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Les paramètres de la pratique alternative pour comprendre les personnes

CHAPITRE II : CADRE ANALYTIQUE

2.4. Les paramètres de la pratique alternative pour comprendre les personnes

Pour analyser le discours des personnes, les mêmes paramètres, que ceux des auteures Corin, Poirel et Rodriguez, dans leur livre : Le mouvement de l’être (2011), sont utilisés. Leurs recherches auprès d’intervenants, usagers et directeurs de ressources alternatives, ont permis à ces auteures de dégager des paramètres de pratique autour de deux axes. Le premier se définit autour du fait que les ressources alternatives « travaillent avec ce qu’il y a d’humain dans l’humain » (Corin et al, 2011). En ce sens, les ressources alternatives de traitement semblent considérer la souffrance comme inhérente à la vie humaine. Elles semblent aussi considérer la personne pour ce qu’elle est et donc, elles n’accordent pas d’importance aux diagnostics, ce qui sera le cas dans la présente recherche.

Le deuxième axe stipule, quant à lui, considérer la ressource alternative, comme étant là pour favoriser un travail de la personne sur elle-même.

2.4.1. Premier axe : « travailler avec ce qu’il y a d’humain dans l’humain » (Corin et al. 2011)

Cet axe se divise en deux points. Le premier point stipule que le chercheur ou le professionnel travaillant avec une approche alternative doit porter attention à la singularité et l’unicité de la personne par rapport à son rythme de cheminement et par rapport à ses manières

de se rétablir. Avec cette approche, le devenir de la personne n’est pas prévisible ou planifiable à l’avance. Dans l’approche alternative, c’est l’interprétation de la personne de sa situation et de sa souffrance qui compte.

Le deuxième point de ce premier axe des paramètres de pratique est qu’un des buts de l’approche est de « redonner son amplitude » à la personne souffrante, ce qui signifie que l’être humain est regardé dans sa globalité c’est-à-dire dans toutes ses dimensions à la fois. C’est une « conception holistique de la personne [c’est-à-dire comme] formant un tout physique, psychique, affectif et symbolique » (Corin et al., 2011, p. 91).

Les travailleuses sociales qui interviennent avec ces paramètres veulent toucher la personne dans ce qu’elle est, afin de lui donner envie d’être elle-même et de se montrer au monde. Elles veulent aussi donner à la personne l’envie de se regarder avec dignité et s’explorer encore plus en profondeur.

Dans la présente recherche, le premier axe des paramètres de l’approche permet de considérer la personne, ayant des troubles de santé mentale, comme un être, unique et entier, et ayant ses propres conceptions de son rétablissement.

2.4.2. Deuxième axe : Permettre le travail sur soi pour favoriser une renaissance de la personne

Le deuxième axe des paramètres de pratique sous-entend que la ressource alternative représente un lieu qui permet à la personne de travailler sur elle-même, comme le sous-entend une des particularités de l’approche mentionnée auparavant. Ce travail sur soi est à la fois un travail en profondeur, ce qui peut inclure à la fois l’évocation du passé et à la fois un travail sur « l’ici et le maintenant ».

Pour stimuler ce travail sur soi chez la personne, la travailleuse sociale, utilisant une approche alternative, cherchera à comprendre ce qui est jeu pour la personne qui souffre. Ici, avec l’approche alternative, nous ne parlons pas de chercher à comprendre des symptômes à combattre, mais bien de « saisir ce qui fait souffrir la personne (…), son expérience unique et globale… » (Corin et al., 2011, p. 102).

De plus, ce qu’il nous faut saisir, pour bien comprendre les conceptions du rétablissement des personnes, c’est que ce travail sur soi, influençant certaines conceptions du rétablissement,

évoquera un cheminement de la personne vers ce qu’elle est vraiment et aussi un changement dans ces relations avec les autres. Nous devons donc saisir que ce travail sur soi peut se faire « par rapport à soi-même et par rapport aux autres personnes » (Corin et al., 2011, p. 104). En fait, avec ce travail sur soi, la personne « renaît à la vie » (Corin et al., 2011).

« C’est donc un travail de (ré) élaboration, de (re) construction et de (re) déploiement » (Corin et al., 2011). Plus simplement, nous dirons que c’est en partie grâce à ce travail sur soi que la personne retrouve ses désirs de construire sa vie, de créer et de faire des projets. C’est cette renaissance à la vie que ce mémoire souhaite documenter en analysant les conceptions du rétablissement des personnes.

2.2.2.1. Les moyens utilisés pour favoriser cette renaissance

Dans l’approche alternative, plusieurs moyens sont utilisés pour soutenir le rétablissement. Les ressources alternatives proposent des activités thérapeutiques qui utilisent la parole, l’art, la création et le corps pour aider la personne à s’exprimer et à renaître (Corin et al., 2011).

Et, pour stimuler l’expression de soi, les ressources communautaires en santé mentale proposent des ateliers artistiques comme la danse, l’écriture, la musique et la peinture. Ils proposent aussi des activités comme la participation sociale, par exemple avec un mouvement citoyen faisant des marches de groupe et des activités de bénévolat. Les ressources communautaires en santé mentale organisent aussi des activités diverses comme le yoga, les groupes d’entendeurs de voix, des groupes discutant de cheminement spirituel… (Lecomte et Gagné, 2000).

Quelques pistes, dans les recherches qualitatives discutant du point de vue sur le rétablissement37, donnent déjà des indices des conceptions du rétablissement des personnes vivant avec un trouble de santé mentale. Il apparaît que les personnes semblent percevoir leur rétablissement comme se mettant en œuvre par des changements dans leur vie et par un travail sur elles-mêmes leur permettant de mieux se connaître et d’expérimenter les relations en fonction de leur « nouveau soi ». Ces pistes seront utiles pour exposer le cadre méthodologique de la prochaine section.

Dans le présent mémoire donc, le choix de l’approche alternative semble le plus approprié pour répondre aux objectifs de recherche puisque ce sont les dimensions subjectives du rétablissement, selon le point des personnes qui plus est, qui sont explorées et analysées. Ainsi, l’approche alternative apparaît plus proche des personnes, leur permettant de faire des changements qu’elles désirent faire dans leur vie, grâce à moyens sous-entendant l’autodétermination et l’appropriation de pouvoir qu’elle stimule. C’est donc cette approche qui sera utilisée sur le terrain, dans l’analyse du discours et la discussion. Le chapitre qui suit expose plus en détail comment se réalisera cette recherche.

CHAPITRE III : MÉTHODOLOGIE