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CHAPITRE 5 : LES RÉSULTATS

5.4 Thème 3 : les choix scolaires et professionnels

Le thème « choix scolaires et professionnels » fait référence aux motivations de l’élève lors de son processus de choix de formation ou de carrière. Dans cette section, nous présentons les distinctions entre les deux profils de résilience des participants.

La question suivante a guidé l’analyse : considérant le poids des attentes sociales et institutionnelles dans le concept de soi des élèves DA, comment ont-ils déterminé leurs choix scolaires et professionnels ?

5.4.1 La prise de décision

Tenant compte de la distinction déjà établie entre des profils résilients et non-résilients au moment des entrevues, les résultats se rapportant au thème des choix scolaires et professionnels chez les élèves DA montrent peu de différence dans le processus de prise de décision. Ce sont surtout les motivations qui diffèrent entre les deux groupes.

D’abord, pour l’ensemble des participants, ils se sont vus plus souvent refuser l’accès à des programmes d’études en formation professionnelle, au cégep ou à l’université. Ils doivent plus souvent renoncer à leur intérêt premier, faute de répondre aux exigences du programme convoité. Plusieurs ont montré une déception quant aux possibilités limitées liées à leur choix scolaire ou professionnel. C’est le cas d’Anna qui a expliqué avoir fait son choix de formation par élimination, en fonction de ce qui lui était accessible avec ses résultats scolaires.

Après ça, ça a été secondaire quatre, cinq. Là j’étais perdue. J’étais découragée parce que je voyais ma cote, mes notes. Je regardais les techniques possibles. Au début, je regardais les techniques pis je voyais que tout était trop contingenté. Je me demandais qu’est-ce qui va arriver? J’avais vraiment aucune technique de disponible pour moi. Anna

Une majorité des répondants a rapporté avoir fait un choix en fonction de leur propre

attente de succès pour un programme de formation donnée. Une différence est toutefois

grandes difficultés et qui ont envisagé très tôt aller à l’université, le choix professionnel semble s’être fait davantage par leurs attentes de succès aux études, plutôt qu’en emploi. Peu de participants avec un profil résilient ont montré une faible attente de succès en emploi. Pour les répondants non-résilients au moment des entrevues, le choix s’est aussi fait en fonction des attentes de succès aux études, mais d’abord en emploi. Les participants non-résilients étaient plus nombreux à se projeter vers un métier, plutôt que vers un projet d’étude. L’idée de faire des études était moins importante pour eux (valeur de l’éducation étant plus faible).

Jasmine s’est imaginée difficilement réussir dans l’emploi pour lequel elle a de l’intérêt, mais aussi dans la formation exigée pour exercer ce métier. Elle n’a pas voulu s’engager dans le projet d’étude, par crainte d’échouer. Cela démontre un concept de soi général plus altéré puisque sa faible perception de compétence ne se limite pas à un seul sous-concept (scolaire ou occupationnel).

Vu que je suis mauvaise à l’école et que j’ai peu de confiance en moi, quand je vois ce qu’il faut faire pour devenir ça, je me dis que le nombre d’études, d’heures et la concentration… pis aussi le fait qu’il faut certaines capacités que je n’ai pas nécessairement pour faire ce métier-là. La concentration, la précision, c’est toutes des trucs comme ça que je n’ai pas nécessairement. Je sais que ça s’acquiert, mais ce n’est pas dans mes forces. Je ne veux pas prendre le risque de faire ça. Jasmine

5.4.2 Les participants résilients

Les résultats montrent des particularités chez les participants qui sont résilients. Pour certains, une pression directe ou indirecte de la part des parents a été perçue dans leur choix d’études et de profession. Par crainte de décevoir leurs parents, certains ont suivi leurs conseils, soit de continuer vers des études postsecondaires. Ils ont démontré davantage de persévérance dans les études en comparaison aux élèves non-résilients au moment des entrevues.

Chez ces participants, l’idée de faire des études postsecondaires allait souvent de soi depuis l’enfance. Plusieurs d’entre eux ont des modèles familiaux plus scolarisés. Pour Sarah, c’est

son modèle familial qui l’a menée à faire des études universitaires ; « pour obtenir un bon emploi ». Certains ont mentionné avoir fait leur choix dans le but d’éviter de vivre des difficultés à la vie adulte.

Les élèves DA font parfois leurs choix scolaires et professionnels en fonction des attentes positives que les autres projettent envers soi. Chez les élèves résilients, les évènements positifs qui ont fait une différence ont été rapportés plus souvent. Lorsqu’il y a une reconnaissance positive d’un agent de socialisation envers l’élève dans une matière ou une tâche précise, l’élève augmente sa perception de compétence par rapport à cette tâche. Il en vient à considérer cette force dans son choix de formation ou de métier puisque sa propre

attente de succès s’accentue envers la tâche. Par exemple, Claude s’est souvenu des

enseignants en philosophie au cégep qui ont reconnu ses efforts en classe, ce qui a augmenté son sentiment de compétence pour la matière. Ces enseignants ont été des modèles pour lui. Il s’est plus tard dirigé vers une formation en philosophie.

Valérie s’est aussi souvenue de la reconnaissance reçue d’une enseignante, lorsqu’elle était en 6e année, pour ses capacités à gérer la classe pendant son absence. Après ses études

secondaires, elle a d’abord envisagé se diriger vers une formation en enseignement. Par la suite, Valérie a obtenu un excellent résultat dans un cours de français, lui donnant confiance en ses capacités pour la matière. Elle a précisé son choix professionnel, soit l’enseignement du français et de la littérature.

L’enseignante me dit, tu as eu la meilleure note de la classe. J’avais les jambes coupées et je suis repartie à moitié sonnée dans le local et j’en revenais pas. Je peux être bonne à l’école ? Qu’est-ce qui se passe ? Fait que ça, ça m’a aidée beaucoup. Ça m’a donné un petit « boost » de confiance. Valérie

5.4.3 Les participants non-résilients

Les participants qui ont un profil non-résilient lors des entrevues se distinguent sur certains éléments dans leurs choix scolaires et professionnels. Le désir de sortir de leur situation précaire est souvent un incitatif pour s’engager dans un projet d’étude. Pour Jacob, le désir de ne plus recevoir d’aide financière du gouvernement et de devenir autonome l’encourage

à persévérer dans ses études. Jasmine, pour sa part, peut difficilement se concentrer sur un choix de carrière, puisqu’elle doit d’abord s’occuper de ses besoins de base.

Il fallait que je me nourrisse, que je paye mon loyer à temps. Que je paye mon cellulaire. Un gros, gros stress. Avec tout ça, disons que l’école ce n’était pas vraiment ma priorité. J’ai commencé à reparler à aller à l’école, mais je n’avais pas vraiment la motivation à y aller. Je vais y aller, mais en même temps je ne voulais pas. Jasmine

Le choix de s’engager ou non dans le projet a été déterminé selon la valeur qu’ils accordent aux résultats et aux coûts. Si le projet demande trop d’effort et risque de mener à un échec, l’élève préfère ne pas s’y engager. C’est ce qui a conduit Laurence, Simon et Jasmine à abandonner l’école secondaire. Ce n’est que quelques années plus tard qu’ils ont reconsidéré les études pour changer leur situation en emploi. Pour Clément, il a dû considérer un métier qui demande peu ou pas de formation, en raison de son retard scolaire important. Maintenant adulte, il craint de devoir faire un choix qu’il n’aime pas et dont les conditions de travail sont moins avantageuses.

Je me le demande encore aujourd’hui. Vingt ans et je ne sais pas quoi faire de ma vie. À part faire des métiers semi-spécialisés. Placer des cannes sur des comptoirs, c’est-tu plate ça ? Aucun intérêt. (...) Toute ma vie, faire un métier au salaire minimum tandis que les autres sont plus haut et financièrement aussi. (…) Comment tu veux vivre ? Clément

Plusieurs participants non-résilients connaissent peu les exigences liées aux études postsecondaires. Aussi, un grand nombre d’entre eux nourrit de faibles attentes de succès envers les études postsecondaires. Par exemple, Julie, qui a essayé les études collégiales pour « faire comme les autres », est très heureuse de son choix d’avoir quitté le cégep. Adulte, elle craint encore de ne pas pouvoir réussir des études postsecondaires.

En fin de compte le cégep, non. Pis peut-être plus tard je vais y aller. Ça se peut. En ce moment, j’ai comme un stress de savoir que je ne serai pas bonne. Je sais que le français, juste savoir qu’on a l’épreuve uniforme, ça me stress. Savoir que j’ai de la philo et que je ne suis pas bonne. Julie