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CHAPITRE V : DISCUSSION RETOUR SUR LES RÉSULTATS ET IMPLICATIONS

5.4. Pour terminer la discussion

Les témoignages des femmes rencontrées nous ont rapporté que celles-ci ont vécu des épreuves majeures dans leur vie et que ces épreuves ont, au moins, fortement contribué à les faire plonger dans les troubles de santé mentale. Les témoignages parlent de violence, d’abus sexuel, de perte de garde de leurs enfants, d’itinérance, de suicide et d’injustices. Parfois, devant de tels drames, l’autonomie devrait devenir la dernière priorité. Les dimensions objectives et normatives du rétablissement devraient être mises de côté puisque la profession de travailleuses sociales est d’abord d’être à l’écoute et de comprendre la personne, pour l’aider à s’en sortir et à faire ses choix. Ici, ces choix semblent faits non pas vers l’autonomie, mais vers la cessation ou du moins, l’atténuation de la souffrance des épreuves du passé. L’acquisition de l’autonomie devrait venir seulement « après ».

De plus, toutes ces épreuves majeures nous laissent voir que les troubles de santé mentale peuvent arriver à n’importe qui. D’ailleurs, comme le disait Zarifian : « La folie existe en germe en chacun de nous… notre cerveau serait capable, dans des circonstances particulières, de fabriquer des symptômes rencontrés en psychiatrie » (Zarifian, 1988, pp. 44-45, déjà cité en page 7 du présent mémoire).

Les troubles de santé mentale peuvent arriver à n’importe qui et il m’apparaît clair que si nous avions vécu ce qu’ont vécu ces femmes, nous aurions peut-être eu à faire face à des troubles de santé mentale et peut-être n’aurions-nous pas réussi autant qu’elles à nous rétablir.

Ce qu’elles nous ont appris, c’est la force qui existe en elles pour se rétablir et c’est l’espoir que c’est possible de le faire.

CONCLUSION

Depuis la réadaptation psychiatrique, déjà, nous parlions d’une supposée nécessaire acquisition d’autonomie. Puis, avec une réadaptation plus psychosociale, nous parlions d’amélioration des compétences personnelles reliées, encore, à l’acquisition de cette autonomie. Puis, avec les approches du rétablissement, nous avons commencé à discuter plus d’aspects comme le bien-être, la reconstruction identitaire ou la promotion de l’autodétermination. Plus particulièrement, avec l’approche alternative nous avons plus parlé de l’appropriation de pouvoir.

Avec les recherches de Corin, Poirel et Rodriguez (2011), le rétablissement par l’approche alternative a été décrit comme un mouvement allant de l’intérieur vers l’extérieur de soi. Nous aidons la personne souffrant de troubles mentaux à se remettre en mouvement et à renaître à la vie.

Avec la présente recherche, les conceptions du rétablissement selon les femmes qui vivent avec un trouble de santé mentale et fréquentant une ressource communautaire ont été documentées. C’est dans trois ressources communautaires vouées exclusivement aux personnes ayant un trouble de santé mentale que le recrutement de participantes à cette recherche a été fait.

Auprès des onze femmes que j’ai rencontrées, il a pu être constaté que leur rétablissement était passé par les trois phases illustrées dans la synthèse présentée dans le dernier chapitre de ce mémoire, même si l’ordre de ces phases n’était pas toujours exécuté de manière linéaire ou en totalité, c’est-à-dire dans tous les thèmes, par toutes les femmes.

Un modèle du rétablissement, construit à partir de cette synthèse des résultats, pourrait être testé à l’avenir, mais je ne sais pas si une modélisation du rétablissement servirait vraiment une autodétermination de la personne que nous, travailleuses sociales, voulons toujours favoriser. De plus, atteindre le rétablissement par un modèle prédéfini est-il un moyen vraiment différent d’éviter de promouvoir une normalisation ? J’en doute. Pour que les manières de concevoir et de mettre en œuvre le rétablissement restent subjectives et autodéterminées par les personnes, la modélisation du rétablissement n’est peut-être pas ce qu’il faut viser. C’est d’ailleurs le prochain point.

Promouvoir l’autodétermination pour une plus grande réalisation de soi

Les résultats de ma recherche montrent que les femmes rencontrées se rétablissent bel et bien en mettant en œuvre leurs conceptions du rétablissement. Ces conceptions du rétablissement passent par trois phases, la première est pour se déposer et se stabiliser, la deuxième pour se connaître et être et la troisième pour créer et accomplir ses projets.

La deuxième et la troisième phase peuvent être comparées aux deux mouvements de l’être dont discutent Corin et ses collègues (2011). Ce qu’il y a de particulier à la recherche menée, c’est que ces deux mouvements ont pu être documentés. Nous pouvons donc mieux saisir les manières, pour ses personnes, de s’accomplir pour favoriser leur rétablissement et nous pouvons aussi comprendre comment elles font pour « se remettre en mouvement » (Corin et al., 2011), pour mieux être et mieux vivre.

Ces manières de mettre en œuvre leur rétablissement reflètent leurs conceptions personnelles du rétablissement et diffèrent donc d’une personne à l’autre. Notons que ces manières de se rétablir doivent être déterminées par la personne. Sans quoi, les mouvements de l’être n’en seront plus et ne seront que des mouvements d’automates dirigés non pas vers le sentiment d’accomplissement, mais vers l’autonomie.

En ce sens, il serait intéressant dans une recherche future de documenter des liens plus clairs entre des objectifs autodéterminés et une mesure, même subjective, du sentiment d’accomplissement chez les personnes qui se réalisent.

Somme toute, pour l’instant, il est important pour nous, travailleuses sociales, de continuer à promouvoir l’autodétermination chez les personnes aux prises avec des troubles de santé mentale, plutôt que de promouvoir l’autonomie, comme c’est souvent le cas dans les milieux de la santé mentale qui visent la normalisation. Parce que c’est seulement en s’autodéterminant que la personne aura l’impression de réussir sa vie et, qui sait, sera heureuse, et cela, beaucoup plus que ne le fait la recherche de l’autonomie à tout prix.

N’est-ce pas là d’ailleurs la véritable autonomie ? Celle de pouvoir vivre en accomplissant nos propres projets, sans avoir besoin que les autres nous les dictent ! Et qui sait, à force de voir s’accomplir et de se sentir fières et à force de voir les pas et les réussites des personnes que nous

voulons aider, alors, en tant que travailleuses sociales, nous pourrions, nous-mêmes, nous sentir accomplies dans notre travail.