• Aucun résultat trouvé

Terme affectif ou axiologique

-コーヒー。

2. Composants de l’énoncé nominal servant à la désignation in situ

2.1. Composants nécessaires pour la désignation in situ avec modalisation

2.1.1. Terme affectif ou axiologique

Dans les exemples suivants, nous constatons la présence d’un adjectif affectif en (133) et d’un adjectif axiologique en (134) :

Puis la horde se remit à hurler. — On va la tuer!On va la lapider!

Tu entends, le Nazaréen? On va l'achever devant toi !

Curieuse scène : c'était moi, et non elle, qu'ils menaçaient de sa mort.

(SCHMITT, L’Evangile selon Pilate : 54)

Vous l’avez sevrée, cette goinfre, mais vous la portez toujours.

Mauvaise habitude. Faites-moi donc marcher ça.

(HUGO, Quatre-vingt-treize, 1960[1874] : 109)

L’adjectif « Curieuse » en (133) marque une réaction affective de l’énonciateur, et en (134), l’adjectif axiologique « Mauvaise » exprime une évaluation négative sur l’entité désignée par le nom. De plus ces adjectifs ne sont ici ni déterminatifs ni explicatifs.

D’abord, ils ne sont pas explicatifs, parce que nous ne pouvons pas les supprimer pour que la séquence nominale fonctionne dans ce contexte en tant qu’énoncé. Ensuite, ils ne sont pas déterminatifs, parce qu’ils ne cernent pas l’extension du nom, i.e. ne sont pas nécessaires pour l’identification de l’entité dénotée par le nom. Ce sont des éléments nécessaires à la spécification de l’entité ; ils dotent l’entité dénotée par le nom d’une certaine actualité et individualité. Comme, pour la désignation in situ avec modalisation, la spécification est assurée par un élément impliqué dans les énoncés nominaux, les énoncés nominaux sont relativement — tout en dépendant plus ou moins du contexte le plus proche — autonomes d’un site d’emploi. C’est pourquoi le déplacement des énoncés nominaux basés sur la désignation in situ avec modalisation n’est pas expressément interdit.

(133’) Puis la horde se remit à hurler.

- On va la tuer ! On va la lapider ! Tu entends, le Nazaréen? On va l'achever devant toi !

DEUXIÈME PARTIE Ch. VIII Facteurs non linguistiques ou composants linguistiques servant à la désignation in situ

C'était moi, et non elle, qu'ils menaçaient de sa mort. Une curieuse scène.

Pour le cas (133), cas d’un récit, comme on le voit en (133’), nous pouvons déplacer, en ajoutant l’article indéfini196, la séquence nominale « curieuse scène » après la séquence qu’elle introduit dans le texte original.

Un jugement évaluatif peut être exprimé aussi par le nom noyau même ou le complément du nom comme « Blasphème » dans (135) et « job en or dans (136) ci-dessous :

— Mais comment oses-tu parler au nom de Dieu ?

— Parce que Dieu est en moi.

— Blasphème !

(SCHMITT, L’Evangile selon Pilate : 52)

La quarantaine, le rire tonitruant, Manuel Garrido dirigeait depuis cinq ans le bureau d'enquête sur les délits financiers dans l'administration argentine. Un job en or : 70 enquêteurs, 60 investigations en cours, l'assurance constitutionnelle de ne pas être remercié au premier coup de tabac...

(Le Monde.fr, 21/03/2009)

Le nom axiologique « Blasphème » en (135) exprime un jugement négatif de l’énonciateur envers ce qui est dit par son interlocuteur et, en (136), le complément de nom « en or » plutôt une appréciation. En (136), l’énoncé nominal peut se déplacer, comme en (133) précédemment mentionné, après la séquence qui, dans le texte original, le suit.

Enfin, c’est le cas de combinaison de plusieurs mots à valeur subjective.

Vieille dame indigne, la Caisse gémit que, pour entretenir leur

196 Nous reviendrons dans la suite sur les déterminants.

DEUXIÈME PARTIE Ch. VIII Facteurs non linguistiques ou composants linguistiques servant à la désignation in situ

pelote, les banques rament désormais sur un fleuve d'argent virtuel, infesté de produits toxiques. Piètre jérémiade d'apprentis sorciers !

(Le Point, 23/10/2008, n°1884 : 3)

En (137), le nom « noyau », « jérémiade », exprime un jugement dépréciatif sur la justification de la part de la Caisse d’épargne. Mais, la dépréciation sur la Caisse et les banques est exprimée aussi par l’épithète et le complément du nom « noyau » :

« piètre » et « d’apprentis sorciers ». Cette accumulation d’éléments à valeur subjective n’est pas indispensable pour la désignation in situ avec modalisation. En effet, un jugement subjectif exprimé par un de ces trois éléments suffit pour que la séquence nominale fonctionne en tant qu’énoncé. Nous pouvons ainsi avoir, au lieu de « Piètre jérémiade d'apprentis sorciers ! » : « Une jérémiade. », « Un piètre argument. » ou encore « Un argument d’apprentis sorciers. »

En plus de tout cela, plusieurs éléments des énoncés nominaux peuvent exprimer un jugement évaluatif.

Je voudrais l'homme fait par Euclide.

— Et moi, dit Gauvain, je l'aimerais mieux fait par Homère. Le sourire sévère de Cimourdain s'arrêta sur Gauvain comme pour tenir cette âme en arrêt.

— Poésie. Défie-toi des poètes.

(HUGO, Quatre-vingt-treize, 1960[1874] : 463)

En (138), c’est d’un côté le choix du nom « poésie » comme argument de l’interlocuteur qui exprime un jugement négatif. La valeur subjective est contextuellement donnée. Ainsi, détachée du contexte, la séquence « poésie » n’apporte plus de valeur subjective et pour fonctionner en tant qu’énoncé, elle a besoin d’une désignation in situ assurée par le contexte situationnel ou linguistique, par exemple la désignation in situ avec script : « poésie » en tant que rubrique.

DEUXIÈME PARTIE Ch. VIII Facteurs non linguistiques ou composants linguistiques servant à la désignation in situ

En tant que nom « noyau » apportant une appréciation, on peut trouver aussi le néologisme.

Pour produire en quantité, le plus vite possible, au plus bas coût [...]

on a sélectionné des races d’animaux à gros rendements. Des

« usines sur pattes » qui fonctionnent avec des granulés hautement énergétiques.

(Le Point, 19/03/2009, n°1905 : 44)

La néologie « usines sur pattes », fruit d’une combinaison des deux notions « usine » et

« pattes » qui vont difficilement de paire et soulignée par la mise entre guillemets, marque une évaluation négative. Ce syntagme nominal « des usines sur pattes » recatégorise de manière négative races d’animaux à gros rendements dont il est l’anaphore. Ainsi, l’identification de l’entité donnée est-elle liée étroitement au contexte. A noter aussi que la proposition relative « qui fonctionnent avec des granulés hautement énergétiques » peut exprimer un jugement subjectif par l’adverbe d’intensité

« hautement ». Dans ce contexte et par la valeur négative de son antécédent «« usines sur pattes » », nous pouvons dire qu’elle exprime une évaluation négative. Ces deux éléments apportant un jugement subjectif peuvent fonctionner séparément pour la désignation in situ par modalisation comme en (139’).

(139’) Pour produire en quantité, le plus vite possible, au plus bas coût [...]

on a sélectionné des races d’animaux à gros rendements.

Des « usines sur pattes ».

Un élevage qui fonctionne avec des granulés hautement énergétiques.

En (139’), la séquence nominale en gras peut fonctionner sans problème en tant qu’énoncé. Une petite remarque : pour le dernier l’énoncé nominal « Un élevage… », nous ne pouvons pas trancher quant à savoir si le jugement subjectif est positif ou négatif. Cela dépend du contexte plus global : si le texte est rédigé pour le thème de la

DEUXIÈME PARTIE Ch. VIII Facteurs non linguistiques ou composants linguistiques servant à la désignation in situ

« santé », du « bio », de l’« écologie », il serait négatif. En revanche, pour le thème industriel ou commercial, il pourrait être plutôt positif.

2.1.2. Modalisateur

A part les affectifs et les axiologiques, « porteurs d’un trait évaluatif de type bon/

mauvais » 197, nous avons aussi en tant qu’élément subjectif des modalisateurs,

« porteurs d’un trait évaluatif de type vrai/ faux »198 comme (140) :

- Danton, la Champagne n’était pas pour les Prussiens, et la Bretagne est pour les Anglais. Reprendre Verdun, c’est de la guerre étrangère ; reprendre Vitré, c’est de la guerre civile.

Et Robespierre murmura avec un accent froid et profond : - Sérieuse différence.

(HUGO, Quatre-vingt-treize, 1960[1874] :164)

Ici, l’adjectif « sérieuse » a une valeur comparable à « véritable » (« il y a ici une véritable différence ») ou à « sûrement » (« il y a ici sûrement une différence ») ; il marque le degré d’adhésion du sujet d’énonciation199 forte à la qualification marquée par le nom noyau « différence ». Pour l’identification de l’entité désignée, il n’est pas nécessaire, mais il n’est pas supprimable ; il sert à la désignation in situ.

On peut trouver des adverbes modalisateurs.

La foire d'art contemporain outsider ouvre ses portes ce 19 mars avec 115 galeries. Une manifestation majoritairement française et plutôt classique avec une sélection encore inégale, malgré une progression depuis son retour au Grand Palais.

197 KERBRAT-ORECCHIONI, 2014 [1999] : 134.

198 Idem.

199 Ibid. : 133.

DEUXIÈME PARTIE Ch. VIII Facteurs non linguistiques ou composants linguistiques servant à la désignation in situ

(Le Point, 19/03/2009, n°1905 : 95)

L'hiver dernier, le constructeur a présenté Odo, une gamme d'appareils photo, caméras et écouteurs stéréo rechargeables à

« l’huile de coude ». Une énergie décidément durable...

(Reprise de (64))

Les adverbes « majoritairement » et « plutôt » en (141) marquent le degré d’adhésion mitigée de l’énonciateur respectivement à la qualification « française » et à celle

« classique » de l’entité dénotée par « manifestation » qui est la foire d’art contemporain introduite dans l’énoncé précédent. Ces adverbes aussi ne sont pas supprimables : « *Une manifestation française et classique. » En (142), l’adverbe

« décidément » est employé avec les points de suspension et marque par ironie le degré d’adhésion plutôt mitigée. En tant qu’élément marquant une subjectivité, donc servant à la désignation in situ, ils ne peuvent pas être supprimés. A noter que le cumul de ces deux types modalisateurs n’est pas obligatoire ; l’un de ces deux éléments suffit pour l’énonciation nominale. Ainsi les énoncés « Une énergie durable… » et « Une énergie décidément durable. » sont tous les deux acceptables.

La certitude (ou incertitude) de l’énonciateur peut être marquée autrement comme en (143) :

L'embellie des marchés d'actions peut-elle durer ? Rien n'est moins sûr. « Une nouvelle correction est possible car les sociétés vont continuer d'annoncer de mauvaises nouvelles », estime Roland Lescure. Une opinion partagée par Nathalie Pelras, gérante chez Richelieu Finance : […]

(Le Monde.fr, 21/03/2009)

En (143), le participe passé suivi de son complément d’agent « partagée par… » qualifie l’entité désignée par le nom noyau « opinion », i.e. l’opinion de Roland Lescure citée dans l’énoncé précédent, en présentant sous forme de modificateur le fait que cette opinion est partagée ; « (être) partagé » s’emploie ici comme qualité ; il joue ainsi, bien que ce soit de manière moins directe, un rôle comparable à celui des adjectifs

DEUXIÈME PARTIE Ch. VIII Facteurs non linguistiques ou composants linguistiques servant à la désignation in situ

modalisateurs tel que « sûr » ou « vraisemblable » : « une opinion sûre / vraisemblable ». Nous pouvons constater l’attitude de l’énonciateur qui accorde une certaine adhésion — de manière moins subjective et plus convaincante — à l’opinion de Roland Lescure. Cette valeur de modalisateur se voit moins bien dans la formule verbale « Cette opinion est partagée par Nathalie Pelras » qui rapporte le même fait

« l’opinion est partagée ». Cette formule verbale présente ce fait surtout comme un fait à constater — et par la suite, il pourrait nuancer l’évaluation « vrai/ faux » de l’énonciateur de manière inférentielle : « l’opinion est partagée, donc elle est crédible ».

Cette manière de présenter un fait constaté, sous forme de modificateur d’un nom, comme témoin d’une qualité de l’entité dénotée par le nom est exploitée souvent pour l’énonciation nominale dans le discours suivi.

Nous aborderons les autres cas dans la section suivante.