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1.2 Les caractères d’intégration des industries gabonaises à l’économie internationale

1.2.1 Quelques thèses sociohistoriques sur le rapport des économies du Tiers-monde avec le

Parmi les thèses les plus défendues sur les rapports économiques entre le Nord

(occident industrialisé) et le Sud (Tiers-monde et pays émergents), la thèse de la dépendance

est la plus partagée dans les cercles africanistes.

1.2.1.1 Les thèses de la dépendance

C’est souvent sous cet angle de la dépendance que les analystes ont observé les

économies sous-industrialisées. C’est la position que défendent entre autres S. Amin (1989),

C. Coquery-Vidrovitch (1976), R. Prebisch (1950), H. Singer (1950).

D’une manière générale, nous notons dans cette approche que l’économie

internationale fonctionne sur le modèle de deux pôles, où le premier regroupe les pays

industrialisés occidentaux principalement, alors que le second pôle est constitué des pays non

industrialisés formant le Tiers-monde. Ainsi, dans le fonctionnement du « système mondial »,

les économies occidentales industrialisées jouent le rôle de centre au capitalisme international,

de sorte que les économies sous-industrialisées fonctionnent en périphérie du système

mondial tout en faisant partie intégrante du système malgré tout. Cependant, cette thèse n’est

pas toujours développée dans le sens de la mise en évidence de l’articulation structurelle des

deux espaces économiques, notamment en termes de système d’organisation internationale de

la production industrielle.

Alors que l’analyse de C. Coquery-Vidrovitch privilégie les processus de mise en

dépendance comme nous l’avons développé plus haut (cf. titre 1.1), la dimension structurelle

de la position et du rôle ou fonction des appareils productifs en territoires d’Afrique noire au

regard d’un système productif industriel plus global au niveau mondial apparait peu évoquée.

À ce niveau, les articulations structurelles entre les sociétés concessionnaires et le capitalisme

à l’échelle internationale ne sont pas clairement exprimées. Il importe de penser la

dépendance des économies africaines, à l’image de toutes celles qui peuvent être classées

comme « sous-industrialisées ». Nous préférons ce terme à celui de pays sous-développés tout

au long de notre travail, du fait qu’il exprime mieux les questions qui sont abordées dans cette

thèse.

Interrogeant l’industrie du bois et les processus de qualification, le terme de

sous-développement est simplement peu évocateur si nous admettons que la structuration de la

production industrielle au niveau mondial s’accompagne d’une certaine segmentation des

processus de production comme un effet structurel d’un processus plus profond et globalisant.

Il s’agit de l’organisation internationale de la production éprouvée par un ensemble de

déterminants que par ailleurs nous pouvons considérer comme stratégiques : nous faisons

principalement référence à la quête d’avantages continuellement croissants (avantages

commerciaux comparatifs, accès aux ressources en termes de matières premières, d’outil de

production, de ressources humaines, etc.).

Pour S. Amin, ce lien de dépendance découle de l’évolution expansionniste du

capitalisme français au titre de la formation de l’empire. L’expansion du capitalisme a donc

un effet polarisant des économies du centre face à celles de la périphérie. S. Amin fait de cet

effet polarisant du système mondial en centres – périphéries un caractère inhérent au système

capitaliste (p. 252). Au centre sont concentrés capitaux et technologie entre autres, alors que

la périphérie est marquée par une économie particulièrement dépendante et des institutions

publiques fortes. Dans cette approche, la polarisation s’entend comme le résultat du principe

de l’accumulation à un niveau mondial. Ce principe préside à l’expansion du capitalisme qui

exporte des capitaux, la technologie et des marchandises hors des cadres nationaux d’où ils

sont issus. En résulte une fragmentation des processus productifs qui correspond à un certain

état de la division internationale du travail articulée aux différents segments de la production.

Pour R. Prebisch, les pratiques réelles dans les échanges internationaux et les

structures de pouvoir qui les accompagnent aboutissent à une régulation du commerce

international marquée par la division du monde avec d’un côté un centre

économique constitué des nations industrialisées, et de l’autre une périphérie formée de pays

dont la production porte principalement sur des produits primaires. Son analyse constitue un

dépassement de l’approche de D. Ricardo (1817) sur les avantages comparatifs. Sans remettre

en cause la pertinence du principe des avantages comparatifs, il replace les pratiques des

acteurs du commerce international et les structures de pouvoir qui président aux accords de

régulation internationale des rapports commerciaux au cœur de l’analyse. Dans cette

perspective, R. Prebisch note que le lien entre centre et périphérie est un lien de dépendance

des économies périphériques par rapport aux centres économiques.

Mais la dépendance des économies centrales vis-à-vis de la périphérie n’est pas

négligeable, notamment en ce qui concerne la disponibilité et la compétitivité des ressources

naturelles. Un rapport d’interdépendance centre-périphérie est donc envisageable, à condition

de considérer que le profond déséquilibre des avantages comparés tient d’abord à l’autre

déséquilibre entre les différents segments du processus de production, un déséquilibre à notre

avis consubstantiel à la dynamique du capitalisme international. La dynamique des économies

dites périphériques se trouve alors fortement déterminée par la demande des biens primaires

au niveau du centre. Cette configuration du système introduit alors une autre division à

l’échelle internationale : la division internationale du travail.

H. Singe est proche de cette vision. Pour sa part, le système mondial contemporain est

bien marqué par une sorte de spécialisation des économies périphériques dans la production

primaire exportée vers les économies du centre où sont produits des biens de consommation

manufacturés exportés cette fois vers les marchés de consommation de la périphérie. G.

Saunier (1999) fait observer que cette thèse est particulièrement incarnée par I. Wallerstein

(1980 ; 1995) qui explicite le concept de centre et périphérie à travers l’analyse de l’économie

capitaliste qu’il nomme encore « système-monde »

72

. I. Wallerstein commence par

72

F. Braudel (1979) le nomme aussi « économie-monde ». Il le définit comme « … un morceau de la planète

économique autonome, capable pour l’essentiel de se suffire à lui-même et auquel ses liaisons et ses échanges

différencier l’« économie-mondiale » entendue comme « le marché de tout l’univers, le genre

humain qui commerce » par rapport à l’« économie-monde » considérée tels des « fragments

d’humains qui échangent entre eux à l’intérieur d’un même système ». Aussi, la

caractéristique de l’économie-monde dans ce système capitaliste est qu’elle est devenue par

ses évolutions (durant quatre siècles selon l’auteur) une économie-mondiale. De là résulte

pour I. Wallerstein le constat selon lequel « elle [l’économie-mondiale] a un centre ; –

c’est-à-dire un espace (aussi bien temporel que spatial) à l’intérieur duquel se retrouve un modèle

d’organisation sociale original – et des périphéries c’est-à-dire un ensemble de régions dont

les organisations sociales diffèrent du centre, mais qui se trouvent dominées (militairement,

économiquement, juridiquement ou politiquement) par ce dernier (…). L’évolution notable est

qu’ici l’étude de la périphérie devient aussi importante que celle du centre » (p. 178)

73

. Il

s’agit bien d’un système d’échanges qui implique une pluralité d’espaces nationaux, ainsi

qu’une division du travail au croisement de ces espaces nationaux.

À la suite de Wallerstein, G. Saunier pense que « poser la question de centre et

périphérie, c’est admettre – au moins implicitement – un certain rapport entre les deux

termes. Sans le centre, pas de périphérie, sans périphérie, pas de centre. (…) Le rapport

centre et périphérie a donc trait au rapport de l’unité à la diversité. » (p. 180) Nous pouvons

observer dans cette approche que l’analyse met également en relief l’idée de dépendance de la

périphérie au centre. Par contre, contrairement aux autres analyses, elle souligne le fait que

cette dépendance n’est pas quelque chose de figée. Elle admet de ce point de vue que dans le

cadre des échanges internationaux il existe des passages aussi bien du centre à la périphérie

que de la périphérie au centre.

C’est sur ce dernier aspect qu’insiste R. Aron (1984) pour discuter l’approche des

relations des économies industrialisées avec les économies sous-industrialisées en termes de

dépendance. Cette perspective bien que pertinente n’est pas forcément un modèle

envisageable dans l’absolu. En privilégiant une approche en termes de système inter-étatique,

R. Aron permet de questionner les relations de production entre les pays industrialisés et les

nations sous-industrialisées au-delà de la dépendance pour comprendre les structures qui

sous-tendent un système d’interrelations structurellement établi. Même si dans cette position

intérieurs confèrent une certaine unité organique » (cf. Civilisation matérielle. Économie et capitalisme. XV –

XVII siècle. p. 12). Voir également La dynamique du capitalisme publiée en 1985.

nous remarquons l’effort de prendre en compte toute la complexité de la catégorie

périphérique dans sa définition comme dans son évolution historique, la compréhension ne

saurait s’arrêter à ce seul niveau.

Contrairement à la démarche que propose R. Aron qui consiste à appréhender la

périphérie (même à un niveau micro) de façon quasi isolée, il importe pour notre part de saisir

la structure de l’industrie gabonaise du bois de par ses liens avec l’économie-monde du bois.

Nous privilégions donc le postulat selon lequel les économies industrialisées et celles

sous-industrialisées sont toutes des composantes d’un même système productif capitaliste (ce

depuis l’expansionnisme capitaliste, notamment par le biais de la domination coloniale), dont

le fonctionnement et la dynamique transnationale sont les éléments structurants des formes de

relation entre les deux pôles.

Rappelons à cet effet les réflexions de M. Hardt et A. Negri (2000) sur le caractère

impérialiste du monde moderne. Ils appréhendent le développement du capitalisme comme un

élément explicatif de la survie de la souveraineté politique dans la modernité. De même que la

position hégémonique de la modernité européenne à une échelle mondiale serait liée au

développement du capitalisme transnational. Cette tendance expansionniste accompagnée de

la reconfiguration « des frontières de l’intérieur et de l’extérieur » du capital a donc joué un

rôle dans le développement d’un colonialisme impérialiste des puissances européennes. C’est

particulièrement le caractère impérialiste de la colonisation qui expliquerait l’« extension de

la souveraineté » de ces puissances jusque dans les territoires colonisés. Les enjeux

d’extension de la souveraineté des puissances coloniales auraient donc servi de fondement à

l’impérialisme européen selon M. Hardt et A. Negri, facilitant ainsi l’expansionnisme

économique européen.

Que les économies des anciennes colonies françaises soient liées à celle de la France et

des autres puissances industrialisées par la force du lien colonial et de l’empire français, ou

par l’intégration structurelle des activités productives, pour notre part le résultat est le même

du point de vue de l’impact de l’internationalisation des processus de production depuis la fin

du XIX

ème

siècle, notamment entre la France et ses colonies : le raisonnement en termes de

centre – périphérie n’est plus suffisamment pertinent pour expliquer les articulations

structurantes entre les deux espaces ; de même que l’approche qui privilégie les rapports de

dépendance ne permet pas de saisir d’autres formes significatives de structuration,

d’organisation et de spécification des structures productives et des rapports de production au

sein de chaque segment du processus de production global. Nous pouvons alors penser que

chaque espace que nous appelons ici segment du processus de production vit ou se nourrit des

autres segments, tout comme sa reproduction s’assure réciproquement par rapport aux autres

segments. Nous sommes de fait en situation d’intégration structurelle des économies

postcoloniales à celles des puissances coloniales.

Soulignons que dans cette perspective l’analyse d’A. Bihr (2001) sur le processus de

reproduction du capital. Pour saisir le « procès global de reproduction du capital », l’auteur

part du postulat selon lequel la reproduction économique du capital ne représente qu’une

dimension de la reproduction globale du capital. Ainsi, il apparait pour lui que d’autres

reproductions accompagnent la première : la reproduction du rapport de production

notamment. Or, les dynamiques des rapports de production sont indissociables des systèmes

productifs dans lesquels ils naissent et évoluent, et des modes de mobilisation des personnels

correspondants. La segmentation des processus de production s’accompagne aisément d’une

division du travail à l’échelle mondiale. L’industrie gabonaise du bois étant structurée en

segments de processus de production transnationale, nous pouvons avancer l’idée que cette

segmentation aboutit inéluctablement à une certaine segmentation du travail de la production,

mais aussi à des divisions technologiques et du travail.

1.2.1.2 Les caractères d’une intégration structurelle : par-delà la dépendance

En ce qui concerne l’expérience de la zone du sud du Sahara qui comprend le Gabon,

nous pouvons nous interroger sur les caractères dominants, ou les formes d’articulations de

l’industrie en Afrique avec des firmes internationales. À la suite des analyses qui précèdent

sur les processus et les contextes historiques que nous venons d’évoquer avec C.

Coquery-Vidrovitch et J. Marseille, il importe de souligner la justesse des éléments explicatifs du

développement d’une économie de type capitaliste en Afrique francophone, et par elle la

naissance d’industries d’extraction ou de transformation, pour comprendre les types

d’intégration de ces deux espaces économiques.

Qu’il s’agisse des échanges financiers au titre des capitaux exportés par la France dans

les colonies dans un premier temps, et dans un second temps au sein des États devenus

indépendants dans les années 1960-1970, ou qu’il s’agisse plus particulièrement des flux

marchands réciproques en termes de débouchés, le résultat a sans doute été le même :

l’imbrication des structures productives indigènes sous la colonisation comme composante à

part entière du système de production à l’échelle internationale est le principal caractère de

cette intégration structurelle. Nul besoin de reprendre ici les arguments qui ont été largement

mentionnés dans les paragraphes précédents.

Dans l’ensemble, tous les historiens et économistes auxquels nous nous référons

partagent plus ou moins une certitude : les économies africaines contemporaines sont d’une

manière ou d’une autre tributaires de leurs « trajectoires historiques » marquées tour à tour

par l’impact de la colonisation et les mutations relatives aux contextes de la décolonisation.

Elles le sont d’une part par le double impact des déterminants internationaux, avec

l’intervention et la domination de capitaux de groupes internationaux dans l’activité

industrielle existante ; d’autre part, elles sont éprouvées par des contingences locales, par la

faiblesse de l’industrie productrice de valeur ajoutée exportable par exemple. À la lecture de

J. Marseille (2005), les éléments financiers apparaissent comme structurants du point de vue

des déterminants internationaux. En effet, les périodes de l’exportation de capitaux vers

l’empire, notamment en AEF et en ce qui concerne la colonie du Gabon ont contribué dans

une certaine mesure au processus de formation des économies marchandes locales. La période

d’avant première guerre mondiale est marquée dans l’empire français par des tentatives de

mise en place d’un certain nombre d’échanges marchands.

Nous pouvons également l’observer à travers l’analyse de C. Coquery-Vidrovitch

(1976) sur les échecs économiques des années 1870 à 1900. Le questionnement de ces échecs

dans le cadre des tentatives de « mise en valeur » des colonies nous permet de saisir la place

des politiques de « transformation » des colonies dans leurs trajectoires économiques. Les

formes structurelles qui se sont développées à travers le tissu productif durant les périodes

coloniales et postcoloniales sont en rapport avec les mécanismes de mise en œuvre de la loi de

« mise en valeur ».

Selon J. Marseille, les capitaux exportés vers l’empire ont connu une forte croissance à

partir des années 1910, au point d’en faire un des espaces « privilégiés d’expansion du

capitalisme français ». Partant de ce contexte d’opportunité d’expansion, c’est

essentiellement, si non exclusivement par l’intervention des capitaux exportés que le tissu

productif s’est structuré dans les « colonies-débouchés ». La structure actuelle n’est sans

doute pas éloignée de celle qui s’est développée entre 1900 et 1960 hormis la diversité des

acteurs aujourd’hui. Dans ce processus, J. Marseille pense que les investissements publics qui

accompagnaient les capitaux privés ont joué un rôle central dans l’empire jusque dans les

années 1950.

Ces investissements publics auraient pour fonction de créer des conditions

infrastructurelles indispensables aux entreprises de métropole (c’est d’une certaine manière,

l’entreprise métropolitaine qui devait se muer en société transnationale ou multinationale). Ils

devaient en plus et surtout transformer les rapports sociaux indigènes en rapports marchands

(il s’agit en quelque sorte de la création d’un marché). « Il s’agissait en priorité de créer une

infrastructure permettant aux entreprises de production de type industriel de réaliser des

résultats importants dans les délais des plus courts » (J. Marseille, op. cit. p. 153).

Soulignons que ce rôle reconnu à l’investissement public est contradictoire avec les

principes de la politique de « mise en valeur » des colonies qui, comme le montre C.

Coquery-Vidrovitch, étaient fondés sur l’idée de transformer les colonies en les dotant

d’infrastructures « modernes » sans que ça coûte à la métropole : c’est en effet par leurs

ressources propres que les colonies devaient construire leur processus de développement. La

clause de prélèvement d’un pourcentage sur les profits des compagnies concessionnaires

indique justement que ce sont, au contraire, les colonies qui devaient rapporter des profits à la

puissance coloniale. Nous pouvons tout de même en déduire que c’est dans ce contexte

d’exportation des capitaux privés français en quête de nouveaux débouchés d’investissement

et de reproduction du capital que l’économie productive et marchande gabonaise s’est

développée dans l’AEF., voire jusqu’à la fin des années 1960.

Cette approche est celle que défend l’historien A. Ratanga-Atoz (1985) pour qui, les

missions coloniales (administration et missions catholiques) avaient pour fonction primordiale

de faire des territoires coloniaux des débouchés des capitaux français aussi bien en termes

d’investissement qu’en termes de marchés des produits manufacturés des pays colonisateurs.

Les entreprises coloniales actives sur les territoires d’Afrique centrale jusque dans les années

1850 sont représentatives des intérêts économiques et politiques des puissances coloniales

d’alors. Il en identifie trois principales (p.46) selon leur implantation au Gabon :

- Hatton et Cookson en 1848 à capitaux anglais ;

- Woërmann en 1850 à capitaux allemands ;

- Pilatre en 1855 à capitaux français.

Il convient d’ajouter à cette liste les maisons commerciales Bruno Stein, John Holt,

Daumas-Béraud et Sajoux. Les statistiques des années 1886 – 1887 indiquent leur domination

dans l’exploitation et l’exportation des produits de la cueillette :

Tableau 1 : Situation du bois dans les exportations de la colonie (1886-1887)

Type de produits d’exportation (en tonnes)

Compagnie

Ivoire Ébène

Caou-tchouc

Noix

de

palme

Huile

palme

(litre)

Hatton & Cookson 9,6 434 85 13 7335

Woermann 10,8 172 78 11,6 2148

Bruno Stein 1,4 65 10 0,8

John Holt 0,4 7,5 7

Daumas-Béraud 4,2 32,7 12,3

Sajoux 1 76 10

Source : ANSOM Gabon-Congo XIII, 12 c. repris par R., Pourtier (1989), p. 130.

Le bois s’imposait donc comme première production d’exportation depuis la fin des

années 1880. Ces compagnies ont toutes développé des activités de courtier et de commerce

entre leur métropole respective et les territoires colonisés. Le courtage et le commerce

touchaient à la fois l’exportation des produits locaux et l’importation de produits

manufacturés. Parmi les produits recensés, nous notons l’ivoire, l’ébène, du bois rouge (de

teinte), le caoutchouc sauvage.

C’est dans la même perspective que J. Bouquerel (1970) écrit : « Le temps de la

pénétration française et des explorations (des territoires de l’intérieur) au Gabon fut aussi

celui des comptoirs. » (p. 50 et suivantes) Et même si les comptoirs anglais Hatton &

Cookson et allemands Waermann et Gazengel sont parmi les premiers à s’établir dans

l’hinterland, la Compagnie Coloniale du Gabon (CCG) et la SHO sont des comptoirs français

qui ont dominé en quasi monopole l’exploitation forestière et le commerce tant au niveau

intérieur qu’au niveau international avec la métropole. Mais cet état de fait ne va s’accélérer

qu’à partir de l’explicitation du statut du Gabon comme colonie française en 1886. Cette

explicitation a en effet favorisé les mises en concessions du territoire entraînant ainsi la

domination des capitaux français dans l’activité extractive et d’exploitation. L’avènement des

concessions françaises d’exploitation et de commerce a donc succédé à une période de libre

concurrence entre les compagnies anglaises, allemandes et françaises. La dernière décennie du

XIXe siècle sera de fait marquée par la domination manifeste des concessions à capitaux