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Chapitre IV. Influence de la déformation plastique à froid sur la

1. Déformation par compression uniaxiale

1.1 Compression dans la direction de filage

1.1.1 Etats déformés

1.1.2.A Recuits à 1150°C ...120 1.1.2.B Recuits à 1300°C ...125 1.1.3 Influence du taux de déformation ...127 1.1.3.A Etats déformés ...127 1.1.3.B Etats recuits ...128 1.1.4 Etude de la nano-précipitation dans les états recuits...131 1.1.4.A Caractérisation des distributions de nanoparticules par DNPA ...131 1.1.4.B Analyse de la cohérence des particules après recristallisation ...133 1.1.5 Mesure des températures de recristallisation ...135 1.1.6 Discussion des mécanismes de germination...136 1.2 Influence du chemin de déformation ...143 1.2.1 Etats déformés ...143 1.2.1 Etats recuits ...146 1.2.1.A Nuance R0,2 ...146 1.2.1.A Nuance STi ...149 2. Compression multi-axiale alternée………151

2.1 Comportement mécanique ...152 2.2 Caractérisation des microstructures ...155 2.3 Dissolution des nano-oxydes par déformation plastique ...159 2.3.1 Résultats ...159 2.3.2 Discussion ...162 Conclusion sur l’influence de la déformation à froid sur la recristallisation des ODS……….164 Bibliographie……….165

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Introduction

Le précèdent chapitre a confirmé l’extrême stabilité des nuances ODS conventionnelles et la difficulté à les recristalliser après consolidation. Il est bien connu (Chapitre I) que l’introduction de dislocations par le biais d’un écrouissage à froid favorise le déclenchement de la recristallisation dans les métaux. Néanmoins, en fonction du mode et du taux de déformation appliqués, les microstructures recristallisées après recuit sont plus ou moins hétérogènes et texturées. Afin de mieux comprendre l’influence de la déformation à froid sur le déclenchement de la recristallisation dans les ODS, les nuances modèles ont subi différents traitements thermomécaniques. On rappelle que l’on s’intéresse ici à l’étude de la recristallisation statique et par conséquent les recuits sont effectués après la déformation à froid.

1. Déformation par compression uniaxiale

1.1 Compression dans la direction de filage

Ce mode de déformation a déjà montré son intérêt pour favoriser l’occurrence de la recristallisation dans les aciers ODS [1][2][3]. Grosdidier et al. [2] montrent d’ailleurs clairement l’influence du taux de déformation et suspectent l’effet d’un alignement de particules sur la morphologie des grains recristallisés. Néanmoins, certains points, notamment concernant les mécanismes de germination et l’influence du taux de renforts sur la recristallisation primaire restent à éclaircir. Dans ce but, on propose de réaliser ici une étude paramétrique à partir de nos 6 nuances modèles où l’on fera également varier le taux de déformation et la température de recuit. On tentera ainsi d’améliorer notre compréhension des mécanismes mis en jeu.

1.1.1 Etats déformés

Des pions sont prélevés dans les barres filées de réception comme le montre la Figure IV.1 et sont ensuite compressés entre 2 mors de carbure de tungstène (WC) à une vitesse de 0,01 s-1. La direction de compression (DC) est donc la direction de filage (DF). Dans un premier temps, le taux de déformation macroscopique appliqué est de 0,7, puisque dans le cadre de l’étude menée par Dadé et al. [1], cette valeur a permis de recristalliser presque entièrement (lors d’un recuit à 1150°C) une nuance conventionnelle CEA similaire à notre nuance R0,3. On étudiera ensuite l’effet d’un taux de déformation plus faible, ε = 0,4 (paragraphe 1.1.3). Par la suite, la compression uniaxiale (CU) parallèle à la direction de filage sera notée CU//DF.

Figure IV.1 : Prélèvement et compression des pions parallèlement à la direction de filage ODS WC WC Direction de filage (DF) Compression uniaxiale Prélèvement DC = DF

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Figure IV.2 : Pions non déformé et après compression

Comme le montre la Figure IV.2, les pions déformés présentent un bombé dû à l’effet tonneau, caractéristique de la compression uniaxiale, qui s’accentue avec l’augmentation de la déformation. Le graissage des outils qui permet la réduction des frottements tend à limiter ce phénomène. Néanmoins, on peut se poser la question de l’homogénéité de la déformation au sein du pion après compression. En effet, plusieurs études [4][5][6] ont déjà montré la forte corrélation entre la distribution de la déformation plastique et les hétérogénéités microstructurales après recristallisation. Des profils de nano-indentation selon la direction de compression et la direction radiale ont donc été réalisés (dans le plan d’une coupe parallèle à la direction de filage/compression) sur un pion compressé à une déformation de 0,7 afin d’évaluer ces hétérogénéités. Les résultats sont présentés sur la Figure IV.3.

Figure IV.3 : Mesures de nano-indentation sur un pion compressé (ε = 0,7) de la nuance R0,3

La dureté Vickers équivalente (calculée à partir de la dureté d’indentation HIT) atteint une valeur maximale d’environ 540 HV au centre de l’échantillon (point B). Les zones où la dureté est la plus faible, autour de 475 HV sont situées sur les bords du pion perpendiculaires à la direction de compression (ligne rouge et point A de la ligne verte). Le long du bord parallèle à la direction de compression, les valeurs

Non déformé ε = 0,4 ε = 0,7

400 425 450 475 500 525 550 575 0 1000 2000 3000 4000 Dur et é équ iv al en te (HV) Distance (µm) Centre Bord 400 425 450 475 500 525 550 575 0 2000 4000 6000 8000 10000 12000 Dur et é équ iv al en te (HV) Distance (µm) Centre Bord

Compression

a) b)

C B D A B A C D B

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restent comprises entre 475 et 525 Hv (ligne noire). L’axe qui présente le plus important gradient de déformation plastique est l’axe central parallèle à la direction de filage (ligne verte, entre A et B) : la dureté varie d’environ 100 Hv entre le bord et le centre de l’échantillon. De telles hétérogénéités ne sont pas surprenantes et ont déjà été prédites dans la littérature par des simulations par éléments finis principalement lors de déformation à chaud dans le cas de compressions uniaxiales à chaud [7][8] et également dans le cas de la compression plane encastrée (déformation nulle dans une direction macroscopique) [4]. Plus les frottements sont grands lors de l’essai et plus le bombé est important et la déformation hétérogène. Ainsi, Karch [7] montre par simulation, présentée sur la Figure IV.4, que la déformation locale au centre du pion peut atteindre 2 fois la déformation macroscopique appliquée (ici ε = 0,87). La distribution de la déformation simulée est particulièrement bien corrélée à nos essais de nano-indentation, montrant le maximum de dureté au centre de l’échantillon et les minimas au bord. Fort de ce constat, les analyses EBSD seront réalisées par la suite au centre des échantillons afin d’être soumises le moins possible aux hétérogénéités de déformation.

Figure IV.4: Simulation par éléments finis (logiciel MSC-Marc®) d'un essai de compression uniaxiale à chaud (ε = 0,87) sur un acier ODS, l'échelle représente les isovaleurs de déformation équivalente [7]

Les cartographies IPF des 6 nuances après compression sont présentées sur la Figure IV.5 et leur coupe de l’ODF à φ2 = 45° sur la Figure IV.6. Les caractéristiques microstructurales sont présentées dans le Tableau IV.1. Les nuances ODS présentent des microstructures et des textures très similaires avec une fibre <111> parallèle à DC très marquée où deux familles d’orientations majoritaires se distinguent comme le montrent les ODF sur la Figure IV.6 : {112}〈111〉 et {110}〈111〉. On peut assimiler cette texture à une texture cyclique, définie entre autre par Réglé [9], où les grains alignent une direction préférentielle avec l’axe de pion (ici la <111>) et une direction préférentielle avec le rayon du pion (ici il y en a deux : la <112> et la <110>). Sur les cartographies IPF, on note également la présence d’un certain nombre de grains ayant la direction <100> parallèle à DC (grains rouges). Leur fraction reste faible et atteint au maximum 10% (tolérance 12°) dans la nuance STi. Là aussi, deux familles différentes peuvent être identifiées, {001}〈100〉 et {110}〈100〉. Néanmoins, les fractions d’orientations de ces deux familles

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sont trop faibles pour apparaitre clairement sur les coupes des ODF. Il semble également persister quelques petits grains verts orientés selon la fibre α en particulier dans la nuance R0,05 (Figure IV.5d) mais là encore leur fraction reste très faible, inférieur à 2%. Concernant la nuance NonR, on distingue seulement l’émergence de l’orientation {110}〈111〉 sur l’ODF avec une intensité élevée mais le nombre faible de gros grains (seulement 50 grains mesurent plus de 1 µm) sur cette cartographie induit un manque de statistique qui ne permet pas de décrire correctement la texture. En effet, les grains avant déformation étant beaucoup plus gros (20 µm contre environ 1 µm dans les nuances ODS), leur taille après déformation est également plus élevée et on peut d’ailleurs aisément identifier les grains originaux sur la microstructure après déformation (par exemple le grain rouge sur la droite de la cartographie en Figure IV.5f).

Figure IV.5 : Cartographies IPF (direction cristallographique // DC) des 6 nuances modèles après compression uniaxiale (ε = 0,7)

a) b)

c) d)

e) f)

R0,3 R0,2

R0,1

STi

R0,05

NonR

DC

DC

DC DC

DC

DC

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Figure IV.6 : Coupe à φ2=45° de l'ODF des nuances après compression

Dans les nuances ODS, on peut assez facilement supposer que les gros « blocs » orientés selon la fibre <111> sont issus des gros grains allongés (vingtaine de µm) orientés selon la fibre α dans la microstructure filée. En effet, on rappelle que les microstructures filées étaient constituées d’une population bimodale de grains : des petits grains équiaxes orientés plutôt aléatoirement et des gros grains allongés fracturés en sous-grains et orientés selon la fibre α. Un zoom de la Figure IV.5b (nuance R0,2) est présenté sur la Figure IV.7a. On constate que les grains sont très morcelés et sont divisés en de nombreuses cellules de dislocations plus ou moins désorientées entre elles. Leur taille moyenne proche de 0,3 µm est similaire pour les différentes nuances (voirTableau IV.1) mais il est possible que cette valeur soit sous-estimée compte tenu de la présence de zones non indexées qui peuvent séparer une cellule en plusieurs. Sur la Figure IV.7a, les cellules sont séparées les unes des autres par des sous-joints (blanc), assimilables à des murs de dislocations mais aussi par des HAGB (noir), mieux visibles sur la Figure IV.7b.

Nuance Taille des grains (µm) Taille des cellules (µm) Fibre <111> // DC (%) Sous-joints 2°< θ <10° (%) ρgnd (m-2) R0,3 0,33 0,28 59 ± 5 80 ± 3 2,2.1015 R0,2 0,49 0,31 59 ± 5 75 ± 3 2,0.1015 R0,1 0,37 0,30 69 ± 5 90 ± 3 1,6.1015 R0,05 0,52 0,35 62 ± 5 75 ± 3 1,7.1015 STi 0,43 0,33 43 ± 5 78 ± 3 1,8.1015 NonR 0,64 0,51 48 ± 5 88 ± 3 1,2.1015

Tableau IV.1 : Caractéristiques microstructurales des 6 nuances modèles après CU//DF (ε = 0,7)

La densité de GND moyenne après déformation (Tableau IV.1) est bien plus importante qu’après filage dans les nuances ODS (3 à 6 fois plus en fonction de la nuance). Pour rappel, elle était au maximum de 6,7.1014 m-2 dans la nuance R0,3 et au minimum de 2,5.1014 m-2 dans la nuance R0,05. On observe ici

Coupe à

φ

2

= 45°

φ

1

0 90

90

ϕ

R0,3 R0,2 R0,1 STi R0,05 NonR a) b) c) d) e) f)

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toujours une densité de GND significativement plus élevée dans les nuances R0,2 et R0,3. Pour les autres nuances ODS, moins renforcées (R0,1 ; R0,05 et STi), les écarts entre les nuances sont faibles et de l’ordre de grandeur de l’incertitude. Cette incertitude s’explique principalement par la présence d’une fraction non négligeable de zone non-indexées dues à la forte distorsion du réseau cristallin et à l’hétérogénéité de la déformation dans les pions.

La distribution des densités de GND (calculée à partir du gradient d’orientations local) associée à la zone zoomée de la nuance R0,2 est présentée sur la Figure IV.7b. Une grande partie des pixels (44%) a une densité comprise entre 1.1015 et 3.1015 m-2 (pixels oranges), proche de la valeur moyenne (2.1015 m-2) pour cette nuance. La densité de GND est plus élevée (pixels rouges, supérieure à 3.1015) à proximité des joints de grains (en noir) et des zones non-indéxées (en blanc). A l’inverse, dans certaines cellules et dans certaines zones situées à l’intérieur des gros grains orientés <111> // DC, la densité de GND est plus faible et est comprise entre 1.1014 m-2 et 1.1015 m-2 (pixels jaunes et verts).

La nuance NonR présente quant à elle une densité de GND significativement plus faible. Cela peut s’expliquer principalement par l’absence de nanoparticules comme points d’ancrages pour les dislocations qui peuvent alors s’annihiler plus facilement mais peut-être aussi par la morphologie différente des grains avant déformation, qui sont équiaxes. En effet, dans les nuances ODS, la compression des grains étirés dans leur longueur induit probablement des effets de micro-flambage entrainant la localisation de la déformation en certains points, le long des joints de grains et donc une densité de GND localement plus élevée. Ce phénomène n’aurait donc pas lieu dans la nuance NonR.

Figure IV.7 : a) Cartographie IPF de la nuance R0,2 (zoom de la Figure IV.5b) compressée et b) cartographie des densités de GND associées (zones non indexées en blanc). Les joints de grains (θ > 10°) sont en noir sur les deux

cartes et les sous-joints (2°> θ >10°) sont visibles sur l’IPF en blanc.

Nous nous sommes également intéressés à la distribution de la densité de GND en fonction de l’orientation des grains. Ainsi, la densité de GND a été mesurée au sein des grains appartenant à la fibre <111> et a été comparée avec celle mesurée dans les grains d’orientations plus aléatoires (qui n’appartiennent pas à la fibre <111>). Les résultats présentés sur la Figure IV.8 montrent clairement que dans les nuances ODS, les grains appartenant à la fibre <111> // DC (grains bleus) ont stocké en moyenne moins de dislocations que les autres grains orientés plus aléatoirement. Ce résultat est particulièrement

b)

a)

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intéressant puisqu’il va nous permettre d’expliquer au moins en partie les textures de recristallisation obtenues par la suite. Notons que dans la nuance NonR, le résultat inverse est observé, à savoir que les grains d’orientation <111>//DC montrent une densité de GND plus élevée. Cela peut s’expliquer soit par un effet statistique du fait que le nombre de grains est faible soit du fait de la morphologie initiale (avant compression) différente des grains dans cette nuance qui conduirait à stocker les dislocations différemment lors de la déformation plastique.

Figure IV.8 : Densité de GND mesurée dans les grains appartenant à la fibre <111>//DC et dans ceux appartenant à d’autres orientations

Rappelons ici les principales observations faites sur les nuances déformées par CU//DF avec ε = 0,7 :

 La déformation est hétérogène au sein des pions avec des minima au niveau des extrémités hautes et basses et un maximum au centre.

 La CU//DF modifie complètement la texture cristallographique et la fibre α issue du filage est effacée au profit d’une fibre <111> parallèle à la direction de compression.

 La texture de déformation semble indépendante du taux de renforts.

 La déformation plastique permet d’augmenter fortement la densité de GND dans le matériau par rapport aux états filés, d’un facteur 3 à 6 selon la nuance. Dans les nuances ODS, le flambage des grains lors de la déformation est en partie responsable de ces densités élevées

 La densité de GND après CU//DF est plus élevée dans les nuances les plus renforcées.

 Dans les 5 nuances ODS, la densité de GND est plus élevée dans les grains orientés différemment de la fibre <111>.