• Aucun résultat trouvé

Comment les participants ont-ils vécu les attentes sociales et institutionnelles durant leur formation primaire et secondaire ?

CHAPITRE 5 : LES RÉSULTATS

5.5 Les comportements de persévérance

6.1.1 Comment les participants ont-ils vécu les attentes sociales et institutionnelles durant leur formation primaire et secondaire ?

6.1.1.1 Les attentes sociales : de faibles attentes de succès par les adultes et une préoccupation éminente du jugement des pairs

Les résultats témoignent du rôle important des attentes dans l’expérience scolaire des élèves DA (Forgette-Giroux, Richard et Michaud, 1995 ; Joët et ses collaborateurs, 2007; Morency, 1990). Ces attentes ont été perçues positivement ou négativement, selon les cas. D’abord, une majorité des participants ont fait mention d’évènements avec des agents de socialisation qui les ont menés à se sentir différents et à douter de leurs capacités à réussir. Ils ont été marqués par les attentes de succès véhiculées à leur égard par leurs parents, les enseignants et les professionnels. Notamment, durant la période des devoirs, les attentes des parents se sont le plus souvent révélées par leur témoignage de découragement ou d’impatience.

Concernant les comportements des enseignants, nous avons obtenu des résultats similaires à ceux de Good et Brophy (2008), soit un manque d’attention et d’encouragement en classe,

que l’enseignant a l’obligation d’agir juste et de manière impartiale avec tous ses élèves. Dans les faits, nous constatons que ce n’est pas toujours ce qui est perçu chez les élèves DA. À l’inverse, les expériences positives avec les enseignants nous ont permis de souligner l’importance des encouragements et de la reconnaissance des efforts en classe, pour favoriser une meilleure perception de leurs compétences dans la matière. Les attentes

« positives » de succès, un concept tiré du modèle « expectancy-value », sont associées à la

persévérance, comme le montrent les participants résilients de notre étude. C’est plus précisément lors d’expérience de succès en classe, suivie de l’expression d’attentes positives envers l’élève, qu’il a été possible d’observer cette dynamique. Les participants qui ont rapporté avoir vécu un succès se souviennent des louanges reçues d’une personne significative.

À l’inverse, certains participants DA étaient ébranlés lorsque les pairs véhiculaient des jugements négatifs à leur égard. La nature consciente et directe de cette hostilité envers l’élève DA leur a paru menaçante durant cette période de leur scolarité. L’élève DA préfère ne pas montrer sa difficulté par crainte du jugement des autres. C’est pourquoi plusieurs participants n’ont pas apprécié le fait de recevoir des traitements ou des services spécialisés qui permettaient de les identifier ou de les catégoriser. Ils ont adopté des comportements d’évitement soit en mentant sur leur situation, en s’isolant, ou en créant des liens seulement avec des gens qui ont des difficultés similaires aux leurs. Albinger (1995) et Baum (2017) ont obtenu des résultats semblables dans leurs recherches; ils ont montré que le fait d’avoir recours à des services adaptés était une source de honte et que les élèves préféraient mentir sur le sujet. Antoine et ses collaborateurs (2010) ont aussi souligné la sensibilité des élèves en difficulté à la catégorisation entre les pairs.

Le modèle « expectancy value » tient compte de l’interprétation que fait l’élève des croyances et comportements des agents de socialisation. Pour un évènement similaire, le sens que l’élève DA y accorde conduit à une diversité d’interprétations possibles. C’est pourquoi nous pouvons expliquer la présence d’une diversité dans les points de vue.

6.1.1.1 Les attentes institutionnelles: une intégration contestable et une sous-scolarisation imposée

Tout comme l’ont montré les recherches sur l’intégration des élèves HDAA en classe ordinaire ou en classe spéciale (Bélanger, 2003 ; Desbiens et al., 2014 ; Roy et al., 2015), les résultats de la présente étude ne ferment pas le débat sur l’inclusion, mais permettent de mieux comprendre ce qui pose problème. Les participants qui ont intégré les classes spéciales partagent l’idée que ces classes favorisent une meilleure estime de soi. Être avec des élèves qui vivent des difficultés similaires limiterait la comparaison défavorable en classe. Bien que Bélanger (2003) affirmait le contraire, cela va dans le même sens que la théorie du Big Fish Little Pond Effect de Roy et ses collaborateurs (2015).

À l’aide de nos résultats, nous pouvons préciser qu’un environnement scolaire qui protège l’élève DA des comparaisons désavantageuses avec les élèves ordinaires est plus propice à la formation d’un concept de soi positif. Or, nous avons constaté qu’il est plus facile d’identifier un élève DA par les services adaptés qui lui sont offerts durant les heures de classe, que par les résultats scolaires qui sont rarement divulgués en classe. S’il est peu probable que l’élève se compare avec les autres élèves de sa classe ordinaire par ses résultats, la théorie du Big Fish Little Pond Effect ne peut se confirmer dans ce contexte. En résumé, l’intégration en classe ordinaire aura une incidence négative sur l’estime de soi lorsque l’élève a recours à des traitements différenciés durant les heures de classe, puisque cela permet de l’identifier en tant qu’élève DA aux yeux des autres élèves de la classe. Plutôt que de chercher à déterminer s’il est préférable d’intégrer la classe ordinaire ou la classe spéciale, on constate d’abord l’importance de limiter les risques de comparaisons entre ces groupes pour réduire leur effet sur l’estime de soi. C’est pourtant aussi ce que visait le Ministère de l’Éducation à la suite de la Commission Parent (1963-1966), soit de réduire la comparaison pour éviter le sentiment d’échec chez les élèves. L’objectif demeure important à ce jour. Il parait juste de se questionner sur les mesures mises en place depuis par les commissions scolaires pour limiter cet effet.

Par ailleurs, c’est en contexte de classe spéciale que de faibles attentes de succès par l’institution ont été rapportées. Les possibilités limitées (activités parascolaires, services scolaires, formations et emplois) des participants faisant partie de ces classes ont été interprétées comme de faibles attentes à leur égard. Tout comme le rapportait Giroux et Pageau (2006) ainsi que Goupil (2014), les élèves qui ont intégré une classe spéciale ont peu de chances de rejoindre le secteur régulier et ils sont plus susceptibles d’abandonner l’école. Les participants de notre recherche qui ont fréquenté une classe spéciale se montrent insatisfaits de leur « sort » prescrit par l’institution. Ils en témoignent ainsi : le sentiment de perte de temps sur les bancs d’école, l’allongement des études secondaires, les possibilités limitées de formation, des difficultés d’insertion professionnelle, une plus grande précarité d’emploi et une anxiété liée aux choix et aux difficultés financières. D’autres études sont aussi arrivées à ces conclusions concernant les risques de la sous- scolarisation (Demers, 1991 ; Dorn, 1993; Guay et al., 2016; Lecomte, 1990; Rousseau et

al., 2009; Sullivan, 1988 ; Vultur, 2007). En somme, les attentes institutionnelles se sont

révélées par les décisions de l’institution quant au classement et aux services offerts à ces élèves. Selon la perception des participants rencontrés, avoir fréquenté une classe spéciale, dès l’entrée au secondaire, a déterminé en partie leurs chances de réussite scolaire et leur contexte de vie futur.

6.1.1.3 Les services offerts : deux discours contradictoires

Les résultats montrent une satisfaction générale quant aux services reçus à l’école. Toutefois, des discours contradictoires entre les participants et, parfois chez un même participant, ont été soulevés. Certains sont heureux d’avoir reçu des services alors que d’autres sont heureux d’en avoir peu reçu.

Ceux qui ont adopté le premier discours ont reconnu les effets positifs de l’aide qui leur a été offerte durant leur formation primaire et secondaire. Même que plusieurs d’entre eux auraient souhaité recevoir plus de services pour pallier les difficultés, et ce, plus tôt durant leur formation. C’est pourtant aussi ce que visait la Politique de l’adaptation scolaire

(1999) sur la prévention des difficultés. Pour ces personnes, ne pas recevoir de l’aide, ou recevoir une aide inadéquate, peut nuire aux chances de réussite.

Les participants qui tiennent le deuxième discours ont adopté davantage de comportements de persévérance durant leur formation, démontrant plus souvent un profil résilient (Goldberg et al., 2003 ; Martin et Marsh 2006). Ce sont en majorité des hommes qui ont tenu ce discours : « si j’avais voulu mettre les efforts, j’aurais pu réussir », ce qui dévoile une plus grande confiance en leurs capacités. Ils se sont montrés heureux de ne pas avoir reçu de services plus tôt, par crainte de « devenir lâche », ou parce qu’ils croyaient que c’était de leur responsabilité de mettre les efforts nécessaires pour réussir. Plusieurs études

(Chouinard et al., 1999 ; Seidah et al., 2004 ; Wigfield et Eccles, 1994) ont aussi montré

que les hommes avaient tendance à avoir une perception de compétence plus élevée que les femmes, voir à surestimer cette compétence même s’ils ont de plus faibles résultats scolaires.

6.1.2 Comment les attentes sociales et institutionnelles interviennent-elles dans le