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Chapitre I. Contexte et état de l’art

4. Les aciers ODS : métallurgie et gamme de fabrication

4.2 La consolidation

Une fois que le mélange est homogène et que les renforts ont été dissous en solution solide dans la matrice ferritique, la poudre ODS co-broyée est placée dans un conteneur. Elle subit un dégazage à basse température (entre 300°C et 400°C) puis est consolidée à haute température, généralement au-dessus de 1000°C. Cette étape permet d’obtenir un matériau avec une densité pratiquement égale à 100%. Durant cette phase, les oxydes reprécipitent dans la matrice de façon homogène et leur très grande stabilité ne permet plus que leur coalescence, sans jamais être redissous. Les deux procédés principaux de

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consolidation des poudres ODS sont le compactage isostatique à chaud (CIC) et le filage à chaud. Dans le premier cas, un lopin est obtenu par application d’un cycle thermique sous une pression isostatique d’environ 100 MPa à l’intérieur d’une enceinte. Dans le cas du filage à chaud, la matière est chauffée et pré-compactée à l’intérieur du conteneur, puis passe dans une filière qui diminue sa section et conduit à l’obtention d’une barre fortement écrouie. Le taux d’écrouissage est déterminé par la réduction de section entre la canette et la sortie de filière. Il faut noter que les microstructures, et par conséquent les propriétés mécaniques, obtenues à l’issue de ces 2 étapes de consolidation sont particulièrement différentes. L’étude comparative de la microstructure des aciers ODS suite à ces deux modes de consolidation a fait l’objet de plusieurs études [47][48][49][50]. Il existe également une méthode de consolidation par courant électrique appelé Spark Plasma Sintering (SPS) dont l’application aux aciers ODS a été étudiée entre autres lors de la thèse de Boulnat [18] et par Pandey et al. [51]. Chacun de ces procédés influence de manière déterminante la microstructure et les propriétés mécaniques des aciers ODS.

4.2.1 La compression isostatique à chaud

La compression isostatique à chaud (CIC) ou « Hot Isostatic Pressure » est un procédé de consolidation régulièrement utilisé en métallurgie des poudres qui consiste à appliquer un cycle thermique sous une pression isostatique à l’intérieur d’une enceinte. La pression est appliquée via un gaz inerte, de l’argon, et peut atteindre 1000 à 2000 bars (100 MPa à 200 MPa). La CIC peut être utilisée avec pratiquement tous les alliages métalliques, certaines céramiques et des polymères ainsi que des intermétalliques. A l’issue de la consolidation, la poudre initiale est transformée en un lopin avec une densité très élevée (supérieure à 99%) et très peu de porosités internes. L’avantage de ce procédé est que la pression isostatique appliquée permet d’obtenir une microstructure et une texture isotrope constituée de grains fins. Cela conduit à des matériaux avec des propriétés mécaniques élevées (ductilité, limite d’élasticité, résistance en fatigue). L’utilisation d’un moule peut permettre l’obtention de pièces aux géométries complexes, difficiles à obtenir par usinage.

En ce qui concerne les aciers ODS, la CIC est donc un procédé de choix pour atteindre les propriétés du cahier des charges industriel. La poudre co-broyée est placée dans un conteneur (acier 316L ou autre). Après un dégazage sous vide secondaire à 400°C pendant 2h, la consolidation est généralement réalisée entre 1100°C et 1200°C sous une pression de 1000 bars. La vitesse de chauffage est inférieure à 10 °C.min-1. La durée totale du procédé est d’environ 8h. A la fin, l’acier doux visible sur la Figure I.20a est retiré et le lopin d’acier ODS à l’intérieur est usiné afin d’effectuer les caractérisations microstructurales et mécaniques.

La microstructure après CIC ne présente pas de texture cristallographique ni morphologique mais on observe une population bimodale de grains particulièrement visible sur la Figure I.20 avec des grains ultrafins de moins de 100 nm et des gros grains de plusieurs micromètres. La présence de ces deux populations est due à l’hétérogénéité d’énergie stockée lors du co-broyage qui va provoquer la recristallisation et la croissance de certains grains uniquement [42]. Le matériau présente une densité de dislocations moyenne déterminée par microscopie électronique en transmission de 5.1013 m-2. Il apparaît que les gros grains présentent très peu de dislocations puisqu’ils sont recristallisés tandis que les grains ultra-fins sont particulièrement déformés et ont une densité de dislocations élevée, d’où leur aspect plus sombre en microscopie en transmission sur la Figure I.20b.

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Figure I.20 : a) Conteneur avec à l’intérieur le lopin ODS issu d’une consolidation par CIC, b) microstructure d’un acier ODS consolidé par CIC observée par MET et c) par EBSD [52]

4.2.2 Le filage à chaud

Le filage, ou extrusion à chaud est un procédé de consolidation durant lequel un matériau est chauffé, passe dans une filière qui diminue sa section et conduit à l’obtention d’une barre. La poudre est au préalable placée dans un conteneur d’acier doux et pré-compactée. Le taux de déformation est évalué en fonction du rapport entre les sections avant et après filage. La microstructure après filage est bimodale et fortement texturée, autant du point de vue morphologique que cristallographique [53]. En effet, les grains sont fins (diamètre inférieur à 1µm sur la Figure I.21a et allongés dans la direction de filage comme le montre la Figure I.21b) avec un facteur de forme pouvant être supérieur à 10. Ils présentent une texture marquée de type fibre α avec leur direction <110> alignée avec l’axe de filage. Le filage déforme fortement le matériau et la microstructure est écrouie avec des densités de dislocations de l’ordre d’environ 5.1014

m-2 [17][54], supérieures à celles obtenues après CIC. Cette déformation importante associée à un taux de triaxialité négatif conduit à un matériau sans porosités (quelques porosités locales peuvent être observées après CIC) et des résistances mécaniques plus élevées.

Figure I.21 : Observations au MET d’une nuance Fe-14Cr-1W après filage dans la direction a) transversale et b) longitudinale [47]

b) c)

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L’analyse d’une nuance Fe-14Cr-1W par EBSD [53] montre une population bimodale de grains avec des gros grains allongés et des « amas » de petits grains submicroniques plus équiaxes. Il est intéressant de noter que les gros grains ont presque tous une texture appartenant à la fibre α tandis que les petits grains sont orientés plus aléatoirement. Deux hypothèses proposées par Karch [55] et Toualbi [56] et pourraient permettre d’expliquer cette microstructure. La première est que les petits grains sont issus d’une recristallisation discontinue et qu’ils germent selon des orientations différentes de la fibre α induite par le filage. La deuxième est que les « amas » de petits grains proviennent de la structure de poudre recuite. Les densités de dislocations et/ou de nano-précipités dans ces zones pourraient être plus importantes, rendant ces grains plus durs. Ces grains sont alors peu affectés par la déformation et suivent l’écoulement lors du filage sans prendre une orientation préférentielle. Les gros grains quant à eux plus mous, sont beaucoup plus affectés par la déformation. Des analyses KAM (Kernel Average Misorientation) permettant de quantifier l’énergie stockée (méthodologie détaillée dans le Chapitre II) permettent de pencher pour la seconde hypothèse. En effet, suite au filage, des sous structures (sous-joints) se sont formés dans les gros grains afin d’accommoder la déformation plastique : Il s’agit d’un mécanisme de recristallisation dynamique continue. Ces sous-joints sont beaucoup moins présents dans les petits grains, traduisant une énergie stockée plus faible lors de la déformation.

Figure I.22 : Cartographie IPF (directions cristallographiques // DF) dans une nuance ODS 14%Cr brut de filage [53]