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CHAPITRE 5 : LES RÉSULTATS

5.2 Thème 1 : Les attentes sociales et institutionnelles

5.2.2 Les enseignants

Les attentes des enseignants se sont aussi révélées par leurs attitudes et leurs comportements. Les résultats montrent deux formes d’expérience qui peuvent toutes deux être vécues chez un même participant. L’expérience positive ou l’expérience négative dépend de l’enseignant et de l’interprétation de l’élève au regard de la situation. Pour treize participants, des expériences positives ont été relevées avec un ou plusieurs enseignants.

Les participants décrivent plusieurs comportements des enseignants favorables à leur réussite scolaire : « Ils remarquent les difficultés, ils sont disponibles, à l’écoute, aidants et patients » ; « Ils ont plus de méthodes à jour et ils sont encourageants » ; « Ils sont stimulants, participatifs, concrets, plus accessibles et aiment donner de leur temps pour aider » ; « Ils sont gentils, compréhensifs, ils décrochent de la matière et donnent envie d’être dans leur cours » ; « Ils savent adapter la pédagogie » ; « Ils donnent plus d’outils », etc.

L’encouragement et la reconnaissance des efforts par les enseignants sont des éléments qui ont « fait la différence » pour ces élèves. Pour Claude, Simon et Rosalie, c’est cette reconnaissance qui a favorisé la confiance en leurs capacités et les a menés à adopter des comportements de persévérance en classe. Ce gain de confiance se limite toutefois à la matière donnée par l’enseignant significatif, comme dans les cas de Claude et de Simon, et non à l’école en général (concept de soi associé à la matière seulement). C’est aussi cette reconnaissance qui a mené les élèves à vivre des succès en classe :

J’ai eu la première fois de ma vie un 100 %. J’étais content. J’avais un lien énorme avec le professeur d’histoire. Simon

Après réflexion, je pense que ce qui a fait le plus la différence, c’est la reconnaissance, les encouragements lorsqu’on a fait des efforts et qu’il y a un changement dans nos résultats. Ma prof en classe spéciale croyait en moi (...) Je me rappelle aussi qu’elle avait repris mon travail en classe pour le donner comme exemple. Elle était épatée de l’écriture et j’étais tellement fière. Je n’arrivais pas à y croire que j’avais pu faire un bon travail. Ça m’a encouragée, c’est certain. Rosalie

Le tiers des participants est resté en contact avec un ou plusieurs enseignants qui ont semblé croire en leur capacité à réussir. Ils ressentent une fierté à leur montrer où ils sont rendus dans leur parcours scolaire ou sur le marché du travail. Pour Jacob, le désir de montrer à son enseignante au primaire qu’il a obtenu son diplôme d’études secondaires le motive à atteindre cet objectif.

En règle générale, les expériences des élèves avec les enseignants sont positives. Certains participants n’ont pas souvenir d’avoir été traités différemment par les enseignants et reconnaissent leurs efforts pour éviter d’être ostracisés en raison de leurs difficultés. Deux participants se sont aussi montrés compréhensifs envers les enseignants dans les classes spéciales, compte tenu du contexte dans lequel ils doivent enseigner (temps insuffisant, nombre élevé d’élèves et diversité des difficultés).

Cependant, d’autres sont insatisfaits des comportements de certains enseignants à leur égard. Onze expériences négatives ont été mentionnées, parfois plus d’une chez un même participant. Les résultats montrent une diversité dans l’expérience vécue négativement avec

les enseignants : « Elle a refusé de donner des exercices supplémentaires » ; « Il a tenté d’éviter de répondre à mes questions », « Il se dépêchait à sortir de la classe pour ne pas que j’aie le temps de poser ma question » ; « Elle a manqué de patience et de compréhension » ; « Elle ne semblait pas avoir envie de m’aider » ; « J’avais l’impression d’être un boulet pour elle » ; « Elle semblait découragée, même frustrée ». Certains participants ont aussi nommé que les enseignants ne comprenaient pas bien leur difficulté et qu’ils adoptaient parfois les mêmes comportements et méthodes avec l’ensemble des élèves.

Ces comportements des enseignants favorisent le sentiment d’incompétence chez les élèves ou le sentiment d’être différent. Pour Pierre, c’est ce qui est arrivé lorsqu’il a fait une présentation orale devant la classe et que l’enseignant s’est montré plus « agressif » en le « bombardant de questions ». Ce participant a partagé sa croyance comme quoi il y a des enseignants qui cherchent les points faibles des élèves. David a pour sa part eu l’impression qu’une enseignante voulait lui rappeler qu’il « n’était pas bon » dans une matière scolaire, ce qui l’a découragé. Rosalie a aussi vécu une situation similaire dans laquelle elle s’est sentie incompétente par l’attitude de l’enseignante :

Je me rappelle le moment où nous apprenions une notion et que je n’arrivais pas à comprendre devant le groupe. Elle répétait, mais je ne comprenais pas encore. Elle a perdu patience avec moi et je l’avais bien ressenti. Je pense me rappeler plus facilement du sentiment que j’ai ressenti plutôt que les réactions des enseignants exactement. Je me sentais incompétente, inintelligente. C’était la honte. Rosalie

Pour la majorité des participants, ce qui dérange le plus dans les comportements des enseignants, c’est de recevoir un traitement différent devant les autres élèves de la classe. Ils préfèrent recevoir une aide en dehors de la classe, lorsque leur différence n’est pas perçue par leurs pairs, de même que pour toute intervention qui pourrait laisser paraitre une différence entre l’élève DA et les autres. Par exemple, un participant se souvient qu’un enseignant avait mentionné à haute voix les résultats des élèves dans la classe. Il s’est senti gêné et moins « bon » que ses pairs. Pour Jacob, c’est lorsqu’il était en classe ordinaire qu’il a refusé l’aide offerte par les enseignants : « Ils pouvaient peut-être avoir tendance à plus me soutenir. Moi, je n’aimais pas ça honnêtement. Je n’aimais pas ça parce que le

monde le savait ». Julie avait aussi cette impression que les interventions des enseignants en classe changeaient la vision des autres élèves envers elle.

Pour plusieurs participants, les attentes des enseignants quant aux chances de réussite

(attentes de succès) de l’élève en difficulté les ont marqués davantage que celles des pairs.

Ces attentes se sont révélées à l’élève de façon explicite par des paroles, ou pour d’autres par l’interprétation des comportements des enseignants envers eux, donc de manière implicite. Pour Julie, c’est davantage par l’attitude et les méthodes utilisées que les enseignants ont montré qu’ils croyaient en elle, soit en adaptant leur pédagogie, en donnant de l’importance à tous les élèves et en leur apportant une attention particulière selon leur difficulté. Par ailleurs, Julie se souvient bien d’une enseignante qui a minimisé ses chances de réussite dans une rencontre avec les parents. Elle rapporte le discours selon ses souvenirs :

La prof avait regardé mon père et lui avait dit, votre enfant ne va jamais avoir un travail. Elle n’est pas bonne à l’école, elle ne va pas réussir. Pis ça, ça l’a ancré dans ma tête. Julie

Sarah a vécu une situation similaire avec un professeur à l’université. Ce professeur lui a proposé de suivre un programme plus simple, minimisant ses chances de réussite dans celui qu’elle désirait faire. Elle s’est sentie « vraiment blessée » et « fâchée » de cette proposition. Jasmine, quant à elle, avait l’impression que certains enseignants croyaient peu en ses chances de réussite, sans se rappeler d’une situation en particulier : « Je suis sûre qu’ils se disaient, non cette fille-là va finir [à la formation] aux adultes, elle va peut-être faire un petit DEP… ».