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B – Une coopération intergouvernementale franco-marocaine à la faveur d’un partenariat renforcé

L’article 29 de la Convention franco-marocaine dispose qu’elle est conclue pour « une durée illimitée ». Partant de cette disposition et alors même que dans le cadre du partenariat franco- algérien, les actions engagées peuvent perdurer au-delà de la dénonciation de la convention censé les fonder3, il semble difficile d’admettre que les projets franco-marocains puissent

perdurer au-delà d’une limite que les Parties franco-marocaines ne fixent pas. Est-ce à dire que la pérennité du partenariat au sens des engagements fixés par la Déclaration de Paris permet (voire commande) l’établissement d’un « Partenariat » sans limite de durée ? A cette question, il convient de répondre par l’affirmative sur la base d’un second point de différenciation. En effet, pour pallier les difficultés que peut poser le choix d’une formule de coopération interétatique sans limite de durée, les Parties franco-marocaines prévoient que les projets engagées dans le cadre de leur partenariat ne peuvent pas être remis en cause « à moins [qu’Elles] n’en décident autrement d’un commun accord »4. En comparaison, dans le contexte

franco-algérien, c’est le partenariat lui-même qui, potentiellement, peut s’éteindre dès lors que sa reconduction tacite est constamment conditionnée par la décision contraire des Parties. Alors que, dans le contexte franco-marocain, les Parties décident expressément de mettre leur partenariat à l’abri d’une telle éventualité dès lors que ce sont les projets de coopération qui peuvent être remis en cause d’un commun accord et non le partenariat lui-même. Dans ce sens, la Convention franco-marocaine « peut être révisée d’un commun accord et à la demande de

1 Convention de Partenariat pour la coopération culturelle et le développement entre le Gouvernement de la

République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc (ensemble deux annexes et deux protocoles) signée à Rabat le 25 juillet 2003, art. 29.

2 Convention de Partenariat franco-marocaine, op. cit., art. 29.

3 La Convention franco-algérienne doit être reconduite tous les dix ans. 4 Convention de Partenariat franco-marocaine, op. cit., art. 29.

l’une ou l’autre des Parties »1. De fait, sous réserve d’un désaccord diplomatique profond2

(susceptible de remettre en cause les relations diplomatiques entre États français et marocain au-delà de leurs rapports d’assistance), soit les projets envisagés et mis en œuvre dans le cadre de leur partenariat sont annulés d’un commun accord, soit (et c’est la seule possibilité que semblent aménager les Parties) la convention bilatérale de partenariat sera révisée pour éviter l’annulation des projets en question.

En synthèse, cette dernière interprétation est de nature à asseoir l’idée d’une convention bilatérale franco-marocaine établissant un « Partenariat renforcé » caractéristique en matière d’Aide Publique au Développement (APD). En effet, le Partenariat au sens du 8ème OMD, à

minima, commande aux États d’organiser leurs rapports d’assistance à long terme en vue de la

réalisation de cet objectif posé par les institutions onusiennes3. Partant, le Partenariat au sens

du 8ème OMD, a maxima, offre la possibilité aux Etats d’organiser leurs rapports d’assistance sur

la base d’engagements de partenariat sans limite de durée. Un tel partenariat est qualifié de « partenariat renforcé » fondé à se réaliser sur la base de principes directeurs du droit international du développement et constitutif d’un organe dûment habilité par les Parties à en assurer le respect. Ce faisant, cet organe, fort d’une compétence de contrôle, est caractéristique de l’exercice en commun de fonctions supérieures attachées à la direction stratégique dudit « partenariat renforcé ». Au demeurant, la reconnaissance d’une telle compétence de contrôle à un organe intergouvernemental de partenariat pose la présomption d’une co-maîtrise de l’aide.

Section 2. – La présomption d’une co-maîtrise de l’aide

Affirmer qu’en tant qu’instrument juridique du droit international du développement, le « partenariat renforcé » emporte la constitution d’un organe intergouvernemental en charge de sa direction stratégique conduit à supposer que les États Parties investis dans un tel modèle de coopération consentent à organiser leurs rapports d’assistance sur la base d’un principe de co- maîtrise de l’aide. Une hypothèse similaire a été formulée en conclusion de l’étude des engagements de Partenariat fixés par la Déclaration de Paris en tant qu’ils emportent l’application de principes directeurs visant à la réformation des règles interétatiques de

1 Convention de Partenariat franco-marocaine, loc. cit.

2 Convention de Partenariat franco-marocaine, op. cit., art. 30 : « Tout différend relatif à l’interprétation ou à

l’application de […] la convention est réglée par voie de négociation diplomatique. ».

consentement à l’aide. Du fait de la réception de ces principes internationaux par une convention bilatérale de partenariat s’est également dessinée l’idée d’une gestion commune de l’aide. En l’occurrence, cette motion de cogestion était recevable dans le contexte franco- marocain, sur le plan organique, avec la création du COPP et les attributions qui sont les siennes. Par ailleurs, l’idée d’une cogestion apparaît comme un critère juridique susceptible d’assoir un modèle de co-maîtrise et, par là, une coopération proprement intergouvernementale.

Toutefois, sur ce principe de co-maîtrise et cette idée de cogestion de l’aide, une précision s’impose. En effet, l’affirmation d’un principe de co-maîtrise de l’aide dépasse la simple notion de cogestion de l’aide dès lors que la co-maîtrise renvoie à l’exercice des fonctions supérieures attachées à la définition même des moyens alloués à l’aide. Ainsi, la notion de cogestion serait à regarder comme l’un des critères susceptibles de confirmer le principe de co-maîtrise de l’aide. Partant, l’on peut se demander si au-delà de la création d’un organe intergouvernemental par lequel des États parties à une convention bilatérale de partenariat consentent à cogérer l’aide, ces Derniers ne définissent-ils pas ensemble, au titre du principe de co-maîtrise, le volume d’aide alloué à leur partenariat ? Et, dans l’affirmative, sur la base de quel critère ?

Toute prospective qu’elle y paraisse, cette question de la définition des moyens alloués à l’aide est fondamentale en droit international du développement dès lors qu’elle conduit à s’interroger sur la compétence des États bailleurs quant à la définition du volume de l’aide qu’ils s’engagent à verser à leurs Partenaires.

Pour répondre à ce présupposé d’un critère juridique visant à asseoir le principe d’une co- maîtrise de l’aide, seront d’abord étudiées les règles du droit international du développement portant définition par les États du volume de l’aide et, ainsi, sera appréciée la compétence respective de ces derniers en la matière (§1).

Ensuite, sera recherché un critère juridique, au côté de celui de la cogestion, susceptible de caractériser un principe de co-maîtrise de l’aide (§2). Au demeurant, c’est la convention bilatérale franco-marocaine qui fera l’objet de cet examen dès lors qu’elle est à l’origine de ces interrogations.

§1. – Les modalités de définition des moyens assignés à l’aide publique au

développement

L’étude des modalités de définition des moyens assignés à l’aide doit s’entendre des moyens humains, matériels et financiers mis à disposition par un État bailleur au bénéfice d’un État récipiendaire. Toutefois, l’Aide Publique au Développement (APD) est la composante centrale du nouveau Partenariat Mondial au sens du 8ème OMD.

Dès lors, la question du volume de l’aide se rattache nécessairement à la question de la souveraineté de l’État bailleur (I). Ainsi, s’il existe en droit international du développement un principe coutumier de « partage des charges », celui-ci est insuffisant pour régler la problématique que pose la définition du volume d’Aide Publique au Développement (APD) assignée à un Partenariat bilatéral dit « renforcé » (II).