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CHAPITRE V : DISCUSSION RETOUR SUR LES RÉSULTATS ET IMPLICATIONS

5.3. Implications des résultats

5.3.2. Implications pour l’intervention en santé mentale x

Dans ce qui suit seront discutés deux problèmes rencontrés par les personnes vivant avec des troubles de santé mentale qui se sont dégagés de l’analyse des entretiens réalisés dans cette recherche. Sera discuté ce qui semble être une des causes de l’apparition des troubles de santé mentale puis des aspects de l’autodétermination et de l’autonomie.

5.3.2.1. Rupture familiale et émergence des troubles de santé mentale

Il est surprenant de constater que sur les sept femmes ayant des enfants, cinq ont eu des problèmes avec la garde de leurs enfants. Cette perte de garde, temporaire ou permanente, pouvait être décidée par la DPJ ou occasionnée par une séparation très difficile avec le père de leurs enfants. En voyant un nombre si élevé, dans la présente recherche, de femmes qui ont perdu la garde de leurs enfants, on ne pouvait que de se demander si c’était la perte des enfants qui avait exacerbé ou fait émerger des troubles de santé mentale ou si ces troubles existaient avant cette perte.

Pour répondre à cette question, d’autres recherches seraient nécessaires, mais, selon les témoignages de ces cinq femmes sur sept ayant perdu la garde de leurs enfants, leurs troubles de santé mentale n’existaient pas avant la perte de leurs enfants. Nous pouvons considérer que chez ces cinq femmes, la blessure due à cette perte a été tellement grande et la douleur tellement poignante que c’est cette douleur qui les a fait plonger dans la « folie ».

Et le pire c’est qu’elles ont aussi vécu de la violence physique et psychologique et de l’abus sexuel, en plus de perdre leurs enfants. Qui plus est, pour la plupart d’entre elles, c’est à leur ex- conjoint violent que la garde de leurs enfants avait été confiée.

Alors il faudrait sûrement, à mon avis, avoir des ressources d’aide pour les femmes66 qui ont des difficultés de garde d’enfants afin qu’elles retrouvent la garde. Ainsi, les troubles de santé mentale qui sont apparus à la suite de cette perte deviendraient peut-être des troubles temporaires.

66 Je dis « les femmes » dans mon texte, mais il est évident que des hommes occupant le rôle traditionnellement

maternel de s’occuper de ses enfants pourraient aussi vivre ce plongeon dans la « folie » s’ils vivaient une perte aussi cruelle.

Les centres pour femmes en difficultés offrent parfois un soutien de ce genre aux femmes violentées, mais celles qui, parmi elles, sont trop affectées par les troubles de santé mentale ne sont pas immédiatement admises dans les centres pour femmes. Elles s’enlisent en psychiatrie ou dans l’itinérance avant d’avoir la force et l’énergie de se battre pour avoir la garde de leurs enfants.

Alors ces femmes sombrent de plus en plus dans leurs troubles de santé mentale et il devient encore plus difficile pour elles de récupérer la garde de leurs enfants. Le conjoint, parfois la DPJ, leur a enlevé la garde, souvent sous le motif de troubles de santé mentale. Paradoxalement, ce sont eux qui, trop souvent, semblent avoir occasionné ces troubles. C’est trop d’injustices et, comme travailleuses sociales (et moi comme mère), nous ne pouvons pas fermer les yeux et nous devons, le plus possible, faire prendre conscience du problème à celles qui interviennent auprès des personnes ayant des troubles mentaux, surtout celles qui interviennent auprès des femmes ayant des enfants.

5.3.2.2. L’autodétermination et l’autonomie

Un autre problème discuté depuis le chapitre de problématique est apparu plus clairement avec les résultats de la recherche. C’est que l’autonomie prônée ne rime pas nécessairement avec l’autodétermination des personnes. Alors, nous pourrions nous demander si la réalisation de soi est suffisamment encouragée dans les services en santé mentale.

La réponse n’est pas si simple. Mais les témoignages des femmes rencontrées dans le cadre de ma recherche montrent que c’est bien une réalisation d’elles-mêmes qu’elles recherchent et non pas l’atteinte de leur autonomie.

Or, comme mentionné au début de ce mémoire, c’est l’autonomie qui est prônée dans les services, de même que la normativité (Bajoit, 2008; Ehrenberg, 2004, 2005; Martuccelli, 2004; Otero, 2005, 2012).

Beaucoup de personnes semblent encore penser que le rétablissement, c’est acquérir l’autonomie. Or, il ne faudrait pas oublier que c’est le sentiment d’accomplissement et la réalisation de soi qui ont une place importante dans les conceptions du rétablissement des femmes rencontrées et non pas l’autonomie tant prônée dans les services en santé mentale (Otero, 2005, 2012).

Et rappelons-nous aussi que c’est dans la réalisation d’objectifs personnels et autodéterminés, parfois professionnels, mais à un rythme décidé par la personne, que la personne acquiert ce sentiment d’accomplissement.

Qui plus est, c’est souvent dans les petites choses, dans l’acquisition, le maintien et l’entretien de leur logement, dans la réussite d’un plat, dans les arts et la spiritualité et en prenant soin de sa santé que la personne acquiert ce sentiment d’accomplissement et se sent donc rétablie. C’est ce que nous ont appris les témoignages de ces femmes.

Alors si les personnes vivant avec un trouble de santé mentale vivent des choses similaires aux femmes de ma recherche par rapport au sentiment d’accomplissement et à la réalisation de soi, alors elles non plus ne sont pas nécessairement prêtes, désireuses ou capables de retourner au travail, encore moins à temps plein.

Au sujet des Pass-Action

Ce qui m’amène à un autre sujet : celui des « Pass-Action ». Il faudrait voir si, dans les ressources qui sont vouées aux personnes ayant un trouble de santé mentale, les personnes ne seraient pas poussées à participer à un « Pass-Action » plus par désir de l’organisme d’obtenir du financement que par réel désir d’inciter la personne à retourner au travail parce que c’est aidant pour son rétablissement.

Et l’on peut aussi se poser la question à savoir : les personnes inscrites au « Pass-Action » retournent-elles vraiment au travail de façon définitive ? On se pose la question parce que le retour au travail est souvent temporaire et qu’à la fin d’un petit contrat de travail, la personne retourne sur l’aide sociale et doit recommencer toutes les démarches pour ravoir des contraintes sévères à l’emploi, comme mentionné dans l’analyse des résultats.

Entendons-nous, on ne dit pas que le « Pass-Action » n’est pas bénéfique pour certaines personnes. Ce que l’on dit c’est qu’il est dommage qu’une personne perde sa stabilité en travaillant temporairement pour finalement, devoir retourner sur l’aide sociale quelques semaines ou mois plus tard, en devant alors recommencer toutes les démarches.

D’ailleurs, en garantissant un retour des prestations « avec contraintes sévères », donc plus élevées, en cas d’échec d’un travail accompli dans le cadre d’un « Pass-Action », et cela sans

avoir l’obligation de recommencer les démarches administratives, nous pourrions peut-être encourager les personnes à essayer, du moins, de travailler.

Ce « Pass-Action » devrait être seulement un incitatif pour retourner au travail et non un moyen, pour les ressources communautaires n’ayant pas cette mission, d’obtenir d’autres financements. C’est-à-dire que les organismes communautaires en santé mentale dont la vocation est d’accueillir des personnes pour qu’elles fassent les heures de leur « Pass-Action » dans leurs lieux devraient recevoir des subventions, mais pas celles dont ce n’est pas leur mission première. Ainsi, nous éviterions la sur incitation des personnes qui ne sont pas nécessairement prêtes et désireuses de travailler.

Dans un autre ordre d’idées, les ressources communautaires vouées aux personnes devraient recevoir plus de financement, le problème n’est pas nouveau.