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CHAPITRE IV : PRÉSENTATION ET ANALYSE DES RÉSULTATS

4.4. Troisième phase : Créer, faire des projets et s’engager pour se rétablir

4.4.3. Thème 8 : L’ouverture au monde

4.4.3.2. La fréquentation d’autres organismes communautaires

La plupart des femmes de ma recherche m’ont dit fréquenter des organismes communautaires non exclusifs aux personnes ayant des troubles de santé mentale. Ces organismes sont des ressources où elles pratiquent diverses activités artistiques ou autres et où elles peuvent s’impliquer socialement en faisant, par exemple, du bénévolat ou des marches de solidarité et de sensibilisation.

Elles fréquentent aussi des organismes d’aide alimentaire où elles peuvent faire de la cuisine collective ou simplement prendre un bon repas.

Elles fréquentent aussi des centres pour femmes, des groupes d’entraide comme Al-Anon ou des organismes qui donnent des formations et des ateliers de croissance personnelle.

Mais, bien que la plupart des femmes utilisent abondamment les services et fréquentent les organismes ouverts à tous, certaines femmes de ma recherche se limitent presque exclusivement à la fréquentation de leur ressource d’appartenance. D’autres vont prendre les avantages des deux types d’organismes. Voyons ce qu’en pensent plus particulièrement certaines femmes. Respect et compréhension mutuelle

Par exemple, Georgette précisait : « parce que tout le monde est pareil ». Elle mentionnait aussi la peur que les gens lui fassent du mal ou la juge. Elle disait, d’une façon claire, qu’elle préférait les endroits exclusifs aux personnes ayant des troubles de santé mentale. Elle me disait par exemple : « Non non, parce que j’aime bien ici, parce que c’est la psychologie tu vois ? C’est des personnes qui eee… Des problèmes de santé mentale, pis je m’entends bien

avec eux autres… Ici, je le sais qu’y a jamais personne qui va me faire mal, j’me sens en sécurité ici… »

Chantale aussi parlait de la peur d’être jugée. Ainsi, même si elle fait parfois des activités ailleurs que dans des endroits réservés elle disait : « C’est mieux plus en santé mentale. J’aime mieux en santé mentale… parce que… on sait toutes c’est quoi avoir peur d’être jugé, parce que on a toutes quelque chose ».

Cynthia, pour sa part, insistait pour dire qu’elle n’avait pas honte d’avoir des troubles mentaux. Elle me disait : « Ben je pourrais faire les deux ! … J’ai pas honte de dire que chu malade ! » Et, être « étiquetée » préoccupait Stéphanie. Mais ce dont elle avait peur et honte, c’est d’être associée aux gens qui ont des troubles de santé mentale. Elle m’expliquait pourquoi elle avait, avant, de la difficulté à fréquenter les endroits réservés à cette clientèle. Elle racontait :

« J’avais même dit à mon chum que des fois, ça m’aidait d’être avec lui parce que je ne voulais pas être identifié à ces gens-là ! Je voulais me retrouver avec des gens qu’on dit normal ! … Au début j’avais de la misère avec ça, pis maintenant j’aime ça parce que je me rends compte que c’est des gens qui vont te respecter, parce que y vivent des choses semblables à toi, faque, souvent c’est des gens qui vont t’accepter comme t’es, pis qui vont avoir beaucoup de respect. Parce qu’au début, où ce que j’habite, c’est toutes des personnes en santé mentale, pis là j’arrivais à la ressource [où elle fait son Pass-Action] pis c’était toutes des personnes en santé mentale, OK pis té c’est comme si mon quotidien c’était toujours ça ! Partout où je me retrouvais, c’est comme si j’étais étiqueté ! Je me retrouvais comme dans un eee, j’avais un malaise avec ça. »

Mais aujourd’hui, elle ne veut pas fréquenter d’autres endroits que les organismes exclusifs à la clientèle en santé mentale : « parce que je finis par m’adapter aux gens qui ont des problèmes de santé mentale. »

Stéphanie, Georgette et Chantale mentionnaient donc des notions de respect, de compréhension mutuelle entre personnes ayant des troubles mentaux dans les organismes exclusifs à ces personnes.

Une volonté d’aller « ailleurs » qu’à la ressource d’appartenance

Yolande aussi m’expliquait qu’elle faisait des activités dans différentes ressources, pas nécessairement dans un organisme exclusif aux personnes en « santé mentale ». Mais elle disait avoir besoin du centre réservé, parce que le centre qui tient compte de ses difficultés

personnelles. C’est parce qu’elle a peur un peu des gens à l’extérieur du centre, non pas par rapport au jugement de ces troubles de santé mentale, mais parce qu’elle a des gens en général. D’ailleurs, c’est le club de recherche d’emploi, non exclusif à la clientèle santé mentale, qui l’a aidée à vaincre son agoraphobie. Ce sont des gens « normaux » : qu’elle m’a mentionné. Denise aussi aimait bien fréquenter l’organisme voué exclusivement à la clientèle santé mentale. Mais, elle aime bien aussi fréquenter les autres organismes non réservés. Elle me disait :

« Ben moi les organismes que je fréquente, ben Al-Anon… Ben je vas dans des groupes de proches aussi, c’est différent d’ici… Des groupes de proches aidants en santé mentale… Comme là j’aimerais ça faire ça, je sais pas si je vais pouvoir : le cercle des fermières, ça l’air de rien, mais aussi j’ai faite une courtepointe, l’artisanat ça m’intéresse aussi. Y m’ont dit qu’après les fêtes, c’était juste 5 $. J’aimerais ça y aller, une ou deux semaines, réparer mes affaires… »

Pour Suzanna, aller dans une ressource vouée exclusivement à une clientèle « santé mentale » n’est pas obligatoire, puisqu’elle dit se sentir comme tout le monde. Mais elle disait qu’elle aimait cela et que ça lui faisait du bien, par contre. Elle me disait : « C’est ça, moi je me sens pas malade ou quoi que ce soit ! Mais ça fait du bien par exemple. Ça fait vraiment du bien. » Et Darlène pour sa part, ne se sentait pas obligée d’aller dans des endroits spécifiquement pour la clientèle dite « santé mentale ». Elle a fréquenté un bon nombre de ressources, en tout genre, pour tous types de personnes. Ici, elle discute d’un organisme non réservé à la clientèle « santé mentale », expliquant que le trouble de santé mentale n’était plus aussi tabou qu’avant :

« J’ai déjà été à un groupe de femmes, et j’ai trouvé ça aussi bon qu’ici ! … Là-bas, eee, ben, y’a des personnes qui étaient borderline, d’autres qui l’étaient pas, y’avait des personnes bipolaires d’autres qui l’étaient pas, pis certaines personnes le disaient pis d’autres pas, pis je te dirais que le trois quarts des personnes là-bas ont pas de problèmes de santé mentale ».

Louise aussi désire fréquenter les deux types d’endroits. Elle me racontait qu’en ce moment elle faisait « moitié-moitié ». Elle voyait des avantages aux deux types d’endroits. D’abord, elle allait dans des organismes exclusifs à la clientèle « santé mentale » simplement pour le bien-être que lui procurent ces organismes : « Parce que eee, en « santé mentale », ça me fait du bien. Ben en fait ici… » Elle me disait aussi fréquenter les organismes ouverts à tous, ne voulant pas voir des certains comportements qu’elle disait « profiteurs » chez certaines personnes des organismes

voués aux personnes ayant des troubles de santé mentale. Elle m’a expliqué d’ailleurs ce qu’elle voulait dire :

« J’aime ça aussi les organismes pour « à tous » parce que eee j’aime pas ça tout le temps en santé mentale parce que des fois les gens eee, y’a toutes sortes de monde, des fois y’a du monde bizarre. Mais des fois y’en a en santé mentale qui eeee, dans les organismes, je trouve qui a des gens qui s’installent, pis qui qui qui, qui devraient pas s’installer. Pas qui profitent, mais té qui… devraient plutôt être mis à l’épreuve : Avoye ! Donne-toi un coup de pied pis vas-y dehors ! Té capable là té ! »

Louise semble vouloir dire qu’à trop fréquenter les milieux réservés, trop protégés, les gens pourraient avoir peur d’aller à l’extérieur et « d’avancer ». Elle semble dire que les gens préfèrent ce qui est « connu » et ce qui est « confortable », ce qui serait « humain » en quelque sorte. J’en reparlerai dans la discussion.

Finalement, il y a aussi Sandra qui ne voulait absolument pas fréquenter exclusivement les organismes en santé mentale. Elle disait : « J’ai pas d’ouverture pour ça. J’aime beaucoup quand on fait l’atelier d’écriture pis tout ça. Ça, c’est le fun pis on jase pis tout ça. Mais je suis pas toujours tolérante vis-à-vis certaines personnes. Pis y’a juste moi qui le sais… » Quand je lui ai mentionné que je déduisais de ses propos qu’elle ne voulait pas fréquenter uniquement les organismes pour le type de clientèle « santé mentale », elle en a rajouté et a dit : « non surtout pas ! ». Elle semble avoir peur d’être jugée ou semble avoir honte d’être considérée comme une personne ayant des troubles mentaux.

Avec ce thème de l’ouverture sur le monde, j’ai voulu montrer l’importance des ressources communautaires en santé mentale même si elles fréquentent d’autres types de ressources non exclusives aux personnes en « santé mentale ». L’importance des ressources comme celles de ma recherche n’est plus à démontrer. Et en ce qui concerne les ressources communautaires ouvertes à tous, elles ont l’avantage d’amener certaines femmes à sortir de l’exclusivité de leur ressource d’appartenance et ainsi, elles affrontent leur peur du jugement.

Alors pour certaines, l’ouverture sur le monde reste malheureusement limitée à leur ressource d’appartenance, sans toutefois, heureusement, limiter leurs sentiments d’accomplissement et le sentiment de s’être rétablie. Pour d’autres, la ressource est un tremplin afin qu’elles réintègrent les organismes ouverts à tous, comme elles le désirent. Les témoignages mettent en évidence que la fréquentation des deux types de ressources comporte des avantages et stimule le sentiment

d’accomplissement et la réalisation de soi pour permettre leur rétablissement. Nous discuterons plus amplement de cette ouverture sur le monde dans le chapitre de la discussion, chapitre où nous synthétiserons d’abord les principaux résultats dans un schéma puis où nous verrons l’implication de ses résultats pour le travail social.

CHAPITRE V : DISCUSSION. RETOUR SUR LES