• Aucun résultat trouvé

Problèmes posés par ces analyses

CHAPITRE I Objet d’étude

2. Problèmes posés par ces analyses

Les séquences nominales en emploi autonome sont, en résumé, traitées dans plusieurs cadres hétérogènes. Serait-il donc impossible de traiter et décrire pleinement les séquences nominales en emploi autonome dans un cadre uniforme ? C’est ce qui nous

28 GEACH, 1962 : 25-26.

29 BOSREDON, 1997 :16.

PREMIERE PARTIE Ch. II Analyses des énoncés nominaux en Occident, notamment en France

Traversée interdite Lait-écrémé

Bon travail Fire ! Wolf !

De l’eau ! Une stratégie.

Un choc.

« Paul chante. » « Il est étudiant. »

intéresse au premier lieu dans cette étude. Nous voudrions essayer d’analyser tous les types des séquences nominales en emploi autonome comme un ensemble constituant un groupe homogène, en partant du fait même que ce sont toutes des séquences qui sont nominales et employées seules. Deux raisons pour aller dans ce sens.

En premier lieu et s’agissant du traitement des séquences nominales en emploi syntaxiquement autonome, on constate une certaine incohérence pour l’ensemble des séquences nominales employées seules, que nous pouvons entrevoir dans la description des études antérieures.

Dans le cadre plus ou moins basé sur la relation prédicative entre deux termes, les propositions verbales sont toutes analysables alors que les séquences nominales ne le sont qu’en partie. Dans la figure ci-dessous, la partie grise représentant le cadre de l’unité définie par la relation prédicative couvre tout le groupe des séquences à verbe conjugué, groupe encadré dans la figure 1 en bas par ligne double, et en partie le groupe des séquences nominales employées seules, groupe encadré par une ligne droite.

Figure 1

30 N.B. Selon l’analyse, les énoncés thématiques entrent aussi dans le cadre de phrase. Supra. p.14, note.4.

Groupe des séquences à verbe conjugué Groupe des séquences nominales employées seules

Les cigares !30

a) Cadre en gris : cadre représentant la portée traitable par les analyses avec la relation prédicative.

PREMIERE PARTIE Ch. II Analyses des énoncés nominaux en Occident, notamment en France

« Paul chante. » « Il est étudiant. »

Traversée interdite Lait-écrémé Bon travail

Fire ! Wolf !

De l’eau ! Une stratégie.

Un choc. Les cigares !

Ensuite, les analyses basées sur la coprésence physique entre un nom et un objet, l’emploi « symphysique » de BÜHLER (2009[1934] : 272), l’« étiquetage » de BOSREDON (1997) et la théorie « act of naming » de GEACH (1962 : 25-26), n’envisagent pas par leur nature les séquences nominales qui ne sont pas en rapport de coprésence physique avec l’objet qu’elles désignent. Ces analyses couvrent par conséquent d’un côté une partie des énoncés nominaux hors du cadre gris dans la figure 1 plus haut, i.e. cadre de la relation prédicative tels que « Lait-écrémé » en laissant les énoncés thématiques tels que « Les cigares ! » n’ayant nécessairement pas la place dans le cadre gris, et de l’autre une partie des énoncés nominaux tels que « Traversée interdite » analysables dans le cadre gris, comme le montrent dans la figure 2 en bas le cadre en hachures représentant la portée de l’analyse « symphysique » ou celle de l’étiquetage et le cadre à ligne pointillée représentant la portée de « act of naming » incluant à la différence des deux premiers l’oral ainsi que l’écrit :

Groupe des séquences à verbe conjugué Groupe des séquences nominales employées seules

a) Cadre en gris : cadre représentant la portée traitable par les analyses avec la relation prédicative.

b) Cadre en hachures : cadre représentant la portée traitable par les analyses de la coprésence physique à l’écrit.

b) Cadre à ligne pointillée : cadre représentant la portée traitable par l’« act of naming », l’analyses de la coprésence physique à l’écrit et à l'oral.

Figure 2

Enfin, l’emploi « empratique » des noms dans BÜHLER (2009[1934] : 268-272), mettant de l’importance sur la situation de communication, n’inclut ni les énoncés

PREMIERE PARTIE Ch. II Analyses des énoncés nominaux en Occident, notamment en France

nominaux dans le discours suivi tels que « Une stratégie. » ou « Un choc. » ni bien sûr les énoncés nominaux à l’écrit étiqueté qu’il traite dans le cadre « symphysique ». Sa portée, représentée dans la figure 3 en bas par le cadre incliné, couvre encore une fois une partie des énoncés nominaux. Et d’autres analyses des énoncés nominaux en français sur le plan énonciatif, celle de DAMOURETTE et PICHON (1911-1927 : § I et VIII, 1911-1930 : § XVIII-XX), CARVALHO (de) (2004) et de GUILLEMIN-FLESCHER (2015), semblent ne pas envisager les énoncés nominaux dans le discours affiché pour lesquels il est difficile de définir le sujet énonciateur. Nous avons ainsi un autre cadre qui regroupe les énoncés nominaux en partie, représenté dans la figure 3 par le cadre carré à ligne interrompue.

Groupe des séquences à verbe conjugué Groupe des séquences nominales employées seules

*Cadre en gris : cadre représentant la portée traitable par les analyses avec la relation prédicative.

*Cadre en hachures : cadre représentant la portée traitable par les analyses de la coprésence physique à l’écrit.

*Cadre à ligne pointillée : cadre représentant la portée traitable par l’« act of naming », l’analyse de la coprésence physique à l’écrit et à l'oral.

*Cadre oblique : cadre représentant la portée traitable par l’emploi « sympratique ».

*Cadre carré à ligne interrompue : cadre représentant la portée traitable par les analyses en français au plan énonciatif.

Figure 3

En résumé, ces cadres traitent les séquences nominales employées seules au cas par cas.

Et cela ne se fait pas de manière compensatoire. Par contre, les énoncés verbaux ont un cadre relativement parfait. Dans cette situation, il ne serait pas si illégitime de chercher

« Paul chante. » « Il est étudiant. »

Traversée interdite Lait-écrémé Bon travail

Fire ! Wolf !

De l’eau ! Une stratégie. Les cigares ! Un choc.

PREMIERE PARTIE Ch. II Analyses des énoncés nominaux en Occident, notamment en France

à traiter toutes les séquences nominales en emploi indépendant dans un même cadre selon leur nature commune : elles sont employées de manière autonome et elles sont nominales.

Ensuite, le cadre de phrase déjà établi (qui peut contenir certaines des séquences nominales en emploi indépendant) ne semble adéquat que pour parler de phrases canoniques ou prototypiques, mais surtout pas pour parler des séquences nominales en emploi indépendant. Ce qui est en fait normal parce que l’intérêt des linguistes porte sur la nature phrastique et non la nature des séquences nominales en emploi indépendant.

Le point problématique dans ce cas, c’est que le traitement des séquences nominales en emploi indépendant semble se faire plutôt sur le terrain des séquences verbales.

Comme la phrase prototypique en français est une phrase verbale, la référence à la structure (ou à la caractéristique) de la phrase verbale transparaît plus ou moins dans la définition de phrase, que ce soit intentionnellement ou non. Ceci apparaît clairement dans le fait que la classification des séquences nominales en emploi indépendant en tant que phrases est largement dépendant de la définition de la phrase, alors que, quelle que soit la définition qu’on donne à la phrase, toutes les séquences verbales y sont incluses.

Aussi, bien que la « phrase nominale » ait acquis le vrai statut de phrase après BENVENISTE (1966), elle occupe une place marginale à côté de la phrase verbale. On ne peut que constater ainsi une certaine partialité envers les séquences nominales en emploi indépendant. Pour les linguistes qui ont pour but de regrouper et expliquer ces deux formes (forme verbale et forme nominale) dans un seul type de phrase, cette partialité peut paraître normale pour une langue où les formes dominantes de phrase sont verbales.

Pour nous, au contraire, qui cherchons à traiter pleinement le phénomène entier où une séquence nominale française s’emploie seule en tant qu’énoncé et à déceler ce que signifie le fait qu’un énoncé est composé d’une séquence nominale, il nous faut nous dégager d’abord du cadre de la phrase basé sur la tradition occientale, i.e. sur la relation prédicative entre deux termes et ensuite adopter, pour définir les séquences nominales en emploi autonome, un point de vue identique à celui des auteurs cités dans 1.2. qui les définissent comme un sous-type des unités de dire plus générales de même que les phrases verbales constituent parallèlement un autre sous-type, tout en gardant la latitude de décrire des cas précis d’énoncés nominaux comme le font les auteurs cités dans 1.3.

PREMIERE PARTIE Ch. II Analyses des énoncés nominaux en Occident, notamment en France

Pour cela, nous voudrions nous référer à la grammaire japonaise. En japonais aussi, on considère a priori les énoncés verbaux comme des énoncés canoniques, prototypiques.

Malgré cela, on accorde aux énoncés nominaux leur place propre. « [La] répartition des énoncés31 en deux types (verbal et nominal) y est communément admise »32. Les séquences nominales en emploi autonome y sont décrites telles qu’elles se présentent sans se référer à la structure des énoncés verbaux.

31 Dans la littérature linguistique traditionnelle au Japon, on appelle « ku 句 » l’unité se situant entre le mot et le texte. Ce mot « ku » pourrait se traduire soit par « phrase » (unité syntaxique) soit par

« énoncé » (unité énonciative) selon la perspective. Nous le traduisons par énoncé pour la raison indiquée un peu plus loin.

32 MIKAMI Akira三上章, 1972 : 109.

PREMIERE PARTIE Ch. III Enoncés nominaux dans la grammaire japonaise

CHAPITRE III

Enoncés nominaux et grammaire japonaise