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Bien vieillir en étant actif : le cas de la participation des aînés à l'Université du troisième âge de Québec

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Academic year: 2021

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Bien vieillir en étant actif : le cas de la participation des

aînés à l’Université du troisième âge de Québec

Mémoire

Mylène Boucher

Maîtrise en anthropologie

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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Bien vieillir en étant actif : le cas de la participation des

aînés à l'Université du troisième âge de Québec

Mémoire

Mylène Boucher

Sous la direction de :

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Résumé

Ce mémoire porte sur la participation des aînés à l’Université du troisième âge de Québec (UTAQ) et son lien avec la norme du bien vieillir véhiculée dans la politique québécoise sur le vieillissement. Quinze étudiants de l’UTAQ ont été rencontrés lors d’entrevues semi-dirigées pour recueillir leurs propos, tant sur ce qui les amène à fréquenter cette institution que sur le vieillissement lui-même et sa prise en charge sociale. Le cadre conceptuel de cette recherche s’inspire de l’anthropology of policy et permet d’envisager la manière dont nous sommes gouvernés dans une société néolibérale. Il est constitué des écrits foucaldiens sur le rapport savoir-pouvoir et les normes. De la littérature récente sur le néolibéralisme, je retiens également la technique de responsabilisation, centrale à ce mode de gouvernement. Les récits des étudiants de l’UTAQ montrent qu’ils sont très sensibles aux discours de la politique sur le vieillissement et qu’ils adhèrent à la vision de la vieillesse qui en découle tout en demeurant très critiques à son endroit. Enfin, mon analyse montre que l’UTAQ peut servir de relais de la politique du bien vieillir, et ce, de multiples façons.

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Abstract

This thesis focuses upon the participation of aged persons in the University of third age of

Quebec (UTAQ) and its association with the ageing-well norm promoted within the

Quebec’s policy on ageing. Semi-structured interviews were carried out with 15 students in the UTAQ in order to understand their reasons for participating in this organization as well as their perspectives regarding ageing and how it is framed and managed by society. The conceptual framework underpinning this research is the anthropology of policy, which is useful for understanding how citizens are governed in a neoliberal society. This framework derives from Foucault’s work regarding knowledge-power links and norms. The recent literature regarding neoliberalism emphasises the technique of responsibilization which is central to this mode of governance. The perspectives of the UTAQ students revealed that they are very sensitive to the messages within the ageing policy and that they generally adhere to its vision of ageing while nevertheless remaining very critical of certain aspects. Finally, this analysis reveals that UTAQ may effectively contributes, in various ways, to the objectives of the ageing-well policy.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Table des matières ... v

Remerciements ... ix

Introduction ... 1

CHAPITRE 1 : Le contexte de l’étude ... 5

1.1 L’Université du troisième âge ... 5

1.1.1 La démocratisation du savoir ... 5

1.1.2 Un contexte démographique favorable ... 6

1.1.3 Deux modèles, deux finalités ... 7

1.1.4 L’UTA versus the Learning in Retirement Institutes ... 8

1.1.5 La philosophie sous-jacente ... 9

1.2 L’Université du troisième âge de Québec ... 11

1.3 L’obsession du bien vieillir ... 12

1.3.1 L’OMS ; l’investigateur d’une politique internationale ... 14

1.3.2 Vieillir en restant actif : les grandes lignes ... 14

CHAPITRE 2 : Le cadre conceptuel ... 17

2.1 L’anthropology of policy ... 17

2.2 Le pouvoir productif ... 20

2.3 La relation foucaldienne savoir-pouvoir ... 22

2.4 La responsabilisation ... 23

CHAPITRE 3 : La démarche de recherche ... 26

3.1 Proposition de la recherche ... 26

3.2 Question de recherche ... 27

3.3 Collecte de données ... 28

3.3.1 Sélection des participants et échantillonnage ... 28

3.3.2 Techniques utilisées ... 29

3.4 Portrait de l’échantillon ... 30

3.5 Cadre d’analyse ... 31

3.5.1 Analyse des données ... 31

3.6 Considérations éthiques ... 32

3.7 Pertinence sociale et scientifique ... 33

CHAPITRE 4 : Les étudiants de l’UTAQ une fois à la retraite : entre rupture et continuité ... 34

(6)

4.1 Se retrouver à la retraite : un choix ou une imposition? ... 35

4.2 La retraite-occupation : la libération du temps ... 38

4.2.1 Les retraités d’aujourd’hui : la « génération sandwich » ... 40

4.2.2 L’engagement social ... 42

4.2.3 La retraite pour travailler ... 46

4.2.4 Le temps de bouger ... 47

4.2.5 Le retraité globe-trotter ... 47

4.2.6 Une retraite à la maison ... 48

4.3 Devenir « hors-circuit » ... 49

4.4 Conclusion ... 54

CHAPITRE 5 : L’étudiant de l’UTAQ et son rapport à soi comme être vieillissant 56 5.1 Être ou ne pas être vieux ... 56

5.2 Les étudiants de l’UTAQ et le bien vieillir ... 60

5.2.1 La mentalité pour bien vieillir : une question d’attitude ... 60

5.2.2 Un esprit sain dans un corps sain ... 62

5.2.3 Bien vieillir, une responsabilité individuelle ciblée ... 70

5.2.4 Bien vieillir : l’utopie d’une formule de réussite exclusive? ... 74

5.3 Vieillir et devenir un fardeau social ... 77

5.4 La naissance d’un être vulnérable ... 80

5.4.1 Vivre avec les émotions à fleur de peau ... 81

5.4.2 Vivre autrement avec un corps vieillissant ... 82

5.4.3 Vivre avec ce qu’on a acquis ... 83

5.5 Conclusion ... 84

CHAPITRE 6 : L’UTAQ : expériences, motivations et perspectives des étudiants .. 86

6.1 L’UTAQ : pour le plaisir d’apprendre ... 86

6.1.1 La curiosité intellectuelle : un processus continu ... 86

6.1.2 La révision des connaissances ... 88

6.1.3 L’apprentissage sans le stress ... 90

6.2 À quoi sert d’apprendre… ... 90

6.2.1 Voyages et loisirs ... 90

6.2.2 Développement d’un sens critique ... 93

6.2.3 Le partage intergénérationnel ... 94

6.2.4 Se préparer à la mort ... 96

6.3 Apprendre parce que c’est vital ! ... 96

6.3.1 Le temps retrouvé, l’œuvre inachevée… ... 97

6.3.2 Se dépasser et relever des nouveaux défis ... 100

6.4 « Je suis universitaire » ... 101

6.4.1 La fierté d’appartenir à la communauté universitaire ... 101

(7)

6.5 Conclusion ... 102

CHAPITRE 7 : Discussion : l’UTAQ, une option pour bien vieillir ... 104

7.1 Cultiver ses neurones ... 104

7.2 Dépenser son énergie ... 107

7.3 Socialiser et participer socialement ... 109

7.4 S’imposer une discipline pour demeurer actif ... 113

7.5 L’UTAQ, un milieu exclusif ... 115

7.6 Conclusion ... 117

Conclusion ... 119

Références citées ... 123

ANNEXE 1 : Annonce de recrutement ... 128

ANNEXE 2 : Formulaire de consentement ... 129

ANNEXE 3 : Schéma d'entrevue ... 132

(8)

À mes fils, Léo et Malcom Que ce mémoire sème en vous le désir d'aller au bout de vos rêves

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Remerciements

Ce mémoire a été rendu possible grâce à la contribution remarquable de plusieurs personnes, à commencer par les quinze étudiants de l’UTAQ qui ont accepté avec générosité de s’entretenir avec moi et de me dévoiler leur expérience. Dans certains cas, ils se sont confiés à moi sur des sujets sensibles qui ont fait remonter à la surface différentes émotions. Je les remercie infiniment de la confiance, de l’ouverture et de l’encouragement qu’ils m’ont adressés lors de notre rencontre.

Je ne peux passer sous silence, l’énorme coup de pouce que m’a donné Carole Rivard-Lacroix, présidente de l’association des étudiantes et des étudiants de l’Université du 3e âge de Québec (AEUTAQ). Je lui dois l’exceptionnel déroulement de mon recrutement. Merci d’avoir établi ma crédibilité au sein de votre belle communauté.

Je tiens également à exprimer à Johanne L’Heureux, directrice de l’Université du troisième âge de Québec (UTAQ), de chaleureux remerciements pour avoir contribué à la réalisation de ce mémoire.

Je remercie de même Solange Proulx pour l’attention dont elle a fait preuve lors de la révision linguistique de ce mémoire.

Je suis aussi extrêmement reconnaissante du soutien financier que le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) m’a apporté par l’attribution d’une bourse de recherche Joseph-Armand Bombardier lors du concours de 2012-2013. Cette reconnaissance a été pour moi l’un des carburants pour mener à bien cette recherche.

Je dois en très grande partie le fruit de ce travail à ma directrice, Marie-Andrée Couillard. Sincèrement, elle a joué plusieurs rôles significatifs au cours de ce long fleuve, qui a été, par moments, agité. Tout d’abord, elle a su semer en moi la confiance nécessaire pour démarrer ce projet et la motivation pour l’achever. Ensuite, son rôle de pédagogue a été sans équivoque. Nos nombreuses discussions ont rendu possibles des réflexions et des raisonnements auxquels je n’aurais pas pensés. Enfin, au fil du temps, une réelle amitié s’est développée à partir de nos rencontres, je la remercie d’avoir élargi son rôle de directrice à ce niveau en me permettant de retrouver en elle une confidente hors pair. Être dirigée par elle a été une formidable expérience, sa présence au quotidien me manquera,

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mais je sais que je continuerai à entretenir ce lien puisque je la considère comme ma précieuse mentor.

Papa, un jour, il y a très longtemps, tu m’as attribué une qualité à laquelle je n’ai jamais dérogée. Tu m’as dit que j’étais tenace. Je me souviens, du haut de mes huit ans, avoir demandé ce que cela signifiait. Ce jour-là, sans le savoir, tu as constitué une grande partie de ce que je suis devenue. Ce jour-là, tu m’as fait sentir que je pouvais accomplir toutes les choses auxquelles je rêvais puisque je saurais continuer malgré les obstacles et les imprévus. C’est exactement dans cette veine que j’ai poursuivi mes études universitaires jusqu’à ce mémoire. Merci papa d’avoir cru en moi et de m’avoir soutenue à plusieurs niveaux; sache qu’une grande partie de cet accomplissement te revient puisqu’il a graduellement été alimenté par ton regard rempli de fierté.

Maman, douce maman, un merci plein de tendresse pour m’avoir encouragée tout au long de ces années. Tu as toujours su trouver les mots pour me rassurer et me consoler comme seule une mère peut le faire. Nos rendez-vous téléphoniques journaliers m’ont aidée à garder le cap et à trouver la force en moi pour poursuivre ma voie. Je te serai éternellement reconnaissante de tout l’amour que tu me portes. Tu m’as transmis tes valeurs de justice et de respect qui contribuent aujourd’hui à la personne que je suis, merci.

À mes hommes, Jean-Philippe, tu as été pour moi un phare pendant ces nombreuses années. Déraciné de ta ville natale, tu as poursuivi mon aventure universitaire en parallèle sans jamais cesser de croire en moi. Forcée d’admettre que notre route a souvent été encombrée, nous avons toujours trouvé le moyen de la dégager. Elle a même conduit à la naissance de deux garçons formidables qui ont vu le jour à même cette aventure. Léo et Malcom, je tiens à vous dire mille mercis, sans le savoir, vous avez été ma principale source de motivation tout au long de ce projet. Que ce mémoire et le travail qu’il a nécessité soient pour vous un exemple; ainsi mon objectif sera atteint puisque je serai parvenue à vous transmettre à mon tour cette immense qualité qui vous permettra de tout accomplir dans la vie, la ténacité

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Introduction

La discrétion dont l’anthropologie a fait preuve à l’égard du vieillissement mérite d’être abordée. Déjà, en 1982, Corin parlait de « l’immaturité de ce domaine d’étude » et dénonçait la place restreinte qu’occupaient les travaux anthropologiques sur la vieillesse (Corin 1982 : 84). Corin soulignait d’ailleurs « l’étrange parallèle existant entre la position marginale que la vieillesse occupe dans la science et dans les sociétés post-industrielles » (Corin 1982 : 63). Le vieillissement a été abordé par la discipline sous l’angle de l’anthropologie de la santé ou par une approche culturaliste, mais il a rarement été développé en dehors de ces cadres d’analyse. Pourtant, Corin suggérait des pistes d’études pointant vers l’analyse de la « vision problématisante des aînés » et leur « prise en charge » (Corin 1982 : 83). Elle soulignait la montée de la « professionnalisation de la vie » et de la « gestion d’une tranche de la population par une autre » (Corin 1982 : 83). L’anthropologie est d’abord et avant tout une discipline qui a pour objectif d’étudier les sociétés et les cultures en prenant une distance. Cette distanciation peut être plus difficile lorsque le contexte de l’étude est celui du chercheur, mais elle est pourtant nécessaire. Elle permet notamment de confronter les notions et les réalités qui semblent aller de soi. C’est exactement dans cette voie que ce mémoire a été conçu.

Je propose donc d’engager la réflexion en ce sens en prenant pour cible l’Université du troisième âge de Québec (UTAQ) parce qu’elle regroupe des gens qui, à première vue, sont présentés comme constituant un poids pour la société en général. Traiter de l’éducation au temps de la vieillesse peut effectivement sembler étonnant. C’est peut-être pour cette raison que l’institution que représente l’UTAQ est un sujet peu étudié. Dans un premier temps, je cherchais à comprendre ce qui a motivé les aînés à participer à ce type de formation qui ne mène à aucun diplôme; j’ai donc supposé que c'était le simple désir d’apprendre. En les écoutant me raconter leur histoire, j’ai constaté que plusieurs des termes utilisés sont ceux de la politique québécoise sur le vieillissement. J’ai approfondi cette piste et découvert que cette politique était en fait une réplique de la politique de l’OMS, centrée sur une manière précise de vieillir qui privilégie le fait de demeurer actif. Plus mon étude avançait, plus je découvrais que les aînés avaient en fait adopté plusieurs des conduites valorisées par les politiques publiques, et ce, probablement sans s’en rendre compte. J’allais donc prendre

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une distance face à ce discours sur le vieillissement qui n’est pas sans ambiguïté, comme nous le verrons.

Ces politiques de santé publique sont présentées comme la solution aux problèmes que pose le vieillissement de la population. Dans la société en général comme dans les propos des étudiants de l’UTAQ, la vieillesse est dépeinte comme un moment négatif de l’existence. Quand on évoque la vieillesse, on pense à la passivité, l’exclusion et la dépendance. Ce discours est même présent dans la politique qui vise à le dénoncer. J’ai opté pour l’anthropolgy of policy comme point de départ théorique pour essayer de mieux comprendre ce phénomène en le situant dans le contexte du néolibéralisme qui est le nôtre. Le néolibéralisme a été étudié de manière critique, notamment parce qu’il vise à imposer une lecture économique à toutes les sphères de la vie des personnes. C’est pourquoi on parle de l’homo oeconomicus : « […] un homo oeconomicus entrepreneur de lui-même, étant à lui-même son propre capital, étant pour lui-même son propre producteur, étant pour lui-même la source de [ses] revenus » (Foucault 1979 : 232). Vieillir dans un tel contexte peut représenter des défis particuliers et c’est ce que j’ai voulu approfondir en cherchant comment les termes de la politique sur le vieillissement, qui s’inscrivent clairement dans le discours néolibéral, sont repris et diffusés par les étudiants de l’UTAQ.

Si les études anthropologiques sur le vieillissement se sont faites rares, d’autres disciplines ont fait de la vieillesse un objet prioritaire, si bien que les travaux sur la manière de vieillir se sont accumulés et ont largement inspiré les travaux de l’OMS et, plus près de nous, ceux de la politique québécoise sur le vieillissement. C’est ainsi qu’est née la notion de bien vieillir d’abord dans la communauté internationale des chercheurs en gérontologie. Cette notion est porteuse de tout un programme et se veut le moteur de la réussite du vieillissement. Ce programme comporte des prescriptions et des interdits pour atteindre le vieillissement idéal, celui qui correspond aux normes de la politique. Ce programme est propagé de plusieurs manières pour rejoindre l’ensemble de la population. Dans ce mémoire, je vais proposer que l’UTAQ constitue un relais de ce discours.

Le premier chapitre dresse le contexte de mon étude, à commencer par un bref retour sur l’histoire des universités du troisième âge (UTA) et leur fondation. Je vais ainsi pouvoir mettre l’UTAQ en contexte et cibler ses particularités. Dans un deuxième temps, toujours

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dans le cadre contextuel, je vais m’attarder aux liens complexes entre la science et les institutions internationales, liens qui ont mené à l’élaboration de la norme du bien vieillir. À cette occasion, je discuterai brièvement du « vieillissement actif » une autre notion qui accompagne celle du bien vieillir en soulignant les similitudes et les différences.

Le deuxième chapitre propose le cadre conceptuel qui a guidé mon analyse. Inspiré de l’anthropology of policy, il consiste à prendre une distance importante quant au discours dominant qui circule tant dans les médias que par les experts. La conception populaire du vieillissement affecte directement les choix que les aînés font dans divers aspects de leur vie. L’anthropology of policy s’inspire des écrits de Foucault, je montre comment sa conception du pouvoir et du rapport savoir-pouvoir permettent d’éclairer les liens entre une politique publique et une population à gouverner. Enfin le contexte étant celui d’une société néolibérale, je prends la notion de responsabilisation comme une technique de pouvoir qui permet d’agir sur les choix des gens. Ces concepts constituent mes repères pour mon analyse.

Le troisième chapitre présente la démarche de la recherche. On y trouve la proposition de la recherche, la question de recherche, les techniques de la collecte de données, le portrait de l’échantillon et le cadre d’analyse. Les considérations éthiques ainsi que la pertinence sociale et scientifique de mon étude sont également explicitées.

Le quatrième chapitre porte sur l’expérience des étudiants de l’UTAQ du point de vue de la transition entre la vie professionnelle et la retraite. Il est alors question du moment où ils ont choisi ou non de prendre leur retraite et des effets de cette coupure sur leur existence. En général, on pense que la retraite libère du temps, mais ce n’est pas toujours le cas. Les multiples avenues qui se présentent pour combler ce qu’on présume être du temps libre sont alors exposées. C’est ainsi que ressort l’idée d’être « hors-circuit », de perdre en quelque sorte la place de membre à part entière de la société.

Le cinquième chapitre se concentre sur le rapport des étudiants de l’UTAQ avec le vieillissement. Il vise à comprendre la manière dont les aînés vivent et se représentent la période actuelle de leur vie. Il devient vite évident que l’âge chronologique n’est pas un bon marqueur du moment où l’on devient « vieux ». Tout le chapitre explore leur vision du vieillissement et c’est à cette occasion que la notion de bien vieillir devient de plus en plus

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présente. Le chapitre se conclut sur les réflexions des aînés concernant le sentiment de vulnérabilité qu’ils ressentent pour eux-mêmes ou pour les personnes de leur entourage qui sont plus avancées en âge. Ils sont unanimes, ils souhaitent à tout prix éviter d’être une charge sociale, reprenant ainsi, indirectement, l’idée de responsabilisation.

Le sixième chapitre traite de l’expérience des aînés alors qu’ils fréquentent l’UTAQ, les raisons qui les ont amenés à s’inscrire et celles qui les font persévérer. Le plaisir d’apprendre, l’utilisation des connaissances dans leur quotidien, la place qu’occupe cette activité sociale dans leur vie et le statut qu’elle leur confère sont quelques-uns des points qui sont abordés.

Le septième chapitre est une synthèse qui lie les propos des participants sur leur fréquentation de l’UTAQ à leur désir et leur préoccupation pour bien vieillir. Les réflexions des étudiants montrent qu’ils envisagent l’UTAQ comme une option privilégiée pour rester en forme au plan cognitif, physique et social. La discipline et la rigueur que requiert leur participation à l’UTAQ font partie des éléments qui contribuent à ce sentiment de bien-être. C’est aussi dans ce chapitre que les limites de l’accessibilité à l’UTAQ sont remises en question et qu’une critique du bien vieillir comme norme universelle est formulée. Les étudiants ne sont pas dupes, ils savent que la fréquentation d’une institution d’éducation supérieure est réservée à un petit nombre et que pour bien vieillir, il faut en avoir les moyens financiers.

Une brève conclusion fait le bilan de la recherche et revient sur les principaux résultats de cette étude. Parmi eux, l’idée que l’UTAQ peut être un relais de la norme du bien vieillir et un moyen de mise en œuvre d’une politique qui lui est pourtant extérieure est posée.

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CHAPITRE 1 : Le contexte de l’étude

Ce mémoire porte sur les étudiants de l’Université du troisième âge de Québec située sur le campus de l’Université Laval, leur expérience et les raisons qui les amènent à la fréquenter une fois à la retraite. Dans un premier temps je vais présenter le contexte plus large dans lequel s’inscrit le phénomène des universités du troisième âge. Ensuite, je vais présenter la notion de bien vieillir qui est apparue omniprésente dans les différentes sources consultées et qui, à ce titre, participe au contexte en tant que référent qui vient justifier les choix des personnes.

1.1 L’Université du troisième âge

1.1.1 La démocratisation du savoir

À première vue l’existence d’universités pour les gens dits du troisième âge peut paraitre étonnante; en effet pourquoi fréquenter l’université quand on n’a plus à se qualifier pour un emploi? En fait, ces universités spéciales ont été créées dans la foulée de la Déclaration universelle des droits humains, de 1948, qui proclamait le droit à l'éducation pour tous indépendamment des critères que sont le sexe, la nationalité ou l'âge (Nations Unies 1948). Une proposition plus spécifique fut adoptée et clarifiée par l’Organisation des Nations Unies en 1983 lors du Plan international d’action sur le vieillissement qui a eu lieu à Vienne:

As a basic human right, education must be made available without discrimination against the elderly. Educational policies should reflect the principle of the right to education of the aging, through the appropriate allocation of resources and in suitable education programmes. Care should be taken to adapt educational methods to the capacities of the elderly, so that they may participate equitably in and profit from any education provided. The need for continuing adult education at all levels should be recognized and encouraged. Consideration should be given to the idea of university education for the elderly (United Nations Organisation 1983, Recommendation 45).

Avec cette résolution, l'éducation n'est plus exclusivement l’affaire des jeunes, elle est plutôt envisagée comme un projet sans fin s’échelonnant « du berceau à la tombe » (Bernier, 1984 : 80). Comme le dit un proverbe chinois : « On commence à vieillir lorsqu'on cesse d'apprendre » (Bernier, 1984 : 80). Aujourd'hui cette réalité peut sembler banale, mais après la Seconde Guerre mondiale, rendre accessible l'éducation pour tous

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représentait une révolution sociale qui n'est pas sans incidence sur la naissance des universités du troisième âge. De plus, en rendant l'éducation accessible aux aînés de la société, c'est toute sa nature fondamentale qui est remise en cause. En effet, l'éducation n'aura plus nécessairement le travail comme finalité. Comme le précise Robichaud: «Les retraités, sans le savoir, sans le vouloir, ont remis en cause la nature même de l'éducation dans les sociétés industrielles, puisque l'éducation n'a plus le travail pour finalité et que, par la suite, elle n'est plus limitée dans le temps» (Robichaud 1988: 429).

1.1.2 Un contexte démographique favorable

L'engouement pour l'éducation des aînés n'est pas le fruit du hasard, mais bien un effet collatéral de la situation démographique de l'époque. L'augmentation de l'espérance de vie forcera les individus sortant du monde du travail à occuper leur temps libre pendant la retraite. En effet, comme le mentionnent Swindell et Thompson: « The most obvious [factors which has been a rapid change in both the status and number of educational opportunities] is the rapidly increasing population of older people, the majority of whom are living longer and in better health than did earlier cohorts » (Swindell et Thompson 1995: 442). Ce contexte démographique favorable a rendu possible la création de la première université du troisième âge à Toulouse en 1973. C'est le professeur de la faculté de droit et de sciences, Pierre Vellas qui a soumis l'idée de rassembler des gens âgés de 50 ans et plus autour d'un projet commun d'éducation dans le but de permettre leur développement intellectuel et physique. En peu de temps, cette proposition s’est avérée un vif succès puisque rapidement, les salles de classe se sont remplies de têtes grises avides de connaissances. La France voit alors ses universités suivre le pas avec une soixantaine d’universités du troisième âge créées à l’intérieur des campus universitaires. Le concept fut vite exporté dans plusieurs pays du monde, dont la Belgique, l’Espagne, la Suisse, la Pologne, le Canada, les États-Unis, l’Angleterre et plusieurs autres. L’Amérique du Sud, l’Afrique et l’Asie développeront un peu plus tard des institutions similaires à l’UTA (Swindell et Thompson 1995: 432).

En 1975, après le constat du succès des UTA à travers le monde, Pierre Vallas créa également l’Association internationale des Universités du troisième âge (AIUTA) qui se veut un lieu d’échange et de partage des connaissances entre les différents leaders

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internationaux dans les UTA. L’objectif principal de cette association est de « contribuer efficacement à l’amélioration des conditions de vie des personnes âgées dans le monde et permettre à celles-ci de continuer à jouer un rôle actif et utile dans la société » (Bernier 1984 : 80). Les nouveaux retraités et aînés de ce monde avaient alors une voie et une occasion structurée pour manifester à la société tout entière leur désir et leur engouement pour la poursuite de leur éducation.

Un peu plus près de chez nous, le contexte post révolution tranquille est tout aussi favorable au développement de l’enseignement aux aînés. En effet, la première université du troisième âge à voir le jour au Québec et en Amérique est celle de l’Université de Sherbrooke, en 1976, trois ans seulement après la fondation de la première à Toulouse. Roger Bernier fonde l’UTA de Sherbrooke qui avec le temps deviendra une référence quant à sa popularité : plus de 12 700 étudiants étaient inscrits à l’automne 2012. Son implantation à la grandeur de la province est également responsable de cette reconnaissance avec ses 28 antennes dans 10 régions du Québec, notamment dans les Cantons de l'Est, au Centre-du-Québec, dans la région de Charlevoix, sur l’Île de Montréal, à Laval, dans les Laurentides, dans Lanaudière et en Montérégie (UTAS 2015).

1.1.3 Deux modèles, deux finalités

Avec le temps, les universités du troisième âge se sont développées selon deux modèles. Le premier, d’inspiration française, privilégie l’enseignement magistral; le deuxième, d’inspiration britannique, met l’accent sur l’autonomie des étudiants.

Le modèle français s’inscrit dans la philosophie des Lumières et pose que c’est la responsabilité d’une élite d’éclairer les masses afin qu’elles abandonnent leur conception archaïque du monde. Il est le modèle le plus répandu dans le monde. Il est inspiré de la structure institutionnelle des universités traditionnelles. Le cours magistral est la forme privilégiée d’enseignement. Le professeur est le spécialiste, l’étudiant celui qui vient nourrir son esprit. Swindell a analysé ce modèle dans plusieurs publications: « The original U3A concept consisted of a programme of lectures, study tours and cultural and leisure activities for older learners, presented by university staff, using university facilities » (Swindell 1993: 248). Ce rapport hiérarchique n’empêche toutefois pas les discussions de groupes. Ce modèle est répandu surtout en Europe et au Canada, et est resté la seule

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référence jusqu’au début des années 1980. Enfin, nous pouvons retenir de ce modèle son besoin d’appartenance à un système universitaire déjà en place, ce qui lui confère une certaine crédibilité et une validité recherchée.

Le modèle britannique adopte quant à lui une approche qui comble le fossé entre celui qui enseigne et celui qui apprend; il ne fait aucune distinction entre l’enseignant et l’étudiant. Swindell et Thompson (1995: 432) précisent: « Members would be the teachers as well as the learners, and, where possible, members would engage in research activities ». Autrement dit, les uns et les autres se confondent dans ce modèle basé sur l’indépendance et l’autofinancement. Ce type d’UTA dit promouvoir le respect de « l’agencéité» des aînés (Swindell et Thompson 1995). Un regard critique pourrait toutefois noter le rapport

coûts-bénéfices avantageux et la responsabilisation de chacun dans ce modèle qui met l’accent sur l’autonomie des étudiants. Il sera surtout repris en Australie où McDonell attribue sa réussite à deux facteurs: « The local academic climate, coupled with increasing budgetary pressures, suggested that involvement by traditional universities with a new concept like U3A, would be strenuously opposed » (McDonell 1991 cité dans Swindell et Thompson 1995: 433). Le modèle français coûte trop cher pour instruire des gens qui ne visent pas la productivité sur le marché du travail, mais leur développement culturel. Cette façon de faire, basée sur le « self-help », trouve aussi écho en Nouvelle-Zélande, en Irlande et dans certaines universités des États-Unis (Swindell et Thompson 1995). Au regard de ces éléments, il est donc possible de dire que les universités du troisième âge deviennent, dans ces contextes, une manière d’inciter les personnes âgées, souvent dépeintes comme ayant des comportements dépendants et nonchalants, à se prendre en main et à devenir autonomes. Ce point est important et sera repris plus loin.

1.1.4 L’UTA versus the Learning in Retirement Institutes

Les UTA n’ont pas l’exclusivité de l’éducation destinée aux aînés. Il demeure ici important de présenter brièvement les Learning in Retirement Institutes (LRI) pour envisager l’éducation des aînés dans une structure s’apparentant aux UTA. Les LRI ont vu le jour aux États-Unis en 1962 et sont établis dans plus de 200 collèges et universités (Kim et Merriam 2004 : 442). Ils offrent aux aînés la chance d’apprendre dans une structure universitaire et collégiale sous la forme de cours et de groupes de discussion. Le principe est donc

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différent, un système payant de membership donne l’opportunité aux aînés de poursuivre leur formation à la retraite. Bien que les LRI soient physiquement situés dans les collèges et les universités, les aînés ne retirent aucun diplôme et aucun crédit de leur expérience. La formule est exclusivement alignée sur le modèle britannique des UTA et elle va même au-delà de celui-ci en laissant le champ totalement libre aux aînés dans la préparation des cours et dans leur diffusion. Martin voit là une opposition directe adressée au modèle pédagogique que l’on retrouve dans les institutions collégiales et universitaires :

« They depart from the traditional mode of higher education wherein the institution determines and defines the course of study and expert teaches the uninformed. In an LRI, a member may propose study group on a topic of interest » (Martin 2003: 2). La littérature à l’endroit des LRI est plus vaste que celle concernant les UTA; plusieurs études se sont attardées à comprendre les motivations principales des aînés pour en devenir membre. Succinctement, les écrits relèvent que les aînés s’inscrivent dans les LRI pour « une stimulation intellectuelle, vivre une nouvelle expérience, poursuivre des intérêts, apprendre quelque chose d’utile, le plaisir d’apprendre et pour les contacts sociaux » (Martin 2003 : 3).

1.1.5 La philosophie sous-jacente

Le point dominant qui nous permet de comprendre les valeurs et la vision du monde des UTA est certainement l’accessibilité. Robichaud fait d’ailleurs référence à cette notion d’accessibilité pour nommer les UTA avec des appellations comme université « ouverte », « pour tous », « de tous » et « inter-âges » (Robichaud 1988 : 428). En effet, un seul préalable est nécessaire pour devenir un étudiant d’une UTA : être âgé de 50 ans et plus, variant très légèrement selon les différentes règlementations des UTA. L’accessibilité doit aussi être considérée au sens temporel du terme puisque les horaires de cours sont pour la plupart très souples, offrant une multitude d’options pour les étudiants. Des cours sont offerts plus tôt le matin, en après-midi et même le soir. Un individu peut s’inscrire à un seul cours pouvant ainsi poursuivre des activités professionnelles ou autres tout en bénéficiant de son statut d’étudiant d’un UTA avec le droit d’assister à de multiples conférences et ateliers. L’accessibilité renvoie également au niveau financier puisque les frais de scolarité sont peu élevés, oscillant autour de 100$CAN par cours suivi. De plus, les UTA demeurent accessibles géographiquement puisqu’il est possible de suivre un ou plusieurs cours même

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dans les petites ou moyennes villes. Par exemple, les UTA desservent plusieurs régions administratives via leurs « antennes universitaires » qui offrent plusieurs cours et activités sur l’ensemble du territoire québécois. À ce niveau, il est intéressant de constater les différences avec les universités traditionnelles qui demeurent difficilement accessibles à cause de leurs importants frais de scolarité, de leurs préalables obligatoires et de leurs principales activités d’éducation localisées dans les grands centres. Pour ces raisons, il est juste d’identifier l’accessibilité comme étant l’une des composantes principales de la philosophie des universités du troisième âge. En effet, l’accessibilité demeure l’un des idéaux des UTA, sans être compromise elle peut toutefois s’avérer difficile à mettre en œuvre.

La philosophie de l’UTA s’inscrit aussi dans une vision humaniste puisqu’elle est régie par le principe de liberté. La liberté des hommes de s’instruire, et ce, peu importe leur âge et leur compétence. Également une liberté de choisir, enfin pour certains, un domaine d’étude qui les passionne, un choix qui autrefois était souvent imposé par l’entourage ou la société. Sans oublier, une liberté de progresser dans un milieu non directif où les étudiants font partie intégrante de la structure universitaire. Comme le mentionne Bertrand l’entreprise d’un projet d’étude à l’âge de la retraite est un gage de liberté : « L’environnement éducatif consistera dans une mise en place, une organisation non directive, non contraignante, dans l’utilisation d’une atmosphère qui puisse favoriser l’éclosion de la liberté sans la déterminer d’aucune façon » (Bertrand 1979 : 425). Une vision humaniste également du fait qu’elle présuppose la capacité d’agir des individus qui est palpable dans l’auto organisation de leur projet d’étude.

Évidemment pour donner ce pouvoir et cette liberté aux personnes âgées, il était nécessaire pour les UTA de revoir la conception négative du vieillissement. Une étude effectuée en Pologne démontre la nécessité pour les UTA de s’opposer au modèle présentant le vieillissement comme un déclin. La perspective biomédicale du vieillissement, en alimentant le culte de la jeunesse et la décrépitude du corps et de l’esprit, serait à l’origine de l’âgisme : « The “decline ideology”, equating old age with illness and death, has spread throughout other spheres of social life to become an enduring part of contemporary culture. Such perceptions of ageing make ageist stereotypes legitimate » (Gullette 2004 et

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Hepworth 2003 cités dans Wilinska 2012: 292). La conception positive du vieillissement fait donc partie de la philosophie de l’UTA. Pour certains étudiants des UTA; aucune association n’est effectuée entre leur âge et la vieillesse. Comme le décrit le témoignage de Wilinska en Pologne, dès la présentation de son projet d’étude à l’UTA, un étudiant lui lança : « If you are interested in ageing and older people in Poland, this is not a good place; walk the streets of the city, visit some care centres… Ageing was not happening at the U3A and its members were not old » (Wilinska 2012 : 294). Cette dissociation entre le vieillissement et le déclin est donc à la base de la philosophie des UTA, sans elle impossible de justifier l’implantation d’une structure éducative destinée aux personnes du troisième âge. La philosophie des UTA et son cadre humaniste en font un terrain propice pour la diffusion de la notion de bien vieillir sur laquelle je reviendrai plus loin.

1.2 L’Université du troisième âge de Québec

L’Université du troisième âge de Québec (UTAQ) a vu le jour en 1983. L’UTAQ fait partie des programmes universitaires affiliés à la formation continue de l’Université Laval. Face à la popularité constante des inscriptions des aînés, l’UTAQ se déploie dans la grande région de Québec avec ses antennes situées à Charlesbourg, Lévis et Montmagny. Les plus récentes données indiquent près de 7000 inscriptions pour l’année 2013-20141. Par session, il y a donc en moyenne 3500 personnes qui suivent des cours à l’UTAQ. La mission principale de l’UTAQ est d’offrir une formation non créditée aux personnes âgées de 50 ans et plus, qui est orientée vers le plaisir de développer des connaissances sans examens ni travaux. Autrement dit, l’UTAQ a pour objectif le développement intellectuel, culturel et social des personnes de 50 ans et plus. Les activités pédagogiques qu’offrent l’UTAQ touchent à toutes les dimensions de l’être humain pour permettre aux étudiants de 50 ans et plus d’acquérir, d’enrichir et de partager des connaissances ainsi que de développer des habiletés, d’aider les participants à trouver réponse à des questions liées au temps actuel et de participer à une éducation à la citoyenneté qui peut aider ces personnes à jouer leur rôle social (UTAQ 2015). L’UTAQ contribue ainsi à l’engagement social et culturel des aînés en favorisant le maintien d’une vie active au niveau intellectuel.

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Les cours sont donnés par des professeurs, des enseignants de niveau collégial et des chargés de cours universitaires. Bien que le programme propose aux étudiants un vaste choix de cours de niveau de 1er cycle, les domaines de l’art et de l’histoire de l’art semblent représenter la majeure partie de l’offre de cours. L’apprentissage d’une langue représente également une grande part des cours. Les sciences humaines sont aussi au rendez-vous avec des cours de sociologie, d’histoire, de philosophie et de politique. Un cours de gérontologie attire particulièrement mon attention. Ce cours intitulé « Bien vieillir, c’est possible! » propose aux aînés une session de lectures et d’échanges visant à réfléchir sur cette question : « Réussir et apprivoiser la vieillesse, n’est-ce pas la meilleure façon de bien la vivre? » (UTAQ 2015). Ce questionnement dresse parfaitement la table à mon projet de recherche. Les notions de réussite et d’apprivoisement du vieillissement présentées dans cette question suggèrent qu’il existe un moyen pour bien vieillir. Et si la participation des aînés à des cours de l’UTAQ était l’un de ces moyens, il serait alors tout indiqué de mener une étude auprès de cette population pour arriver à comprendre le sens donné à leur engagement en formation au temps de la retraite.

1.3 L’obsession du bien vieillir

La notion de bien vieillir en plus de faire partie des cours offerts, revient fréquemment dans les propos des gens, dans les médias et dans les discours des intervenants d’horizon divers. À première vue elle semble découler de la démographie. Phénomène inéluctable, dans moins de cinquante ans, la pyramide démographique québécoise aura atteint un déséquilibre record avec 28% de sa population qui appartiendra au groupe d’âge des 65 ans et plus (Institut de la statistique du Québec 2014 : 35). Ce portrait de la situation annonce une catastrophe telle que présentée autant dans la sphère publique que scientifique. C’est ce que Fortier et Hébert nomment le « péril gris » (Fortier et Hébert 2015). Ces auteurs s’opposent avec vivacité à cette conception du vieillissement qui semble mener à un cul-de-sac plutôt qu’envisager le vieillissement simplement pour ce qu’il est. La populaire vision alarmiste du vieillissement n’est pas du tout le résultat du hasard, elle contribue directement à la création de politiques publiques à l’égard des aînés. L’accroissement des aînés est alors utilisé pour justifier les actions gouvernementales. De ce fait, le vieillissement et ses balises font partie intégrante des agendas politiques locaux, nationaux et internationaux (Pike

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2011 :209). Au programme : développer une manière de vieillir qui correspond à la bonne façon d’envisager son avancée en âge est de mise. C’est ainsi que naît la politique du bien vieillir.

1.3.1 Active aging : la naissance d’une notion

La manière dont est envisagé le vieillissement dans les sociétés industrielles cible l’activité. La notion d’active aging a vu le jour à la fin des années 1970 étonnamment au moment même où des économistes de l’École de Chicago formulaient ce qui allait devenir la philosophie néolibérale. L’active aging s'étend suite au développement du concept de

successful aging davantage approfondi en sol américain (Havighurst 1961; Butler 1974;

Rowe et Kahn 1987). L'essor de ces notions coïncide également avec la montée dans la classe politique américaine d’un système de valeurs composé d’« objectives of national saving, capital accumulation, limited government responsability, and wealth based on individual risk » (Dillaway et Byrnes 2009 : 712). Déjà en 1977, l’idée d’un vieillissement actif trouve écho chez des auteurs allemands et américains, mais ces derniers liaient toujours ce concept avec celui du vieillissement en santé (Moulaert et Viriot-Durandal 2013 : 14). C’est l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) qui revendiquera la paternité du concept de vieillissement actif. L’active aging fera l’objet de deux rapports de l’OCDE. L’un d’eux est publié en 1998 où le concept sera compris d’une manière un peu élargie par « la capacité des personnes à faire des choix flexibles dans la manière dont ils souhaitent utiliser leur temps tout au long de leur existence » (OCDE 1998 : 84). Le second est paru en 2000 dans lequel l’utilisation du concept de vieillissement actif est uniquement corrélée avec le travail et l’emploi. La Commission Européenne enchaînera le pas en publiant un rapport mettant en vedette l’idée d’un vieillissement actif de manière transversale où l'activité est comprise à plusieurs niveaux (Commission Européenne 1999). En 2000, la Commission Européenne a convoqué des scientifiques dans le but de mettre en place les assises d’une politique publique sur le vieillissement (Moulaert et Viriot-Durandal 2013 : 14). L’active aging est alors, une fois de plus, associé au secteur de l’économie et de l’employabilité malgré quelques tentatives de la part de certains chercheurs pour élargir cette conception. Il faudra attendre en 2002 pour

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que le concept retrouve son origine transversale avec la politique de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

1.3.1 L’OMS ; l’investigateur d’une politique internationale

En 2002, le vieillissement actif a été au cœur des préoccupations de l’OMS en étant l’objectif d’une politique internationale. Il est intéressant de voir comment cette politique publique a vu le jour. On peut remonter en 1982, année de la première assemblée mondiale dirigée par l’Organisation des Nations Unies (ONU), pour entrevoir les intérêts politiques en lien avec la question du vieillissement. Peu de temps après, on assiste à « un passage progressif du concept de vieillissement en un référentiel d’action publique » (Moulaert et Viriot-Durandal 2013 :12). Une politique publique qui subira quelques transformations et des aller-retours. Au départ, elle est davantage orientée vers l’économie et le marché du travail, pour enfin devenir transversale en incluant la notion d’activité à la problématique du vieillissement dans une perspective holiste. La politique de santé publique de l’OMS est donc cette vision complète du « vieillir en santé », maintenant comprise comme « vieillir en demeurant actif » pour rendre compte des « facteurs, outre la santé, qui influent la manière dont vieillissent les individus et la population » (Kalache et Kickbusch 1997; OMS, 2002 : 13). De 1999 à 2003, les études scientifiques sur le vieillissement actif fourmillent et cette vision globale de la notion de l’activité chez les personnes vieillissantes est propagée du niveau international au niveau local à une vitesse fulgurante. Plusieurs chercheurs ont contribué, en amont, à la production de cette conception politique du vieillissement actif et d’autres, en aval, grâce à « une stratégie multisectorielle de diffusion qui ne se limite pas aux organisations internationales [en pénétrant] le milieu de la recherche grâce au soutien des autorités scientifiques comme la New York Academy of Medecine ou l’Académie russe

de gérontologie » (Moulaert et Viriot-Durandal 2013 : 19). L’avènement d’une politique

publique sur le vieillissement était alors appuyé dans des études scientifiques.

1.3.2 Vieillir en restant actif : les grandes lignes

La politique du vieillissement actif de l’OMS s’inscrit dans son programme plus large intitulé « Vieillissement en santé » qui a pour objectif « l’élaboration des politiques permettant d’assurer la meilleure qualité de vie possible le plus longtemps possible, pour le plus grand nombre de personnes possibles » (OMS 2002 : 56). La politique publique

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« Vieillir en restant actif » se veut un cadre d’action à l’intention des responsables politiques : « Avec le Plan international d’action sur le vieillissement, ce cadre trace la voie qui mène à la conception de politiques multisectorielles pour un vieillissement actif, améliorant ainsi la santé et la participation des personnes âgées en leur garantissant une protection, une sécurité et des soins adaptés lorsqu’elles en ont besoin » (OMS 2002 : 55). À l’intérieur de cette politique, le vieillissement actif est considéré comme le moyen

« d’optimiser les possibilités de bonne santé, de participation et de sécurité afin d’accroitre la qualité de vie pendant la vieillesse » (OMS 2002 : 12). Cette politique promeut principalement l’autonomie et l’indépendance des aînés. Plus précisément, la politique procède à un exercice de conscientisation face à la responsabilité individuelle et collective du vieillissement. L’OMS clame haut et fort l’importance de l’auto-prise en charge des personnes âgées et de la solidarité sociale : « Chaque personne, chaque famille doivent prévoir et se préparer pour la vieillesse, et faire des efforts personnels pour adopter de bonnes pratiques favorables à la santé tout au long de la vie » (OMS 2002 : 17). Les valeurs et les principes phares de la politique de l’OMS se retrouvent dans les politiques nationales. Plus près de nous, le Gouvernement du Québec a publié en 2012 sa version inspirée du cadre international de l’OMS avec « Vieillir et Vivre ensemble » qui vise trois orientations précises : « Vieillir et participer à la vie sociale, vieillir en santé sur tous les plans et vieillir dans des environnements sécuritaires » (Gouvernement du Québec 2012a : 42). La première orientation privilégie la participation et l'engagement social des aînés dans la communauté. L'activité physique et la prévention de la perte de l'autonomie des aînés sont centrales dans la deuxième orientation. La troisième orientation consiste à mobiliser les communautés dans la mise en place de services de proximité et d'un milieu de vie sécuritaire pour les aînés. Principalement, cette politique a comme élément central le maintien des aînés dans leur milieu de vie. Pour ce faire, la solidification des liens intergénérationnels est de mise puisque l'État prône une responsabilité partagée (Gouvernement du Québec 2012a : 44). De plus, l'ensemble de la politique fait la promotion du vieillissement actif qui est considéré comme un gage de bien-être susceptible d'améliorer les conditions de vie des personnes aînées (Gouvernement du Québec 2012a : 42). Ma recherche montre que les étudiants de l’UTAQ reprennent à leur compte le contenu

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de cette politique, sans doute sans en connaître l’origine et le parcours. Cela témoigne néanmoins du succès des stratégies de diffusion de cette politique.

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CHAPITRE 2 : Le cadre conceptuel

Nous venons de le voir, vieillir bien, en santé et en étant actif à tous les niveaux représente l’objectif principal de la politique publique de l’OMS à grande échelle. Cette politique est née et a été diffusée alors que les politiques néolibérales se répandaient tant chez les économistes que dans la population dans son ensemble. Je propose de montrer comment l’obsession pour le bien vieillir peut être corrélée à cette philosophie néolibérale. Ce lien se révèle d’ailleurs indirectement dans les propos des étudiants de l’UTAQ. Les propos des gens visés par les activités éducatives du troisième âge se situent dans une position mitoyenne entre une critique sociale qui donne une place importante à l’État et une critique en termes de responsabilisation propre au néolibéralisme.

2.1 L’anthropology of policy

L’anthropologie s’est intéressée à la manière dont les populations sont gouvernées dans nos sociétés industrialisées par le biais de politiques publiques. Cris Shore et Susan Wright ont largement contribué à la constitution de ce champ. La visée principale dans l’application d’une perspective anthropologique à l’étude des politiques publiques consiste à mettre en lumière deux choses. Premièrement, le point de vue anthropologique sera en mesure d’analyser, de façon critique, les politiques publiques en tant qu’instrument pour gouverner les populations, dans le cas présent les personnes vieillissantes sommées de demeurer actives. Les politiques publiques deviennent alors un outil pour comprendre « how systems of governance2 come into existence and how they construct subjects as objects of power » (Shore et al. 2011: 20). Deuxièmement, une approche anthropologique pourra également mettre en lumière comment une politique publique, comme celle du bien vieillir, vient affecter les choix que font les individus et leur justification. Si les politiques publiques gouvernent les populations, elles le font à travers ce que les chercheurs appellent des techniques, sur le modèle des techniques utilisées dans des domaines plus concrets comme l’agriculture par exemple. Dans la foulée de Hache (2007), je vais montrer que la responsabilisation peut être interprétée comme une technique de pouvoir, un moyen d’infléchir les choix des individus. Le propre des techniques de gouvernement c’est

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qu’elles apparaissent toujours comme allant de soi. Effectivement ne semble-t-il pas naturel que chacun assume la responsabilité de sa vieillesse? Ce domaine qu’est l’anthropologie des politiques rend possible l’étude détaillée des relations entre les individus et les politiques publiques qui deviennent le véhicule privilégié du gouvernement. Tel que Shore et Wright l’expriment : « Why an anthropology of policy? Is that policy provides a powerful conceptual tool for analysing the processes and agencies of government described above. It also offers the potential for a radical reconceptualization of the “field”; not as a discrete community or bounded geographical area, but as a social and political space articulated through relation of power and systems of governance » (Shore et Wright 1997: 14).

À la manière de Reinhold (1994), c’est avec une volonté de « studying through » que j’ai réalisé mes travaux de maîtrise, c’est-à-dire « tracing ways in which power creates webs and relations between actors, institutions and discourses across time and space » (Shore et Wright 1997 : 11). Shore et ses collègues considèrent que: « What gives anthropology its analytical edge is precisely its capacity to understand the meanings and subjective understandings of policy maker and, at the same time, to challenge received wisdom and think outside of the conventional policy box » (Shore et al. 2011: 8). Contrairement à eux, je ne vais pas m'attarder à ceux qui ont formulé la politique qui m’intéresse, mais bien aux personnes qui en sont le relais, qui la répercutent et contribuent à la « naturaliser ».

Pour illustrer la manière dont s’articule l’étude anthropologique d’une politique publique, prenons un exemple issu des travaux de Cruikshank (1999). L’auteure s’est attardée à illustrer la manière dont sont gouvernés les Américains en relevant plusieurs techniques qui sont difficilement repérables à première vue. Cruikshank tente de mettre en lumière les pourtours du « democratic mode of gouvernance » en insistant sur le fait que de nos

jours : « […] this is a manner of governing that relies not on institutions, organized violence or state power but on securing voluntary compliance of citizens » (Cruikshank 1999 : 4). Cruikshank présente le cas d’une nouvelle réglementation, à Minneapolis, concernant la gestion des ordures. En 1989, les autorités ont décidé de mettre sous clé la plupart des conteneurs à déchets de la ville. Les répercussions directes de cette politique ont principalement visé les personnes sans domicile fixe qui ne pouvaient plus récupérer la

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nourriture et le contenu des poubelles de la municipalité. Elle a cherché à s’entretenir avec différents acteurs dans le but de comprendre les motifs de l’implantation de cette politique. Elle a demandé à un caissier d’un magasin du coin et il lui a répondu que c’était pour des raisons de sécurité, pour éviter qu’un individu se blesse en tentant de s’introduire dans un conteneur de déchets pour ensuite accuser le commerce d’être responsable de l’accident. Une citoyenne lui a confié que l’implantation de cette politique est survenue suite à de nombreuses plaintes du voisinage quant à la présence de rassemblements nocturnes et bruyants autour de certains conteneurs à déchets. La politique aurait donc visé à éliminer « ces éléments perturbateurs » du quartier. D’autres ont évoqué des raisons de santé publique en affirmant que cette politique vise à éviter que les itinérants courent le risque d’empoisonnement alimentaire après l’ingestion d’un aliment avarié. Cruikshank a tenté de remonter directement aux autorités qui ont mis sur pied cette politique, mais ses nombreuses démarches et ses appels téléphoniques sont restés sans réponse, elle n’a jamais été en mesure de s’adresser aux concepteurs de cette politique.

Ce dernier élément est parfaitement caractéristique de la manière dont sont utilisées les politiques publiques et de la forme de pouvoir invisible qui s’y rattache. Les contours, à savoir où la politique débute et où elle se termine, sont souvent flous et méconnus. Pour Shore et Wright, ce flou est totalement délibéré de la part du gouvernement : « The lack (or invisibility) of a policy author has major implications for democracy. If one cannot identify an actual cause, an individual or an institution that is responsible for a policy reform, how is effective resistance possible? » (Shore et Wright 2011: 10). Dans le cas relaté par Cruikshank, on voit bien que l’absence d’un concepteur de la politique publique ou pour reprendre la métaphore d’Arthur Koestler « the ghost in the machine » est parfaitement illustrée (Koestler 1967).

Dans ma recherche j’ai gardé à l’esprit cette invisibilité et cette naturalisation des politiques publiques, sans chercher à identifier les auteurs. J’ai plutôt mis l’accent sur ses effets sur le discours des gens vieillissants, en particulier ceux qui fréquentent l’UTAQ. L’anthropology

of policy telle que l’envisage Shore et Wright s’inscrit dans la conception foucaldienne du

pouvoir qui fonctionne en réseau de manière diffuse et productive et non à partir d’un centre unique (l’État et ses appareils).

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2.2 Le pouvoir productif

Le pouvoir est un concept central dans la conception foucaldienne du gouvernement des populations. Il suppose un déplacement dans les visées du gouvernement. Du pouvoir souverain, axé sur la gestion du territoire, on passe à un pouvoir centrésur la gestion de la population. Dans ce premier déplacement, la population deviendra « la fin et l’instrument du gouvernement » (Foucault 1978 : 652). Cette nouvelle façon de gouverner cherchera à reproduire le modèle traditionnel d’économie familiale qui consiste à gérer la population comme le patriarche gère sa famille. C’est l’entrée de l’économie politique à l’intérieur du champ du gouvernement. Envisagé non pas comme une coercition, le pouvoir selon Foucault est productif et relationnel : « Le pouvoir c’est des jeux stratégiques (Foucault 1984 : 727) [...] jeux stratégiques qui font que les uns essaient de déterminer la conduite des autres » (Foucault 1984 : 728). De nouvelles technologies de pouvoir, visant à gouverner la vie, sont alors à l’œuvre : les technologies disciplinaires qui agissent sur le corps et les technologies régulatrices qui agissent sur les populations. Le type de pouvoir qui cherche à agir sur le vieillissement s’adressera non pas à « l’homme-corps », mais à

« l’homme-espèce ». Foucault explique cette différence d’échelle :

[…] la discipline essaie de régir la multiplicité des hommes en tant que cette multiplicité peut et doit se résoudre en corps individuels à surveiller, à dresser, à utiliser, éventuellement à punir. Et puis la nouvelle technologie qui se met en place s’adresse à la multiplicité des hommes, mais non pas en tant qu’ils se résument en des corps, mais en tant qu’elle forme, au contraire, une masse globale affectée de processus d’ensemble qui sont propres à la vie, et qui sont des processus comme la naissance, la mort, la production, la maladie, etc. (Foucault 1976b : 216).

La masse globale dont il est question ici est cette partie grandissante de la population qui vieillit et menace semble-t-il le bien-être de l’économie de la société. La mise en place d’une politique de la vieillesse vise à façonner la manière dont cette partie de la population va envisager son vieillissement. Plusieurs techniques seront utilisées pour rejoindre les personnes ainsi visées et je pose que la participation des aînés à l’UTAQ peut en être un exemple concret. La vieillesse marque donc un ensemble de personnes, dont les contours sont fluctuants, et cet ensemble devient gouvernable par l’entremise de politiques publiques et des techniques qui en découlent. Tel que l’indique Laliberte-Rudman : « From a

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governmentality perspective, such discourses have been conceptualized as technologies of government that enact power through shaping possibilities for how aging citizens, particularly those in the « third age », can and should understand themselves and act in relation to age » (Laliberte-Rudman 2015: 11).

Avec ce type de pouvoir s’opère un deuxième déplacement; alors que le pouvoir souverain supposait le pouvoir de donner la mort, cette nouvelle forme de gouvernement est préoccupée par la vie. Du pouvoir de faire mourir, on passe au pouvoir de faire vivre et de « rejeter dans la mort » les personnes qui ne se conforment pas (Foucault 1976a : 181).

Or, maintenant que le pouvoir est de moins en moins le droit de faire mourir, et de plus en plus le droit d’intervenir pour faire vivre, et sur la manière de vivre, et sur le « comment » de la vie, à partir du moment donc où le pouvoir intervient surtout à ce niveau-là pour majorer la vie, pour en contrôler les accidents, les aléas, les déficiences, du coup la mort, comme terme de la vie, est évidemment le terme, la limite, le bout du pouvoir (Foucault 1976b : 221).

Cette obsession pour les règles de conduite et les normes qui permettent d’optimiser la vie opère bel et bien dans la politique publique du bien vieillir. La régulation de la vie s’accompagne de normes, dans le cas qui m’occupe, il s’agit de normes concernant l’activité. L’activité doit en principe permettre de majorer la vie, et la technique qui l’accompagne et la soutient est la responsabilisation individuelle. Nous retrouverons ces éléments sous une forme ou une autre et parfois directement dans les propos des étudiants de l’UTAQ qui visent tous à conserver un niveau d’activité intellectuelle, physique et sociale qui est, selon eux, un gage de qualité de vie.

Ce mode de gouvernement des populations ne va pas sans instruments de surveillance : Et il s’agit surtout d’établir des mécanismes régulateurs, qui dans cette population globale avec son champ aléatoire, vont pouvoir fixer un équilibre, maintenir une moyenne, établir une sorte d’homéostasie, assurer des compensations; bref d’installer des mécanismes de sécurité autour de cet aléatoire qui est inhérent à une population d’êtres vivants, d’optimaliser un état de vie (Foucault 1976b : 219).

L’instrument privilégié dans nos sociétés est la santé publique et ses recommandations véhiculées dans les médias, mais aussi auprès des intervenants qui les transmettent aux personnes visées. Le but ultime étant un allongement de la vie et la stabilisation de l’état de

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santé tant physique que mental, la politique enseigne qu’un aîné qui restera actif et indépendant plus longtemps, vivra mieux et en meilleure santé.

2.3 La relation foucaldienne savoir-pouvoir

La surveillance et la rédaction de politiques publiques supposent toutes les deux une attention minutieuse aux processus et aux comportements des populations visées. C’est là le travail des différents domaines scientifiques lesquels, chacun à leur façon, contribuent à une meilleure connaissance de la population à gouverner. Ce type de gouvernement par la science et les politiques qui en découlent font des effets de pouvoir en proposant des normes, des idéaux que les gens sont incités à adopter à travers des programmes, des plans d’action et des initiatives diverses. Dreyfus et Rabinow précisent: « […] les normes ne sont pas statiques, mais elles se ramifient, du moins en principe, afin de coloniser jusqu’au moindre détail des micropratiques, de sorte qu’aucune action considérée comme importante et réelle ne puisse échapper à la grille de normalité » (Dreyfus et Rabinow 1984 :355). Foucault affirmait : «Une société normalisatrice est l’effet historique d’une technologie de pouvoir centrée sur la vie » (Foucault 1976a : 190). La science produit des savoirs qui se traduisent en normes qui opèrent de façon voilée, indirects : « Foucault nous montre que les normes de notre société et les méthodes de socialisation que nous employons sont uniques et exceptionnellement dangereuses. Il attire notre attention sur cette spécificité troublante, à savoir que les normes auxquelles notre société se réfère fonctionnent selon un type particulier de stratégie directe « une stratégie sans stratège » (Dreyfus et Rabinow 1984 : 355). Ces injonctions pénètrent donc notre existence de manière diffuse sans que nous puissions vraiment les remettre en question.

La norme qui nous intéresse ici est celle du bien vieillir. Elle s’accompagne d’une multitude de directives qui colonisent la vie de chacune des personnes dans la mesure où elles sont nécessairement appelées à vieillir. Ainsi le bien vieillir est transporté par les médias écrits et électroniques, mais aussi par des recherches, conférences, des cours, et des activités sociales. Une communauté importante d’auteurs (Laliberte-Rudman 2006, 2009, 2015; Lamb 2014; Dillaway et Byrnes 2009; Conway et Crawshaw 2009; Cardona 2008; Higgs et al. 2009; Rozanova 2010; Katz 2001/2002) dévoile l’omniprésence de cette norme avec ses multiples canaux de diffusion : « Positive aging discourses, a term being used to

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