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Chapitre III. Influence du taux de renforts sur les évolutions

2. Caractérisations microstructurales

2.2 Analyse des microstructures et des textures

2.2.2 Après recuit isotherme

Les mesures ayant montré une diminution notable de la dureté pour toutes les nuances après un recuit d’une heure à 1300°C, les microstructures de cet état métallurgique ont été analysées par EBSD dans un premier temps.

2.2.2.A Nuances fortement renforcées R0,3-R0,2-R0,1

Il est apparu que pour les 3 nuances les plus renforcées, les microstructures recuites (Annexe A.2) ne présentaient pas d’évolutions notables par rapport à l’état brut de filage. La taille moyenne des sous-grains et la fraction de sous-joints sont sensiblement les mêmes au vu des incertitudes (Tableau III.2). De même,

b) c)

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la densité de GND mesurée ne varie pas par rapport à l’état de réception, suggérant que même à 1300°C, il n’y a pas de phénomène de restauration dans ces nuances. On montrera par la suite que la stabilité remarquable de ces trois nuances est liée à la présence des nanoparticules qui demeurent très fines et dont la fraction volumique est significative à haute température (>1300°C).

Nuances Dsous-grains (µm) Sous-joints (%) Fibre α (%) Densité moyenne de

GND (m-2) R0,3 0,63 ± 0,02 34 ± 3 75 ± 5 6,7.1014 R0,3 1h 1300°C 0,68 ± 0,02 34 ± 3 69 ± 5 6,3.1014 R0,2 0,78 ± 0,02 26 ± 3 73 ± 5 4,7.1014 R0,2 1h 1300°C 0,82 ± 0,03 35⁡± 3 68 ± 5 5,1.1014 R0,1 1,08 ± 0,04 28⁡± 3 68 ± 5 3,4.1014 R0,1 1h 1300°C 1,25 ± 0,04 33 ± 3 66 ± 5 3,4.1014

Tableau III.2 : Comparaison des caractéristiques microstructurales des nuances R0,3, R0,2 et R0,1 à l'état de réception et après 1h à 1300°C

Au contraire, les trois autres nuances, moins renforcées, présentent des évolutions microstructurales notables après 1h à 1300°C par rapport à l’état brut de filage. Ces microstructures ont donc fait l’objet d’investigations plus détaillées notamment via l’observation de leur microstructure suite à différents recuits.

2.2.2.B Nuance R0,05

Les caractéristiques microstructurales de la nuance R0,05 mesurées par EBSD après différents recuits sont présentées dans le Tableau III.3. Les cartographies IPF associées à certains des traitements thermiques sont visibles sur la Figure III.6. A 1150°C, on observe que le recuit d’une heure n’a que des conséquences mineures sur l’évolution de la microstructure (Figure III.6b) : la taille des sous-grains augmente faiblement mais la densité de dislocations reste égale à celle de l’état de réception. On remarque l’apparition de zones martensitiques également allongées dans la direction de filage et moins bien indexées de par la finesse des grains. La texture de fibre α semble s’accentuer par rapport à l’état de réception de même que la fraction de sous-joints mais à nouveau il est probable qu’il s’agisse d’un effet local. En revanche, après des temps plus longs (Figure III.6c), on observe la présence de grains et sous-grains plus gros (8,3 µm après 6h et 9,7 µm après 10h) et plus équiaxes. Les interfaces sont décorées par de gros précipités d’une taille supérieure au micromètre, correspondant aux points non indexés en EBSD. De plus, les zones martensitiques ont complétement disparu. Enfin, la densité de dislocations a chuté d’environ un ordre de grandeur et la fibre α s’est fortement accentuée atteignant une fraction d’environ 90%. Ces différentes observations, associées à la fraction de sous-joints qui reste constante et non négligeable (environ 20%), sont caractéristiques d’une restauration de la microstructure [6]. Dans la littérature [7], cette restauration avec croissance des sous-grains est souvent assimilée à une recristallisation continue, ou plus spécifiquement au terme restauration généralisée, traduit de l’anglais « extended recovery ».

Lorsqu’on augmente la température du recuit à 1300°C (Figure III.6d), on met en évidence l’apparition d’une population bimodale de grains due à la croissance anormale de certains grains orientés selon la fibre α ou selon une orientation de type {ℎ𝑘𝑙}〈112〉 (grains roses). L’intensité élevée au niveau de l’orientation {111}〈112〉 sur l’ODF de la Figure III.6e vient du fait que le gros grain rose au centre de la Figure III.6d présente une direction <111> normale au plan d’observation (plan {111} dans le plan d’observation). La croissance préférentielle des grains orientés <112>//DF a été vérifiée à l’échelle

81 macroscopique par diffraction des rayons X, où la raie (211) apparaît clairement après le recuit d’1h à 1300°C sur un échantillon en coupe transverse (Annexe A.3). Les grains anormaux peuvent atteindre plusieurs centaines de micromètres tandis que les grains normaux présentent quant à eux une taille d’environ 10 µm et sont presque exclusivement orientés selon la fibre α. Sur la Figure III.6d, les précipites aux joints de grains sont toujours visibles ainsi que quelques zones martensitiques. Après 10h à 1300°C (Figure III.6f), on a pu observer par microscopie optique que la taille des grains anormaux augmente et peut atteindre plus de 500 µm parallèlement à DF et environ 300 µm dans la direction transverse tandis que celle des grains normaux semble peu varier.

Les recuits à 1150°C et 1300°C sur cette nuance laissent donc penser que la microstructure évolue par croissance normale des sous-grains dans un premier temps puis que la croissance anormale se déclenche au vu de la présence d’hétérogénéités (grosses particules) qui apparaissent durant le recuit. L’occurrence de la croissance anormale et le développement de l’orientation {ℎ𝑘𝑙}〈112〉 pour les grains anormaux ont déjà été observés dans un acier ODS PM2000 par Pimentel et al. [8]. Les auteurs évoquent un phénomène d’ « orientation pinning » du fait que ces grains orientés <112> // DF croissent dans une matrice très texturée où la désorientation entre les grains de la fibre α diminue au cours du temps (augmentation de la fraction de joints faiblement désorientés). Ils observent alors que les grains <112> // DF sont séparés de la matrice (i.e. des grains <110> // DF) par des joints de flexion (tilt) fortement désorientés selon l’axe <110>. A l’aide de simulations par dynamique moléculaires, les auteurs montrent que ces joints spéciaux présenteraient des mobilités particulièrement élevées. A l’inverse, les autres grains de la matrice sont séparés entre eux par des joints faiblement désorientés, moins mobiles. Dans notre cas, il est plus difficile de soutenir cette explication du fait que l’on n’observe pas une augmentation de la fraction de joints faiblement désorientés et que l’on constate également la croissance anormale de grains orientés selon la fibre α. Ainsi, on tentera d’expliquer l’occurrence de la croissance anormale dans cette nuance R0,05 via un modèle analytique adapté par la suite. Néanmoins, l’utilisation de ce modèle nécessite au préalable des caractérisations supplémentaires, notamment concernant la précipitation, qui sont présentées ci-après.

Nuances Dsous-grains (µm) Sous-joints (%) Fibre α (%) Densité de GND (m-2)

Réception 1,2 ± 0,04 23 ± 3 68 ± 5 2,5.1014

1h 1150°C 1,7 ± 0,04 40 ± 3 79 ± 5 2,6.1014

6h 1150°C 8,3⁡± 0,4 22 ± 3 95 ± 5 2,5.1013

10h 1150°C 9,5⁡± 0,5 17 ± 3 89 ± 5 1,7.1013

1h 1300°C 14,5 ± 0,9 21⁡± 3 71 ± 5 < 1013

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Figure III.6 : Cartographie IPF (directions cristallographiques // DF) de la nuance R0,05 après a) 1h 1150°C ; b) 10h 1150°C ; c) 1h 1300°C et d) coupe à φ2 =45°de l’ODF associé

2.2.2.C Nuance STi

Les différentes observations faites au microscope optique et par analyses EBSD sur la nuance STi (Figure III.7) montrent que celle-ci garde une microstructure filée avec des grains fins jusqu’à 10h à 1150°C (micrographie optique en Annexe A.4). On observe aussi de nombreuses zones martensitiques après 1h à 1150°C (Figure III.7b). Il semblerait d’ailleurs que pour des raisons inconnues, ces zones se forment et croissent préférentiellement au niveau des grains orientés différemment de la fibre α, au détriment de ces derniers. Cela expliquerait alors l’augmentation de la fraction de fibre α mesurée après 1h à 1150°C (Tableau III.4) (les zones martensitiques ne sont pas prises en compte dans le calcul des fractions de fibre).

L’augmentation de la température à 1300°C provoque une importante croissance des sous-grains et une accentuation considérable de la fibre α qui atteint plus de 80% dès 6 min de recuit (Tableau III.4). Il est surprenant de voir que les grains orientés différemment de cette fibre ont presque tous une direction <114> //DF (grains roses), comme le montre la coupe de l’ODF après 1h à 1300°C (Figure III.7e). La fraction de martensite est supérieure à 30% après 6 min et diminue fortement avec l’augmentation du temps de recuit. Ce phénomène sera expliqué par la suite. Comme pour la nuance R0,05, la croissance des sous-grains est associée à une chute importante de la densité de GND. De nombreuses particules micrométriques se sont également formées et sont localisées préférentiellement aux joints de grains et au niveau des certaines jonctions triples ou quadruples (Figure III.7d). Des analyses par microsonde de Castaing présentées en Annexe A.5 ont montré que ces grosses particules visibles après recuit sont enrichies en O, Si, Y et Al et appauvries en chrome.

Il est intéressant de noter qu’à l’inverse de la nuance R0,05, la taille de grains reste homogène au cours du temps. Celle-ci semble augmenter simultanément avec la taille des particules micrométriques et il n’y a pas apparition de grains anormaux même après 10h à 1300°C comme on peut le vérifier par microscopie optique sur la Figure III.7f (sur cette figure, les contrastes topologiques observables sont dus au polissage mais ne traduisent pas la présence de martensite).

Martensite R0,05 1h 1150°C R0,05 10h 1150°C R0,05 1h 1300°C 30 µm R0,05 1h1300°C max = 25 Coupe φ2= 45° b) c) d) e) f) 500 µm R0,05 10h 1300°C a) Filage R0,05 Brut filage

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Nuances Dsous-grains (µm) Sous-joints (%) Fibre α (%) Densité de GND (m-2)

Réception 1,1 ± 0,02 39± 3 74 ± 5 3,5.1014

1h 1150°C 1,3 ± 0,03 52 ± 3 79 ± 5 3,9.1014

6 min 1300°C 5,8 ± 0,2 41 ± 3 85 ± 5 4,8.1013

1h 1300°C 9,3 ± 0,3 24⁡± 3 95 ± 5 2.1013

Tableau III.4 : Evolution des paramètres microstructuraux de la nuance R0,05 suite aux recuits

Figure III.7 : Cartographies IPF (directions cristallographiques // DF) de la nuance STi après les différents recuits

2.2.2.D Nuance NonR

Concernant la nuance NonR, l’étude des évolutions microstructurales a été effectuée suite à des recuits à température constante (1300°C) afin de pouvoir formuler une loi de croissance de grains. Les paramètres microstructuraux sont présentés dans le Tableau III.5 et les cartographies IPF sur la Figure III.8. On constate une augmentation importante de la taille de grains dès 6 min à 1300°C (Figure III.8b), croissance qui semble rapidement ralentir avec l’augmentation du temps. La fraction de zones martensitiques est beaucoup plus faible après les recuits. Malgré la faible statistique, il semble que la texture de fibre α qui présente une fraction initiale de 40% s’intensifie lors des premiers stades de croissance des grains pour se stabiliser autour de 60%. De même, la fraction de joints faiblement désorientés diminue légèrement et se stabilise autour de 10%. Ces observations suggèrent un mécanisme classique de croissance normale des grains. Sur la cartographie de l’état recuit 1h à 1300°C (Figure III.8c), c’est le gros grain orienté {112}〈113〉 en haut à droite qui conduit à l’émergence de cette orientation sur l’ODF ((Figure III.8d).

Nuances D grains (µm) Sous-joints (%) Fibre α (%) Densité de GND (m-2)

Réception 19,5 ± 1,2 17± 3 41 ± 5 9,4.1012

6 min 1300°C 76 ± 6 11 ± 3 75 ± 5 ~1012

30 min 1300°C 93 ± 8 10⁡± 3 68 ± 5 ~1012

1h 1300°C 105 ± 9 9⁡± 3 62 ± 5 ~1012

Tableau III.5 : Evolution des paramètres microstructuraux de la nuance NonR suite aux recuits STi 1h 1150°C STi 1h1300°C Coupe φ2= 45° max = 33 STi 6 min 1300°C STi 10h 1300°C STi 1h 1300°C 30 µm Martensite b) c) d) e) f) a) Filage

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Figure III.8 : Cartographie IPF de la nuance NonR suite aux recuits à 1300°C