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Quelle évolution des modes de prise en charge des personnes âgées aux 19ème et 20ème siècles ? et 20ème siècles ?

Introduction du premier livre

CHAPITRE 1 Historique et évolution du secteur médico-social

1.2 Quelle évolution des modes de prise en charge des personnes âgées aux 19ème et 20ème siècles ? et 20ème siècles ?

La croissance de l’espérance de vie en France fait émerger la question de la prise en charge de la population âgée. Cependant, l’évolution de notre société va progressivement modifier le modèle initial. Pendant longtemps, c’est la famille qui assure ce rôle. Ce modèle familial « lie directement les membres d’un groupe sur la base de leur appartenance familiale, de voisinage, de travail et tissant des réseaux d’interdépendance sans la médiation d’institutions spécialisées »73. Jusqu’au début du 19ème siècle, plusieurs générations cohabitent généralement au sein d’un même foyer. Seules les personnes les plus isolées, celles qui ne peuvent plus travailler, celles qui n’ont pas l’épargne nécessaire pour subvenir à leurs besoins et celles qui n’ont aucun proche pour leur venir en aide, sont accueillies dans des structures sociales comme les hospices. Au cours du 19ème siècle, l’évolution de la société modifie ce modèle familial et l’on passe d’un modèle de famille élargie à une famille nucléaire74. L’exode rural, la révolution industrielle et la croissance des villes remettent le foyer familial en cause. Les plus jeunes quittent leurs aînés pour rejoindre les villes et le monde ouvrier. La cohabitation de plusieurs générations au sein d’un seul foyer s’étiole progressivement, en particulier dans les zones urbaines75. Les personnes âgées sans ressource sont alors placées en hospice (loi du 7 août 1851). Cette démarche est reprise dans le décret du 23 mars 1852 dans lequel il est précisé que les hôpitaux et les hospices

72 FELLER E. (2005) Histoire de la vieillesse en France (1900-1960), du vieillard au retraité, Ed. Seli Arslan, Paris, 351p.

73 CASTEL R. (1995) Les métamorphoses de la question sociale, Paris, Fayard, p. 34.

74 MARQUET J. (2001) Evolution et déterminants des modèles familiaux, qu’est ce qui a changé et pourquoi ?, Communications dans le cadre des journées d’étude de l’ACRF

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doivent accueillir les malades, vieillards et indigents (loi du 23 mars 1852)76. Il faudra tout de même attendre la circulaire du 15 décembre 1899 relative au règlement des hôpitaux et des hospices pour que soit distingué l’accueil des enfants abandonnés et celui des vieillards sans ressource et sans famille77. A ce moment, les conditions d’hébergement sont loin d’être optimales car les structures sont en très mauvais état. Dans un rapport de l’inspecteur général des hospices en 190278, la situation de l’établissement Forcalquier en est la preuve : « l’Hôpital-hospice de Forcalquier est installé dans les plus fâcheuses conditions. Non seulement les fiévreux et les blessés sont confondus dans la même salle, mais il n’est pas possible de séparer complètement, chez les hommes du moins, les vieillards des malades. Il y a bien une espèce de pièce réservée aux vieillards, mais elle est trop petite pour les contenir tous, et l’on est par suite obligé d’en mettre un certain nombre avec les malades. […] Quant à l’aménagement de ces salles il est aussi défectueux qu’elles sont insuffisantes ; presque toutes sont dans un état de délabrement qui donne à tout l’établissement un aspect de malpropreté et de misère. Les toilettes sont d’un système on ne peut plus primitif et dangereux, puisque les matières tombent directement dans la rue… »79.

Au début du 20ème siècle, les établissements urbains sont vétustes et surpeuplés alors que les établissements ruraux se dégradent sans que personne ne s’en soucie. Selon GARDEN M., le nombre de places disponibles au sein des Hospices de Lyon n’évoluent pas au cours du 19ème siècle alors que la population s’est multipliée par six au sein de l’agglomération et que les listes s’allongent dans toutes les villes80. Ce manque d’équipement devient une réalité pour beaucoup de villes. A Paris, entre 1860 et 1905, l’hébergement repose sur trois principaux établissements, Bicêtre (1 800 places), La Salpêtrière (2 600 places) et les Ménages (1 200 places). A cette époque, plusieurs fondations ouvrent, comme Chardon-Lagache en 1865, Lenoir-Jousseran en 1880 et Alquier-Debrousse en 189281. Toutefois, l’équipement diminue progressivement. A Paris, on note un lit d’hospice pour 106 parisiens en 1816, un pour 231 en 1859 et 280 en 189882. Mais un problème fondamental persiste. Ni la ville de Paris, ni l’Assistance Publique de Paris ne souhaitent assumer la construction et l’entretien de ces nouveaux établissements. Dès lors,

76 BOIS J-P. (1989) ouvrage cité

77 BOIS J-P. (1989) Histoire de la vieillesse, PUF, Que sais-je ?

78 A.D. des Alpes-de-Haute-Provence, liasse 4 Z 69.

79 FELLER E. (2005) Histoire de la vieillesse en France (1900-1960), du vieillard au retraité, Ed. Seli Arslan, Paris, 351p.

80 FELLER E. (2005) ouvrage cité

81 FELLER E. (2005) ouvrage cité

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les autorités ont recours au « secours d’hospice ». Ce dernier indemnise les pensionnaires qui attendent qu’une place se libère. En 1898, à Paris, sur 23 203 vieillards indigents âgés de plus de 70 ans, 4 265 sont hospitalisés (un peu plus d’un cinquième). Les autres (18 238) sont secourus à domicile83.

A partir du milieu du 20ème siècle (1940), l’institutionnalisation des personnes les plus démunies et les plus dépendantes se généralise. A cette époque, les structures d’accueil bénéficient une image positive et représentent la réponse idéale face aux besoins des personnes âgées qui ne peuvent plus rester à domicile. En effet, les bâtiments sont désormais mieux conçus, mieux entretenus et plus propres qu’à la fin du 19ème siècle. La communication autour de ces structures met en avant la diversité des services proposés et une vie comme à « l’hôtel ». Cet accueil est désormais disponible aussi bien pour les personnes dépendantes que pour les personnes en perte d’autonomie légère ou modérée. Dès lors, les demandes d’hébergement s’intensifient mais l’offre devient rapidement insuffisante et les listes d’attente s’allongent. De plus, l’offre n’a pas le temps de s’organiser correctement et reste inadaptée à une prise en charge individuelle. Finalement, elle décline rapidement car elle ne permet pas aux personnes malades ou vieillissantes de résider dans de bonnes conditions. On assiste alors à une dégradation de l’image des structures d’hébergement. A partir des années 1970, l’hébergement collectif commence à être critiqué et prend une connotation négative. Plusieurs rapports, tels que ceux des québécois et canadiens de MARTIN J-M. et NEPVEU G.84, relatent cette vision négative de l’hébergement collectif qui reflète la situation de certains pays comme celle de la France. Ces auteurs constatent que les soins prodigués sont inadaptés et que le personnel manque de qualification. Le cadre des établissements est peu chaleureux et les bâtiments ne sont pas adaptés à la prise en charge des personnes âgées. L’hygiène et la dignité des personnes ne sont pas respectées85. Pour MARTIN J-M et NEPVEU G., l’institutionnalisation dans de mauvaises conditions peut même entraîner des effets négatifs sur la santé des personnes âgées et accroître leur perte d’autonomie. Malgré tout, la prise en charge institutionnelle des personnes âgées continue de progresser fortement dans les années 1960. Le rapport Laroque (issu des travaux de la commission d’étude des problèmes du vieillissement du Haut Comité consultatif de la

83 FELLER E. (2005) ouvrage cité

84 MARTIN J-M., NEPVEU G. (1970) Pour une politique de la vieillesse, Commission d’enquête sur la santé et le bien-être social, Ed. Publication gouvernementale, Quebec

85 ROCHON J. (1988) Les services de santé et les services sociaux : problématiques et enjeux, Rapport de la commission d’enquête sur les services de santé et les services sociaux, Québec, 221p

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population et de la famille)86, la mise en place du système de protection sociale et la couverture des retraités modifient l’image et la prise en charge des personnes âgées. La personne âgée ne doit plus être considérée comme une personne pauvre et assistée et ne doit plus être prise en charge par l’aide sociale. Elle est désormais considérée comme un citoyen à part entière. Le rapport Laroque (1962) insiste sur le fait que la société doit « vivre ensemble » et que les personnes âgées ont toutes leur place au sein de la société. Ces thématiques prennent de l’ampleur et deviennent de plus en plus importante au sein des réflexions sociétales. Le secteur se structure alors progressivement. Les structures d’hébergement bénéficient alors d’un statut en fonction des services et des soins qu’elles prodiguent (structure sociale, médicalisée ou de long séjour) et la dénomination « maison de retraite » apparaît grâce à l’ordonnance du 11 novembre 1958 qui stipule que « si les hospices ne reçoivent que des vieillards, ils prennent le nom de maison de retraite »87.

Les années 1980 marquent un tournant important dans le domaine de la prise en charge des personnes dépendantes. Désormais, le maintien à domicile devient privilégié et se développe progressivement88. Des mesures avaient pourtant été tentées bien avant, comme avec la loi du 7 août 1851, qui définit le statut des établissements et des modalités d’accueil en hospice89, dans laquelle un texte d’Armand de Melun90, sous proposition de son frère Anatole de Melun précise : « Cette vie commune et disciplinée appliquée à des hommes de mœurs, d’humeurs, d’états si différents devient pour eux un supplice. Lorsque avec un secours moindre qu’il recevrait à domicile, le vieillard ferait bénir sa présence au milieu de sa famille à qui il rendrait encore quelques services, il est enfermé, loin du foyer domestique, avec des hommes que leur âge, leurs infirmités rendent tristes et moroses comme lui »91.

Ce n’est que dans les années 1970, avec la circulaire ministérielle du 11 Octobre 1972 que le rôle de l’aide-ménagère va être valorisé notamment avec le « lien social » qui intègre les personnes âgées au sein d’un réseau de services. A cette époque, le manque de coordination fait défaut et ne permettra pas au maintien à domicile de se développer correctement. Il faudra

86 Rapport Laroque (1962) Politique de la vieillesse, Rapport

87 AMYOT J-J. (2008) Travailler auprès des personnes âgées, 3ème édition, Ed. Dunod, Coll.Santé Sociale, 416p.

88 GIMBERT V., MALOCHET G. (2011) Les défis de l’accompagnement du grand âge Perspectives

internationales, Centre d’analyse stratégique, DREES, 186p.

89 DEBAFLE P. (1979) L’administration de Paris (1789-1977) : actes du colloque tenu au Conseil d’Etat le 6 mai

1978, Paris, Ed. Champion, 146p.

90 Armand de Melun (1807-1877) est un homme politique français de tendance catholique sociale. Il fera voter diverses lois sociales relatives aux logements insalubres, à l’assistance juridique, à l’assistance hospitalière…

91 DALLOZ A., DALLOZ E. Jurisprudence générale années 1951, Paris, Bureau de Jurisprudence de Paris, p. 160-161

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attendre les années 1980 pour que les services au domicile se développent concrètement et pour que l’institutionnalisation soit réservée aux personnes très vulnérables et très dépendantes. Aujourd’hui, le maintien à domicile représente le mode de prise en charge privilégié. Non seulement, il assure le bien-être des personnes âgées peu et modérément dépendantes mais il correspond aux orientations politiques actuelles et à la réduction des dépenses publiques. Toutefois, l’institutionnalisation reste obligatoire lorsque la vie à domicile devient trop lourde, ce qui signifie que cette offre doit non seulement continuer de se développer mais elle doit également s’améliorer pour s’éloigner de l’image de « mouroirs ». De plus, les acteurs du secteur médico-social se prennent conscience que si la décision d’hébergement est réalisée au moment opportun et avec l’accord du futur résident, l’institutionnalisation peut être réconfortante et représente l’alternative la plus appropriée au bon état de santé de la personne.

L’évolution du statut des personnes âgées est le résultat des bouleversements de notre société et des changements de mentalités. Si la vision des personnes âgées et de leur mode d’hébergement a évolué, c’est également l’ensemble du secteur médico-social et de son cadre législatif qui s’est transformé.

1.3 Un secteur dynamique qui se dote d’une structuration institutionnelle efficace