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Titre Ier – Un droit international du développement effectif

Le droit international du développement est un droit régulateur des rapports d’assistance entre États riches et États pauvres. Il est constitué de règles exorbitantes du droit international public général visant à la résorption des « inégalités de développement »1 entre États. Ainsi, le

droit international du développement se nourrit de normes correctrices prétendant résoudre la difficile équation entre l’égalité souveraine des États, en droit, et l’inégalité de développement des États, en fait. Dans cette entreprise, dont le juriste ne peut ignorer la rudesse, il n’est pas surprenant que la « doctrine du développement », écartelée entre un droit objectif hégémonique et un droit subjectif revendicatif, n’ait pas réussi, tout au long du 20ème siècle, à

s’émanciper d’un « cadre sclérosant où s’enlisent des discussions stériles »2.

Longtemps prisonnier d’une dualité juridique des sources, l’une fixée à la doctrine du libéralisme économique, l’autre figée dans une idéologie humaniste, le droit international du développement s’inscrira dans de nouvelles perspectives offertes par le phénomène de mondialisation. Au lendemain de la chute du Mur de Berlin et de l’effondrement du modèle soviétique, il devient « urgent de se libérer des formules creuses, des affirmations dogmatiques, pour se tourner vers les conséquences pratiques des principes »3 attachés à la

question du développement. Jusqu’ici « conçus de façon purement formelle »4, les principes

servant à la résorption des inégalités de développement seront repensés à la lumière d’un nouvel ordre économique mondial. Globalisée, la matière économique revêt une nouvelle dimension spatiale et l’interdépendance économique, jusqu’ici réfutée par les États industrialisés en tant qu’elle emporte satisfaction de l’exigence de solidarité revendiquée par les « États de la périphérie »5, est aujourd’hui avérée. Cette nouvelle donne doctrinale offre

une occasion neuve de dépasser les divergences endémiques en matière de développement.

1 VIRALLY M., « Vers un droit international du développement », Annuaire fr. dr. int., Vol. 11, n°11, 1965, p. 7 :

« L’inégalité de développement entre les États ne résulte pas d’un jugement de valeur. Elle est d’abord un fait, qui n’a pas manqué d’exercer son influence sur l’évolution du droit depuis vingt ans, nous l’avons dit, mais s’est heurté aussi à des refus de changements et à des résistances institutionnelles ». Sur cette inégalité de fait, V. également : FLORY M., Droit international du développement, Coll. « Thémis – Droit », P.U.F., Paris, 1977, p 14 et 16.

2 PELLET A., Le droit international du développement, Coll. « Que sais-je ? », n°1731, P.U.F., Paris, 1978, p. 79. 3 VIRALLY M., op. cit., p. 10.

4 VIRALLY M., op. cit., p. 6 et 7.

5 PELLET A., Le droit international du développement, Coll. « Que sais-je ? », n°1731, 2ème éd., P.U.F., Paris, 1987, p. 65.

Ces qualifications employées par l’auteur font référence à la répartition géoéconomique entre pays riches dits du

centre et pays pauvres dits de la périphérie. Cette catégorisation servira de base à la formulation de l’expression « pays

L’adoption de la Déclaration du Millénaire pour le Développement sera la traduction de ce volontarisme affiché par la communauté internationale des États.

Adoptée par 189 chefs d’États le 8 septembre 2000, la Déclaration du Millénaire pour le Développement a vocation à établir le « cadre d’une stratégie [de Développement] à long terme »1. Elle est le résultat d’une réflexion globale sur les stratégies qu’il convient de déployer

dans la sphère internationale pour régler la délicate question des inégalités de développement entre États. Ainsi, la communauté internationale des États est résolue à repenser les principes inhérents au droit international du développement « de façon très concrète, en les confrontant avec les problèmes réels que soulève leur mise en œuvre. Le temps paraît donc venu, au moment où les problèmes du Développement sont attaqués dans toute leur ampleur par l’Organisation des Nations Unies, de mettre un peu d’ordre dans les créations de la pratique, de prendre un peu de hauteur pour en faire la synthèse et la critique, de les raccrocher aux principes dont ils devraient constituer l’application, de jeter enfin les bases d’un véritable droit international du développement »2.

Tels sont les commandements qu’il conviendra de respecter dans ce premier titre par l’exploration des axes juridiques en vigueur avant et à partir de ce texte source. Un premier travail de synthèse permettra de clarifier les principaux instruments et autres procédés de coopération interétatique établis par la communauté internationale des États et dont elle usera tout au long du 20ème siècle pour pallier l’inégalité de développement entre pays riches et pays

pauvres. Par suite, et devant l’échec de ces instruments et de ces procédés, il sera nécessaire de s’interroger sur les évolutions juridiques suscitées par l’adoption de la Résolution onusienne de 2000. Dès lors, il s’agira de répondre à une première série de questions relatives à l’effectivité du nouveau cadre international de coopération posé par la Déclaration. A-t-elle eu pour effet de « raccrocher [les problèmes de développement à des] principes dont ils devraient constituer l’application »3 ? Dans l’affirmative, quels sont ces principes sur lesquels reposent

les politiques contemporaines visant à résorber les inégalités de développement ? Sont-ils seulement susceptibles « de jeter enfin les bases d’un véritable droit international du développement libéré des intérêts [politico-économiques] étroitement conçus »4 ?

1 RUCZ C., « Organisation des Nations Unies (ONU) – Coopération pour le développement », J -Cl DI, Cote

05.1999, Fasc. 123, avril 1999.p. 12.

2 VIRALLY M., op. cit., p. 7. 3 VIRALLY M., loc. cit. 4 VIRALLY M., loc. cit.

Autrement formulée, peut-on voir dans ces principes, plus exactement dans leurs effets, le siège d’un droit international du développement effectif ? (Chapitre 1er).

Par suite, il conviendra d’examiner les conséquences pratiques de la mise en œuvre de ces principes en tant que, potentiellement, ils fondent les nouvelles règles de droit international gouvernant les rapports d’assistance entre États. Pour ce faire, le champ de recherche théorique sera limité aux règles juridiques applicables à « la coopération [interétatique] réalisée à l’aide de fonds publics »1. Sur le plan pratique, ce type de coopération sera envisagé par l’étude de

textes conventionnels bilatéraux signés entre la France et deux de ses pays voisins. Il sera alors possible d’exposer comment le droit international du développement est appelé à se (re)construire sur la base d’une architecture normative inédite à la faveur d’un nouveau concept de « Partenariat Mondial pour le Développement » (Chapitre 2).

1 VIRALLY M., « Vers un droit international du développement », Annuaire fr. dr. int., Vol. 11, n°11, 1965, p. 12 : La

coopération interétatique « revêt trois formes biens différentes, suivant qu’elle se réalise sur une base bilatérale, dans le cadre d’une organisation internationale (universelle ou régionale […], ou par l’intermédiaire d’un groupe d’États constitué ad hoc ("d’un club") ». On peut citer comme exemple d’un groupe d’États constitué ad hoc en matière de développement la Conférence du Bretton Woods. En matière économique et financière, il est question aujourd’hui des G8/G20.