• Aucun résultat trouvé

Tentative de définition

Chapitre 2 : le traumatisme psychique

3.1. Tentative de définition

« Peut-être les sociétés humaines seront-elles conduites tous les 50 ans, tous les 100 ans, à proposer de nouvelles définitions de la mort. » (Bernard, 1990, p. 53)

« La mort a longtemps été un événement simple. Elle signalait la fin de la vie et s’imposait par l’arrêt définitif des fonctions cardiaques et respiratoires. L’arrêt de l’une entrainant, à court terme, l’arrêt de l’autre. Le concept de mort cérébrale s’est imposé, on l’a vu progressivement pendant la 6ème décennie du 20ème siècle à partir de la reconsidération, au sein des comas, d’instinct appelé « coma dépassé » correspondant au silence du cerveau dont le caractère déclaré définitif valait un diagnostic de non retour. Un arrêt de toute manifestation d’activité cérébrale. Ainsi est né le concept de mort cérébrale, validée aux USA le 5 août 1968, un peu plus tôt qu’en France, par une circulaire qui porte quand même le nom de Monsieur Jeannemey. […] Cette réalité d’une mort biologique progressive est restée occultée aujourd’hui de la conscience des vivants. Et il est frappant, à la lecture de la presse, que le 12 juin dernier, des chercheurs de l’Institut Pasteur et de Garches ont publié leur recherche, montrant que les cellules souches restent après la mort et quel que soit l’âge en dormance. Ils ont pu recréer et réanimer des cellules souches, 17 jours après la mort d’un

 

nonagénaire. Ils ont obtenu quelques milligrammes de fibres musculaires. Ceci mérite d’être médité. » (Gil, 2012)

Dans le corpus freudien, la mort en tant que telle n’est pas définie d’un point de vue de la théorie psychanalytique. Mais de quoi parle-t-on lorsqu’on tente de parler de la mort ? Le seul moment où Freud y fait allusion, c’est dans son texte « Actuelles sur la guerre et la mort » (Freud, 1915), que nous rappellerons dans quelques lignes. Nous pouvons néanmoins trouver des éléments connexes où Freud nous rappelle l’une des caractéristiques du fonctionnement de l’inconscient vis-à-vis de la temporalité. Il nous rappelle à deux reprises cette caractéristique spécifique du fonctionnement de l’inconscient qui a la particularité d’être « atemporelle » (Freud, 1915 et 1920) et de préciser que notre conception de la temporalité se rattache au mode de fonctionnement du système conscient. Nous voyons là une piste que Freud nous donne pour tenter de venir interroger cette notion qu’est « la mort » sur lequel Samuel Jankélévich a consacré un ouvrage entier en 1966 et dont il disait à son sujet : « la mort, elle, est indicible parce qu’il n’y a, dès l’abord, absolument rien à en dire. » (Jankélévitch, 1966, p. 83)

Penser « la mort » non pas comme un phénomène extérieur observable, mais comme un concept où une notion semble avoir mis en difficulté les penseurs de tout temps. C’est donc en tentant de suivre la piste de la temporalité, désignée par Freud, que nous avons trouvé des éléments de réflexion pour questionner cet élément de notre problématique. C’est donc comme le rappelle très justement Freud en venant interroger le présupposé posé par Emmanuel Kant sur lequel s’adosse notre pensée qu’il faut tenter de réfléchir - La thèse kantienne selon laquelle le temps et l’espace sont des formes nécessaires de notre pensée peut aujourd’hui être soumise à discussion, sur la base de certaines connaissances acquises par la psychanalyse (Freud, 1920, p. 299) - Même s’il n’est pas question d’une réflexion sur la mort, à proprement parler, c’est dans le livre XI des Confessions de Saint Augustin que nous avons trouvé des éléments de réflexions. Saint Augustin vient interroger la temporalité dans son ouvrage. Ses questions viennent faire écho à des propos recueillis dans notre clinique sur cette volonté exprimée par des patients sur le fait qu’ils auraient souhaité que le temps s’arrête, qu’ils craignent de ne pas avoir assez de temps, ou d’avoir passé trop de temps à perdre du temps avant les événements qui les mettent en difficulté - leur mort ou celle d’un proche -

 

Cette piste sur la temporalité, nous avons pu l’exploiter chez d’autres penseurs du XXème siècle, qui ont en commun leur appartenance au courant de la phénoménologie husserlienne, mais nous développerons ce point dans la troisième partie de notre travail.

Quoi qu’il en soit, la mort n’est pas quelque chose de si simple à définir. Les médecins y sont confrontés depuis la nuit des temps dans leur activité de soignant. Chacun d’entre eux a tenté de trouver ses stratégies pour faire face aux attitudes, aux demandes, aux interrogations, aux attentes des patients confrontés à l’évolution de leur pathologie, à moins que ce ne soit les questions de l’entourage du patient.

« La mort est du domaine de la foi. Vous avez bien raison de croire que vous allez mourir bien sûr ; ça vous soutient. Si vous n’y croyez pas, est-ce que vous pourriez supporter la vie que vous avez ? Si on n’était pas solidement appuyé sur cette certitude que ça finira, est-ce que vous pourriez supporter cette histoire ; néanmoins ce n’est qu’un acte de foi ; le comble du comble, c’est que vous n’en êtes pas sûr. Pourquoi est-ce qu’il en aura pas un ou une qui vivrait jusqu’à 150 ans […] » (Lacan, 1972,15min 05)