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b – Un mode de coopération potentiellement partenarial

Le modèle de coopération franco-marocain est, au contraire du modèle franco-algérien, potentiellement partenarial dès lors qu’en l’espèce il n’est pas question de principes généraux incantatoires, mais bien de principes directeurs issus d’un Traité-cadre qu’il s’agit d’appliquer au titre « d’engagements de partenariat ». Cette appréciation va par ailleurs dans le sens des dispositions de la Déclaration de Paris par lesquelles « les États participants s’engagent fermement à réformer [leurs] modalités d’acheminement et de gestion de l’aide dans la

1 Document-cadre de partenariat, signé à Rabat en mars 2006, art. 3.1 : l’Education, le secteur productif, les

infrastructures de base et l’eau et assainissement.

2 Document-cadre de partenariat, signé à Rabat en mars 2006, art. 3.1.

3 Document-cadre de partenariat, signé à Rabat en mars 2006, art. 4.2.1. : l’Education, le secteur productif, les

infrastructures de base et l’eau et assainissement La Gouvernance ; art. 4.2.2. : la diversité culturelle ; art. 4.2.3 : la francophonie et l’enseignement du français ; art. 4.2.4. : le Co-développement et la coopération sud-sud (Art. 4.2.4).

perspective [de mettre en œuvre] la Déclaration du millénaire et [de satisfaire aux] objectifs du millénaire pour le développement (OMD) »1. En l’occurrence, il est regrettable qu’il ne soit pas

fait référence explicite au 8ème d’entre eux.

Sur la base de ces développements et en synthèse, l’adoption par les États Membres de l’ONU de la Déclaration du Millénaire, en tant que source principale du droit international du développement, commande à ces Derniers de fonder leurs rapports bilatéraux d’assistance dans le but, a minima, de satisfaire les Objectifs du Millénaire pour le Développement. Ce faisant, les conventions bilatérales signées à cet effet entre deux États coopérants ont vocation à mettre en œuvre une coopération de type institutionnelle et, par là, régissent une relation bilatérale conçue en vue d’atteindre des objectifs communs sur la base d’engagements internationaux respectifs. En conséquence et sans être exclu du système conventionnel étudié, ce type de conventions bilatérales – comme la formule de coopération institutionnelle qu’elles induisent – ne suffit pas à caractériser un « partenariat ».

Plus avant et a maxima, la participation des États Membres de l’ONU à la Déclaration de Paris, en tant que Traité-cadre présupposé, commande à ces Derniers de fonder leurs rapports bilatéraux d’assistance dans le but de satisfaire le 8ème OMD portant « établissement d’un

Partenariat mondial pour le développement ». Ce faisant, les conventions bilatérales signées à cet effet ont vocation à mettre en œuvre une formule de coopération potentiellement partenariale qui s’entend d’une relation bilatérale conçue en vue d’atteindre un objectif commun sur la base d’engagements internationaux réciproques. En conséquence, ce type de conventions bilatérales, en tant qu’accords séparés au sens de la définition du Traité-cadre, fait partie intégrante d’un cadre normatif construit à partir duquel lesdites conventions pourraient être qualifiées de « conventions-cadres ».

Toutefois, pour confirmer cette perspective, il reste encore à caractériser ce rattachement des deux ensembles conventionnels considérés par l’étude de la Convention de partenariat franco- marocaine dès lors que la France, comme le Royaume du Maroc, adhèrent aux principes posés par la Déclaration de Paris.

1 Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement, Paris (France), 2 mars 2005, Section I – Exposé des

Section 2. – Un système conventionnel structuré visant à la formation d’un

partenariat

Au sens de la définition posée par A. –C. KISS, la technique du Traité-cadre n’exclut pas la possibilité que les principes qu’il énonce soient « mis en œuvre par des accords ne réunissant qu’une partie des contractants, voire simplement [par] des accords bilatéraux »1. L’auteur

considère ensuite que ces « accords bilatéraux, [destinés à mettre en œuvre] les principes du traité principal sont des documents ayant pour but, non pas de fixer des règles de fond, mais d’établir un cadre institutionnel produisant de telles règles »2. A. –C. KISS ajoute enfin que tout

l’intérêt du rattachement qu’il s’agit d’établir à présent réside essentiellement dans le fait que « les détails [du Traité-cadre] sont apportés par d’autres textes conventionnels [qui, par définition, lui sont reliés] »3. Ainsi donc, ces textes conventionnels peuvent, à l’instar de

l’ensemble des Conventions de Partenariat signées par la France avec chacun de ses partenaires, « être négociés séparément et n’engageront pas nécessairement tous les États parties [au Traité-cadre considéré] »4. Dans le contexte franco-marocain, les États « s’engagent

fermement à réformer [leurs] modalités d’acheminement et de gestion de l’aide dans la perspective [de mettre en œuvre] la Déclaration du millénaire et des [OMD] »5. Partant, il

convient de vérifier si l’État marocain et l’État français respectent leurs engagements réciproques de réformer leurs rapports bilatéraux d’assistance par l’application des principes directeurs énoncés par le Traité-cadre. Pour ce faire, doit être envisagée la réception des principes d’appropriation et d’alignement (§1) et de gestion de l’aide axée sur les résultats et de responsabilité mutuelle des résultats atteints (§2) par la Convention de Partenariat franco- marocain et les textes qui lui sont associés.

1 KISS A. –C., « Les traités-cadre : une technique juridique caractéristique du droit international de l’environnement »,

Annuaire fr. dr. int., Vol. 39, n°39, 1993, p. 795.

2 CARON D. –D., « La protection de la couche d’ozone stratosphérique et la structure de l’activité normative

internationale en matière d’environnement », Annuaire fr. dr. int., Vol. 36, n°36, p. 707 in KISS A. –C., « Les traités- cadre : une technique juridique caractéristique du droit international de l’environnement », Annuaire fr. dr. int., Vol. 39, n°39, 1993, p. 793.

3 KISS A. –C., loc. cit. 4 KISS A. –C., op. cit., p. 795.

5 Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement, Paris (France), 2 mars 2005, Section I – Exposé des

§1. – L’applicabilité des principes d’appropriation et d’alignement à la relation

bilatérale franco-marocaine

Dans un premier temps, il sera établi le niveau d’appropriation de l’aide française par le Royaume du Maroc (I) avant de vérifier, dans un second temps, que la France fait effectivement reposer son aide sur les systèmes nationaux marocains au titre du principe d’alignement (II).

I. – L’appropriation de l’aide française par son Partenaire marocain

Le principe d’appropriation emporte l’idée que le pays partenaire, en l’espèce le Royaume du Maroc, maîtrise l’affectation de l’aide que le donneur lui consent. Pour mémoire, il faut rappeler qu’en droit international cette affectation était jusqu’à présent réservée au pays donneur, dès lors que cette liberté dans l’affectation de son aide était l’une des garantie nécessaire à son consentement. Au demeurant, la France souscrit pleinement au principe d’appropriation « de l’aide par le bénéficiaire »1. C’est le DCP-Maroc, en tant qu’instrument de

cadrage pluriannuel, qui a vocation à garantir « une meilleure prévisibilité et une meilleure appropriation de l’aide par les pays partenaires »2. A cet effet, ce document-cadre « est établi

sur la base des priorités exprimées par [les politiques nationales de son] Partenaire »3 et met en

œuvre la stratégie nationale de développement adoptée par ce dernier. Partant et au titre du principe d’appropriation, qu’en est-il des effets de telles dispositions sur les relations bilatérales franco-marocaines ?

Le texte conventionnel franco-marocain ne fait pas mention explicite du principe d’appropriation, pas plus d’ailleurs que le DCP-Maroc4. Il n’en demeure pas moins que l’article

3.1 du DCP rappelle le « cadre de la coopération » et plus précisément la stratégie nationale de développement adoptée par l’État partenaire, laquelle pour le Royaume du Maroc s’intitule « Initiative Nationale pour le Développement Humain ». L’article 3.2 précise que « la finalité et [les] objectifs prioritaires du Partenariat visent à l’articulation de la stratégie d’intervention française avec les priorités du Maroc ». La Partie française accompagne ainsi « les grandes

1 Direction Générale de la Coopération Internationale et du Développement (DgCiD), Rapport sur l’efficacité de

l’aide un an après la Déclaration de Paris - Enjeux nationaux, européens et multilatéraux et rôle du réseau de coopération, (Direction des politiques de Développement), Les Notes du jeudi, n° 53, mars 2006, p. 2.

2 Direction Générale de la Coopération Internationale et du Développement (DgCiD), loc. cit. 3 Direction Générale de la Coopération Internationale et du Développement (DgCiD), loc. cit. 4 Document-cadre de partenariat, signé à Rabat en mars 2006.

politiques choisies par le gouvernement marocain en vue d’instaurer une Economie stable et efficace, une cohésion sociale et un développement respectueux de l’environnement »1. Dans le

même sens, l’article 4 du DCP-Maroc porte sur la définition de quatre secteurs de concentration dont le choix « s’explique d’une part par les besoins prioritaires exprimés par la partie marocaine, et d’autre part, par la valeur ajoutée apportée par la partie française »2. Il

apparaît donc que ces secteurs de concentration sont bien définis par la Partie marocaine, la France se contentant d’apporter une « valeur ajoutée ». L’article 5 est plus explicite encore et dispose que « le Partenariat franco-marocain s’inscrit dans les priorités définies par le discours du trône de juillet 2004, qui présente les priorités [de développement] du Maroc [à cinq ans] ». Sur la base de ces dispositions, il apparaît que, conformément à ses caractéristiques, le DCP- Maroc est l’instrument juridique servant à la transposition du principe d’appropriation à la relation bilatérale franco-marocaine. Dans ce sens, le Royaume du Maroc définit sa propre stratégie nationale de développement (l’INDH), la France n’ayant quant à elle qu’un rôle de soutien dans la définition de cette stratégie et y apporte – tout au plus – une valeur ajoutée. Toutefois, lors de l’examen du principe d’appropriation, la France se réservait le droit de définir unilatéralement des secteurs transversaux d’intervention supplémentaires. Or, pour mémoire, cette définition apparaissait comme une exception au principe d’appropriation qui attribue l’exercice de cette compétence au seul pays partenaire. Or, il convient de ne pas préjuger de cet état de fait dès lors que la définition unilatérale de secteurs transversaux additionnels par la Partie française semble contribuer à l’exécution de ses engagements au titre du principe d’alignement.

II. – L’alignement de l’aide française sur les systèmes nationaux marocains

Le principe d’alignement emporte l’idée que le pays partenaire, en l’espèce le Royaume du Maroc, maîtrise l’exécution de l’aide que le donneur lui consent, tandis qu’en droit international cette maîtrise était jusqu’à présent réservée au pays donneur dès lors qu’elle était de nature à garantir son consentement. En l’espèce, la France, traditionnellement, confie

1 En matière d’Economie stable et efficace et entre autres objectifs directs du Partenariat maroco-français définis à

l’art. 3.2, les Parties s’engagent à mettre en œuvre « des politiques de mises à niveau ». L’une d’entre elles consistant « à la recherche d’une meilleure gouvernance administrative et judiciaire détaillées comme suit : Soutien aux réformes structurelles, appui aux réformes de l’administration publique, valorisation des ressources humaines et modernisation du tissu industriel. ».

l’exercice de cette compétence à son opérateur historique, l’Agence Française de Développement (AFD).

De fait, qu’en est-il de cette pratique française dès lors que le principe d’alignement commande aux pouvoirs publics d’utiliser les systèmes nationaux de leur partenaire ? Partant, l’on sait qu’en contrepartie de cette obligation, pèse sur l’Etat partenaire l’obligation de renforcer ses capacités et, en conséquence, de réformer ses systèmes, de renforcer ses institutions et ses procédures de gestion de l’aide qu’il reçoit en vue d’en garantir l’efficacité (A) et de rendre compte des progrès qu’il aura accomplis en la matière (B).