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2. Les cellules souches neurales

2.3 Les cellules souches dans les niches neurogéniques

2.3.2 Les niches neurogéniques adultes

Comme décrit dans les paragraphes précédents, deux niches neurogéniques émergent durant l’embryogenèse et perdurent à l’âge adulte. )l s’agit de la ZSV, reliquat de la

5 NSE et GFAP sont deux protéines exprimées respectivement par les neurones et les astrocytes. Il existe

néanmoins de nombreux autres marqueurs plus ou moins exclusifs à chaque type cellulaire, selon leur niveau de différenciation. Tous les détails de choix des marqueurs seront expliqués dans le paragraphe 2.4.

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ZV mise en place lors de la corticogenèse d’une part, et de la zone sub-granulaire (SGZ) située dans l’hippocampe d’autre part (figure 5).

Ces deux zones neurogéniques contiennent des CSN se distinguant par leurs phénotypes et leurs capacités de différenciation (Zhao et al., 2008). En revanche, les deux zones partagent des éléments en commun : 1- un rapport intime avec les vaisseaux sanguins, de plus en plus décrit comme jouant un rôle prépondérant dans le maintien de ces niches (Suh et al., 2007), 2- une membrane basale permettant l’ancrage cellulaire, 3- une matrice extracellulaire, modulant les capacités d’adhérence et de signalisation des molécules environnantes. Cette architecture microscopique est la clef de la compréhension des mécanismes de plasticité, de prolifération, de réparation et de différenciation des cellules souches et progénitrices résidentes. Ces niches sont particulièrement bien décrites chez les rongeurs.

Cependant, peu de travaux décrivent ces zones chez l’(umain. Les quelques études sur des tissus humains issus de résections chirurgicales, comme par exemple celles menées par l’équipe d’Arturo Alvarez-Buylla, décrivent des niches avec des CSN positives pour le marqueur GFAP (appelées fréquemment astrocytes de la ZSV), dont la stratification et les relations avec les épendymocytes diffèrent de celles retrouvées chez les rongeurs (Arias- Carrión, 2008; Quiñones-Hinojosa et al., 2006).

De même, l’utilité du maintien des CSN dans les niches neurogéniques adultes a longtemps été la source de nombreux questionnements. Certaines réponses ont été apportées dans des modèles de pathologies cérébrales, décrivant un rôle de stock de cellules de réparation pour les zones cérébrales lésées. Les CSN s’activent par exemple en cas d’AVC Figure 5 : Les cellules souches neurales dans les niches neurogéniques adultes de mammifères. )llustration schématique d’une coupe sagittale médiale d’un cerveau de souris adulte. Les CSN se trouvent dans la zone sub-ventriculaire (ZSV) des ventricules latéraux (VL) et dans la zone sub- granulaire ZSG du gyrus denté de l’hippocampe ()PP . Les cellules de la ZSG se destinent essentiellement à remplacer les cellules hippocampiques. Les cellules de la ZSV se différencient en neuroblastes et migrent majoritairement, via le flux rostral migratoire (FRM), dans le bulbe olfactif (BO). Adapté de Dengke K. MA et al., Cell Research, 2009.

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ou de sclérose en plaque, afin de générer respectivement de nouveaux neurones et de nouveaux oligodendrocytes qui migrent vers les aires endommagées pour se réintégrer dans le circuit et les réparer en partie (Chamberlain et al., 2015; Otero-Ortega et al., 2015).

Dans le domaine de l’anatomie et de la physiologie normale, peu de travaux sont disponibles sur l’(umain, en raison de la difficulté à se procurer des cerveaux entiers. Dans une étude menée sur des cerveaux prélevés post-mortem, les indices sur la morphologie de certains progéniteurs neuraux à proximité de la ZSV laissent présumer à une migration isolée de certains neuroblastes DCX+ / PSA-NCAM+ vers des zones non déterminées du cerveau, probablement dans un but de renouvellement (Quiñones-Hinojosa et al., 2006). En 2011, la même équipe décrit pour la première fois chez l’(omme la présence d’un flux rostral migratoire, ayant pour origine la ZSV et pour destination le bulbe olfactif. Une seconde chaine de migration associée y est décrite : le flux médian migratoire (figure 6). Ce dernier semble propre à l’espèce humaine, n’étant connu chez aucun autre mammifère et relie la ZSV au cortex préfrontal ventro-médial afin d’y renouveler la population neuronale. Cette étude effectuée sur un panel post-mortem de sujets âgés de 0 à 84 ans a néanmoins démontré que les corridors migratoires de neuroblastes, très important pendant les 18 premiers mois de la vie, déclinent rapidement pour devenir quasiment indétectable après l’âge de ans (Sanai et al., 2011).

Figure 6 : Illustration schématique des flux de migration neuronaux en provenance de la ZSV chez l’Homme. Les CSN provenant des murs du ventricule latéral (LV) génèrent deux flux : le flux rostral migratoire (RMS) en turquoise et le flux médian migratoire (MMS) en rouge. F = lobe frontal, T = lobe temporal, OB = bulbe olfactif. (a) Vue de face du cerveau. (b) Grossissement de la jonction des flux antérieurs. Sanai et al., Nature, 2011.

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2.3.2.1 La zone sub-ventriculaire

La SVZ est une couche de cellules qui s’étend le long du bord latéral des deux ventricules latéraux (figure 7). Elle a pour but de générer de nouveaux interneurones qui migrent vers le bulbe olfactif tout au long de la vie des rongeurs. Ainsi, cette zone est composée de quatre types cellulaires, dont trois types neuraux : les neuroblastes (cellules de type A), les CSN (ou astrocytes de la SVZ, cellules de type B), les cellules à prolifération transitoire (cellules de type C) et les épendymocytes (Doetsch et al., 1999; Suh et al., 2009).

Les épendymocytes jouent un rôle de barrière entre la cavité ventriculaire et la niche de cellules (figure 7b, c). Les CSN (type B) qui expriment la GFAP ont un cycle cellulaire assez lent. Elles peuvent occasionnellement évoluer vers des cellules à prolifération rapide (type C), perdant alors leur expression de GFAP. Ces cellules se différencient alors en cellules de type A (les neuroblastes) Dlx2+/PSA-NCAM+ qui vont continuer à se diviser, tout en migrant vers le bulbe olfactif en suivant dans un premier temps un tunnel de guidage formé par les cellules B le long de la SVZ. Elles finissent par gagner flux rostral migratoire. Fiona Doetsch et Arturo Alvarez-Buylla ont démontré la présence de neurones différenciés et actifs dans le bulbe olfactif. Des rétrovirus codant pour l’expression de GFP ont été injectés dans les ventricules. Seules les cellules en mitose de la ZSV ont intégré le transgène Figure 7 : La niche neurogénique sub-ventriculaire, les types cellulaires et le lignage des CSN. (a) Coupe frontale représentant la localisation de la zone sub-ventriculaire (ZSV) le long des ventricules latéraux (LV). Les cellules de type B s’autorenouvellent et se divisent en cellules de type C à prolifération rapide. Les neuroblastes de type A naissent des cellules C. (b) Grossissement de A montrant l’entrée des vaisseaux sanguins BV dans la ZSV. (c) Grossissement de B. La niche neurogénique regroupe les cellules B, C et A incluses entre les terminaisons des capillaires sanguins recouverts d’une lame basale (BL) riche en laminine et les épendymocytes (E) du mur ventriculaire. Adapté de Doetsch F., Current Opinion in Genetics and Developpment, 2003.

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permettant l’expression de la GFP. Une étude histologique du bulbe olfactif a ensuite permis de montrer la présence de neurones ramifiés GFP+ dans le bulbe olfactif (Doetsch et al., 1999; Ma et al., 2009). Néanmoins, des études récentes apportent de nouvelles précisions, comme l’existence de plusieurs intermédiaires cellulaires au sein des cellules B de type , et 3) et des cellules C (cellule à amplification rapide précoce puis tardive). Dans ces populations, l’expression de marqueurs très spécifiques comme par exemple GFAP, EGFR, Hes5, BLBP, Ascl1 et Dcx2) semble plus étagée dans le temps (Giachino et al., 2014).

Toute la SVZ partage également un rapport privilégié avec les vaisseaux sanguins (annotés BV, dans la figure 7 b, c), formant une vraie niche mécanique, mais également biochimique, par la libération de nombreux facteurs régulant le comportement des CSN (Shen et al., 2008; Suh et al., 2009).

2.3.2.1 La zone sub-granulaire

Cette zone neurogénique, située dans le gyrus denté de l’hippocampe est incluse dans l’environnement neuronal qui la régule. En effet, c’est l’activité des neurones de l’environnement direct qui régule dans l’espace et le temps le fonctionnement de la ZSG. Cette dernière est composée de CSN de type B positives pour le marqueur GFAP, de cellules de type D à division rapide et de précurseurs neuronaux de type G (figure 8).

Figure 8 : La niche neurogénique sub-granulaire, les types cellulaires et leur lignage. (A) Coupe frontale représentant la localisation de la zone sub-granulaire ZSG dans l’hippocampe. Les cellules de type B s’autorenouvellent et se divisent en cellules de type D qui donnent elles-mêmes des neurones granulaires de type G. (B) Grossissement montrant le rapport privilégié des cellules B avec les vaisseaux sanguins (BV). Adapté de Doetsch F., Current Opinion in Genetics and Developpment, 2003.

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Ici, les neurones du gyrus denté sont générés afin d’être intégrés localement dans l’hippocampe, contrairement à la ZSV, dont les neuroblastes migrent à distance. La neurogenèse se fait à partir d’inclusions de groupes de CSN qui encadrent les cellules plus différenciées qui en découlent. Les CSN de type B prolifèrent sous le contrôle de l’activité neuronale d’une part et de facteurs sécrétés par les cellules endothéliales des vaisseaux sanguins juxtaposés. Elles donnent les cellules de type D qui sont des cellules intermédiaires dont la capacité de prolifération est inférieure aux cellules de type C de la ZSV. Elles sont également plus avancées dans le processus de différenciation afin de donner des pré- neurones de type G positifs pour PSA-NCAM (Altman and Das, 1965; Doetsch, 2003; Eriksson et al., 1998).

Au vu de ces descriptions, le terme de « niche » n’est pas anodin. Même si les CSN sont théoriquement tripotentes, leur comportement est largement restreint et guidé par la niche dans laquelle elles évoluent. C’est une balance fine qui détermine le dessein des CSN, entre leurs prédispositions intrinsèques et les messages extrinsèques perçus.