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3. Glioblastome et cellules souches tumorales

3.6 Traitements des glioblastomes et thérapies anti CSG

3.6.3 Thérapies ciblées contre les CSG

)l s’agit ici d’une des alternatives de thérapies les plus excitantes de la dernière décade. La mise au point de composés ciblés vise certaines protéines surexprimées dans les sous populations des cancers. Les regards se tournent particulièrement vers les CSG, en les ciblant directement, ou alors indirectement via leur microenvironnement. Le ciblage direct touche généralement les voies de signalisation tumorale impliquées dans la prolifération, l’apoptose, la migration et la différenciation. Le ciblage indirect se tourne plutôt vers la matrice extracellulaire des niches des CSG, les facteurs hypoxiques ou encore les relations entretenues avec les cellules vasculaires (Binello and Germano, 2011). Même si d’autres types cellulaires sains expriment ces cibles potentielles, l’expression plus faible (comparativement à un tissu tumoral anarchique) les préserve davantage des effets secondaires dans le cas des chimiothérapies aux effets toxiques très étendus.

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Malheureusement, assez peu de thérapies ciblées existent spécifiquement contre les CSG sans qu’elles n’impactent également les SCN ou d’autres cellules normales (Diehn et al., 2009). Plusieurs cibles potentielles ont été identifiées sur la base des mécanismes de résistance, mais peu d’entre elles connaissent de véritables inhibiteurs (Kalkan, 2015).

Des stratégies ciblées sur la γ-sécrétase impliquée dans la voie de Notch, ont récemment permis de diminuer la tumorigenèse des CSG positives à CD133/nestine/BMI1 in vivo et la formation de gliomasphères in vitro (Fan et al., 2010; Wang et al., 2010). Plusieurs inhibiteurs en essais cliniques agissant sur STAT3, particulièrement importante dans le maintien des cellules souches tumorales, diminuent leur prolifération et augmentent leur apoptose, marquée par l’apparition de PARP clivée (Mukthavaram et al., 2015; Sherry et al., 2009). Par contre, l’activité de STAT demeure vitale au maintien des autres cellules souches normales et dans la réponse immunitaire de l’organisme, son ciblage en devient d’autant plus délicat (Levy and Lee, 2002). Un autre essai clinique sur le veliparib (ABT- 888), un inhibiteur des PARP 13 a prouvé son efficacité dans les cellules de GBM en général

(ce qui inclut non spécifiquement des CSG) lorsqu’il est donné en combinaison de traitements, en augmentant la sensibilité aux radio-chimiothérapies et indépendamment du statut d’expression de la MGMT et de la méthylation de son promoteur (Venere et al., 2014; Barazzuol et al., 2013; Palma et al., 2008). D’autres molécules, ciblant la voie sonic hedgehog sont régulièrement emmenées en tests cliniques et montrent divers effets sur la prolifération, la formation de sphères, l’autorenouvellement ou la croissance des tumeurs (Rimkus et al., 2016). Parmi elles, citons l’Erismodegib® (ou Sonidegib®/Odomzo®), un

inhibiteur de Smoothened (SMO) ayant une activité spécifique contre les CSG (décrites dans ce cas précis comme inhibiteur des cellules initiatrices de tumeur). La drogue montre un panel impressionnant d’activités contre les CSG in vitro, diminuant la formation de sphères, la viabilité des cellules et atteignant la fin de la voie de transduction de SHH en abaissant l’activité transcriptionnelle de GL). Parmi les autres effets toxiques pour les CSG, l’Erismodegib® active la voie des caspases qui mène les cellules à l’apoptose. Finalement,

cette molécule inhibitrice se montre également capable d’aller frapper directement à la source du maintien de la pluripotence des CSG en inhibant les facteurs de transcription Nanog, OCT4, Sox2 ou encore c-Myc (Fu et al., 2013).

13 PARP: poly-ADP-ribose polymerase. Cette enzyme catalyse le transfert de polymères d’ADP-ribose

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De manière surprenante, il semblerait que certaines drogues ayant déjà l’autorisation de mise sur le marché pour d’autres indications puissent avoir un effet insoupçonné sur les CSG. Par exemple, la prazosine, un anti-adrénergique indiqué dans l’hypertension inhibe sélectivement les cellules initiatrices de GBM et leur descendance différenciée en agissant sur AKT (Assad Kahn et al., 2016). De même, le screening de la banque de drogues Prestwick a permis de mettre en avant le bisacodyl (un agent laxatif indiqué dans les constipations passagères). Cette pro-drogue rapidement métabolisée génère un métabolite actif, le DDPM 14 qui semblerait cibler sélectivement la sous-

population quiescente des CSG, normalement très résistante aux traitements (Zeniou et al., 2015). L’effet a pour le moment été démontré par un test in vitro de dosage d’ATP sur une lignée de CSG (lignée TG1) caractérisée comme étant quiescentes. Selon les auteurs, le bisacodyl distribué dans le milieu de culture n’agit, via sa forme désacétylée que sur les formes quiescentes de GSC et pas ou très peu sur les cellules en prolifération.

Par ailleurs, le resvératrol, un antioxydant naturel retrouvé notamment dans le vin rouge participerait à bloquer la croissance des CSG sans atteindre les CSN (Sayd et al., 2014). L’effet décrit est double, diminuant la prolifération des CSG d’une part et induisant la nécrose cellulaire à forte dose. L’effet observé sur la prolifération passe en fait par la sirtuine 2 (SIRT2) 15, spécifiquement exprimée par les CSG et dont le resvératrol est un

activateur. De manière intéressante, le resvératrol apparait également comme inhibiteur de la voie des STAT3, normalement régulatrice du maintien des cellules souches (Yang et al., 2012). Dans cette étude, les auteurs greffent des CSG CD133+ dans le cerveau de souris qui subissent des séances de radiothérapie. Il a été observé que le resvératrol injecté durant ces séances augmente la sensibilité des CSG aux rayonnements ionisants et augmente la survie des animaux.

Une approche thérapeutique astucieuse fut initiée en 2010, avec la différenciation forcée des CSG en les mettant en présence d’acide rétinoïque. Le but était de faire sortir les CSG de leur statut souche, en les dirigeant vers la voie de différenciation neuronale (Campos et al., 2010). Pour aller plus loin, une petite molécule (CG500354) fut développée 4 ans plus tard, ayant pour effet in vitro et in vivo de différencier les cellules CD + en plus d’agir directement et indirectement sur les gènes suppresseurs de tumeur comme : P53, P27, P21

14 DDPM : 4,4'-dihydroxydiphenyl-2-pyridyl-méthane : Métabolite actif obtenu après lyse du bisacodyl,

également connu sous le nom de BHPM.

15 Les sirtuines font partie de la famille des histones désacétylases de classe III dépendantes du cofacteur

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et cAMP/CREB, bloquant alors la croissance tumorale (Kang et al., 2014). Par exemple, un des effets montré est une sur-activation de p53. Elle impacte le cycle cellulaire négativement en atteignant les cyclines et kinases associées, ce qui bloque les CSG en phase G0/G1. En agissant sur l’augmentation d’AMP cyclique entre autres, la molécule CG500354 est également capable de baisser le nombre de CSG positives pour nestine et d’induire la différenciation en cellules exprimant Tuj1 et GFAP dans un modèle de greffe sous cutanée de CSG dans des souris NOD/SCID. Néanmoins, les auteurs ne rapportent pas de diminution de la taille de la tumeur ou d’augmentation de la survie des souris.

La difficulté de cibler directement les CSG a donné une opportunité au développement des immunothérapies les visant. Ainsi un très grand nombre de molécules et d’anticorps ont été mis au point afin de stimuler le système immunitaire contre les cellules souches tumorales. Très souvent ces thérapies sont données en combinaison de traitement avec les chimiothérapies déjà disponibles (Esparza et al., 2015) ou en seconde ligne en cas d’échec des traitements de référence ou encore lors de récidives.

Lorsque les cellules tumorales sont en souffrance hypoxique, elles activent HIF1 dont la voie de signalisation favorise la sécrétion de facteurs pro-angiogéniques comme les protéines de la famille du VEGF, SDF-1 ou CXCR4. Les cellules endothéliales environnantes présentes dans les niches vasculaires dans lesquelles siègent les CSG vont alors réagir en formant des cellules leader, dites « tip cell » et enclencher une nouvelle vague d’angiogenèse (Hardee and Zagzag, 2012b). La tumeur elle-même va mettre en œuvre ses propres moyens de formation de vaisseaux sanguins parmi lesquels le phénomène de transdifférenciation des CSG (cf. paragraphe 3.4.1.3).