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Considérant le poids des attentes sociales et institutionnelles dans leur concept de soi, comment les participants ont-ils déterminé leurs choix scolaires et professionnels ?

CHAPITRE 5 : LES RÉSULTATS

5.5 Les comportements de persévérance

6.1.3 Considérant le poids des attentes sociales et institutionnelles dans leur concept de soi, comment les participants ont-ils déterminé leurs choix scolaires et professionnels ?

On constate que les propres attentes de succès des élèves DA déterminent plus souvent le choix de s’engager dans un programme de formation ou un métier malgré la valeur

intrinsèque qu’ils y accordent. Faute de répondre aux exigences, ils sont parfois contraints

d’envisager un nouveau choix qui correspond moins à leurs intérêts, complexifiant la prise de décision.

Il a été possible de reconnaître quelques différences dans les choix des participants résilients et non-résilients. Notamment, les participants non-résilients ont tendance à faire un choix en fonction des attentes de succès en emploi, plutôt qu’aux études. L’idée de faire des études parait plus souvent comme une nécessité (valeur de l’utilité) seulement si l’emploi l’exige, ce qui rejoint les observations de Vultur (2007). C’est entre autres ce qui les distingue des participants plus résilients. Chez ces derniers, le choix professionnel s’est fait d’abord par leurs attentes de succès aux études. La valeur de l’éducation, plus forte chez ces personnes, les a menés plus souvent à choisir un projet de formation plutôt qu’à se projeter dans un emploi. Dans leur cas, les propres attentes de succès orientent plus souvent le choix de programme plutôt que le choix de s’engager ou non dans les études.

Une autre différence a été notée entre les deux profils concernant la valeur du choix (Wigfield et Eccles, 2000, 2002). Les participants résilients tendent à faire un choix pour éviter un avenir difficile (valeur du résultat), alors que les participants non-résilients se retrouvent parfois dans une situation de vulnérabilité et désirent améliorer leur « sort » (valeur de l’utilité). Pour ces participants, les choix se font davantage selon un calcul des coûts et des bénéfices qu’ils peuvent en retirer, qui parfois ne repose pas sur le choix d’un programme ou d’un métier, mais plutôt le choix de continuer ou quitter l’école. La motivation scolaire pour ces élèves est plus faible et ils évaluent si les efforts nécessaires pour réussir sont trop élevés (coûts) pour la valeur du résultat envisagé (l’effet de vivre un échec sur la perception de soi, par exemple). La valeur du choix est aussi considérée chez les participants résilients, mais son poids est différent selon l’ampleur des difficultés, leurs propres attentes de succès et le contexte de chacun.

Il a aussi été possible de constater que les participants non-résilients lors des entrevues manquaient d’information scolaire et professionnelle. Rojewski (1996) rapportait quant à lui une plus faible prise de conscience du monde du travail chez ces élèves. Dans les deux cas, l’élève DA risque de faire des choix qui ne tiennent pas compte de tous les éléments (Chen et Chan, 2014) et qui peuvent l’amener à vivre d’autres échecs. La connaissance des élèves DA des programmes de formation et du monde du travail parait importante pour réduire le faible niveau de maturité vocationnelle dont parlaient Rousseau et ses collaborateurs (2009).

Enfin, chez les participants résilients, il a été possible de reconnaitre que les expériences de succès à l’école, incluant les attentes positives d’une personne significative, sont intervenues dans leurs choix scolaires et professionnels. Le participant a considéré sa compétence par rapport à la tâche ou à la matière dans laquelle il a vécu un succès pour faire son choix. En résumé, lorsqu’il parait plus probable de vivre un succès dans une voie, il devient plus facile de s’y engager.

Dans l’ensemble, les résultats ont dévoilé des expériences distinctes en relation avec les attentes des agents de socialisation. Plusieurs participants ont gardé un discours positif quant à leur expérience scolaire malgré leurs difficultés d’apprentissage, et ce, surtout chez les hommes résilients. Cela laisse croire que ces derniers possèdent une plus grande stabilité émotionnelle (Goldberg et al., 2003). Les comportements de persévérance, dont la proactivité et le développement autonome de stratégies d’apprentissage, ont été présents chez la majorité des participants qui démontrent un profil résilient (Goldberg et al., 2003). Ils ont aussi été plus nombreux à avoir grandi dans un contexte familial stable avec des parents qui valorisent l’éducation et l’effort.

6.2 Les implications sociales et théoriques

Les résultats soulignent la singularité des difficultés d’apprentissage vécues par les participants et l’état limité des connaissances pour accompagner un élève en difficulté d’apprentissage. C’est pourquoi la présente recherche a des implications tant sur le plan social que scientifique. Tout d’abord, les résultats contribuent à l’avancement des connaissances en éducation d’un angle rarement exploité, soit par l’analyse du point de vue subjectif d’adultes qui ont été des élèves DA. En lien avec l’objectif de l’étude, nous arrivons à une meilleure compréhension de la réalité de ces élèves et des retombées de leur expérience à la vie adulte. L’utilisation du modèle « expectancy value » a servi telle une carte de référence dans la compréhension initiale du phénomène et lors de l’analyse. Sans que le modèle ait été modifié par les résultats, les concepts du modèle de Wigfield et Eccles ont éclairé la réalité des élèves DA, ce qui n’avait jamais été fait auparavant. Par exemple, le modèle reconnaissait déjà l’influence des attentes des agents de socialisation chez des groupes d’élèves. Par nos résultats, il a été possible de clarifier dans quelles situations les attentes étaient plus dommageables pour l’élève en difficulté d’apprentissage. Ces constats pourront servir à enrichir les pratiques professionnelles qui tentent de proposer des outils et mesures pour répondre aux besoins des élèves DA.

Sur le plan social, les résultats permettent de sensibiliser les acteurs du milieu de l’éducation à la réalité des élèves DA, mais aussi au rôle stratégique qu’ils jouent dans l’expérience présente et future de ces élèves. Les enseignants, les professionnels, les directions d’écoles, les parents, les commissions scolaires, tous peuvent contribuer à l’épanouissement de l’élève DA durant sa formation primaire et secondaire. Il ne faudrait pas négliger leur pouvoir sur les expériences de succès vécues chez les élèves.

L’école se doit de contribuer à une scolarisation dans un contexte le plus normal possible (ME, 1999), mais dans les faits, nous retenons qu’il y a encore du chemin à faire pour que tous les élèves se sentent égaux. Conscientiser le milieu de l’éducation contribue à l’élaboration de stratégies d’intégration réfléchies qui répondent aux besoins de ces élèves. Tout comme le visait initialement le Ministère de l’Éducation (1963-1966), rappelons l’importance de mesures qui limitent la comparaison entre les élèves, peu importe si l’élève