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Chapitre I. Contexte et état de l’art

3. Texture et orientation cristalline

3.1 Description des orientations cristallines

Connaissant la dépendance de la mobilité du joint de grains à sa désorientation, il apparaît que la texture et donc l’orientation cristalline des grains va jouer un rôle prépondérant dans la capacité d’un matériau à recristalliser. Que ce soit en EBSD ou en diffraction des neutrons ou des rayons X, il est primordial de s’intéresser au repère dans lequel les orientations sont représentées. Il faut distinguer le repère de l’échantillon du repère du cristal. Le repère de l’échantillon est défini à partir de la géométrie de l’échantillon. Par exemple, dans le cas d’une tôle laminée, on peut définir les 3 axes macroscopiques DL, DT et DN (Direction de Laminage, Direction Normale et Direction Transverse) (Figure I.9). Concernant le repère du cristal, il est défini dans la base (𝑒⃗⃗⃗ , 𝑒1 ⃗⃗⃗ , 𝑒2 ⃗⃗⃗ ) et les coefficients appliqués à ces vecteurs sont les 3 indices de direction u, v et w. Les trois vecteurs de bases sont donc respectivement décrits par les directions [100], [010] et [001]. L’orientation des plans est définie par les indices de Miller h, k et l.

Figure I.9 : a) Repère de l’échantillon avec les directions macroscopiques (DL, DT, DN) et b) repère du cristal avec les directions cristallographiques [100], [010] et [001]

En métallurgie, on s’attache toujours à donner les orientations cristallographiques des cristaux par rapport aux axes macroscopiques de l’échantillon. De ce fait, il est impératif de bien définir le repère de cet échantillon. Il est commun de définir une orientation {hkl}<uvw> où un plan de la famille {hkl} est parallèle au plan d’observation de l’échantillon et où une direction de la famille <uvw> est parallèle à une direction macroscopique donnée (la direction de laminage par exemple). Le passage du repère du cristal au repère de l’échantillon se fait grâce à une matrice de transformation G qui dépend des angles d’Euler, qui seront évoqués par la suite ou des paramètres h, k, l, u, v et w.

3.2 Espace et angles d’Euler :

Comme il a été mentionné précédemment, l’espace d’Euler permet de relier le repère de l’échantillon au repère du cristal. Cet espace à trois dimensions est communément défini par les trois angles (φ1, ϕ, φ2) selon la notation de Bunge [27].

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Figure I.10 : Schéma des rotations selon les angles d'Euler (φ1, ϕ, φ2) pour passer du repère de l'échantillon (DL, DT, DN) au repère du cristal défini par la famille de directions <100>

Le changement de repère s’effectue en trois rotations représentées sur la Figure I.10 et chaque rotation est définie par l’un des angles d’Euler. La première rotation φ1 autour de DN amène DL en DL’ et DT en DT’. La seconde rotation ϕ s’effectue autour de DL’ et amène DN en DN’’ ([001]) et DT’ en DT’’. Enfin, la dernière rotation φ2 autour de DN’’ conduit au repère final qui est celui du cristal, défini par les trois directions de la famille de <100>. Chaque rotation peut être décrite en utilisant une matrice g. Ainsi, on a :

𝑔𝜑1 = (⁡−𝑠𝑖𝑛 𝜑𝑐𝑜𝑠 𝜑11 𝑐𝑜𝑠 𝜑𝑠𝑖𝑛 𝜑11 00 0 0 1 ) (I.25) 𝑔𝜙 = ( 1 0 0 0 𝑐𝑜𝑠 𝜙 𝑠𝑖𝑛 𝜙 0 − 𝑠𝑖𝑛 𝜙 𝑐𝑜𝑠 𝜙) (I.26) 𝑔𝜑2= (−𝑠𝑖𝑛 𝜑𝑐𝑜𝑠 𝜑22 𝑐𝑜𝑠 𝜑𝑠𝑖𝑛 𝜑22 00 0 0 1 ) (I.27)

On peut alors définir la matrice de rotation finale 𝐺 = 𝑔𝜑2× 𝑔𝜙×⁡𝑔𝜑1 :

𝐺 = (

𝑐𝑜𝑠 𝜑1𝑐𝑜𝑠 𝜑2−⁡ 𝑠𝑖𝑛 𝜑1𝑠𝑖𝑛 𝜑2𝑐𝑜𝑠 𝜙 𝑠𝑖𝑛 𝜑1𝑐𝑜𝑠 𝜑2+⁡𝑐𝑜𝑠 𝜑1𝑠𝑖𝑛 𝜑2𝑐𝑜𝑠 𝜙 𝑠𝑖𝑛 𝜑2𝑠𝑖𝑛 𝜙 −𝑐𝑜𝑠 𝜑1𝑠𝑖𝑛 𝜑2−⁡ 𝑠𝑖𝑛 𝜑1𝑐𝑜𝑠 𝜑2𝑐𝑜𝑠 𝜙 −𝑠𝑖𝑛 𝜑1𝑠𝑖𝑛 𝜑2+⁡𝑐𝑜𝑠 𝜑1𝑐𝑜𝑠 𝜑2𝑐𝑜𝑠 𝜙 𝑐𝑜𝑠 𝜑2𝑠𝑖𝑛 𝜙

𝑠𝑖𝑛 𝜑1𝑠𝑖𝑛 𝜙 − 𝑐𝑜𝑠 𝜑1𝑠𝑖𝑛 𝜙 𝑐𝑜𝑠 𝜙 )

(I.28)

La première colonne de cette matrice représente la direction <uvw> du cristal orienté selon DL et la troisième représente la normale au plan {hkl} orientée selon DN. Dans le cas d’un cristal cubique avec une symétrie d’échantillon triclinique, l’espace d’Euler peut être réduit à φ1 ϵ [0 ; 2π], ϕ ϵ [0 ; π/2] et φ2 ϵ [0 ; π/2]. On représente rarement l’espace d’Euler dans son ensemble mais plutôt sous forme de coupes bidimensionnelles où l’on fixe un des angles constant, notamment pour la représentation des fonctions de distributions des orientations cristallines (ODF). La Figure I.11 représente une coupe à φ2 = 45°,

DL’’ DL’ DL DN DN’ DN’’ DT’’ DT’ DT ϕ1 ϕ1 ϕ2 ϕ2 φ φ [010] [001] [100]

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couramment utilisée pour l’identification des textures, en particulier dans les métaux de structure cubique centrée. Les différents points représentent des orientations cristallographiques « types ». Les orientations pour lesquelles φ1= 0°, φ2 = 45° et ϕ varie de 0 à 90° (en rouge) représentent la fibre α et correspondent à des cristaux dont la direction <110> est parallèle à DL. La fibre α comprend également les orientations {001}<110> et {111}<011>. Par ailleurs, les orientations pour lesquelles φ2 = 45°, ϕ = 55° et φ1 varie de 0 à 90°C (en bleu) appartiennent à la fibre γ. Les cristaux selon ces orientations ont leurs plans {111} parallèles au plan (DL, DT) et donc la normale à ces plans est parallèle à DN. L’orientation {111}<110> appartient simultanément aux deux fibres. En considérant d’autres coupes de l’espace d’Euler, on est capable de visualiser d’autres orientations. D’autres fibres (θ, η, ζ) peuvent être identifiées dans des coupes différentes de l’espace d’Euler [28] mais sont moins fréquemment évoquées dans la littérature.

Figure I.11 : Coupe de l’espace d’Euler à φ2 = 45°

3.3 Figure de pôles directe

La figure de pôles directe est un outil qui permet de représenter d’une manière globale l’orientation des cristaux dans un matériau. Cette figure se construit par projection stéréographique de la distribution des densités de pôles d’une famille de plans de cristaux dans le plan de l’échantillon caractérisé par les directions DL, DT et DN (Figure I.12). La figure de pôles {hkl} correspond donc à la projection stéréographique des plans {hkl} du cristal dans un plan de l’échantillon. On représente en général l’orientation de cristaux {hkl}<uvw> à partir des figures de pôles {001}, {110} et {111}. A titre d’exemple, la Figure I.13 présente ces trois figures de pôle pour un cristal orienté {001}<100>.

0] 0] 0] 0] 0] 0] ] ] ] ] ] 90° 90° 0° ϕ1 ϕ ϕ2=45 Fibre α Fibre γ 55° 0]

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Figure I.12 : a) Construction d'une figure de pôles {100} pour un cristal d’orientation aléatoire et b) projection standard de la figure de pôles {001} [29]

Figure I.13 : Figures de pôles {001}, {110} et {111} correspondant à une orientation {001}<100>

Lorsque que le matériau présente une texture cristallographique, le tracé des figures de pôles des différentes familles de plans adopte un aspect caractéristique qui permet l’identification de cette texture.

3.4 Figure de pôles inverse

La figure de pôles inverse est utilisée pour représenter la densité de pôles d’une direction macroscopique donnée de l’échantillon dans le repère du cristal. Par exemple, la Figure I.14 montre que dans le cas d’un acier ODS à 14%Cr brut de filage, la direction cristallographique parallèle à la direction de filage est majoritairement la direction <110>. La représentation se fait dans un triangle où chaque sommet correspond à une direction cristallographique différente.

Figure I.14 : Exemple d’une figure de pôles inverse pour l’acier ODS à 14%Cr dans le cas où la direction macroscopique choisie est la direction de filage

a) b)

DL DL DL DT DT DT

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Ce type de représentation est en général peu utilisé pour décrire les textures dans la littérature. Cependant, sur ce principe, il est possible de réaliser des cartographies d’orientations en figures de pôles inverses en EBSD (Electron BackScatter Diffraction). Celles-ci permettent de représenter la direction cristallographique des grains dans un matériau par rapport à une direction macroscopique à l’aide d’un code de couleur. Dans le cas de la Figure I.15a, on représente la direction cristallographique parallèle à la direction macroscopique DN. Cette direction cristallographique correspond donc à la normale au plan {hkl} des grains. Dans le deuxième cas (Figure I.15b), c’est la direction cristallographique <uvw> parallèle à la direction macroscopique DL que l’on identifie. La complémentarité de ces deux cartographies permet alors d’obtenir l’orientation exacte {hkl}<uvw> en tout point. Il faut noter qu’ici, le triangle est utilisé pour définir un code couleur, et non pour quantifier les densités de pôles comme sur la Figure I.14.

Figure I.15 : Cartographies en figure de pôles inverse (IPF) d’un acier ODS 14%Cr représentant la direction des grains (a) parallèle à la direction macroscopique DN et (b) parallèle à la direction macroscopique DL

3.5 La fonction de distribution des orientations cristallines (ODF)

La fonction de distribution des orientations cristallines F(g) (« Orientation Distribution Function » ou ODF) est un outil qui permet de définir de façon quantitative la texture d’un matériau. Elle permet de déterminer la fraction volumique V(g)/V de grains ayant une orientation g à dg près [27].

𝑉(𝑔)

𝑉 = 𝐹(𝑔) × 𝑑𝑔 (I.29)

dg correspond alors au volume élémentaire dans l’espace d’Euler soit :

𝑑𝑔 = 1

8𝜋2𝑠𝑖𝑛𝜙𝑑𝜙𝑑𝜑1𝑑𝜑2 (I.30)

L’ODF est calculée en chaque point de l’espace d’Euler à partir des figures de pôles en inversant l’équation qui donne la densité de pôles P(y) en un point y en fonction de l’ODF :

(b) (a)

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𝑃(𝑦) = ⁡ 1 2𝜋× ∫ 𝐹(𝑔)𝑑𝑦 2𝜋 0 (I.31)

La résolution de cette équation peut être effectuée par différentes méthodes mathématiques. La méthode utilisée ici est une décomposition sur des bases d’harmoniques sphériques dont on définit l’ordre de développement L. Cette valeur peut être définie jusqu’à 34 mais dépend avant tout du nombre de figures de pôles expérimentalement obtenues par diffraction des rayons X et des neutrons et de la structure cristalline du matériau. Dans le cas de l’EBSD, chaque orientation individuelle (pixel de la cartographie) est modélisée par une gaussienne et c’est à partir de ces orientations que l’on calcul les coefficients de l’ODF. Le nombre de figures de pôles n’est plus un paramètre limitant et le calcul de l’ODF peut systématiquement être développé jusqu'à l'ordre maximal. L’ODF est normée à 1 et s’exprime en multiple de la densité aléatoire. On a donc F(g) = 1 pour une texture isotrope. Une orientation pour laquelle F(g) = 5 correspond par exemple à une orientation 5 fois plus importante en densité d’orientation qu’une orientation aléatoire.

Figure I.16 : Coupe de l’ODF (L=34) à φ2 = 45° de l’espace d’Euler caractéristique d’une fibre α d’un acier ODS 14%Cr brut de filage

Dans la suite du manuscrit, les textures seront majoritairement représentées à l’aide d’une coupe de l’ODF puisque c’est cette méthode de visualisation qui permet de décrire la texture de la manière la plus complète possible.

3.6 Textures dans les aciers de structure cubique centrée

3.6.1 Les textures de déformation

Les textures de déformation dans les aciers à bas carbone varient en fonction du procédé et du taux de déformation mais ne dépendent pas de la composition chimique. Concernant la texture après extrusion, la direction de glissement s’aligne avec la direction d’écoulement et c’est le développement d’une fibre α pure autour de l’axe <110> parallèlement à la direction d’extrusion qui est privilégiée. De même, la déformation en traction induit une rotation des grains qui alignent leur <110> parallèlement à la direction de traction [30][31]. Des études menées après laminage à froid [32][33][34] montrent qu’il se développe dans les aciers une texture mixte fibre α / fibre γ qui s’accentue avec la déformation. Après un taux de

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laminage de 50%, les composantes les plus fortes sont la {111}<110> (fibre γ et α ), la {111}<112> (fibre γ) et les {112}<110> et {001}<110> (fibre α). Pour la compression, la texture qui se développe est une fibre double autour des axes <111> et <100> parallèlement à l’axe de compression [35][36]. En revanche, il n’a pas été noté de travaux signalant qu’une distribution de nanoparticules stables avait une influence sur la texture de déformation dans les métaux cubiques centrés.

3.6.2 Les textures de recristallisation

Durant le processus de recristallisation, la microstructure est amenée à évoluer et la texture après déformation ne correspond pas nécessairement à la texture du matériau après recristallisation. Il existe principalement 2 théories pour expliquer le développement d’une nouvelle texture au cours de la recristallisation. Il s’agit de la germination orientée et de la croissance orientée [10]. Dans le premier cas, on suppose que les germes privilégient une orientation particulière pour se former. Le nombre de germes plus important selon cette orientation conduit donc au développement de la texture lors de la croissance des grains, c’est un effet de fréquence. La deuxième théorie stipule que les germes apparaissent selon des orientations aléatoires mais certains vont voir leur croissance favorisée. Cela s’observe par exemple dans le cas d’un mécanisme d’ « orientation pinning » [37] où les grains recristallisés faiblement désorientés par rapport à la matrice vont croître moins rapidement du fait de la faible mobilité de leur interface. La texture est alors causée par les gros grains qui ont cru selon une ou plusieurs autres orientations, c’est un effet de taille de grains.

Les données présentes dans la littérature montrent que pour les aciers à bas carbone, il y a une tendance au développement de la fibre γ pendant la recristallisation. Notamment après une déformation par laminage, la fibre α est partiellement éliminée tandis que la fibre γ est renforcée, avec une intensification de la composante {111}<110> ou de la {111}<112> [31]. Il semble que la germination se fasse en priorité dans les grains déformés appartenant à la fibre γ. Barnett [38] propose que c’est la présence de bandes de cisaillement qui augmentent la désorientation (et donc l’énergie stockée) au sein de ces grains et favorisent l’apparition de germes. Il y aurait ensuite croissance de ces germes due à une grande mobilité des joints. Il s’agirait donc à la fois d’un mécanisme de germination orientée et de croissance orientée. Suite au laminage, Wauthier-Monnin et al. [39] montrent également que la fibre γ stocke plus d’énergie stockée que la fibre α mais seulement à partir de 60% de déformation.