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Chapitre IV. Influence de la déformation plastique à froid sur la

1. Déformation par compression uniaxiale

1.2 Influence du chemin de déformation

1.2.1 Etats déformés

Afin d’étudier l’influence du chemin de déformation sur la recristallisation des ODS, les nuances ont également été déformées par compression uniaxiale dans une direction perpendiculaire à la direction filage (parallèle à la direction transverse DT de la barre), selon le schéma présenté sur la Figure IV.30. La

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déformation appliquée ε est de 0,7. On présente ici sur les résultats obtenus sur les nuances R0,2 et STi. Par la suite, ce mode de déformation sera noté CU//DT.

Figure IV.30 : Schéma du prélèvement du pion et de la déformation par CU//DT

La géométrie des pions étant identique à celle pour la CU//DF, on considère que la distribution de la déformation après compression est similaire et donc maximale le long de la ligne médiane (ou du plan médian en 3D) et minimale proche des deux faces. Les observations sont donc effectuées à proximité de la ligne médiane sur la coupe du pion.

Les états déformés ont été analysés par EBSD. Les cartographies IPF et les textures obtenues sont présentées sur la Figure IV.31. Après compression, les grains et/ou cellules présentent des morphologies très fines et étirées dans la direction de filage, à l’inverse des états bruts de filage où une partie des grains (les petits majoritairement) étaient encore relativement équiaxes. Ici, le diamètre équivalent moyen des cellules dans les nuances R0,2 et STi est respectivement de 0,34 µm et 0,41 µm, ce qui est légèrement supérieur aux tailles obtenues pour la CU//DF avec le même taux de déformation de 0,7 (Tableau IV.5). En revanche la fraction totale de sous-joints, égale à 65% pour les deux nuances, est inférieure à celles après CU//DF. Dans ces deux microstructures, les densité de GND mesurées au centre des échantillons sont de 1,5.1015 m-2 (R0,2) et 1,3.1015 m-2 (STi). On précise que dans la nuance R0,2, la densité de GND sur les bords est seulement de 1.1015 m-2. Ces valeurs sont sensiblement plus faibles que celles obtenues dans le cas de la CU//DF pour les deux taux de déformation de 0,7 et 0,4 (Tableau IV.5). Cela peut s’expliquer en partie par le fait qu’il n’y a pas ici de flambage des grains lors de la déformation qui permettrait l’existence de zones localement très déformées. Néanmoins, elles restent bien supérieures aux densités de dislocations dans les états filés comprises entre 2.1014 m-2 et 7.1014 m-2.

Nuance Déformation Taille cellule (µm) Fraction sous-joints 2<θ<10 (%) ρGND moyenne (m-2) R0,2 CU//DT (ε = 0,7) 0,34 65 1,5.1015 CU//DF (ε = 0,7) 0,31 75 2,0.1015 CU//DF (ε = 0,4) 0,38 72 1,8.1015 STi CU//DT (ε = 0,7) 0,41 65 1,3.1015 CU//DF (ε = 0,7) 0,33 78 1,8.1015 CU//DF (ε = 0,4) 0,41 70 1,5.1015

Tableau IV.5 : Récapitulatif des caractéristiques microstructurales des nuances R0,2 et STi suite aux différentes déformations par compression

ODS WC WC Direction de filage (DF) Prélèvement Compression uniaxiale DT DT

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De même, la texture de déformation est très différente de ce qui a pu être observé jusqu’à maintenant. Sur les Figure IV.31c et d, on constate la disparation de la nature fibreuse de la texture observée après filage puisque les grains s’orientent ici exclusivement selon deux orientations de la fibre α : {111}〈110〉 et⁡{001}〈110〉. Exceptionnellement, on précise qu’ici la description des textures est faite différemment : la direction 〈110〉 est parallèle à DF (comme dans le reste du manuscrit) mais les plans {ℎ𝑘𝑙} mentionnés sont ici dans le plan (DF, DN), ce qui veut dire que la direction normale à ces plans est perpendiculaire à la direction de compression DT (dans le reste du manuscrit, les plans {ℎ𝑘𝑙} sont dans le plan (DF,DT) et les directions normales aux plans sont parallèles à DN). Cette description de la texture permet dans le cas présent de visualiser directement les directions cristallographiques alignées avec la direction de compression via le plan {ℎ𝑘𝑙}. Ainsi, une partie des grains aligne leur direction <111> parallèlement à la direction de compression, tandis pour l’autre partie des grains, c’est la direction <001> qui est alignée avec la direction de compression.

Figure IV.31 : Cartographie IPF (directions cristallographiques // DF) des nuances a) R0,2 et b) STi après CU//DT avec ε = 0,7 et coupes de l’ODF à φ2 = 45° associées : c) R0,2 et d) STi

Les différences notables de ces microstructures obtenues par CU//DT avec celles de l’état de réception et celles obtenues par CU//DF laissent présager des mécanismes de recristallisation tout autres.

φ

1

0 90

90

ϕ

a)

Coupe à

ϕ

2

= 45°

DF DT = DC

c) d)

b) R0,2 STi

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1.2.1 Etats recuits

Comme pour les autres modes de déformation, les microstructures ont subi des traitements isothermes d’une heure à 1150°C et à 1300°C.

1.2.1.A Nuance R0,2

Les cartographies IPF issues des analyses EBSD sur les états recuits de la nuance R0,2 sont présentées sur la Figure IV.32. Les échantillons recristallisent de manière très hétérogène. La Figure IV.32a est une représentation schématique de l’échantillon où l’on a indiqué la zone recristallisée en rouge. Celle-ci adopte la forme de la « croix du forgeron » où la déformation est localisée. La forme de ces zones recristallisées est similaire après les 2 traitements thermiques. La cartographie de l’état recuit à 1150°C a été faite au centre de l’échantillon. On observe de gros grains recristallisés et très allongés dans la direction de filage. Leur taille est de plusieurs dizaines de µm selon DT et plusieurs centaines de µm selon DF. La texture de recristallisation est très marquée puisque la plupart de ces gros grains présentent une orientation{112}〈111〉 (DT normale au plan {hkl} et direction <111> // DF).

Cette orientation cristallographique particulière n’était pas clairement visible dans la microstructure déformée sur la Figure IV.31a. Deux hypothèses sont donc envisageables (si on considère qu’un germe recristallisé est nécessairement issu d’une zone préexistante dans la matrice déformée [16]) : soit cette orientation existait sous la forme de très petites cellules de dislocations réparties de manière très ponctuelle dans la microstructure écrouie, une énergie stockée plus faible dans ces cellules et leur forte désorientation avec la matrice leur permettraient alors une croissance rapide, de manière analogue au développement de la texture Cube dans l’invar (Fe-36% Ni) [26]. La deuxième hypothèse est que cette orientation soit issue d’une rotation, lors de l’étape de germination, de cellules initialement orientées différemment. Cette deuxième hypothèse est néanmoins peu probable puisque pour aligner la direction <111> avec DF, une cellule initialement orientée <110>//DF (orientation majoritaire dans la microstructure déformée) devrait effectuer une rotation de 35° ce qui est considérable. Dans l’état recuit à 1300°C, les grains recristallisés sont plus petits et la texture plus aléatoire mais cela est simplement lié à un effet de zone, du fait que la cartographie IPF a été réalisée plus proche des extrémités de l’échantillon.

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Figure IV.32 : Nuance R0,2 déformée par CU//DT (ε = 0,7) : a) Schéma du pion compressé et de la zone recristallisée et cartographies IPF (référence DF) des états recuits b) 1h à 1150°C et c) 1h à 1300°C

Suite aux deux recuits, la taille importante des grains et leur morphologie allongée est nécessairement associé à un nombre de germes faible [27] et à une microstructure hétérogène. Ce faible nombre de germes est dû à l’énergie stockée en moyenne moins importante qu’après la CU//DF et à la pression d’épinglage qui reste considérable. Les raisons qui aboutissent à une telle morphologie des grains recristallisés peuvent être diverses et ne sont pas toujours totalement comprises. Ainsi, Guessama et al. [28], dans un ODS Fe-Al, évoquent un alignement des particules de 50-100 nm dans la direction de filage, qui empêchent les grains de croître dans la direction transverse. Cependant, dans les nuances ODS CEA, des observations au MET menées par Praud [29] sur des barres après filage ne montre pas spécialement d’alignement des nanoparticules dans la direction de filage et celles-ci sont plutôt réparties de manière homogène.

Un autre mécanisme, proposé par Samet-Meziou et al. [17] dans un acier IF laminé, consiste à dire que des sous-grains restaurés (i.e. germes) vont croître au sein du grain lamellaire parent auquel ils appartiennent mais ne vont pas se propager dans les grains lamellaires voisins du fait de la courbure infinie des joints de grains et donc de la pression capillaire nulle. Ce mécanisme donne effectivement lieu à des grains recristallisés allongés. Néanmoins, on pourrait évoquer ce mécanisme uniquement si les gros grains recristallisés présentaient la même orientation que les grains étirés de la microstructure déformée à savoir l’orientation {111}〈110〉 ou {001}〈110〉, ce qui n’est pas le cas. De plus, ici, un joint de grains avec une courbure infinie entre un grain recristallisé et un grain déformé est soumis à la pression générée par le gradient d’énergie stockée et peut donc être mobile même si la pression capillaire est quant à elle nulle. Pour être valide, le mécanisme proposé par Samet-Meziou et al. requiert donc que l’énergie stockée soit similaire de part et d’autre du joint, ce qui conduit à une pression motrice volumique nulle.

DT = DC

DF

DN

Non re cr istall isé Non re cr istall isé G rain s al lo n gés r ec ristal li sés

a) b) 1h 1150°C c) 1h 1300°C

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Ici, le mécanisme le plus probable s’appuie sur une distribution hétérogène de l’énergie stockée. La Figure IV.33 montre la distribution de la densité de GND dans la nuance R0,2 (dans une zone zoomée de la Figure IV.31a) après CU//DT. Dans l’ensemble, on remarque que la densité est maximale selon des bandes parallèles à la direction de filage. Ces bandes sont corrélées à la présence des sous-joints, en majorité parallèles à la direction de filage. A l’inverse, la densité de GND reste relativement faible à l’intérieur des cellules de dislocations où elle est inférieure à 1.1015

m-2 (pixels jaunes et verts).

Considérons un germe équiaxe issu d’une zone initialement peu déformée (SIBM) ou bien d’une ou plusieurs cellules restaurées. Ce germe est fortement désorienté par rapport à des grains étirés de la matrice écrouie, schématisé sur la Figure IV.34. Selon la direction de compression (DT), le germe a une forte probabilité de ne pas « voir » les zones de haute énergie stockée (bandes rouges) au niveau des sous-joints et d’être voisin de cellules peu déformées. La force motrice est donc faible (∆E ≈ 0) devant la pression d’épinglage (constante dans toutes les directions) et le germe recristallisé ne peut donc pas croître selon DT. On peut considérer les cellules peu déformées comme des « obstacles » à la croissance d’un grain recristallisé selon DT. A l’inverse, selon la direction DF, le germe est en contact avec les zones de hautes énergies stockées (dislocations accumulées aux sous-joints). La force motrice est donc importante et si elle est supérieure aux forces d’épinglages, le germe va croître selon DF en se propageant dans les zones de hautes énergies stockées, conduisant aux morphologies très allongées observées. Ce mécanisme est proche de celui observé par Sandim et al. [30] dans un ODS base Nickel où les grains recristallisés adoptent des formes d’aiguilles en croissant le long des sous-joints.

Figure IV.33 : Carte de densité de GND dans la nuance R0,2 déformée par CU//DT (ε = 0,7)

DF

DT=DC

DN

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Figure IV.34 : Représentation schématique de la recristallisation primaire dans la nuance R0,2 déformée par CU//DT (ε = 0,7). Sur le zoom, les représentent les GND, leur densité est élevée au niveau du sous-joint et faible à

l’intérieur des cellules de part et d’autre du sous-joint

1.2.1.B Nuance STi

En ce qui concerne la nuance STi, suite au recuit d’une heure à 1150°C, la microstructure, visible en Annexe A.6, montre une recristallisation discontinue partielle (40%). Les grains recristallisés sont beaucoup plus petits (diamètre équivalent de 3,7 µm), plus équiaxes et leur texture est plus proche de celle de la microstructure déformée que dans la nuance R0,2. Nous ne détaillerons pas ici les mécanismes qui conduisent à une telle microstructure. Ils sont probablement similaires à ceux décrits pour la nuance R0,2 mais avec un équilibre différent entre les pressions. Cependant, la faible fraction recristallisée dans cette microstructure est intéressante puisqu’elle montre que même après déformation à froid, la diminution du taux de renforts ne permet pas de recristalliser plus facilement.

On propose de s’attarder ici sur la microstructure obtenue après le recuit d’une heure à 1300°C dont les cartographies IPF et de désorientation des joints de grains sont présentées sur la Figure IV.35. La texture est visible sur la coupe de l’ODF sur la Figure IV.36. La microstructure est similaire à celle obtenue après restauration généralisée dans l’état filé non déformé (Chapitre III). En effet, on observe des grains équiaxes de taille homogène, une fraction importante de joints de grains faiblement désorientés (34%) et une texture très proche de la texture de déformation (Figure IV.31d) avec une intensification des orientations {001}〈110〉 et {111}〈110〉. La taille moyenne des sous-grains après 1h à 1300°C est ici de 12 µm ce qui est relativement proche de la valeur obtenue après le même recuit sur l’état filé (Chapitre III), qui était de 9,5 µm. Les particules micrométriques aux joints de grains sont aussi visibles.

∆E≈0 ∆E≈0 ∆E>0 ∆E>0 Croissance Germe Croissance

DF

DT=DC

Zones de haute énergie stockée, le long des sous-joints

∆E : Différence d’énergie stockée entre le germe et la matrice

0,5 – 1 µm

cellule cellule

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On a donc ici aussi un mécanisme de restauration généralisée caractérisé par une croissance des sous-grains et un maintien de la texture de déformation. On rappelle que ce mécanisme peut être assimilé à une recristallisation continue. Il est donc intéressant de noter que la coalescence des particules associée à une énergie stockée limitée induit un changement du mécanisme de recristallisation. En effet, dans le cas de la CU//DF, l’atténuation de la texture de déformation et la disparition de tous les sous-joints au profit de HAGB après recristallisation était caractéristique d’une recristallisation discontinue, même après coalescence des particules à 1300°C.

Ce changement de mécanisme peut s’expliquer par le fait que dans les métaux à haute énergie de fautes d’empilement (aciers ferritiques, aluminiums), les dislocations peuvent facilement bouger et s’annihiler entre elles lors d’un recuit, donnant lieu à de la restauration. Cependant, lorsque le matériau est suffisamment déformé, la répartition hétérogène de l’énergie stockée va conduire localement à la formation de germes pendant un recuit et à leur croissance de manière discontinue dans la microstructure. De la même manière, la présence de nanoparticules, qui vont bloquer le mouvement des dislocations, conduit à inhiber ce mécanisme de restauration généralisée. Il semblerait donc que c’est en l’absence de nanoparticules et lorsque l’énergie stockée est trop faible pour permettre la formation et la croissance de germes que le mécanisme de restauration généralisée a lieu. Dans le cas des compressions parallèlement à DF, cette restauration généralisée n’est pas observée même après coalescence des particules dans les nuances R0,05 et STi probablement car des micro-flambages des grains permettent la création d’hétérogénéités d’énergie stockée suffisantes pour déclencher une recristallisation discontinue.

Figure IV.35 : a) Cartographie IPF (référence DF) et b) désorientation des joints de grains dans la nuance STi déformée par CU//DF (ε = 0,7) et recuite 1h à 1300°C

a) b) HAGB (θ>10°)

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Figure IV.36 : Coupe de l'ODF à φ2 = 45° de la nuance R0,2 déformée par CU//DT (ε = 0,7) et recuite 1h à 1300°C

Concernant les microstructures déformées par CU//DT et les mécanismes de recristallisation associés, les principaux résultats obtenus sont :

 La CU//DT induit une texture marquée caractérisée par les 2 orientations {001}〈110〉 et {111}〈110〉 .

 Pour un même taux de déformation (0,7), l’énergie stockée introduite par CU//DT est plus faible que par CU//DF du fait qu’il n’y a pas de flambage des grains lors de la déformation

 Dans l’état déformé, l’énergie stockée est répartie de manière hétérogène : elle est maximale le long des sous-joints de grains parallèlement à la direction de filage et reste faible à l’intérieur des cellules de dislocations.

 Dans la nuance conventionnelle R0,2, une recristallisation discontinue partielle est observée uniquement selon la « croix de forgeron » à 1150°C et à 1300°C : les grains sont alors très allongés dans la direction filage (plusieurs centaines de µm) à cause de la distribution hétérogène de l’énergie stockée. La texture de recristallisation est très différente de la texture de déformation.

 Lorsque l’énergie stockée après déformation est faible, la diminution du taux de renforts ne facilite pas particulièrement la recristallisation.

 Dans la nuance STi, une restauration généralisée est observée à 1300°C due à la coalescence des nanoparticules qui favorise le mouvement des dislocations et le réarrangement des sous-joints, et ne permet pas la création de germes de recristallisation par un mécanisme discontinu.