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Désignation in situ avec étiquetage

1. Désignation in situ dans le discours affiché

1.1. Désignation in situ avec étiquetage

C’est le cas des séquences nominales sous forme d’étiquette. Par « étiquette », nous entendons le cas où une séquence linguistique est matériellement fixée à un endroit, un emplacement spécifique, de façon que, plus ou moins en même temps que la lecture de cette séquence, le lecteur puisse repérer l’entité désignée dans cette situation. Par exemple,

Lait-écrémé

(imprimé sur une brique de lait) Sortie

(imprimé sur une porte ; exemple repris de (13)) Restaurant indien

(enseigne d’un restaurant)

L’entité désignée par « Lait-écrémé » en (34), « Sortie » en (35) ou « Restaurant indien » en (36) est repérée par perception visuelle en tant qu’objet sur lequel est fixée la séquence écrite et se trouve dans la situation perceptive de chaque lecteur. Ainsi

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l’entité est-elle « pointée » par son regard. Elle est certainement et individuellement existante pour le lecteur de la séquence. Il faut préciser ici qu’il s’agit surtout du pointage en tant qu’opération subjective (ou plutôt psychologique) du sujet-énonciateur et non de l’acte de perception proprement dit par lequel le regard porte sur quelque chose de visible. Il s’agit plutôt de fixer l’esprit sur quelque chose. Dans ces trois cas, ce point n’est pas nettement perceptible. Nous examinerons donc deux autres cas pour conforter l’idée d’un pointage subjectif. Ce sont des cas que nous avons mentionnés au chapitre IV, à la section 1., cas où l’identité de l’entité ou celle de la relation entre l’entité et la séquence est perceptiblement moins évidente.

Le premier cas est le cas de l’« adhérence à distance »155 comme les poteaux indicateurs de lieu :

Saint-Mandé

(panneau mis au bord de la route à la frontière des communes) Ville fleurie ***

(Idem.)

Dans ce cas, le regard du lecteur ne peut pas se porter sur l’entité telle quelle ; l’entité ne peut être saisie qu’en partie par la vue et en partie par les connaissances socio-culturelles.

Le deuxième cas est celui où les séquences étiquetées ne portent pas « sur la quiddité des objets »156. Par exemple, des noms propres en (39) :

Ex-word

(nom propre du produit imprimé sur un dictionnaire électronique)

155 C’est le cas du nom écrit sur un poteau qui ne le nomme pas lui-même, mais bien le lieu qu’il indique » BÜHLER, 2009 [1934] : 272.

156 Idem. Cf. Note 101, à la page 59.

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Ou bien des noms concrets qui désignent l’entité difficilement perceptible en (40) ou des noms abstraits en (41) :

Pro-vitamine B

(sur une bouteille en plastique contenant du gel) Hygiène et protection des mains

(Idem.)

La séquence « Ex-word » en (39) est le nom propre de l’objet (dictionnaire électronique) sur lequel elle est imprimée. Les séquences « Pro-vitamine B » en (40) et

« Hygiène et protection des mains » en (41), désignent une propriété de l’objet (gel antibactérien) sur lequel elles sont imprimées, respectivement un de ses composants et son utilité.

L’objet perçu tel quel n’y constitue pas l’entité désignée par la séquence. L’entité désignée est à repérer dans la situation définie (principalement) par la vue et bornée par la disposition d’étiquetage. Et c’est au lecteur de la repérer. Lorsque le lecteur repère l’entité là où se trouve la séquence nominale, cette entité qui n’est pas nécessairement perceptible est « pointée » par son esprit. Définir la désignation in situ avec étiquetage comme préparée physiquement et perceptiblement mais effectuée subjectivement explique aussi le cas de « Prise d’incendie » en (42). La séquence nominale peut s’analyser comme désignant une bouche d’incendie perçue telle quelle, mais si c’est le cas, la séquence n’apporte qu’une information presque nulle. Il est plus pertinent d’y voir en tant qu’entité désignée l’endroit ou la situation qui implique une prise d’incendie et où il faut (venir) chercher de l’eau en cas de sinistre.

Prise d’incendie

(panneau accroché au mur, à côté d’une prise d’incendie)

Ceci dit, nous citons d’autres variétés du cas où l’entité désignée par la séquence nominale étiquetée ne coïncide pas avec l’objet perceptible tel que dans une situation de

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lecture. « Vente directe … » désigne une activité exercée dans cette boutique, « Fenêtre condamnée » désigne non l’objet /fenêtre/ mais son état, « Peinture fraiche » l’état momentané du mur. Et « Bon travail » sur la copie d’élève désigne le résultat et l’activité effectuée tel que le travail de réflexion, d’écriture, etc., qui prend forme dans la copie. L’étiquetage est un outil qui borne le champ perceptible pertinent pour le repérage de l’entité désignée. Le champ perceptible borné peut être constitué principalement par la vue d’un objet-support et l’entité est reconnaissable en tant que cet objet comme dans le cas de « Lait-écrémé », mais ce n’est pas nécessairement le cas, comme nous l’avons vu avec ces trois premiers exemples (« Vente directe… »,

« Fenêtre condamnée » et « Peinture fraîche »). Ce sont toutes des entités non matérielles et c’est par la disposition de l’étiquetage que la relation in situ avec elle est assurée.

Vente directe aux particuliers de Citroën récentes (enseigne accroché sur la façade d’une boutique)

Fenêtre condamnée (sur une fenêtre)

Peinture fraîche (sur le mur)

Bon travail (sur la copie)

Nous voudrions ajouter ici que les expansions telles que « directe au particulier… »,

« condamnée », « fraîche » et « bon » y jouent un rôle. Car la suppression de ces éléments rend les séquences presque insignifiantes. Nous reviendrons sur ce point dans la suite.

La désignation in situ avec étiquetage, peut s’observer aussi dans le cas où une séquence nominale se trouve à côté, sur ou dans une image ou une photo.

Ici nous avons moins de cas où l’entité désignée est un objet (ou sa représentation) reconnaissable tel quel par la vue (sauf les légendes dans l’encyclopédie) comme c’est le cas avec « Lait-écrémé » (Ce qui nous laisse supposer que l’entité désignée par la

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séquence « Lait-écrémé » non plus n’est pas l’objet perçu tel quel. Mais nous verrons ce point en détail dans le chapitre suivant). En revanche, nous avons des cas où l’entité désignée est un état (ou sa représentation) reconnaissable tel quel par la vue comme en (47) plus bas. Dans ce cas, il semble qu’il y a moins de marge que dans le cas des étiquettes pour que le pointage subjectif se déclenche. L’état exprimé par « Paul posant… » comme état de chose désigné est certes là sous les yeux du lecteur de cette légende. Le pointage subjectif se fait ici dans le sens où le lecteur/ observateur voit dans ce qu’il voit l’état « Paul posant… » alors qu’il peut y voir autre chose comme un homme accoudé sur le rebord du la cheminée (sur laquelle se trouve un portrait d’un autre homme). Dans ce qu’il voit sur cette photo, son esprit est fixé sur l’entité « Paul posant… ». Il en est de même pour (48). La lecture de la séquence nominale fait que l’esprit du lecteur se fixe dans ce qu’il voit à son moment de lecture sur l’entité désignée par « Dolce & Gabbana », qui est difficilement définissable dans la langue. Il s’agirait ici de quelques traits typiques de cette marque que nous ne pouvons gloser que par « Dolce & Gabbana, c’est ça ».

Paul posant devant un portrait de Mallarmé (sous une photo comme légende)

Dolce & Gabbana

(sur une publicité de la marque Dolce&Gabbana où l’on ne voit pas de produit en vedette mais des mannequins représentant le concept de la marque)

Nous avons d’autres cas semblables où l’entité désignée par la séquence est quelque chose d’indescriptible mais de saisissable par la vue (49) plus bas. Mais ce dernier cas nécessite un autre mode de désignation in situ : désignation in situ avec dispositif de présentation thématique et désignation in situ avec dispositif de présentation cadre.

1.2. Désignation in situ avec dispositif de présentation thématique