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Tentative de conceptualisation et structuration de l’interprétation

Direction générale Groupe

COPIL TERRAIN

2. Les facteurs clés de succès d’un projet

4.3.2.2.4. Tentative de conceptualisation et structuration de l’interprétation

Je souhaite, après cet épisode, revenir à ma proposition en abordant ce que j’avais désigné par « deuxième niveau d’interprétation ». Mon objectif, à ce stade, est d’instiller chez les personnes du groupe des éléments issus des théories invocables pour les amener à s’en réapproprier certains aspects, comme je l’avais fait moi-même.

Dans le cas d’espèce, j’envisageais de solliciter en particulier la théorie des agencements organisationnels de J. Girin, ainsi que celle de J. March (pour son modèle d’évolution des compétences collectives, mais aussi pour les notions d’exploitation et d’exploration qu’il propose avec Levitt.)

Ma première idée était de présenter ces catégories, pour amener les participants à les utiliser en groupe comme outils d’interprétation de leur propre

histoire. Deux éléments m’en dissuadent finalement : d’une part, le

responsable des SI réseaux, contrairement aux deux autres membres du groupe, n’a pas trouvé le temps de faire l’exercice avec la théorie de C. Midler, pourtant assez immédiatement transposable. D’autre part, ayant été contraint de formuler le premier une interprétation, en tant qu’intervenant chercheur, je ne peux plus compter véritablement sur un effet de découverte de ces textes par les participants.

Je tente alors d’expliciter mon propre travail en sélectionnant dans les théories sollicitées des concepts clés ou « variables » d’interprétation. (Voir encadré). Ainsi en est-il chez J. Girin des notions de « mandat », de «confiance», d’ « ignorance». Par commodité, j’ai alors regroupé ces notions en trois grandes catégories : les variables correspondant aux évènements (du projet), et liées au temps ; celles relatives au pilotage du projet, enfin, celles liées à la compétence collective.

Exemple de « variables » issues de sources académiques

Variables « pilotage »

(Principale inspiration : théorie de l’agence ; agencements organisationnels)

Niveau « Principal » (mandant) Niveau« Agencement »

(mandataire)

Stratégie (J.Girin ; Gioia et Chittipedi) Performances (J.Girin)

Confiance, opportunisme (J.Girin) Etat du monde (J.Girin ;

J.March)

Ignorance (J.Girin) Ressources symboliques (Id. &

P.Lorino)

Logique (C.Midler, J.March) Ressources humaines (J.Girin)

Locus of control (Brockhaus) Ressources matérielles

(J.Girin)

Niveau « Mandat » Elaboration (J.Girin) Suivi (J.Girin)

Contrôle final (J.Girin)

Il se trouve, de façon un peu fortuite, qu’un autre matériau va être mis à profit pour l’interprétation de l’histoire : il s’agit des comptes-rendus d’entretiens menés auprès des cinq responsables hiérarchiques. Ces derniers ont été choisis pour leur rôle dans le lancement ou le pilotage du programme, qui en faisait les grands témoins. Moins directement impliqués dans l’action quotidienne du programme, ils ont exprimé plus facilement et avec plus de recul des éléments caractérisant de leur point de vue, et donc de façon sélective, les fondamentaux du projet. Leurs propos était donc de nature à « donner du sens ». Ceci vaut tout particulièrement, dans mon esprit, pour le prédécesseur du Directeur des réseaux initiateur et porteur du programme, et dans une certaine mesure, du DSI groupe de l’époque, supérieur hiérarchique et soutien du responsable des SI réseaux

Il convient d’apporter quelques précisions sur la nature de ces entretiens. Conduits auprès de décideurs, ils étaient relativement courts, d’une durée d’une heure environ. Le but en a été annoncé à l’avance de la façon suivante : recueillir les éléments marquants du projet, points forts, points faibles, ce qui a marché, ce qu’il aurait fallu faire autrement, en gardant le point de vue de l’interviewé dans le programme. Il s’agissait d’éviter les considérations générales. Vis-à-vis de ces acteurs influents, cités dans l’histoire, je devais également, à la demande du groupe, valider les pensées ou propos qui leur étaient attribués dans le récit. Enfin, j’ai sollicité leur avis pour savoir qui, selon eux, devait être destinataire du « retour d’expérience ».

Les entretiens eux-mêmes se sont déroulés sur un mode créatif, sans question supplémentaire que des questions de compréhension ; peu de relances, un temps de silence étant en général suffisant pour faire émerger de nouveaux souvenirs. Une prise de note dense permet la restitution de la quasi-totalité des idées émises. Les comptes-rendus d’entretiens sont constitués des « verbatim» de l’entretien mis au propre, avec quelques corrections de vocabulaire lorsque celui-ci était trop marqué du style oral, et des titres pour mieux dégager les sujets de préoccupation abordés (ex. : « relations fournisseur », ou « pilotage par les délais ») – voir encadré. Les comptes-rendus sont communiqués aux interviewés pour validation.

Exemple : Titres structurant le compte-rendu d’entretien de l’ancien DE Réseaux

PG, un projet complexe et politique Relations fournisseur

Prise de conscience Dimension SI

Opportunité Le pilotage par les délais

Enjeux Implication du DE Réseaux

Choix du directeur de programme Maîtrise d’œuvre SI

Au moment de la préparation de la réunion d’interprétation de deuxième niveau, ces comptes-rendus « décideurs » ne sont pas encore validés, et je ne peux donc pas les intégrer dans le récit. Pour des raisons déontologiques, il me semblait par ailleurs difficile de les communiquer à l’état brut au groupe avant la préparation de la « deuxième réunion d’interprétation ».

Par la suite, les corrections nécessaires seront effectivement apportées au récit à partir des comptes-rendus validés.

Les titres structurant les comptes-rendus d’entretien m‘apparaissent à la réflexion susceptibles de constituer de variables supplémentaires ou « angles de vue » du programme, au même titre que ceux que j’ai dégagés des théories sollicitées pour l’interprétation Il s’avère d’ailleurs que certains libellés renvoient à des concepts très proches des variables théoriques (par exemple « Pilotage par les délais » du DE Réseaux et le « temps du projet » de C. Midler).

J’ai donc l’idée d’exploiter malgré tout ce matériau en enrichissant la liste des variables issues des travaux théoriques (Voir encadrés précédents)

En rapprochant ces deux ensembles (concepts issus de la littérature académique et thèmes clés retenus par les décideurs), je parviens à constituer des problématiques (éclairées par le projet) plus larges que les variables initiales, et combinant le cas échéant des variables issues de la théorie et des variables issues des entretiens. Dix problématiques sont ainsi soumises au groupe, dont les libellés sont les suivants :

1. Mandats

2. Pilotage et gestion de l’imprévu 3. Compétences

4. Décisions/ points de non-retour 5. Mobilisation des ressources

6. Impacts « métiers » du programme

7. Jeux d’acteurs

8. Organisation du programme 9. Tenus des délais et des coûts

On trouve dans cette liste des éléments de vocabulaire issus des théories, parfois nouveaux pour l’entreprise (mots jamais utilisés dans les entretiens, mais qui m’ont semblés éclairants). Ainsi en est-il des termes de « mandat », de « jeux d’acteurs... J’ai tout d’abord explicité, en me référant aux textes dont ils étaient issus ou aux propos des décideurs, selon le cas, la signification de ces thèmes.

Il s’avère que ces mots, même lorsqu’ils étaient issus de travaux théoriques, ont été facilement réutilisés par le groupe de travail et plus tard, par les personnes auxquels les résultats ont été présentés.

Je propose finalement au groupe d’illustrer chacune de ces problématiques pour des destinataires-types du retour d’expérience. Préalablement, la question : « à qui un tel retour d’expérience est-il destiné ?» est abordée en groupe de travail, avec l’éclairage des réponses des cinq décideurs qui viennent d’être rencontrés. La liste des destinataires - cibles du retour d’expérience font d’ailleurs l’objet de visions très convergentes des acteurs. Ils sont au nombre de cinq : le stratège (tout membre du comité de pilotage), le directeur de projet (d’un projet équivalent), le responsable SI, le responsable fonctionnel (du métier utilisateur concerné par le projet), enfin, le responsable territorial (opérationnel).

En définitive, le groupe se voit proposer un tableau, avec en colonne la liste des

« variables » et en ligne la liste des destinataires - cibles du retour

d’expérience.

Ces tableaux fonctionnent bien. La richesse des échanges ne permet d’ailleurs pas d’aller jusqu’au bout du tableau en une seule séance : seules les colonnes « stratège » et « directeur de projet » sont commentées de façon complète lors de la réunion initiale sur ce thème.

Il me reste encore à trouver la forme à donner au produit de la réflexion dite d’interprétation. Poussé par la nécessité d’apporter de la matière à la troisième étape (dissémination des résultats), mais observant en même temps que la délibération l’emportait progressivement sur la production écrite (le récit a bientôt été délaissé), je m’attache à relever les points que le groupe s’entendait à considérer comme marquants dans cette relecture. Nous les structurons

ensemble, sous forme de « repères », sorte de « check list » à l’intention d’acteurs d’un projet futur équivalent, voire dans certains cas, à l’attention des membres du groupe eux-mêmes pour un proche futur (« Wish List »). Ainsi l’exercice permet à la réflexion de s’affiner et de s’enrichir. Le résultat intégral de ces réflexions est donné en annexe.

Mais à la longue, j’observe que les nouveaux points dégagés se rapportent de plus en plus à des difficultés vécues au présent du projet PG, non encore formellement terminé, ou même au futur immédiat. Le travail de bouclage pratique – interprétation vient bousculer l’effort de prise de recul. Il est temps de s’arrêter, faute de quoi il faudrait renoncer à faire converger le « retour d’expérience » vers un objet stable et diffusable.