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CHAPITRE 6 : L’UTAQ : expériences, motivations et perspectives des étudiants

6.3 Apprendre parce que c’est vital !

6.3.1 Le temps retrouvé, l’œuvre inachevée

De son côté, Pierre évoque la raison pour laquelle l’UTAQ est si importante dans la vie des gens; c’est parce qu’elle représente « le temps retrouvé ». Il affirme : « Le temps retrouvé peut prendre deux sens, pour moi c’est vraiment au sens de retourner à l’école comme avant et pour ceux qui n’ont pas eu la chance d’aller à l’école c’est pour eux une œuvre inachevée » (Pierre). Comme il explique si bien, pour lui l’UTAQ est une opportunité de

renouer avec son passé d’écolier et ainsi revivre à travers son expérience le temps où il était au collège : « Moi je trouve que c’est le chemin parce que quand on a plus de 50 ans on cherche, on aime ça se rappeler notre jeunesse et notre jeunesse pour beaucoup c’est la vie d’étudiant, c’est vraiment une démarche pour une personne âgée, on revient sur notre passé, sur les bons moments qu’on a eus alors là quand ça passe en plus par l’étude, c’est parfait » (Pierre).

Inversement, pour d’autres qui, pour de multiples raisons, n’ont pas eu la chance de poursuivre à l’université, l’UTAQ représente plutôt « l’occasion de retrouver le lieu où le temps de pallier à ça » (Pierre). « Pallier à ça », c’est exactement dans cette veine que le parcours de René s’inscrit : « Moi je n’ai pas réussi à faire des études et faire une carrière, les gens ne croyaient pas en moi, c’est pour moi une œuvre inachevée, une sorte de récupération de ma vie… » (René). D’autres participants ont un parcours similaire à celui de René. Plusieurs d’entre eux auraient profondément aimé compléter des études universitaires, mais certains évènements de la vie en ont décidé autrement.

Sur ce point, les femmes sont davantage représentées. En effet, la pression sociale pour les métiers traditionnels comme l’enseignement, le secrétariat, les soins infirmiers ou l’hygiène dentaire a souvent eu raison de la poursuite de leurs études à l’université. Les témoignages des femmes à cet égard ne sont pas sans rappeler le contexte historique de l’époque qui a certainement rendu difficile leur accès à des formations universitaires. L’UTAQ devient alors pour ces femmes le moyen d’explorer des horizons qui leur étaient autrefois inaccessibles. Pour Mireille, c’est vers l’actuariat qu’elle aurait souhaité s’orienter, toutefois, étant l’aînée d’une grande famille, « les choix étaient très limités » (Mireille). Dans le cas d’Andrée, elle avait débuté des études universitaires avant de se marier, mais le grand jour venu, elle a dû abandonner son rêve pour « remplir son devoir de femme et remplir son rôle de mère de famille » (Andrée). Quant à Louise, c’est davantage à son contexte familial qu’elle attribue l’abandon de son rêve universitaire. À son avis, l’UTAQ remplit ce vide:

Moi, c’est parce que j’aurais toujours voulu aller à l’université et je n'y ai pas été et je me sens bien dans ce milieu-là, je trouve donc que c’est un beau milieu, c’est quelque chose qui m’a manqué… J’aurais voulu y aller et maman m’avait dit: « On ne te donnera pas plus que les autres » et en orientation je voulais

m’en aller dans les sciences santé, j’avais tout fait mes cours pour y aller et là l’orienteur m’a dit d’aller en administration parce qu’il va en manquer : « Tu vas sortir, tu vas avoir de l’ouvrage tout de suite et tu es forte en administration », donc en sortant j’avais un emploi tout de suite, mais ce n’était pas ça que je voulais vraiment. J’aurais voulu faire plus, je me disais même que j’aurais probablement été dans le pavillon Comtois un bout. C’était beaucoup pour le plaisir, quelque chose que je n’ai pas eu, quelque chose d’inachevé et que là je peux et même à l’intérieur du travail, je voulais faire des études en psychologie et j’étais allée rencontrer, mais il me manquait deux cours au cégep, je trouvais ça trop en travaillant donc j’ai laissé faire. C’est pour ça que quand c’est arrivé, je me suis dit, je vais toujours bien y aller, je veux vivre ça (Louise).

Le scénario de Chantal est similaire, elle l’explique en d’autres mots tout aussi signifiants : Sur le plan personnel, ma participation à l’UTAQ a comblé un espèce de complexe universitaire, moi ma formation c’est un DEC et je pense que j’ai toujours un peu souffert de ne pas « avoir fait mon université », bon, concours de circonstances, mais je pense que ça m’a toujours dérangée… Moi, mon conjoint a une formation universitaire, mes enfants sont allés à l’université, c’était comme une œuvre inachevée, je pense que c’est pour ça que j’ai mis beaucoup de pression sur le dos de mes enfants pour qu’ils aillent à l’université (Chantal).

Dans ces propos, il y a l’idée de la comparaison que Chantal fait entre son parcours, celui de son conjoint et de ses enfants. Aller à l’UTAQ lui permet « d’être comme eux » et d’enfin éteindre ce « complexe universitaire » (Chantal).

La motivation pour s’inscrire à l’UTAQ qui tend vers l’œuvre inachevée est également signalée par les aînés universitaires. Dans certains cas, l’UTAQ représente souvent l’occasion d’aller vers d’autres domaines que ceux dans lesquels les gens ont été formés. Comme le relate Roland, issu des sciences sociales, aller à l’UTAQ était une façon de « vérifier ses compétences en sciences appliquées » (Roland). Il a toujours aimé les mathématiques, mais il a souvent douté de ses habiletés en la matière. L’UTAQ lui permet de suivre des cours dans ce domaine élargissant ainsi ses horizons et rétablissant alors un désir refoulé.

Ces témoignages qui pointent l’œuvre inachevée comme principale motivation pour aller à l’UTAQ renvoient à l’idée de l’importance du développement continuel tout au long de la vie. Certains propos reflètent bien l’importance que les étudiants accordent à la poursuite de

leurs apprentissages et de leurs compétences en vieillissant: « Il n’est pas trop tard pour apprendre! » (Luc), « Je ne suis pas trop vieux pour comprendre » (Roland). Le vieillissement est alors considéré comme un temps opportun pour aspirer à se valoriser comme être humain sous plusieurs aspects comme celui que propose l’UTAQ en ce qui concerne l’acquisition de connaissances puisqu’il n’est jamais trop tard pour ajouter des cordes à son arc.