation des modes d’hébergement s’est répartie sur le sol croate.

Carte 6 : Nombre de nuitées, en 2008, par région administrative

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D’emblée, une très forte dichotomie, entre littoral et intérieur, peut être soulignée. En 2008, sur 57 millions de nuitées, plus de 54,5 millions (soit près de 96 %) sont effectuées dans l’une des sept régions littorales.

La carte n°6 fait, de plus, apparaître deux pôles majeurs pour le tourisme :

-Tout d’abord, le nord-ouest, et en particulier la péninsule istrienne, semble être le foyer où se dirige l’essentiel des flux touristiques : il cumule, à lui seul, 51 % des nuitées réalisées en 2008. Sa proximité avec les foyers émetteurs de l’Italie et de la Slovénie est un atout considérable. Il nous faudra, par la suite, comprendre comment ce premier centre du tourisme en Croatie s’est structuré, et quelles sont ses capacités d’accueil (cf. chapitre 5) ? A partir de quelle époque cet espace a-t-il été mis en valeur du point de vue touristique et quelles ont été les politiques d’aménagements touristiques qui lui ont profité (cf. chapitre 6) ?

-Les quatre régions littorales de Dalmatie (de la plus septentrionale, autour de Zadar, à la plus méridionale, vers Dubrovnik) apparaissent comme un second centre : elles cumulent, en 2008, près de 24 millions de nuitées (soit 42 % du total).

Ces deux pôles s’opposent à un vide intérieur qui commence dès la région de Karlovac et concerne quatorze régions du pays sur vingt-et-une. De ce fait, l’essentiel du territoire croate n’est donc pas touristique, puisque les flux se concentrent sur les seules régions littorales.

Cependant si les flux touristiques vers les régions de l’intérieur sont minimes, certaines accueillent quelques touristes et ne peuvent être ici négligées. Ainsi les régions les plus occidentales de l’intérieur, celles les plus proches du littoral, mais encore, dans une moindre mesure, celles de l’extrême est de la Slavonie (région d’Osijek-Baranja et de Vukovar-Simium) sont un peu plus touristiques que le "ventre mou" constitué par les régions de la plaine slavonne.

Cette très forte opposition dans la répartition de la fréquentation peut être complétée par l’étude de la répartition des nuitées.

2. La répartition des nuitées en fonction des régions administratives.

La comparaison entre le nombre de nuitées, réalisées en 2008, par chacune des régions administratives est très instructive. Le tableau n°7 (cf. p. 154) indique ainsi les valeurs absolues et les pourcentages pour chacune d’entre elles.

Avec dix-huit millions de nuitées, la seule région de l’Istrie réalise près d’une nuitée sur trois ; elle apparaît donc comme le pôle principal du tourisme en Croatie, suivie de la région du Primorje Gorski Kotar (11,2 millions de nuitées) et de la région de Split- Dalmatie (9,3 millions de nuitées).

A côté de ces trois régions principales, celles de Zadar et Dubrovnik constituent également des pôles importants avec, respectivement, 11 et 8 % des flux de touristes. Seule la ville de Zagreb, avec un million de nuitées (soit 2 % du total), peut apparaître comme un foyer secondaire de tourisme à l’intérieur du pays tandis que tout le reste du territoire n’a pas actuellement de vocation touristique vu sa fréquentation.

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Tab. 7 : Part des nuitées réalisées et de la capacité simultanée d’accueil pour chaque région en 2008

Nom de la région Nombre de nuitées réalisées (* 1 000)

Part par rapport au total des nuitées réalisées

Istrie 17 966 31,5 % L IT T O R A L Primorje-Gorski Kotar 11 263 19,7 % Split-Dalmatie 9 325 16,3 % Zadar 6 237 10,9 % Dubrovnik-Neretva 4 452 7,8 % Šibenik-Knin 3 978 7,0 % Lika Senj 1 409 2,5 % Ville de Zagreb 1 183 2,1 % IN T E R IE U R Karlovac 279 0,5 % Osijek-Baranja 189 0,3 % Krapina 187 0,3 % Varaǯdin 138 0,2 % Sisak-Moslavina 101 0,2% Vukovar-Srijem 85 0,1% Medimurje 73 0,1 % Région de Zagreb 70 0,1 % Slavonski Brod-Posavina 42 0,1 % Virotvica-Podravina 39 0,1 % Bjelovar-Bilogora 36 0,1 % Koprivnica-Krizevci 33 0,1 % Poǯega-Slavonija 17 0,02% TOTAL 57 103 100 %

Recomposé à partir de Tourism in figures, 2009.

En somme, si on peut opposer au vide touristique intérieur les régions littorales plus fréquentées, il n’en reste pas moins que trois d’entre elles semblent cumuler l’essentiel des flux touristiques. Ceux-ci sont donc très fortement concentrés (avec un double système, l’un centré sur l’Istrie, l’autre sur la Dalmatie). Ce phénomène peut être affiné grâce aux calculs de la fonction touristique et de la densité touristique de chacune des régions.

B. Une pression touristique diversifiée selon les régions géographiques

Il serait, en effet, erroné de considérer que toutes les régions littorales croates ont un poids équivalent dans le tourisme. Pour mieux souligner ces différences, l’indice de fonction touristique peut être utilisé. Il est défini comme le rapport entre le nombre d’arrivées de touristes internationaux (en 2008) et la masse de population permanente dans chaque région. Il permet de voir la "pression" touristique sur chacune d’entre elles. La carte n°7 (cf. p.155) confirme d’abord les oppositions (littoral/intérieur) déjà notées, mais elle montre également de grandes différences entre régions du littoral.

Ainsi, sur la base d’une année civile, la carte indique que toutes les régions du littoral reçoivent plus de touristes qu’elles ne comptent d’habitants et, de ce fait, la fonction touristique y est supérieure à un. Au contraire, toutes les régions de l’intérieur ont une fonction touristique inférieure ou égale à un. Il faut noter ici, que la ville de Zagreb est

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"désavantagée" par un tel mode de calcul, car elle est la plus grande ville du pays, avec 780 000 habitants environ.