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TIRER LES CONCLUSIONS DU FIASCO DE L’ÉCOTAXE

Dans le document RAPPORT FAIT (Page 152-156)

1. De l’abandon de l’écotaxe…

La taxe nationale poids lourds, dite « écotaxe », a été introduite aux articles 269 à 283 quinquies du code des douanes par la loi de finances pour 2009 après l’unanimité du Grenelle de l’environnement. Elle s’appuyait sur un exemple similaire, datant de 2006 : la taxe poids lourds alsacienne, créée en réaction à la mise en place d’une taxe kilométrique en Allemagne, la LKW Maut, à l’origine d’un report significatif de trafic sur le réseau routier alsacien.

Sa création poursuivait trois objectifs :

- un objectif environnemental en imposant un signal prix au transport routier de marchandises ;

- un objectif de rationalisation du transport routier ;

- un objectif de rentabilité afin de financer les infrastructures nécessaires à la mise en œuvre d’une politique de transports durables.

L’écotaxe était supposée générer une recette brute annuelle de 1,1 milliard d’euros.

Elle devait s’appliquer aux poids lourds dont le poids total autorisé en charge (PTAC) est supérieur à 3,5 tonnes et comprenait des exonérations visant les véhicules d’intérêt général prioritaires, les véhicules appartenant à l’Etat ou à une collectivité territoriale, les véhicules affectés à l’entretien et à l’exploitation des routes, les véhicules agricoles, les véhicules à citerne utilisés pour la collecte du lait dans les fermes ainsi que les véhicules militaires. En outre, les régions Bretagne, Aquitaine et Midi-Pyrénées ont obtenu un abattement de 30 % de cette taxe en raison de leur périphéricité, abattement porté à 50 % pour la Bretagne dans la loi du 28 mai 2013 portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transport.

Cette dernière a également assorti l’écotaxe d’un mécanisme de majoration automatique des prix des prestations de transport, afin de répercuter sur les chargeurs et non sur les transporteurs le surcoût engendré par cette taxe.

Afin d’assurer la collecte de l’écotaxe, l’Etat a signé le 20 octobre 2011 un contrat de partenariat (21 mois de déploiement et 11,5 années d’exploitation) avec Ecomouv’, société privée détenue à 70 % par l’entreprise Autostrade per l’Italia, à 11 % par Thalès, à 10 % par la SNCF, à 6 % par SFR et à 3 % par Steria.

Les chiffres-clés de l’écotaxe

Redevables : 800 000 véhicules, dont 250 000 véhicules étrangers

Réseau taxable : 10 000 kilomètres de réseau national non concédé et 5 000 kilomètres de routes locales

Taux moyen : 13 centimes d’euro par kilomètre

Barème : défini en fonction du nombre d’essieux du véhicule, du PTAC et de sa classe d’émission EURO

Répartition du produit attendu : 700 à 760 millions d’euros pour l’AFITF (Agence de financement des infrastructures de transport de France), 230 millions d’euros pour Ecomouv’ et les sociétés habilitées de télépéage (SHT), 160 millions d’euros pour les collectivités territoriales et 50 millions d’euros de TVA pour l’Etat.

Alors qu’elle devait entrer en vigueur au 20 juillet 2013, l’écotaxe a une première fois été reportée au 1er octobre 2013 en raison de difficultés techniques de mise en œuvre, puis une deuxième fois au 1er janvier 2014, avant d’être définitivement suspendue par le Premier ministre le 29 octobre 2013, après un mouvement de contestation.

2. …à l’abandon du péage de transit poids lourds

L’annonce de la suspension de l’écotaxe a suscité la création d’une commission d’enquête au Sénat, présidée par Mme Marie-Hélène des Esgaulx et dont la rapporteure était Mme Virginie Klès, ainsi que la création d’une mission d’information à l’Assemblée nationale, présidée par Jean-Paul Chanteguet.

Au Sénat, la commission d’enquête s’est penchée « sur les modalités du montage juridique et financier et l’environnement du contrat retenu in fine pour la mise en œuvre de l’écotaxe poids lourds ». Elle a conclu que le contrat de partenariat avait été « dûment autorisé par le Conseil d’Etat saisi dans les formes prévues » et que « la consultation proprement dite conduisant au choix du prestataire in fine s’est déroulée dans le respect de l’égalité de traitement des candidats » et avait appelé l’Etat à « sortir rapidement de l’impasse en redéfinissant avec Ecomouv’ le périmètre de l’opération et les responsabilités réciproques de l’Etat et de son mandataire, tout en trouvant un nécessaire accord financier ».

La mission d’information de l’Assemblée nationale avait quant à elle formulé un certain nombre de propositions afin de permettre une mise en œuvre effective de la taxe, qu’elle souhaitait notamment renommer

« éco-redevance poids lourds », et dont elle suggérait d’accentuer la modulation des taux afin de renforcer la prise en compte du principe

« pollueur-payeur ».

L’article 16 de la loi de finances rectificative du 8 août 2014 a transformé l’écotaxe en un « péage de transit poids lourds », dont les redevables restent les mêmes, la collecte toujours assurée par Ecomouv’ mais dont le réseau taxable est considérablement réduit.

Les chiffres clés du péage de transit poids lourds

Réseau taxable : 3 800 kilomètres de réseau national non concédé et 200 kilomètres de routes locales susceptibles de connaître un report de trafic

Produit attendu : 550 millions d’euros bruts (dont il faut soustraire la rémunération du prestataire).

Entrée en vigueur définitive prévue : 1er janvier 2015 après une expérimentation qui était envisagée à compter du 1er octobre 2014.

Alors que c’était le cas dans le dispositif de l’écotaxe, il n’est plus fait ici de distinction entre les camions étrangers, qui n’étaient obligés de s’équiper d’un boîtier électronique que s’ils devaient emprunter le réseau taxable, et les camions immatriculés en France qui devaient obligatoirement disposer d’un tel boîtier même s’ils n’avaient pas vocation à circuler sur le réseau taxable. Le dispositif du péage de transit poids lourds prévoit une obligation de boîtier uniquement pour les poids lourds empruntant le réseau taxable, quelle que soit leur nationalité.

Le Gouvernement a annoncé la « suspension sine die » du péage de transit poids lourds le 9 octobre 2014, confirmée par la résiliation du contrat signé avec Ecomouv’ avant le 1er novembre 2014.

3. Les conséquences catastrophiques de la « saga » de l’écotaxe Comme l’a relevé le rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2015 de la commission du développement durable, « la résiliation du contrat signé avec écomouv’ traduit l’abandon définitif de cette fiscalité écologique par le Gouvernement, sans aucune consultation du Parlement » et il a d’ailleurs pointé le fait que les dispositions du code des douanes qui en déterminent les modalités n’ont toujours pas été abrogées.

Le rapport met également en avant les lourdes conséquences sur le financement des infrastructures de transport.

En effet, l’abandon de la taxe poids lourds entraîne une indemnisation par l’Etat de la société Ecomouv’, aujourd’hui évaluée à 839 millions d’euros, mais également un manque à gagner de l’ordre de 700 à 760 millions d’euros par an pour l’AFITF, qui n’a été compensé que par le projet de loi de finances pour 2015 (article 20) via :

- une augmentation de 2 centimes de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) applicable au carburant gazole sur les véhicules particuliers ;

- une augmentation de 4 centimes de la TICPE sur le gazole applicable aux transporteurs routiers de marchandises.

L’avis budgétaire met également en évidence les difficultés actuelles de l’AFITF, dont le budget a été considéré comme « en crise » par le président de son conseil d’administration, Philippe Duron, lors de son audition devant la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable le mardi 9 septembre 2014. Pour réaliser les seuls engagements passés de l’Etat, un budget de 2,2 milliards par an est « au minimum nécessaire ».

La résiliation du contrat avec Ecomouv’ a par ailleurs entraîné le licenciement de 200 salariés et pose également la question du devenir des infrastructures technologiques du dispositif écotaxe et des fameux

« portiques », dont le démantèlement a fait l’objet d’un appel d’offres, publié le 28 février 2015 dans le Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP), « relatif à la dépose, au transport et au stockage des dispositifs mis en place dans le cadre du projet écotaxe ». Se pose ainsi la question du coût de cette destruction ainsi que celui de la remise en état des sites concernés.

Si la résiliation du contrat avec Ecomouv’ rend irréaliste le rétablissement de l’écotaxe, la question du financement de la mobilité via la fiscalité écologique doit de nouveau être débattue par le Parlement, afin de redéfinir un système moins complexe de taxation permettant de mettre en œuvre le principe « pollueur-payeur ».

Votre commission d’enquête préconise donc de mettre à l’étude une taxe sur les émissions d’azote, de dioxyde d’azote et de particules fines.

Proposition n° 22

Engager des négociations au niveau européen pour une fiscalité commune sur les transports routiers de marchandises.

Proposition n° 23

Etudier les conditions de mise en œuvre d’une taxe

sur les émissions d’azote, d’oxydes d’azote et de particules fines.

C.MIEUX ARTICULER LES PLANS DESTINÉS À LA LUTTE CONTRE LA

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