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CHAPITRE IV : PRÉSENTATION ET ANALYSE DES RÉSULTATS

4.4. Troisième phase : Créer, faire des projets et s’engager pour se rétablir

4.4.1. Thème 6 : S’accomplir dans les petites choses

À la première phase, nous avons, entre autres, parlé de l’importance de la routine pour être en mesure de nous déposer et de trouver une base pour se rétablir. Vouloir conserver cette base de bien-être peut, en quelque sorte, être un but et une valorisation. Ce but peut même être le projet de vie, dont la mise en œuvre est nécessaire, pour que la personne se sente rétablie.

Certaines femmes de ma recherche n’ont que ce simple projet et leur réussite semble suffisante pour qu’elles se sentent rétablies. Ce simple projet de conserver son bien-être se constate plus particulièrement chez les femmes plus âgées, les plus jeunes ayant plutôt des

projets de formation et de travail. Mais une chose est claire pour toutes les femmes par contre, elles ressentent une fierté et un sentiment d’accomplissement relativement au simple fait de réussir à organiser leur quotidien et de conserver le bien-être déjà acquis.

4.4.1.1. Dans la simplicité des gestes de la vie

Le bien-être se retrouve dans les petites choses, dans les activités du quotidien, dans la fierté de réussir à faire un plat par exemple, dans le fait de réussir à faire des conserves ou de faire son ménage.

Je l’ai constaté, par exemple, avec Yolande, pour qui faire un grand ménage lui donnait un sentiment d’accomplissement. Elle me disait : « J’ai de plus en plus le goût de faire des choses, j’ai lavé mes fenêtres, toutes mes fenêtres dernièrement ! C’est des réalisations je vais te dire ! … C’est ça qui devient une réalisation tsé ! »

Je l’ai constaté aussi avec Georgette qui racontait qu’elle avait acquis quelques compétences en cuisine dans le foyer de groupe où elle habitait. J’ai aussi constaté sa fierté d’elle-même lorsqu’elle me mentionnait qu’elle s’était acheté un cahier pour y mettre des photos de ses réussites culinaires. Elle me disait :

« … Y m’ont montré comment faire à manger je savais pas ben ben trop faire à manger, je peux faire des gâteaux, je peux faire toutes sortes d’affaires, pâté chinois, enfin, ben des affaires, j’ai un livre, j’ai mon livre de recettes qu’a m’a faite avec des imprimés dedans, on n’a faite [on en a] pis avec ma photo ! … C’est ça, j’l’ai réussi mon pâté chinois, je l’ai goûté, pis y’était vraiment bon ! Pis j’me chu fait un gâteau au glaçage pis y’était terriblement bon ! »

Elle a même retrouvé une envie qu’elle avait du temps d’avant son trouble de santé mentale ; c’est-à-dire faire un gâteau de fête à ses enfants. Cela peut sembler banal, mais rappelons-nous que c’est l’une de celle dont la perte des enfants l’a plongé dans un trouble de santé mentale et qu’elle n’avait pas pu faire ce geste, tout simple, à l’époque. Elle nous le raconte d’ailleurs.

« Pis j’ai fait un gâteau à mon fils, je voulais faire des gâteaux de fête à mes enfants, j’ai fait un gâteau de fête à mon fils, j’y ai donné, pis y dit : Maman, je l’ai toute mangé à moi tout seul ! Y dit c’est mon premier gâteau de fête ! J’ai dit : avant je pouvais pas, pis là je l’ai fait ! J’ai pu le faire ! Parce que je savais pas avant comme faire ! … Pis là je lui ai donné, pis, y’était content, très content, y’a dit : Je l’ai mangé à moi tout seul pis y’était bon là ! Ça m’a fait plaisir ! Pis j’en suis fière de faire ça ! »

Un autre exemple se constate chez Sandra, celle dont la fille est décédée. La seule chose qui fait qu’elle se sent rétablie, c’est qu’elle réussit à se maintenir dans son envie de vivre. Pour ce faire, elle continue d’enchaîner ses fins de semaine, qui s’alternent, chez sa sœur, où elle cuisine avec elle de grands repas, et son ami de cœur. Elle maintient aussi ses séances d’acupuncture et continue de faire « Weight Watchers ».

4.4.1.2. Sortir de chez soi et s’accomplir

Le sentiment d’accomplissement accompagne souvent des réussites, des petits défis personnels comme le simple fait de sortir de chez soi. Yolande, par exemple, me racontait que juste se motiver et réussir à sortir de chez elle lui procurait une fierté personnelle. Elle me racontait :

« C’est des ateliers qui étaient quand même intéressants. Pis je me suis dit : ouin ce serait peut-être le fun ! Fais-lé pour toi, ça l’air tout de même intéressant, tu ne perds rien ! Si tu n’aimes pas ça, c’est pas grave ! Tu l’auras essayé ! Au moins, donne-toi la chance de le faire ! Si tu n’aimes pas ça, les prochaines fois tu resteras chez vous ! Donne-toi la chance d’essayer ! Pis j’ai pas été déçue. Parce que t’es fière de toi. Tu t’es faite des amis, tu t’es faite confiance, pis t’as essayé, pis t’as pas resté chez vous. »

Et chez Carole aussi j’ai constaté que le simple fait de sortir de chez elle lui permettait de ressentir un sentiment d’accomplissement. Cela lui permettait du même coup de stopper sa dépendance aux jeux, non pas les jeux d’argent, mais les petits jeux gratuits sur internet avec lesquels elle perdait beaucoup de temps.

Carole avait eu une dépression profonde après qu’elle avait vécu du harcèlement psychologique. Elle avait maintenant beaucoup de difficultés à faire de simples activités au quotidien. Sortir de chez elle et faire son potager lui a permis, à force de se lancer des petits défis à elle-même chaque jour, de sortir de sa dépression profonde. Avec l’animation d’une activité d’écriture créative et avec ses contrats d’aide aux devoirs qu’elle fait trois fois par semaine, elle a pu redevenir plus active et se sentir plus accomplie.

4.4.1.3. Cultiver la fierté de soi par le soin de sa santé

Perdre du poids, s’alimenter sainement, arrêter de fumer, faire de l’exercice et marcher sont des projets ou des défis qui sont revenus souvent dans les rencontres avec les femmes. Huit femmes sur onze rencontrées avaient ce genre de défis.

Par exemple, Georgette souhaitait cesser de fumer et marchait énormément et Denise me racontait qu’elle allait au CLSC une fois par semaine pour participer à l’atelier : « Choisir de maigrir ». Et quand je lui ai demandé ce qu’elle aimait faire, elle m’a parlé d’activités pour prendre soin d’elle qui lui fait du bien. « Eeee, chanter, nager… Faire de la cohérence cardiaque… Prendre soin de moi ». Elle me racontait se sentir fière de prendre soin d’elle, d’avoir perdue de poids et elle m’a précisé : « Aussi de manger mieux, de changer mes habitudes alimentaires. D’avoir réussi à faire ça, c’est bien ça ! ». Elle me racontait aussi qu’elle mettait en place des « plans top shape » : des plans où elle faisait de l’exercice et mangeait très bien. Suzanna est un autre exemple. Elle me racontait qu’elle marchait beaucoup, elle aussi, et qu’elle faisait attention pour ne pas retomber dans l’anorexie. Il y a Darlène aussi qui, ayant toujours eu un poids qui « faisait les montagnes russes », aimerait continuer à maintenir son poids puisqu’elle en a perdu beaucoup dans les derniers mois. Et Sandra quant à elle participe au groupe Weight Watchers et veut cesser de fumer. Et Carole, elle a arrêté de fumer depuis huit mois et essaye de maintenir cela. Chantale, pour sa part, souhaiterait aussi arrêter de fumer. Louise aimerait beaucoup perdre tout le poids qu’elle a pris depuis le début de ses troubles de santé mentale. Elle a passé du poids santé d’un athlète : 120 lb, à plus de 300 lb. Elle m’a expliqué que : « Manger était la seule chose qui me faisait du bien, alors je mangeais… n’importe quoi… » Elle me disait nager aussi, même si elle trouvait ça difficile étant donné sa prise de poids. Ce qui l’incite à continuer est simple : « le sentiment que j’ai après. Quelque chose qui… eee, la sensation physique ».

Donc, plusieurs femmes s’accomplissent avec une prise en soins de leur santé, par le simple fait de sortir de chez elle et aussi dans la simplicité des gestes du quotidien. Les témoignages des femmes nous montrent aussi que ce qui est important, dans l’acquisition d’un sentiment d’accomplissement, c’est d’exercer leur autodétermination et de faire leurs choix pour mettre en œuvre leurs propres buts, objectifs et projets.