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Conditions ayant favorisé la valeur opérationnelle des connaissances produites.

Direction générale Groupe

EXEMPLE DE MONOGRAPHIE (Version support de présentation)

6. RESULTATS: QUEL RETOUR D’EXPERIENCE MANAGERIAL ?

6.4. Conditions ayant favorisé la valeur opérationnelle des connaissances produites.

La valeur du dispositif proposé a bénéficié, à des degrés divers, des conditions favorables suivantes : La familiarité de l’intervenant avec le contexte ; la diversité des sources d’information ; la variété des membres des groupes ; l’implication de ces membres.

6.4.1. L’intervenant extérieur est familier du contexte organisationnel.

Dans les cas qui nous occupent, comme nous l’avons déjà signalé, nous avions accompagné, certes de façon discontinue, mais depuis l’origine, les expériences dont il s’agissait de faire le retour. L’intervenant extérieur placé dans un tel contexte dispose de clés particulières dans la conduite de la démarche de retour d’expérience qu’il accompagne. Il est en mesure de percevoir les non-dits, d’accéder plus rapidement au caractère singulier de l’expérience dont il

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Le lecteur pourra prendre conscience par lui-même de cette difficulté en consultant les récits originaux fournis en annexe.

est fait retour. Il accède, par la compréhension immédiate qu’il acquiert ainsi du sens des propos échangés dans le groupe, à une légitimité qui dépasse, en tout cas se distingue, de celle du nouveau venu. Il ne « s’en laisse pas conter », et peut exprimer des exigences dans l’exercice de réflexivité. Il peut évoquer lui-même des évènements dont il a été témoin, ou soutenir certains témoignages qu’il rapporte. Il peut pousser le travail de justification à un niveau d’interpellation que n’auraient pas eu spontanément les membres du groupe.

La question de sa neutralité peut être posée. Mais d’une part il ne construit pas son avenir dans la société, contrairement aux autres membres ; d’autre part, lorsqu’il rejoue son rôle, comme les autres membres, ce jeu le renvoie à la posture historique qu’il avait précédemment, et donc à sa propre déontologie, celle dont il a été crédité à l’époque, en l’occurrence celle d’expert neutre, en effet. Basée sur la confiance, cette neutralité était aussi garantie par le mode de financement de l’opération : dans les deux cas, PG comme DEX, deux donneurs d’ordres différents, dont le intérêts ne convergeaient pas nécessairement, mettaient leur budget à contribution. Enfin, un intervenant ne connaissant pas le terrain n’apporte pas plus de garantie de neutralité. Il peut prendre aussi bien parti après avoir identifié les grandes lignes de l’histoire.

Dans ce contexte, l’intervenant peut être pris à témoin, voire à partie. Cette dernière situation s’est produite, comme nous l’avons vu, par le responsable informatique du programme, lorsqu’il a exigé une interprétation de l’histoire avant de se livrer à l’exercice ; mais aussi par le nouveau DEX qui, observant les réticences de ses chefs de service à se contenter de la prospective qu’il voulait leur servir, se retourne vers l’intervenant pour lui demander des comptes.

Ainsi, être perçu comme dépositaire de l’ensemble des connaissances, à la fois des faits historiques, de leur justifications, et des interprétations qui leurs sont données, au travers notamment de texte de références mis au service de cette enquête n’est pas sans risque. Les interpellations de l’intervenant signalent, nous semble-t-il, la fonction de contrôle implicite qu’il joue de façon générale, et montre que l’importance de cette fonction est perçue par le groupe. C’est par ailleurs cette connaissance qui guide le choix qu’il fait de textes de référence pour l’interprétation, textes qui rentrent alors en résonance avec le groupe.

Nous n’avons pas eu l’occasion de tester une intervention de retour d’expérience dans un environnement inconnu, comme nous en avions l’intention. Mais en nous appuyant sur notre expérience de consultant ayant souvent été confronté à la découverte de nouveaux terrains, nous considérons en définitive que la connaissance du contexte, idéalement de l’expérience

compréhension des points de vue ; sélection dans des délais courts des évènements principaux organisés en chronogramme et des premières versions du récit ; pertinence des textes proposés par rapport à la situation vécue ; résistance aux interpellations par une assimilation des éléments cognitifs de toutes natures mobilisés dans le travail collectif. Nous sommes cependant conscient que les conditions réunies dans nos terrains ne sont pas courantes, et examinons maintenant d’autres facteurs de réussites plus accessibles.

6.4.2. Le récit est construit à partir de plusieurs sources.

Notre préoccupation initiale, dans PG surtout, mais aussi dans DEX dont le travail nous semblait transposable dans d’autres départements du centre, était de produire un résultat dans lequel tout salarié dans l’organisation puisse se retrouver, puisse se sentir concerné. Ce point de vue nous avait conduit à chercher une bonne représentativité des personnes interrogées. A contrario, nous avons pu tester ce que serait un récit tiré d’entretiens ne reflétant le point de vue que d’un individu ou d’une seule catégorie d’acteur.

En effet, dans le cas PG, nous avons commencé notre travail en assemblant de témoignages provenant d’acteurs métier exclusivement. La relecture par le responsable SI de cet assemblage l’a conduit à exprimer une critique vive, et à accélérer le déclenchement des entretiens des informaticiens. Ceci montre le décentrage provoqué par un déséquilibre des sources, et le caractère inacceptable du résultat produit pour ceux qui sont restés en dehors du processus d’écoute.

Dans le cas de DEX, l’assistant informatique a été fort à propos interrogé avant la rédaction finale : il y a apporté une contribution significative, en tout cas éclairante sur les conditions qui ont conduit à l’abandon du projet d’informatisation de la gestion des compétences. L’une des clés de ce renoncement était l’existence d’un projet informatique central susceptible de concurrencer à terme le projet du département. Ce projet n’était connu que de lui seul, et expliquait son absence de pugnacité dans la recherche d’une solution alternative propre au département.

Nous avons indiqué que les récits ont été précédés par des chronogrammes, eux-mêmes issus d’une exploitation attentive d’une abondante documentation. Mais ces sources écrites, qui sont précieuses pour reconstituer la chronologie d’ensemble et démêler les contradictions des divers témoignages, ne peuvent pas s’y substituer. En effet, au même titre que les évènements enregistrés dans les systèmes techniques, les écrits ne constituent que des traces, dont le sens

reste caché, car dépendant d’un contexte complexe dont ils ne sont pas porteurs par eux- mêmes. Les sources principales restent donc les acteurs de l’expérience, dans leur diversité.

6.4.3. Plus que la diversité des sources, c’est la diversité des rôles des

membres eux-mêmes dans l’expérience originelle qui vaut.

Même quand les sources sont diverses au niveau des entretiens, un groupe trop restreint, non suffisamment représentatif rend l’interprétation contestable.

Il nous faut revenir ici sur le mécanisme de recueil et d’exploitation des témoignages, dont nous avons souligné l’importance. A partir d’une trame chronologique, obtenue à partir d’écrits, et dont les évènements sont revus et hiérarchisés au cours d’entretiens liminaires avec le ou les responsables opérationnels de l’expérience, la conduite des entretiens est élargie à un ensemble de témoins représentatifs : suggérés par les responsables au départ, puis par les personnes rencontrées. C’est l’intervenant qui assure ce recueil. Il le fait dans une attitude d’écoute, sans questionnaire prédéfini. Seul le chronogramme des évènements est présenté, que la personne rencontrée est invitée à corriger ou compléter. De telles corrections ont en effet été enregistrées lors des premiers entretiens, le chronogramme finissant par se stabiliser. Pour permettre aux interlocuteurs de s’exprimer le plus librement possible, ils sont assurés de l’anonymat. Lorsque une contradiction apparaît entre le récit et les propos de la personne interrogée, le passage litigieux lui est donné en lecture, de façon à ce qu’elle puisse justifier son point de vue. Le compte rendu d’entretien réalisé n’est pas remis au groupe. Mais le texte du récit est modifié sur la base des verbatims recueillis, en particulier des argumentations sur le point de divergence. Les divergences qui ne sont pas conciliables sont rapportées comme telles dans le récit, qui prend un caractère polyphonique. C’est le récit ainsi modifié qui est soumis au groupe : nous examinions et discutions au cours des réunions de travail les propositions de nouvelle rédaction des passages concernés, sans exclure l’examen à nouveau d’autres passages, à l’initiative de tout membre du groupe souhaitant y apporter des compléments ou amendements. Nous avions la préoccupation d’enrichir de la façon la plus complète et fidèle les propos de nos interlocuteurs. Mais ensuite, comme indiqué dans l’exposé des cas, certains témoignages apparaissent indésirables à tel ou tel membre du groupe, ou sont considérés comme anecdotiques, alors qu’ils nous avaient été présentés comme importants par les personnes interrogées. Au moment de la relecture par le groupe, ou bien le témoignage contesté ou minimisé trouve un défenseur, et le témoignage est maintenu,

éventuellement avec des nuances ; ou ce n’est pas les cas, comme dans l’exemple ci-après, et le passage est supprimé. Notre marge d’action est de rechercher le soutien d’un membre du groupe, ou, de façon moins efficace, de porter notre propre témoignage, si nous avons nous même vécu le fait. Mais cette deuxième attitude met en péril notre position de modérateur et d’écrivain collectif. Elle ne peut être tenue longtemps.

Dans le groupe PG, il est arrivé à deux reprises qu’un témoignage gênant soit éliminé, sans que les témoins, absents du groupe, ne soient en situation de se défendre, dans une sorte de refoulement de groupe de réalités trop difficiles. L’un de ces cas concernait le témoignage d’un concepteur de la maîtrise d’ouvrage. Il s’agissait pour ce témoin que soit rapporté dans le récit l’importance d’un travail de modélisation conduit en amont du projet, domaine dans lequel deux des trois membres du groupe avaient dû prendre des décisions à l’arrachée sans qu’il soit établi qu’ils aient perçu les enjeux de ces modèles. Il n’en a pas été question, et les deux membres en question ont émis conjointement une opposition au maintien de cette interprétation. Le paragraphe correspondant a été supprimé.

Le consultant n’est donc pas toujours en situation de sauver un témoignage. Il est donc utile que les principaux courants de pensée soient présents dans le groupe, pour que la décision de modification ou de suppression de l’expression d’un point de vue soit équitable. A posteriori, nous pouvons formuler l’hypothèse, pour PG, que l’absence des concepteurs de la maîtrise d’ouvrage et des responsables techniques de premier niveau dans le groupe a sans doute conduit à une minimisation du point de vue de ces acteurs dans le récit, et à des biais dans l’interprétation de ce fait.

Mais il y a aussi à propos du travail de négociation du contenu une question de méthode et de déontologie que nous n’avons pas correctement résolue sur le moment. Concernant l’exemple que nous rapportons, une hypothèse est que le refus du maintien du passage sur l’importance du travail de conception en amont est que ce travail ne relève pas stricto sensu de la conduite de l’opération PG. Ce passage est en quelque sorte hors sujet dans un retour d’expérience concernant la conduite du projet. Cette justification aurait alors dû être explicitée, et s’appuyer idéalement sur des règles concernant les conditions de non prise en compte éventuelle de témoignages

Pourtant le groupe est convaincu, au moment de la construction du récit, qu’il aura à confronter sa propre vision avec ce qu’en pense le reste du monde. Le récit a d’ailleurs été distribué à une partie des membres de la direction de programme PG et à quelques décideurs. Cette perspective modère le risque de censure précédent, et rend le groupe globalement plutôt exigeant dans son travail d’analyse. Mais encore faut-il que des témoins authentiques soient

présents dans le groupe pour confirmer la véracité du témoignage. Même dans PG, on peut se demander si le rejet du retour d’expérience par les informaticiens n’est pas aussi dû à la non représentativité du responsable SI par rapport à la vision de ses troupes. Qu’aurait été le récit si au moins l’un d’eux avait été membre du groupe ?

Le cas du département DEX est encore plus critique en terme de représentativité du groupe, puisque les chefs de service, acteurs clés de l’expérience initiale, n’étaient pas présents dans le groupe. Pourtant, ceci semble avoir été sans effet sur l’acceptabilité du récit par les parties prenantes : le chefs de services, qui ont contesté l’interprétation de l’expérience, ont bien accepté le récit lui-même.

La présentation orale, destinée avant tout à valoriser et promouvoir la vision du nouveau chef de département en mettant en exergue certains enseignements de l’expérience est certes tombée à plat. En effet, des points jugés très importants par les chefs de service avaient été omis dans cette sélection, ce que ces derniers n’ont pas manqué de critiquer. Mais tous ces points figuraient bien dans le récit, et l’absence des chefs de service dans le groupe n’a donc pas eu d’effet majeur sur le récit lui-même Il faut dire que le nouveau DEX, le plus concerné par l’exploitation future des acquis de l’expérience, n’était pas en situation de contester ce qu’il n’avait pas vécu, et donc de censurer le récit. Ce n’était pas sans doute non plus son intention, car son orientation était résolument prospective.