• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE II : CADRE ANALYTIQUE

2.3. Quelques particularités de l’approche alternative

Dans ce qui suit, trois principales particularités de l’approche alternative seront détaillées : une approche se voulant plus proche des personnes, une approche permettant d’opérer des changements dans sa vie et une approche soutenant l’appropriation de pouvoir.

2.3.1. Une approche plus proche des personnes

De prime abord, l’approche alternative semble plus proche de la personne, de ce qu’elle veut pour elle-même et cela, plus que ne le font les approches de réadaptation du milieu institutionnel (Lecomte et Gagné, 2000) dont certaines approches du rétablissement s’inspirent.

Ainsi, avec l’approche alternative, l’histoire personnelle et de la souffrance que vivent les personnes sont prises en compte. Les personnes se sentent donc reconnues dans ce qu’elles sont. Bien que cette reconnaissance s’obtienne aussi par la fréquentation d’endroits comme des groupes d’entraide, des centres de crise, des ressources de traitement thérapeutique, des lieux d’hébergement et des maisons de transition, des centres de jour ou de soir, des ressources de réintégration au travail, des services d’écoute téléphonique, des services de répit, des services de soutien dans la communauté, etc. (Grenier, Fleury, Lecomte et Saucier, 2009), c’est dans les ressources utilisant l’approche alternative que la personne l’obtient le plus. Parce que les ressources alternatives « sont des espaces de créativité, d’expérimentation [et] un espace pour bâtir ensemble » (Corin et al., 2011, p. 9).

De plus, certaines de ces ressources ont aussi permis de promouvoir des valeurs comme l’entraide, l’aide entre pairs et l’appropriation de pouvoir (Gagné, 2014; Gagné et al., 1996; Lecomte et Gagné, 2000)

Ainsi, c’est une approche qui apparaît plus près de ce que veulent les personnes pour elles- mêmes. Et c’est dans cette perspective que l’approche alternative permet aux personnes de faire des changements dans leur vie.

2.3.2. Une approche qui permet d’opérer des changements dans sa vie

Une autre particularité de l’approche alternative, c’est qu’elle encourage les personnes à choisir des changements qu’elles veulent mettre en place dans leur vie, afin qu’elles aillent mieux, comme en discutent les recherches de Rodriguez, Corin, Guay, Lecomte et Gagné (2000).

Dans l’approche alternative en santé mentale, « les personnes peuvent y formuler un projet de vie dans un organisme où elles se sentent bien et en sécurité et où elles vivent une expérience enrichissante avec eux-mêmes et les autres. Elles peuvent même exprimer leur souffrance afin de renaître à la vie » (Corin et al., 2011, p. 119-120).

C’est par un travail sur soi-même, un travail vu comme une « remobilisation de l’être » c’est-à- dire un travail volontaire et conscient sur son intériorité et son image de soi, que se mettent en place ces changements. Ce travail sur soi, passant d’abord par l’introspection, passe ensuite par la parole et l’expression de soi. C’est ainsi que la personne se mobilise pour changer, pour aller mieux. Elle exprime donc ce qu’elle a vécu, se réapproprie son histoire et apprend aussi à mieux se connaître. Cette connaissance de soi s’acquiert au rythme de la personne, dans une démarche thérapeutique moins structurée que celle d’autres approches (Corin et al., 2011).

D’autres changements recherchés par les personnes peuvent se faire dans les rapports qu’elles ont avec les autres. Par exemple, la personne fréquente de nouveaux lieux et se fait de nouvelles relations. Elle peut aussi faire un « ménage » dans son cercle social et familial. Ces nouvelles expérimentations sociales lui permettent alors de mieux exprimer ses limites dans ses relations et peuvent aussi lui permettre de sortir de l’isolement.

D’autres changements se constatent dans de nouvelles activités. Ces activités permettent, comme les autres changements, le rétablissement, en augmentant la qualité de vie en général. Ainsi, les gens ont l’impression de faire plus que simplement survivre. Elles permettent de retrouver un rythme de vie propre et de se remettre en mouvement dans des projets.

2.3.3. Une approche favorisant l’appropriation de pouvoir

Ce sont tous ces changements qui permettent, entre autres, l’appropriation de pouvoir. Cette appropriation de pouvoir, communément appelée « empowerment », signifie « faire sien un pouvoir. C’est aussi de s’attribuer la propriété de quelque chose, devenir propriétaire d’une faculté et c’est se rendre maître de soi dans une situation »36. C’est donc acquérir des compétences qui sont utiles pour se rétablir et pour construire sa vie.

Déjà, dans la philosophie du rétablissement, l’acquisition de compétences et de connaissances pour la réalisation d’objectifs était aussi présente. La différence avec l’approche alternative réside dans le fait que les objectifs personnels à réaliser vont plus dans le sens d’une normalisation dans la philosophie du rétablissement.

Qui plus est, l’approche alternative propose des manières moins traditionnelles de se rétablir, et cela, même si les buts de la personne peuvent être atypiques ou marginaux, considérés alors comme ce qui démontre l’unicité. Cette unicité est même alors encouragée par toutes sortes de moyens. Bref, l’appropriation de pouvoir est encore plus visible dans l’approche alternative. Ces trois particularités de l’approche alternative permettent de saisir en quoi ce cadre d’analyse choisi est plus pertinent pour saisir les conceptions du rétablissement des personnes. Ce cadre d’analyse est plus proche des personnes, permet de comprendre que ce sont les personnes qui choisissent leurs manières de se rétablir et qui s’approprient du pouvoir en se rétablissant. Les paramètres de pratique de cette approche qui suivent permettent encore plus de saisir en quoi ce cadre d’analyse permet de mieux laisser place aux conceptions du rétablissement qu’exprimeront des personnes.