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CHAPITRE 5 : LES RÉSULTATS

5.2 Thème 1 : Les attentes sociales et institutionnelles

5.2.1 Les pairs

Les données recueillies concernant la perception des élèves quant aux attitudes ou comportements des pairs à leur égard montrent que plusieurs d’entre eux ont reçu des commentaires discriminants ou porteurs de jugements négatifs. De tels commentaires étaient formulés lorsque les pairs étaient conscients des services reçus par les élèves DA. Des commentaires ont aussi été entendus en classe lorsque l’élève DA montrait un comportement de difficulté, par exemple, poser beaucoup de questions ou tout simplement ne pas être en mesure de répondre aux questions adressées par l’enseignant. Pour certains, des remarques étaient reçues verbalement et pour d’autres, le jugement était perceptible sans souvenir de comportements précis.

Tu te sens jugé par les autres, c’est fou ! (...) Ils me disaient, pourquoi tu sors de la classe pendant une heure ? C’est où tu vas ? Pis les profs me disaient de mentir. J’allais voir un orthopédagogue une fois par semaine et ils me disaient de dire que j’avais un rendez-vous chez le médecin. Moi, je n’étais pas capable de mentir. Tu vas où ? B’en, je vais chez l’orthopédagogue. C’est quoi ça ? Quand j’expliquais, l’autre élève disait, ah ça ! Puis il se retournait pour en parler aux autres. Cela, ça dit que tu es différente à leurs yeux. Julie

Il était tellement tanné que je pose des questions qu’il a dit à l’enseignante : si elle repose une question cette fille-là, je m’en vais. Il a dit ça à voix haute, pas juste au prof. (…) Je le vois partir en colère (…). Je lui ai demandé c’est quoi son problème et il m’a dit, b’en arrête de poser des questions, tu ne comprends rien dans vie ! Ça m’a vraiment touché. Laurence

Pour ces participants, la crainte du jugement des autres les a amenés à développer des mécanismes de défense, soit de mentir sur leur situation, d’éviter de parler de leur difficulté, de s’isoler, ou de créer des liens seulement avec des gens qui éprouvaient des difficultés similaires aux leurs.

Je mentais un peu sur le sujet. Je disais que j’étais en secondaire quatre et que j’étais en profil musique et ils me croyaient. Je mentais parce que je le savais qu’il y en avait qui pouvaient avoir des préjugés. (...) En regardant ça, j’ai bien fait de ne pas dire la vérité à ce moment-là. Je l’ai fait pour mieux m’intégrer et je pense qu’il fallait que je le fasse sinon le monde allait… sont comme ça. Ils ne prennent pas le temps de nous comprendre parfaitement. (...) J’ai réussi à me camoufler, tout en restant moi-même. Jacob

Ceux qui ont le même diagnostic que toi, tu es à l’aise de leur dire. Parce que lui, il a eu à peu près le même parcours. Il comprendrait ce que j’ai vécu et je comprendrais probablement ce qu’il a vécu, donc je ne serai pas gêné du tout avec lui. Il ne me jugerait pas et comprendrait parfaitement. Jacob

Ce que je me rappelle, c’est que je préférais ne pas en parler avec mes amis. Je ne me vantais pas de ça. C’est la même chose pour la classe spéciale au secondaire, lorsque j’étais rendue en secondaire 1, je ne parlais pas du fait que j’avais été en classe spéciale l’année avant, je ne voulais pas qu’ils me voient différente et finalement, moins intelligente. Rosalie

D’autres participants ont une vision plus positive de l’expérience vécue avec les autres élèves. Certains n’ont pas perçu de différence puisqu’il est difficile de reconnaitre leur situation et parce que leurs résultats scolaires ne sont généralement pas divulgués en classe. Pour quelques participants, les expériences négatives avec les pairs à l’école n’étaient pas liées aux difficultés d’apprentissage, mais davantage à des éléments physiologiques ou relationnels. Les résultats montrent que les participants qui ont ce discours plus positif avec les pairs représentent en plus grande partie les élèves en classe ordinaire avec des difficultés peu sévères ou ciblées et qui ont reçu peu de services d’aide à l’école. Établir des relations avec les pairs a été plus facile pour ces participants.

Au secondaire, côté difficultés, les autres ne les voient pas. Tu passes quand même tes cours pis tu n’as pas d’échecs nulle part. Les résultats ne se promènent pas vraiment au secondaire. Les gens ne connaissent pas tes résultats. Thomas

B’en j’avais l’impression d’aller un peu moins vite que les autres parce que j’avais de la misère à me concentrer, mais pas tant différent. Je ne me sentais pas comme un handicapé. Je ne me sentais pas à part des autres. David

Parmi ceux qui ont reçu des remarques négatives de la part des pairs, certains ont montré peu d’affects en réponse à ces comportements. Pour Nicolas, cela ressemblait davantage à des blagues plutôt qu’à de la méchanceté. Il se décrit toutefois comme le « bouc émissaire » de son groupe d’amis, affirmant s’être formé une carapace avec les années lorsqu’il reçoit des blagues sur ses difficultés.

Quant aux attentes de succès par les pairs, pour plusieurs participants le jugement est présent, mais peu d’entre eux ont rapporté des faits qui démontrent que les pairs ont des attentes défavorables quant à leurs chances de réussite dans le futur. Pour Julie, c’est en discutant après ses études avec d’anciens élèves du secondaire qu’elle a eu l’impression qu’ils étaient étonnés qu’elle ait réussi à terminer son programme d’études.