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Troisième partie : Symbolique des genres grecs et anthropologie

Annexe 1 : Textes complémentaires

1. LUCIENDE SAMOSATE, Dialogues des dieux, 13, 1 (traduit du grec par Émile Chambry) :

HÉPHAÏSTOS. — Que faut-il que je fasse, Zeus ? J’arrive, comme tu l’as commandé, avec ma hache bien affilée, si bien même qu’elle pourrait au besoin couper une pierre d’un seul coup.

ZEUS. — À merveille, Héphaïstos. Maintenant fends-moi la tête en deux d’un coup de hache.

HÉPHAÏSTOS. — Tu veux m’éprouver et voir si je suis fou. Commande-moi plutôt ce que tu désires vraiment que je te fasse.

ZEUS. — Je te l’ai dit : fends-moi le crâne. Si tu ne m’obéis pas, tu éprouveras encore une fois ma colère.

Mais il faut frapper de tout cœur et sans tarder ; car je meurs des douleurs d’enfantement qui me bouleversent le cerveau.

HÉPHAÏSTOS. — À toi de voir, Zeus, si nous n’allons pas faire un mauvais coup ; car ma hache est acérée et ne t’accouchera pas sans faire couler de sang, ni à la manière d’Eileithyia.

ZEUS. — Frappe seulement, Héphaïstos, et hardiment. Je sais l’avantage qui m’en doit revenir.

HÉPHAÏSTOS. — C’est malgré moi ; mais je vais frapper. Car que faire, quand tu commandes ? Qu’est-ce là ? Une jeune fille armée. Grand était le mal que tu avais dans la tête, Zeus. En tout cas, il était naturel que tu fusses irritable, quand tu portais vivante sous ta méninge une si grande fille, et tout armée. C’est un camp, non une tête que tu avais, et tu ne t’en doutais pas. Et la voilà qui saute et danse la pyrrhique, secoue son bouclier, brandit sa lance, dans un transport divin, et, ce qui est le plus surprenant, je la vois devenue en un instant parfaitement belle et dans la fleur de l’âge ; elle a les yeux glauques, mais c’est une beauté de plus pour la jeune fille. Aussi je te la demande en récompense de ton accouchement ; fiance-la moi tout de suite.

ZEUS. — Tu demandes l’impossible, Héphaïstos ; car elle est décidée à garder sa virginité. En tout cas, pour moi, je n’ai pas d’objection à te faire.

HÉPHAÏSTOS. — C’est ce que je voulais ; le reste me regarde et je vais l’enlever.

ZEUS. — Fais-le, si tu peux ; mais je suis sûr que tu t’engages dans un amour sans issue.

2. LUCIENDE SAMOSATE, Dialogues des dieux, 18, 1-2 (traduit du grec par Émile Chambry) : HÉRA. — Ils sont beaux, ma foi, Léto, les enfants que tu as donnés à Zeus !

LÉTO. — Nous ne pouvons pas toutes, Héra, mettre au monde des enfants comme Héphaïstos.

HÉRA. — Eh mais ! Ce boiteux n’en est pas moins utile ; car c’est un excellent ouvrier qui nous a décoré le ciel, et il a épousé Aphrodite qui fait grand cas de lui. Mais de tes enfants, l’une est une virago dont la virilité dépasse les bornes, et une montagnarde qui, à la fin, est partie pour la Scythie, où l’on sait ce qu’elle mange, puisqu’elle tue les étrangers et imite les Scythes eux-mêmes qui sont anthropophages.

Quant à Apollon, il affecte de tout savoir, tirer de l’arc, jouer de la cithare, exercer la médecine, annoncer l’avenir, et dans les boutiques de divination qu’il a établies, l’une à Délos, l’autre à Claros, l’autre à Didymes, il trompe ceux qui le consultent en donnant des réponses ambiguës et à double sens, de sorte

que, s’il se trompe, il ne court aucun risque. Et il s’enrichit à ce commerce ; car ils sont légion les sots qui s’offrent à ses impostures. Au reste, les gens intelligents savent qu’il ment la plupart du temps. En tout cas, ce devin ignorait lui-même qu’il tuerait son bien-aimé avec son disque et il n’a pas prévu que Daphné le fuirait, lui si beau et si chevelu. Aussi je ne vois pas ce qui a pu faire croire que tu avais de plus beaux enfants que Niobé.

LÉTO. — Et pourtant ces enfants, la tueuse d’étrangers et le faux devin, je sais combien il te chagrine de les voir parmi les dieux, surtout quand l’une est louée pour sa beauté et que l’autre joue de la cithare pendant le festin, à la grande admiration de tous.

HÉRA. — Tu me fais rire, Léto : admirable, ce cithariste que Marsyas aurait écorché lui-même, après l’avoir vaincu sur la musique, si les Muses avaient voulu rendre un jugement équitable ? Mais, insidieusement trompé, le malheureux a péri injustement condamné. Pour ta belle vierge, elle est si belle que, quand elle sut qu’elle avait été vue par Actéon, dans la crainte que le jeune homme ne révélât sa laideur, elle lâcha ses chiens sur lui. J’omets de dire qu’elle ne délivrerait pas les accouchées, si elle était vierge.

LÉTO. — Tu t’en fais accroire, Héra, parce que tu partages le lit et le trône de Zeus ; c’est pour cela que tu m’outrages sans crainte. Mais je te verrai bientôt pleurer encore, quand il te quittera pour descendre sur la terre, sous la forme d’une taureau ou d’un cygne.

3. PROCLOS, Chrestomathie, « Sur l’Éthiopide » (traduit du grec par Albert Severyns) :

À ce qui vient d’être rapporté fait suite l’Iliade d’Homère. Après elle vient l’Éthiopide, en cinq livres, par Arctinos de Milet, et dont voici le contenu.

L’Amazone Penthésilée arrive pour combattre aux côtés des Troyens : elle était fille d’Arès et thrace de nation. En pleine gloire, elle est tuée par Achille, et les Troyens lui font des funérailles.

Et Achille fait périr Thersite qui l’avait insulté en lui reprochant son prétendu amour pour Penthésilée.

Après cela, une dissension éclate parmi les Achéens à propos du meurtre de Thersite.

Là-dessus, Achille cingle vers Lesbos. Il offre un sacrifice à Apollon, Artémis et Létô, puis il est purifié du meurtre par Ulysse.

Memnon, fils de l’Aurore, pourvu d’un armement ouvré par Héphaïstos, se porte au secours des Troyens.

Et Thétis prédit à son fils le sort qui attend Memnon.

Au cours d’une rencontre, Antiloque est tué par Memnon, puis Achille tue Memnon. L’Aurore implore Zeus et obtient de lui qu’elle apporte à son fils l’immortalité.

Achille met en fuite les Troyens, et comme il se précipite dans la ville, il tombe sous les coups de Pâris, aidé par Apollon. Autour du cadavre s’engage une lutte acharnée. Ajax, fils de Télamon, le tire de la mêlée et le porte jusqu’aux nefs, tandis qu’Ulysse, en arrière-garde, repousse les Troyens.

Ensuite, les Grecs enterrent Antiloque et exposent le cadavre d’Achille.

Thétis, venue avec les Muses et ses sœurs, fait la déploration de son fils. Après quoi, Thétis dérobe son fils au bûcher funèbre et le transporte dans l’Ile Blanche.

Les Achéens lui élèvent un tertre et instituent des jeux funèbres en son honneur. Et au sujet des armes d’Achille survient une dispute qui oppose Ulysse et Ajax.

4. HÉRODOTE, Enquête, IV, 146 (traduit du grec par Philippe-Ernest Legrand) :

Lors donc qu’on allait exécuter les Minyens, leurs femmes, qui étaient citoyennes et filles des principaux Spartiates, prièrent qu’on leur permit d’entrer dans la prison et de s’entretenir chacune avec son mari. On les y laissa pénétrer, ne pensant pas que d’elles pût venir aucune fraude. Mais, une fois entrées, voici ce qu’elles firent : elles passèrent à leurs maris tous les vêtements qu’elles portaient, et prirent elles-mêmes ceux des hommes. Revêtus de vêtements féminins, passant pour des femmes, les Minyens gagnèrent le dehors ; et, s’étant échappés de telle manière, campèrent de nouveau sur le Taygète.

5. LUCIENDE SAMOSATE, Dialogues des courtisanes, 5, 1-4 (traduit du grec par Émile Chambry) : CLONARION. — Nous en apprenons de belles sur ton compte, Léaina. On dit que Mégilla de Lesbos, la riche, est amoureuse de toi comme un homme, que vous êtes ensemble et que vous vous livrez à je ne sais quelles pratiques. Que dis-tu ? Tu rougis ? Allons, parle ; est-ce vrai ?

LÉAINA. — Oui, Clonarion, et j’en suis toute confuse, tellement c’est étrange.

CLONARION. — Au nom de la déesse qui nourrit la jeunesse [Aphrodite Kourotrophos], de quoi s’agit-il, et que veut cette femme ? Qu’est-ce que vous faites, quand vous êtes ensemble ? Tu vois, tu ne m’aimes pas ; autrement tu ne me cacherais pas des secrets de cette sorte.

LÉAINA. — Il n’y a pas d’amie qui me soit aussi chère que toi. Cette femme est terriblement masculine.

CLONARION. — Je ne comprends pas ce que tu veux dire, à moins que ce ne soit une tribade ; car on dit qu’il y a de ces femmes mâles à Lesbos, qui se refusent aux hommes et s’approchent des femmes à la manière des mâles.

LÉAINA. — C’est quelque chose comme cela.

CLONARION. — Alors, Léaina, raconte-moi tout cela, comment elle a d’abord essayé de te séduire, comment toi-même tu t’es laissée gagner et ce qui s’en est suivi.

LÉAINA. — Elles avaient organisé un souper, elle et Démonassa, la Corinthienne, une femme riche aussi, adonnée aux mêmes pratiques que Mégilla. Elles m’avaient fait venir pour leur jouer de la cithare. Quand j’eus fini de jouer, l’heure était fort avancée et il était temps d’aller se coucher. Elles étaient ivres.

« Allons, Léaina, me dit Mégilla, voici le moment de dormir ; couche ici avec nous, entre nous deux. » CLONARION. — Tu l’as fait ? Et après cela, qu’est-il arrivé ?

LÉAINA. — Elles m’embrassèrent d’abord comme font les hommes, non pas seulement en appliquant leurs lèvres, mais encore en entrouvrant la bouche ; elles me prirent dans leurs bras en me pressant les seins ; Démonassa même me mordait en m’embrassant. Moi, je ne pouvais pas deviner ce que cela voulait dire. Mais enfin Mégilla, déjà passablement échauffée, enleva sa perruque de sa tête. Elle portait en effet une perruque aussi bien imitée que bien ajustée. Elle apparut alors tondue au ras de la peau comme les athlètes les plus mâles. Comme j’étais ébaubie de la voir ainsi : « Eh bien, Léaina, dit-elle, as-tu déjà vu un aussi beau garçon ? — Je ne vois pas de garçon ici, Mégilla. — Ne parle pas de moi au féminin, reprit-elle ; car je m’appreprit-elle Mégillos et j’ai épousé depuis longtemps Démonassa ; reprit-elle est ma femme. » À ces mots, Clonarion, je fus prise d’un éclat de rire et je lui dis : « Alors, Mégillos, tu nous cachais ta virilité, comme Achille, dit-on, cachait la sienne parmi les filles sous des robes de pourpre ? Tu as aussi ce qu’ont

les hommes et tu fais à Démonassa ce qu’ils font à leurs femmes ? — Ce qu’ont les hommes, Léaina, je ne l’ai pas, dit-elle, mais je n’en ai pas du tout besoin. Je m’y prends, tu le verras, d’une façon particulière et beaucoup plus agréable. — Serais-tu donc, demandai-je, un hermaphrodite, comme on dit qu’il y en a beaucoup, qui ont les attributs des deux sexes ? » À ce moment, Clonarion, j’ignorais encore ce qu’elle voulait dire. « Non, répliqua-t-elle, je n’ai rien que de mâle. — J’ai entendu dire, repris-je, à la joueuse de flûte béotienne Isménodora parlant de son pays, qu’il y avait eu jadis à Thèbes une femme devenue homme et que cet homme était aussi un excellent devin, nommé, je crois, Tirésias. Te serait-il arrivé la même aventure ? — Non, Léaina, dit-elle. Je suis née pareille à vous autres ; mais j’ai les goûts, les désirs et tout le reste d’un homme. — Et ces désirs te suffisent ? demandai-je. — Laisse-toi faire, Léaina, si tu en doutes, répondit-elle, et tu verras qu’il ne me manque aucun des attributs de l’homme ; car j’ai de quoi remplacer le membre du mâle. Allons, laisse-toi faire ; tu verras. » Je cédai, Clonarion, à ses prières réitérées ; d’ailleurs elle m’avait offert un collier de grand prix et de fines étoffes. Alors je la pris dans mes bras, comme un homme, tandis qu’elle m’embrassait, qu’elle œuvrait, haletait et paraissait y prendre un plaisir sans mesure.

CLONARION. — Que faisait-elle, Léaina, et comment s’y prenait-elle ? C’est justement cela que je voudrais que tu me dises.

LÉAINA. — Ne me demande pas de précisions, ce n’est pas beau. C’est pourquoi, j’en jure par l’Aphrodite céleste, il m’est impossible de te le dire.