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Deuil en phases

Dans le document Deuil, mort et trauma : cheminements cliniques (Page 143-145)

Partie 3 : Articulation théorico-clinique

2.4. Deuil en phases

« Tu te rends compte du niveau de détresse des petits enfants quand ils se perdent et qu’ils ne retrouvent pas leur mère, et combien ils la cherchent ? Eh bien, je pense que c’est la même chose que ce que ressentent les adultes lorsqu’ils perdent un être aimé, ils continuent à le chercher eux aussi. Je pense qu’il s’agit d’un même instinct qui s’exprime d’abord dans la prime enfance et qui évolue à mesure que les gens grandissent pour devenir une composante de l’amour chez les adultes. »

Propos de John Bowlby rapportés par son fils Richard Bowlby (Bowlby, 2014, p. 7-8)

Bowlby envisage la perte comme la conséquence, la conclusion de deux autres comportements spontanés dans le développement humain. C’est ainsi que nous avons envisagé le travail de John Bowlby où pour sa part, il envisageait lui aussi des étapes dans l’expression de la perte. Bowlby ayant lui-même été influencé par des auteurs de différentes disciplines des sciences humaines, dont très certainement Donald Winnicott, pour élaborer sa théorie de l’attachement.

En ce qui concerne les apports que nous supposons de Donald Winnicott, nous pensons à son article de 1960 intitulé « la théorie de la relation parent-nourrisson » (Winnicott, 1960). Ce texte a été rédigé pour le XXIIe congrès international de psychanalyse à Édimbourg, au milieu de l’année 1961. Dans ce texte, l’auteur explicite de façon claire les premières étapes (étape de la dépendance absolue suivie par celle de la dépendance relative) par lesquelles le nourrisson passe quant à sa dépendance à l’autre, incarnée ici par les parents. Nous voyons un double intérêt à ces outils conceptualisés par Winnicott. Le premier est de nous donner des éléments pour penser le lien et par conséquent l’attachement, ce dernier étant la cause révélant de la perte. Et le second est de venir nous apporter une dimension potentiellement prophylactique par les acquis potentiels d’une personne dans ses premières expériences en ce qui concerne l’attachement.

John Bowlby

En 1963, John Bowlby publie son travail « processus de deuil », mais là n’était pas sa question de départ. Il démarre son entreprise sept ans plus tôt en 1956, et celle-ci portait sur l’étude des réactions chez de jeunes enfants confrontés à leur séparation ponctuelle d’avec leur mère. De l’aveu de Bowlby lui-même, il n’avait pas mesuré l’ampleur de son entreprise. C’est ainsi que dans son travail, d’observation et d’analyse, il en est venu à travailler dans un premier temps sur « l’attachement », dont il publie la synthèse en 1969.

 

Il va dans un second temps, poursuivre son entreprise, toujours en lien avec une clinique de l’enfant souffrant de troubles névrotiques. Mais après avoir travaillé sur l’attachement, la question qu’il mit au jour était celle de comprendre les mécanismes en jeu dans l’apparition de troubles chez un enfant confronté à l’absence de sa mère (cette absence étant à entendre comme une privation de relation avec l’imago maternelle). Cette seconde étape de son travail fut publiée en 1973, sous le titre « La séparation, angoisse et colère » .

C’est finalement en 1980 que John Bowlby publie la synthèse de la troisième partie de ses travaux. Après « L’attachement » suivi par « La séparation », il nomme la dernière partie « La perte, tristesse et dépression ». C’est dans cette troisième partie que l’on retrouve sa modélisation du deuil en 4 phases, qu’il a déjà publiée sous forme d’article en 1961 (il y présente le deuil en trois phases) qu’il complète dans un autre article en 1963, en y rajoutant une phase initiale.

C’est ainsi que dans la version définitive, il définit les phases du deuil en 4 phases : « L’observation d’individus lors de la perte d’un parent proche montre que dans le cours des semaines et des mois, ils traversent habituellement une succession de phases. Il faut bien dire que ces phases ne sont pas nettement délimitées et qu’un même individu peut osciller, pendant un certain temps, entre deux d’entre elles. Cependant une séquence d’ensemble peut être retrouvée.

Les quatre phases sont :

1. Phase d’engourdissement, qui dure habituellement de quelques heures à une semaine et peut être interrompue par des accès de détresse extrêmement intenses et/ou de colère.

2. Phase de languissement (yearning) et de recherche (searching) de la personne perdue durant quelques mois, et quelquefois des années.

3. Phase de désorganisation et de désespoir.

4. Phase de plus ou moins grande réorganisation. » (Bowlby, 1984, p. 114)

Si, pour en arriver à la description du deuil en plusieurs phases successives, nous pouvons faire des hypothèses sur le cheminement qui a conduit John Bowlby à les formuler, il nous apparaît qu’il semble être le premier à avoir modélisé le deuil de cette façon, dès 1961.

 

Cette modélisation découle très certainement de ses recherches qui lui ont permis d’élaborer la théorie de l’attachement et de l’approche phénoménologique qu’il a utilisées dans sa recherche. Nous pensons qu’il a certainement été influencé par la formation psychanalytique, débutée en même temps que ses études de médecine à la veille des années trente. Il ne devait pas ignorer le travail de Freud sur les phases de développement de l’organisation sexuelle, exposé dans le chapitre six de Trois essais sur la théorie sexuelle publié en 1905, reformulé en 1923, dans Théorie de la libido et en 1926, dans la partie sept de Inhibition, symptôme et angoisse en ces termes : « … les organisations de la libido du stade oral jusqu’au stade génital, en passant par le stade sadique-anal… » (Freud, 1926a, p. 241)

Dans le document Deuil, mort et trauma : cheminements cliniques (Page 143-145)