• Aucun résultat trouvé

Chapitre II. Matériaux et techniques expérimentales

2. Outils de caractérisation expérimentale

2.4 Diffusion des neutrons aux petits angles (DNPA)

La DNPA est une technique permettant de caractériser une population d’objets (particules, cavités, joints de grains …) au sein d’un matériau à partir de la diffusion d’un faisceau de neutrons monochromatique de basse énergie. Cette technique est particulièrement adaptée à la caractérisation des aciers ODS de par la densité importante (1023-1024 m-3) de particules nanométriques présentes dans la matrice. Une description complète de la technique, des corrections des mesures et du traitement des données adaptées aux aciers ODS a été faite par Mathon et al. [16]. Dans le cadre de cette étude, les expériences ont été menées au laboratoire Léon Brillouin (LLB, CEA-CNRS) sur le spectromètre PAXY. Un détecteur bidimensionnel est utilisé permettant l’acquisition d’une diffusion anisotrope. Les mesures sont effectuées dans deux configurations qui sont caractérisées par la distance échantillon-détecteur et la longueur d’onde : 2m/0,6nm et 5m/0,9nm. L’acquisition faite dans ces 2 configurations permet de détecter les particules dans un intervalle de taille plus large, entre 1 et 30 nm, selon la relation reliant la norme du vecteur de diffusion 𝑞 à la longueur d’onde λ:

𝑞 =4𝜋 𝑠𝑖𝑛 𝜃

𝜆 (II.8)

Où 2θ est l’angle de diffusion. Dans le cas des aciers ODS, l’expression de l’intensité diffusée par unité de volume est :

𝑑Σ

𝑑Ω(𝑞) = 𝑓𝑝[Δ𝜌𝑛𝑢𝑐𝑙2 + Δ𝜌𝑚𝑎𝑔2 𝑠𝑖𝑛2𝛼]𝐹2(𝑞, 𝑅, ℎ(𝑅)) (II.9)

Avec fp la fraction atomique de précipités, F(q, R, h(R)) le facteur de forme des particules (supposées sphériques dans notre cas), α l’angle entre 𝑞 et la direction du champ magnétique appliqué et Δ𝜌𝑛𝑢𝑐𝑙,𝑚𝑎𝑔2 les contrastes nucléaire ou magnétique tels que:

Δ𝜌𝑛𝑢𝑐𝑙,𝑚𝑎𝑔 =𝑏𝑛𝑢𝑐𝑙,𝑚𝑎𝑔

𝑝

𝑣𝑎𝑡𝑝

𝑏𝑛𝑢𝑐𝑙,𝑚𝑎𝑔𝑚

𝑣𝑎𝑡𝑚 (II.10)

Où b est la longueur de diffusion moyenne nucléaire ou magnétique dans les précipités ou dans la matrice et v le volume atomique moyen des précipités et de la matrice. Les paramètres nécessaires au calcul sont présentés dans le Tableau II.4. L’application d’un champ magnétique saturé H est particulièrement adaptée à la caractérisation des précipités dans les aciers ODS. Ce champ permet de générer une anisotropie de diffusion et de séparer la contribution de la matrice magnétique de celle des précipités non-magnétiques. En effet, les atomes de fer α de la matrice présentent des moments magnétiques qui vont s’aligner dans la direction du champ magnétique. La contribution magnétique de l’intensité diffusée est

63

donc 0 parallèlement au champ (α = 0 car 𝑞 ∥ 𝐻⃗⃗ ) et maximale dans la direction perpendiculaire au champ (α = 90° car 𝑞 ⊥ 𝐻⃗⃗ ). Le ratio entre l’intensité diffusée perpendiculairement à celle diffusée parallèlement au champ correspond au rapport A et renseigne sur la nature chimique des particules :

𝐴 =𝐼⊥𝐻 𝐼∥𝐻 = 1 +

𝛥𝜌𝑚𝑎𝑔2

𝛥𝜌𝑛𝑢𝑐𝑙2 (II.11)

A partir de la valeur de ∆ρnucl pour différentes natures de particules, on peut calculer le rapport A théorique associé et le comparer à la valeur expérimentale obtenue par le ratio des intensités perpendiculaires et parallèles au champ magnétique. Il est important de vérifier que ce ratio est constant sur toute la gamme de vecteur de diffusion analysée afin d’être sûr que l’anisotropie de diffusion est seulement générée par le champ magnétique et non par une éventuelle anisotropie de la microstructure (grains allongés dans une direction préférentielle par exemple).

Grandeur Expression/Valeur Définition

𝒃𝒏𝒖𝒄𝒍𝒑 ∑ 𝑏

𝑖𝐶𝑖 Ci concentration de l’espèce i = Y,Ti,O…

𝒃𝒎𝒂𝒈𝒑 0 Précipités non-magnétiques

𝒃𝒏𝒖𝒄𝒍𝒎

∑ 𝑏𝑖𝐶𝑖 Ci concentration de l’espèce i = Fe,Cr,W

𝒃𝒎𝒂𝒈𝒎 −𝛾𝑟0/2𝜇

γ -1,913 Facteur gyromagnétique du neutron

r0 0,2818.10-14 m Rayon d’un électron

µFe 2,217 Moment magnétique du fer

µ µ = µFe-2,39CCr Moment magnétique moyen 𝒗𝒂𝒕𝒑 am3/Zm a : paramètre de maille ; Z : nombre de

motifs/mailles

𝒗𝒂𝒕𝒎 ap3/Zp a : paramètre de maille ; Z : nombre de motifs/mailles

Tableau II.4 : Grandeurs physiques pour le calcul des contrastes nucléaire et magnétique [16]

Un plexiglas est utilisé pour atténuer le flux de neutrons incidents sur le détecteur afin de ne pas endommager ce dernier. On évalue son facteur d’atténuation en utilisant un échantillon de graphite qui présente une section efficace de diffusion cohérente très élevée. Pour le traitement des données, on applique un filtre qui sélectionne uniquement les cellules du détecteur dans un domaine angulaire de +/- 10° autour de l’axe vertical et de l’axe horizontal du détecteur. Il est ensuite nécessaire de corriger les données de la contribution du faisceau vide, du porte échantillon et de l’efficacité des cellules du détecteur.

Pour l’exploitation des résultats, on commence par tracer séparément les courbes de l’intensité parallèlement et perpendiculairement au champ magnétique à 2m et à 5m et on vérifie que le ratio entre les deux courbes est indépendant de la norme de⁡𝑞 . Si c’est le cas, on représente ensuite le logarithme de l’intensité magnétique diffusée (𝐼⊥𝐻− 𝐼∥𝐻) en fonction de la norme du vecteur⁡𝑞 . On trace donc cette courbe pour la configuration à 5 mètres et pour celle à 2 mètres puis on raccorde les deux (communément pour q compris entre 0,2 et 0,4 nm-1) afin d’avoir une seule courbe continue (dépouillement des courbes brutes pour un échantillon détaillé en Annexe E). On peut alors identifier différents domaines sur la courbe finale obtenue, visible sur la Figure II.6 dans le cas d’une nuance ODS et d’une nuance non-renforcée. L’intensité diffusée pour les valeurs de q supérieures à 1 nm-1

est sensible à la présence des plus petites particules dont le rayon est compris entre 1 nm et 2 nm. Le domaine intermédiaire correspondant à

64

des valeurs de q proche de 0,5 nm-1 renseigne sur la présence de particules plus grosses d’une dizaine de nanomètres (rayon entre 4 et 6 nm). Enfin, le signal visible aux faibles valeurs de q est attribué aux objets diffusants de la microstructure tels les joints de grains et les plus grosses particules. Cette partie du signal suit généralement une loi de Porod où I ∝ q-4

. Lorsque le matériau ne présente pas de particules comme dans le cas de la nuance non renforcée de la Figure II.6, cette loi est valide sur toute la gamme du vecteur de diffusion.

Figure II.6: Intensité magnétique diffusée obtenue pour un acier ODS 14%Cr

A partir des courbes d’intensité diffusée, on peut évaluer les caractéristiques principales d’une population de particules telles que son rayon moyen, sa dispersion et sa fraction volumique. Comme cela a été mentionné dans le Chapitre I, la littérature montre que la population de nanoparticules dans les aciers ODS s’approche d’une distribution bimodale et gaussienne. En partant de cette approximation, on simule deux distributions gaussiennes dont on fait varier le rayon moyen rm et la dispersion σ afin que la courbe théorique résultante de l’intensité diffusée s’approche au plus près de la courbe expérimentale. Les fractions en nombre fn,1 et fn,2 relatives aux 2 populations sont également des variables (où 1-fn,1 = fn,2). Chacune des distributions s’exprime telle que :

ℎ(𝑟) = ⁡ 1

√2𝜋𝜎𝑒𝑥𝑝 [−

(𝑟 − 𝑟𝑚)2

2𝜎2 ] (II.12)

L’estimation de la fraction volumique totale Fv,tot, est effectuée via le paramètre C à partir du contraste magnétique Δ𝜌𝑚𝑎𝑔2 ⁡tel que :

𝐹𝑉,𝑡𝑜𝑡 = ⁡ 𝑒−𝐶

Δ𝜌𝑚𝑎𝑔2 (II.13)

Il en découle les fractions volumiques fv,1 et fv,2 de chaque population telle que 𝑓𝑣= 𝑓𝑛× 𝐹𝑣,𝑡𝑜𝑡. Une fois ces paramètres connus, on en déduit la densité de particules n associée à chaque population :

-6 -4 -2 0 2 4 6 8 0 0.5 1 1.5 2 Nuance ODS

Nuance non renforcée

ln(I m ag ) q (nm-1) rpart= 1-2 nm rpart= 4-6 nm Microstructure Bruit de fond I ∝ q-4

65

𝑛 = ⁡ 3𝑓𝑣

[4𝜋(𝑟𝑚2+ 3𝜎2)𝑟𝑚] (II.14)

Et la densité totale Ntot est simplement la somme des densités n1 et n2.