D’une manière générale, le secteur forestier a toujours été évoqué comme le premier
employeur au Gabon après la fonction publique et devant le secteur du pétrolier. Les effectifs
dans les activités d’exploitation et de transformation ont souvent été soit croissants, soit
stagnants selon les conjonctures sur le marché d’exportation. Aujourd’hui, plusieurs chiffres
sont avancés par rapport à la population totale des travailleurs employés (emplois directs et/ou
indirects) par l’industrie du bois à travers ses deux segments (exploitation et transformation).
Les estimations officielles font état d’une population de près de 15.000 à 20.000 salariés en
emplois directs et indirects. En avril 2005, une mission technique de diagnostic de la gestion
durable des forêts
101estimait que le secteur forestier représente le deuxième employeur au
Gabon derrière l’État. De ce point de vue, il est la première réserve d’emplois du secteur privé
101
Cf. G. Buttoud et al. / OIBT, Mission de diagnostic de la gestion durable des forêts en vue d’atteindre les
Objectifs 2000 de l’OIBT en appui au Gouvernement de la République Gabonaise (janvier-juin 2005). Rapport
de la mission technique de diagnostic.
dont la population active oscillerait entre 28 et 30 % de l’emploi total (privé et public), soit un
volume d’environ 32.000 emplois directs et indirects (p. 16). Trois ans plus tard, le rapport du
World Resources Institut (WRI) et le Ministère chargé de l’économie forestière
102établissaient que le secteur forestier restait en 2009 le deuxième employeur après l’État avec
un poids estimé à 28.000 emplois, soit environ 28 % de la population active occupée (p. 5).
1.3.1.1 La situation avant « l’exception des années 2000 »
103Dans les années 1930, les temps de forte activité d’exploitation pouvaient être
marqués par des progressions de près de 20 % de recrutements dans le secteur par an. Il faut
dire que le bois constituait encore la principale si non la première ressource naturelle faisant
l’objet d’une exploitation industrielle d’exportation. Environ 5.000 à 6.000 travailleurs furent
déjà mobilisés dans les chantiers forestiers entre 1930 et 1935 (P.-R. Ombigath, op. cit. pp.
162-163).
Jusque dans années 1940 et 1950, les entreprises manifestaient toujours le besoin
d’une main-d’œuvre importante. Le nombre des salariés dans les chantiers d’exploitation
forestière avait presque doublé, atteignant les 12.000 salariés en 1953 dans le contexte de
l’après Deuxième Guerre mondiale et de l’impact de la reconstruction européenne sur
l’accélération de l’industrialisation du secteur bois au Gabon. À propos des effectifs, les
chiffres peuvent être plus importants si l’on tient compte de la main-d’œuvre occasionnelle
souvent identifiée comme travailleurs journaliers et que le recensement n’intègre pas
forcément à ces registres. Lorsqu’en 1960 des signes de repli furent observés, les effectifs
suivirent eux-aussi une contraction jusqu’à 6.000 travailleurs dans les chantiers
d’exploitation. Il convient de souligner le fait que la mécanisation progressive du procès
d’exploitation y a joué un rôle non moins important dans la réduction des effectifs (J.
Bouquerel, 1970, p. 83).
102
Ministère de l’économie forestière, de l’eau, de la pêche et de l’aquaculture (MEFEPA).
103
Nous parlons d’exception en tenant compte de ce que la facilitation des petits investissements dits nationaux
et l’adoption du Code forestier de 2001 n’ont pas formellement révolutionné la structure du secteur : les
investissements gabonais restent marginaux et en fermage. Les « nouveaux » investissements d’expatriés sont
généralement le fait des opérateurs déjà présents dans le secteur depuis des décennies, étant donné que le code
forestier en vigueur agit comme dispositif coercitif sur les entreprises quant à la transformation locale du bois
exploité. On aboutit à la multiplication d’usines qui servent beaucoup plus à contourner la loi qu’à mettre en
œuvre les principes mêmes de celle-ci.
Dans la seconde moitié des années 1960, l’industrie du bois au niveau du segment de
la transformation était employeur d’un peu plus de 3.000 salariés, contre environ 7.000 pour
le BTP, plus de 2.800 pour les mines, près de 1.400 au niveau de l’industrie pétrolière, sur un
total de 16.000 salariés du secteur industriel (J. Bouquerel, idem. pp. 110-111). Selon les
données collectées par l’auteur en 1967, la population salariée était de 54.077 individus ; ce
qui ramène la proportion des travailleurs du bois toutes activités confondues à plus de 16,81
% du total, soit un peu plus de 5,72 % mobilisés dans l’industrie de transformation du bois. Et
si nous considérons l’emploi hors secteur public ne concernant que le secteur de l’industrie,
les proportions sont plus importantes : plus de 56,83 % des effectifs sont employés dans le
secteur du bois, dont 19,34 % dans la transformation dans les années 1960.
Les années 1970 sont également marquées par une progression du volume des
personnes salariées au Gabon. Les effectifs ont passé la barre de 73.917 individus salariés en
1973 contre 43.089 salariés en 1965 selon C. Bouet (1978) ; soit 1 salarié pour un peu plus de
8 habitants. Cette tendance à l’accroissement des effectifs dans le secteur du bois se serait
maintenue jusqu’au début des années 1980. A.-H. Barro Chamrier (1990) note que le secteur
de l’industrie de transformation et de traitement du bois demeure à la fin des années 1980
l’activité industrielle la plus importante au travers du sciage, du déroulage, et de la production
de placages et contreplaqués.
Toutefois, un repli d’activités dans le secteur marque la seconde moitié des années
1980. S’ajoute également la double contingence de baisse des commandes européennes et la
concurrence des bois venant d’Asie du sud-est. Ce qui a pour conséquence, le tassement des
salaires et la contraction des effectifs dans certaines entreprises comme la Société nationale
des bois du Gabon (SNBG). Toujours est-il que le secteur a gardé une place centrale dans
l’emploi privé où l’exploitation et la transformation couvraient encore près de 28% des
emplois (S. Drouineau et R. Nasi, 1999, pp. 13-14).
1.3.1.2 Les effectifs des cinq dernières années
Les années 2000 sont par contre marquées par une nette progression des effectifs. Cela
est notamment du à la vague d’entreprises qui se sont installées suite à la mise en application
du code forestier de 2001 : 16 au total selon V. Magnagna Nguem (op. cit.). De 2000 à 2006,
le secteur compte entre 14.000 et plus de 15.000 salariés. Depuis ce regain d’activité dans la
transformation notamment, la filière tend à prendre la première place des secteurs
pourvoyeurs d’emploi au Gabon, d’autant que le secteur public affronte une progression
limitée suite aux différents programmes d’ajustement structurels initiés depuis les années
1980 par le Fonds Monétaire International (FMI) (cf. A.-H. Barro Chamrier, op. cit.). Pour
une population du secteur privé estimée à 55.200 individus en 2006, le secteur du bois
atteignait 15.337 employés soit près de 27,8%
104.
Selon V. Magnagna Nguema (op. cit.), « la population active totale occupée dans le
secteur moderne, secteur public et secteur privé, compte 112.200 personnes en 2006 dont
55.200 dans le secteur privé et 57.000 dans le secteur public. Ainsi, la filière bois représente
le deuxième employeur après le secteur public (composé de l’État et des collectivités locales)
qui occupe selon la Direction Générale de l’Economie 57.000 personnes en 2006 contre
56.694 personnes en 2005 » (p. 22).
Il faut souligner que la plus importante partie des salariés de la filière bois se situe
dans l’exploitation et elle avoisine les 9.200 individus en 2006, alors que l’industrie de
transformation mobiliserait près de 5.010 salariés.
Au regard des données sociohistoriques mentionnées ci-dessus et de la place que
continue d’occuper le secteur du bois dans l’emploi sur ces cinq dernières années (cf. V.
Magnagna Nguema, 2007), l’on peut admettre l’idée que le processus historique du salariat
ouvrier du bois est représentatif de l’histoire de la formation du salariat ouvrier gabonais
essentiellement accompagnée par le travail d’exploitation et de la transformation du bois. Les
évolutions d’effectifs que nous observons depuis le début des années 2000 malgré les
fluctuations conjoncturelles sont d’abord et avant tout dues à la multiplication des unités de
transformation de première catégorie depuis la fin des années 1990.
104