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Du temps des hospices pour « vieux » aux maisons de retraite pour personnes âgées âgées

Introduction du premier livre

CHAPITRE 1 Historique et évolution du secteur médico-social

1.1 Du temps des hospices pour « vieux » aux maisons de retraite pour personnes âgées âgées

La notion de vieillesse et la représentation des personnes âgées diffèrent selon les époques. Sous l’Antiquité, alors qu’Aristote condamne la vieillesse54, Euripide, ne donne qu’un rôle secondaire aux « vieillards » qui ne sont pas réellement considérés. Seul, Platon donne une vision idéaliste de la « gérontocratie »55. En effet, lorsque Platon avance en âge, il prend conscience qu’il ne doit pas regretter sa jeunesse et qu’il doit désormais s’adonner à la vertu et aux plaisirs de l’esprit. Le philosophe exprime ainsi : « les vieux doivent commander, rendre la justice, donner l'exemple aux jeunes »56. Aristote, quant à lui, considère que la sagesse ne peut

54 BOIS J-P. (1989) Histoire de la vieillesse, Que sais-je ?, PUF, 124 p.

55 La gérontocratie est un système politique et social dominé par des vieillards, Définition Larousse, visible sur le site Internet du Larousse : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/g%C3%A9rontocratie/36820 (Dernière consultation le 30 juin 2014)

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se réaliser qu’en « possession des moyens corporels »57. Le vieillard doit être « confiné aux fonctions sacerdotales » et le gouvernement doit être « confié à des hommes jeunes et robustes »58.

Dans la Grèce Antique, 5 % à 8 % des personnes atteignent un âge supérieur à 60 ans avec une proportion d’hommes plus importante que celle des femmes. Cette situation a par ailleurs légitimé la mise en place du patriarcat dans la société59. A cette époque, on ne parle pas d’assistance aux personnes âgées. Si une personne est esclave, elle est condamnée à mourir en tant que tel, si elle est libre, elle est alors prise en charge par sa famille. Il n’existe ni lieux publics hospitaliers, ni établissements pour délivrer une prise en charge spécifique aux personnes âgées. Les premières traces de charité apparaissent, par le biais du christianisme, avec les premières diaconies60. Les diacres, sous la responsabilité des évêques, peuvent visiter les pauvres et les malades pour leur apporter une aide quelconque. Ils peuvent également recueillir de l’argent pour distribuer un secours à domicile. A cette époque, les diaconies deviennent les premiers établissements de bienfaisance, fondés par les chrétiens et limités aux seuls chrétiens. Leur croissance bénéficie de l’officialisation d’un christianisme qui devient religion d’Etat de l’Empire d’Occident sous Constantin au IV siècle (312)61. De nombreux hospices sont alors construits en France et en Europe pour accueillir les malades et les lépreux.

L’origine de l’hébergement des personnes âgées remonte à l’époque des hospices au Moyen-âge (1100-1500) et est essentiellement religieuse. Cette activité se poursuivra ensuite pendant la révolution. Selon BOIS J-P., les premiers établissements officiels sont les « Hospices de Jésus » établis par Saint Vincent de Paul en 1653 et « l’hôtel Royal des Invalides » en 1670 qui accueillait des militaires blessés ou âgés et malades62. Précisons qu’à l’époque du Moyen-âge, les notions d’âge et de vieillissement restent obscures car on se préoccupe davantage de la jeunesse qui représente la force et la beauté. Certes, il existe des établissements de bienfaisance religieux mais ils ne sont pas uniquement destinés à s’occuper des plus âgés. Ils accueillent les

57 MINOIS G. (1987) Histoire de la vieillesse : De l'Antiquité à la renaissance, Ed Fayard, 398p.

58 TRINCAZ J. (1998) Les fondements imaginaires de la vieillesse dans la pensée occidentale, Revue l’Homme, Tome 38, Volume 147, Ed. Ecole des hautes études en sciences sociales, Paris, p. 167-189.

59 MINOIS G. (1987) ouvrage cité

60 Une diaconie est un service d’assistance et de bienfaisance dans l’église primitive, Définition Larousse, visible sur le site Internet du Larousse : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/diaconie/25143 (Dernière consultation le 30 juin 2014)

61 TOLLEMER A. (1856) De Beaurepaire Charles, De quelques œuvres de miséricorde dans les premiers siècles

du christianisme…, n°1, volume 17, p.171-174

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personnes exclues, les enfants abandonnés et les personnes qui ne peuvent pas travailler (handicapés, malades, vieillards…).

Plus tard, Louis XIV souhaite organiser le système de soins au sein d’un même ensemble. Il organise alors l’hôpital général qui centralise la direction de cinq structures de Paris : La Pitié, Le Refuge, Scipion, Bicêtre et la Savonnerie63. En 1662, ce modèle d’organisation est étendu à tout le pays et en 1668, la gestion des hôpitaux n’est plus réalisée par le Clergé ou les religieux mais par des administrateurs quasi laïcs. L’activité de ces structures se poursuit pendant la révolution et fait alors apparaître la notion d’hospice entre 1795 et 179964. L’hébergement en général est officialisé à Paris avec la création du Conseil Général des hospices le 17 janvier 1801, qui est l’origine de l’assistance publique des hôpitaux de Paris, elle-même en place depuis le 10 Janvier 1849. Cette date marque le début d’une gestion de la politique sociale et sanitaire pour les indigents, dont les personnes âgées font partie.

Pour BOIS J-P.65, « la maison royale de santé » représente le premier établissement conçu spécifiquement pour l’accueil des personnes âgées en France. Elle a été construite sous l’autorité de Louis XVI en 1780 à partir d’une initiative religieuse. Edifiée dans le 14ème arrondissement de Paris, la « Maison royale de santé » voit le jour en 178366, puis deviendra « l’Hospice de Montrouge » en 1801, sur le site occupé depuis 1822 par « l’Hôpital La Rochefoucauld ». A cette époque, la « Maison royale de santé » n’accueille que des hommes. Elle comporte seize lits répartis dans une salle commune et accueille des soldats, des ecclésiastiques, des magistrats et des employés de la ville de Paris. En outre, sept chambres sont dédiées à des personnes âgées qui payent leur séjour. Cet établissement sera agrandi en 1801 pour accueillir 131 personnes âgées, hommes et femmes confondus. Sous la troisième république (1881), l’hospice « La Rochefoucauld » devient laïc. En 2014, le site de l’hôpital « La Rochefoucauld » est un EHPAD (Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes) qui offre 465 places en hébergement permanent.

A partir de la Révolution de 1789, l’assistance entre dans une nouvelle ère. Les assemblées révolutionnaires nomment un comité pour l’administration des secours publics pour

63 SAFON M-O. (2011) Historique des réformes hospitalières en France, IRDES, Mise à jour en 2011, 32p.

64 OUAD S. (2008) Les personnes âgées dépendantes à domicile : enjeux et dispositifs existants. Exemple du

département parisien, Mémoire Master IUP, 78p.

65BOIS J-P. (1989) Histoire de la vieillesse, Que sais-je ?, PUF, 124 p.

66 COUTEAUX J., REBELLIAU A. (1926) La maison de retraite de La Rochefoucauld de l'Assistance Publique

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« l’extinction de la mendicité ». C’est La Rochefoucauld-Liancourt qui est chargé d’établir un rapport. Il constate que les secours réalisés dans les hôpitaux sont insuffisants et que les dépôts de mendicité sont inutiles. Il présente alors un plan de réformes sociales et instaure la mise en place d’hospices départementaux pour les personnes infirmes et les vieillards. Ces entités sont « l’ultime recours pour ceux qui n’ont ni la force de travail nécessaire pour subvenir à leurs besoins, ni l’épargne suffisante pour vivre sans recours, ni le soutien de l’entourage familial (…), elles absorbent alors ces fins de vie »67.

A cette époque (17ème et 18ème siècles), la France connaît un essor démographique. Avant, elle est marquée par les catastrophes démographiques à cause des épisodes de peste, de guerre et de disette. Désormais, à la naissance, un individu peut espérer vivre 25 ans en moyenne, même s’il faut nuancer ce chiffre68. Un nourrisson sur quatre peut vivre jusqu’à un an et la moitié des enfants décède avant l’âge de onze ans. Une fois passé la barrière des 20 ans, les adultes bénéficient d’une espérance de vie plus élevée qu’à la naissance (35 ans) et peuvent espérer vivre 55 ans en moyenne. Toutefois, avant le 17ème siècle, ces données démographiques sont issues des cimetières et ne sont pas très fiables. Néanmoins, il semblerait que l’espérance de vie pour une même région soit relativement équivalente69. En 1789, la proportion de personnes âgées de plus de 60 ans est moins importante qu’aujourd’hui mais elle n’est pas négligeable. A cette époque, la France compte 20 millions d’habitants, dont 11,5 % de personnes de plus de 60 ans (2,5 millions)70 et dispose d’une structure démographique comparable à celle de l’Europe (120 millions de personnes, dont 12,5 % de sexagénaires, soit 15 millions). Constatant cette évolution démographique française, GUTTON J-P. constate que le 18ème siècle est marqué par « la naissance des vieillards ». Non seulement la société s’attache aux enfants mais elle se préoccupe également des plus âgés71. Désormais, la personne vieillissante possède des vertus morales et de sagesse et joue un rôle pédagogique. L’assistance aux vieillards s’étend alors progressivement et peut se réaliser, dès le 19ème siècle, à domicile ou par le biais des bureaux de bienfaisance (auparavant bureaux de charité), c’est à dire les hospices. Dans un premier temps, les secours se réalisent en nature (linges, vivres, médicaments…) puis en argent à partir de la fin du 19ème siècle. Les conditions d’hébergement et d’assistance aux vieillards infirmes et incurables évoluent alors progressivement. La loi du 7 août 1851 introduit la distinction entre

67 AMYOT J-J. (2007) Pratiques professionnelles en gérontologie, Paris, Dunod, p. 602, 1456p.

68 MASSET C. (2002) À quel âge mouraient nos ancêtres ?, INED, Population et sociétés n°380, 4p.

69 MASSET C. (2002) ouvrage cité

70 HENRY L., BLAYO Y., La population de la France de 1740 à 1860, Population, 30e année, n°1, p.71-122 (tableau 10 et 11 sur la population par sexe de 1740 à 1860)

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l’hôpital pour les malades et l’hospice destiné aux indigents, vieux et infirmes72. Cette première distinction restera cependant timide et sera confirmée avec la circulaire du 15 décembre 1899, puis officialisée avec la loi du 14 juillet 1905. Désormais, les hospices sont obligés d’accueillir les vieillards gratuitement et pour être accueillie au sein d’un hospice, une personne âgée doit résider au moins cinq ans dans la commune où est installé l’hospice.

A partir du 20ème siècle, l’image du vieillard se modifie profondément. Devenir vieux fait partie de la vie et est considéré comme une étape normale, consécutive notamment aux progrès de la médecine. Dès lors, cette évolution entraîne un essor de la prise en charge des personnes âgées qui, elle-même, va évoluer selon les périodes.

1.2 Quelle évolution des modes de prise en charge des personnes âgées aux 19ème