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Quelle logique ?

Dans le document Deuil, mort et trauma : cheminements cliniques (Page 113-116)

Chapitre 3 : Les rencontres cliniques de notre travail de recherche

6. Retour à la psychanalyse

6.1. Quelle logique ?

postulat

Notre digression épistémologique nous apparaît nécessaire pour tenter de mettre du sens sur ce que nous sommes amenés à « agir » - aussi bien en pensée qu’en acte - dans l’exercice de notre activité professionnelle, cette dernière étant en grande partie l’objet de ce travail. Comme nous l’avons rappelé à plusieurs reprises, nous nous inscrivons dans une démarche clinique éclairée par une approche analytique. La chose nous apparaissait évidente et allant de

 

soi, mais au fur et à mesure de l’avancée de notre travail, les choses ne nous sont pas apparues si évidentes à la relecture de notre témoignage. C’est à l’écoute d’une conférence d’Étienne Klein sur « Qu’est-ce qu’un objet ? » que nous nous sommes appropriés sa question. Quel est notre objet, à nous cliniciens, qui tentons de cheminer à la lumière de la découverte freudienne ? Dans cette conférence, Etienne Klein nous aide en posant la question de la connaissance « la connaissance des objets est donc définie de façon minimale, la connaissance d'un objet est la mise en relation d'un sujet qui veut connaître et d'un objet à connaître cette mise en relation se fait par le truchement d'une structure opératoire » (Klein, 2015, 27’) Et de préciser son propos en rappelant que le but de toute théorie de la connaissance vise à « préciser la nature et l'origine surtout des structures opératoires qui créent la médiation entre l'objet sujet ». Ces bases posées, le conférencier nous donne des exemples sur différents courants, en fonction de cette logique de la structure opératoire et de l’objet afférent.

Pour l’idéaliste, « l'objet appartient intégralement au sujet et donc c’est nous dans notre cerveau qui avons des structures opératoires qui nous permettent de connaître » (op. cit., 29’)

Pour l’empiriste, « structures opératoires appartiennent intégralement à l'objet donc l'objet possède ces structures qui me seront renvoyées dans la tête et elles s'imprègnent telles quelles dans mon cerveau qui ne fait qu'en prendre connaissance et en prendre acte »

Pour le constructivisme, « les structures en question appartiennent à la fois au sujet et à l'objet »

Pour le structuraliste, « les structures n'appartiennent ni à l'objet ni au sujet mais leurs relations »

Ce mode d’appréhension permet de mettre en lumière ce qui se joue dans l’acte de connaître, en se focalisant sur le lien entre le sujet et l’objet et permet ainsi d’expliquer la raison pour laquelle « la logique est devenue à la suite d’Aristote la science des structures générales qui s'interposent entre le sujet connaissant et l'objet à connaître ». Nous voyons dans cette approche l’explication des mécanismes sous jacents et non-pensés des détracteurs de la psychanalyse. Dans son exposé, le conférencier va plus loin en considérant que si la logique ne s’était structurée ainsi sur les bases aristotéliciennes, il aurait pu en être autrement, « si la logique s'était polarisée sur le sujet, elle se serait confondue avec une sorte de psychologie ; si la logique s'était centrée sur l’objet, elle se serait confondue avec une

 

ontologie » mais en se focalisant sur l’espace médiante entre le sujet et l’objet, la logique a acquis le statut actuel de « l’étude des conditions formelles de la vérité » (op. cit., 32’).

***

Il nous est apparu fondamental de développer les propos qui précèdent, pour introduire ce qui suit. Nous nous sommes certes éloignés en apparence de ce qui nous est cher dans notre pratique quotidienne, nous voulons parler de la rencontre clinique, de la rencontre avec le Sujet, avec les patients. Même si le fait d’aller à la rencontre du tiers, et tenter de le rencontrer, semble aller de soi pour la plupart d’entre nous, nous considérons qu’il est nécessaire de réfléchir et de tenter de penser cette apparente banalité. La rencontre est le point de départ du travail potentiel qui va s’opérer et en tant que tel, un élément fondamental de ce qui va en découler. Pour parvenir à y mettre du sens, nous l’avons répété à plusieurs reprises, nous nous inscrivons dans le paradigme psychanalytique. Pour être en totale adéquation avec ce qui précède, nous devrions dire avec le "système" psychanalytique. Nous avons pris le parti de mettre en lumière les similitudes de ce "système" (psychanalytique) avec un autre qui lui est contemporain (la mécanique quantique). Les bases de la physique quantique apparaissent la même année que le premier livre de Freud et c’est presque trente ans plus tard que les physiciens reconnaissent unanimement que la logique de la physique quantique ne doit pas s’affranchir des paradigmes coperniciens et newtoniens, mais s’en affranchit de fait. A posteriori, si nous tentons de suivre le chemin des sciences physiques sur près de vingt siècles, il n’en demeure pas moins que le vingtième siècle va opérer un schisme dans les sciences physiques. L’histoire nous enseigne que des avancées majeures dans un domaine ont une influence sur des domaines connexes. Nous pensons que ce même phénomène s’est opéré dans les sciences humaines par les propositions faites par Freud.

Un second point nous semble important. Nous devons reconnaitre que par le passé, nous avons eu tendance à opposer les paradigmes à l’image de ce que l’on peut encore entendre chez des défenseurs de "chapelle". Force nous est de reconnaître aujourd’hui, après un certain chemin parcouru, que cette attitude n’apporte pas grand-chose aux sujets que nous sommes amenés à rencontrer. Cela n’apporte pas grand-chose à notre clinique, si ce n’est peut-être de nous bercer de la conviction que nous sommes dans le vrai, alors que les autres se trompent,

 

de nous amener à penser — … que les autres n’ont rien compris… — et de nous faire tomber dans l’ornière de certitudes. Ces certitudes pouvant avoir comme effet collatéral de venir voiler le doute et les questions qui peuvent en découler. Ce doute et ces questions perdus sont certes plus confortables pour les cliniciens que nous sommes, mais cela risque de nous barrer la route au Sujet, à l’autre, alors que nous pensons précisément que ce chemin avec et pour l’autre est notre cœur de métier. À ce jour, une certitude demeure, celle qu’il est plus productif d’appréhender les choses en tentant de construire des liens, en prenant en compte des éléments mis en lumière par d’autres que notre vision était en incapacité de voir. Le clivage n’apportant bien souvent que l’exclusion et le repli, alors que la prise en compte n’est en rien synonyme de renoncement, mais plutôt d’enrichissement. Il nous faut donc tenter de penser les choses non en opposition, mais sous la potentialité d’un enrichissement mutuel malgré l’abîme qui peut séparer des visions ou des approches fondamentalement différentes.

Dans le document Deuil, mort et trauma : cheminements cliniques (Page 113-116)