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a – Une obligation source de crispations politiques

En matière d’aide au développement, l’idée même d’adhésion de l’opinion publique3 aux

politiques nationales de développement séduit en même temps qu’elle est source potentielle de crispation et d’incompréhension entre les États.

1 Note du Secrétariat du 3ème Forum de Haut Niveau sur l’efficacité de l’aide, loc. cit. 2 Note du Secrétariat du 3ème Forum de Haut Niveau sur l’efficacité de l’aide, Ibid., §1er.

3 Sur l’emploi de l’expression « opinion publique internationale », V. notamment : BATISTELLA D. et al.,

Dictionnaire des relations internationales, Dalloz-Sirey, Paris, août 2012, p. 405 et s.

Question majeure réactualisée par le phénomène de globalisation, le couple « opinion publique internationale et médias » surgit sur la scène mondiale sous une forme « internationaliste » que les politologues, sociologues et économistes s’attachent à façonner. Bien évidemment et sous couvert d’une actualité diplomatique brûlante, il serait faux de considérer la nouveauté de la notion d’une opinion publique internationale en même temps qu’il serait difficile aujourd’hui d’en nier l’existence même. Ainsi, sur le plan strictement institutionnel, la notion même de société des nations apparaît comme la clé de voûte du droit international public contemporain ; plus récemment, de nouvelles formes de citoyens font leur apparition, soit que ces derniers bénéficient d’un réel statut régional, soit que certains, composante de cette opinion publique internationale, prétendent à un statut mondial

Sans qu’il soit nécessaire de disserter sur l’aspect éminemment politique de cet impératif d’adhésion, on mesure aisément l’incompréhension qui peut surgir entre deux États qui, bien que coopérants, n’entretiennent pas les mêmes rapports avec leur société civile respective. Cette distorsion est patente en matière de coopération interétatique pour le développement et peut se révéler à deux égards. Premièrement, ce concept d’adhésion suscite la méfiance des États aidés dès lors qu’il se construit sur le modèle « démocratique » des pays industrialisés qui, idéalement1, suppose l’adhésion de l’opinion publique aux politiques menées par l’État. Si

l’on ajoute à cela qu’habituellement cet impératif d’adhésion conditionne (peu ou prou) le décaissement de l’aide sur la base de laquelle l’État aidé doit construire (au moins en partie) sa stratégie nationale de développement, il n’est pas surprenant qu’en matière de coopération interétatique cet impératif d’adhésion soit perçu par ce dernier comme au moins intrusif, au plus porteur d’une forme d’ingérence.

Quoi qu’il en soit de cette lecture, somme toute plus politique que juridique, les limites d’un tel concept2 sont depuis longtemps posées et force est de constater qu’il n’a jamais fait naître, à lui

seul, une quelconque obligation imposée au pays aidé de rechercher l’adhésion de son opinion publique à la politique de développement qu’il entend mener. Deuxièmement et sur le plan juridique, le malaise reste entier. En effet, touchant de très près à la souveraineté des États, l’appréciation juridique de cet impératif soulève une question sensible qui peine à trouver une solution alors même que les données du problème sont récurrentes. En effet, le principe de l’adhésion de l’opinion publique se heurte à la règle internationale de consentement à l’aide selon laquelle l’État aidé en est l’unique récipiendaire. Cette règle vise à interdire toute

(les « Alters-citoyens »). Il n’est pas question toutefois d’analyser le statut et les attributs des organisations internationales représentatives des États nations, étude qui serait sans objet ici (OIT, OMS). Cela étant précisé, il apparaît que sur le plan juridique, ces organisations jouissent d’un réel statut et, à ce titre, participent activement à la définition des politiques mondiales. Sans prétendre en faire l’inventaire, elles peuvent être classées fonction de leur domaine d’intervention et sont régulièrement invitées aux Sommets mondiaux dédiés à leur cause. En matière d’Aide Publique au Développement (APD), seuls le statut et les missions de ce qu’il convient d’appeler les Organisations non gouvernementales représentatives des populations des États coopérants intéressent les présents développements. Cela étant précisé, il apparaît que sur le plan juridique, ces organisations jouissent d’un réel statut et participent activement à la définition des politiques mondiales. Sans prétendre en faire l’inventaire, elles peuvent être classées fonction de leur domaine d’intervention et sont régulièrement invitées aux Sommets mondiaux et autres assises nationales dédiés à leur cause. En droit international, le principe même de l’adhésion et même de la participation active des OSC est acquis.

1 Autrement posée, les systèmes des États industrialisés d’Europe doivent être appréciés sous l’angle non pas de leur

développement mais de leur redressement. Plus concrètement, il est question de la participation de leur société civile aux politiques d’austérité conduites actuellement en Europe.

2 V. dans ce sens : BATISTELLA D. et al., Dictionnaire des relations internationales, Dalloz-Sirey, Paris, août 2012,

p. 9. L’auteur évoque des « concepts-valise » en référence au « Développement durable » et à la « bonne gouvernance ».

tentative d’ingérence de la part du pays donneur qui, détournant l’appareil gouvernemental de son partenaire, allouerait directement son aide à une frange de sa société civile.

On comprend alors aisément que cette exigence d’adhésion de l’opinion publique du pays partenaire peut être perçue par ce dernier comme un facteur potentiel d’immixtion. Considérant que l’approbation ou non par sa société civile de la stratégie nationale de développement qu’il entend mener relève exclusivement de sa politique interne, resurgit alors l’argument de « souveraineté ». Dans ce sens, les effets des dispositions de la Déclaration de Paris en matière de responsabilité mutuelle sont révélateurs de ce malaise.