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Quelle prise en charge de la dépendance en France et dans les pays de l’OCDE ?

Introduction du premier livre

CHAPITRE 2 La prise en charge de la dépendance au-delà des frontières nationales

2.2 Quelle prise en charge de la dépendance en France et dans les pays de l’OCDE ?

Le système de prise en charge de la dépendance est différent selon les pays. Tout d’abord, la notion de dépendance n’est pas identique et ne recouvre pas les mêmes dimensions. Comme nous l’avons exposé en introduction, en France le terme « dépendance » désigne « l'état de la personne qui, nonobstant les soins qu'elle est susceptible de recevoir, a besoin d'être aidée pour l'accomplissement des actes essentiels de la vie, ou requiert une surveillance régulière » (Loi n°97-60 du 24 janvier 1997). L’âge reste le critère discriminant et entraîne une coupure entre la prise en charge du handicap et la prise en charge de la dépendance. Au contraire, dans les pays anglo-saxons et les pays d’Europe du Nord, la prise en charge est réalisée en fonction du besoin de soins de la personne âgée et non de l’âge. Dans ces pays, le terme « soins de longue durée » est par ailleurs utilisé pour désigner ce type de prise en charge. L’hétérogénéité de l’organisation de la prise en charge de la dépendance vient également des différents modèles existants (beveridgien, bismarckien, intermédiaire et particulier) et des différences d’organisation du système (Etat central, collectivités locales et assurance sociale). Enfin, cette

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prise en charge diffère à la fois selon les objectifs des gouvernements (institutionnalisation ou domicile) et à la fois d’une prise en compte de la dépendance récente ou ancienne, comme par exemple les pays du Nord (Suède, Danemark, Pays-Bas) qui sont les précurseurs de la prise en charge de la dépendance à domicile.

Le domicile et l’institutionnalisation : recherche constante d’une amélioration de la qualité de prise en charge

Le vieillissement de la population représente un enjeu commun pour l’ensemble des pays de l’OCDE. Globalement, la dépendance est un problème qui concerne le « grand âge » et la prévalence augmente avec l’âge. Mais il ne faut pas faire de généralités. En effet, la moitié des services de soins de longue durée est occupée par des personnes de plus de 80 ans mais une personne sur cinq est âgée de moins de 65 ans159. Face au vieillissement démographique, les pays mènent des réflexions sur les modes de soutien adéquat pour faire face à la dépendance et sur une gestion des coûts financiers induits. Pour que l’offre réponde à la demande, elle doit non seulement reposer sur des solutions de maintien à domicile et d’institutionnalisation, mais également sur des réponses intermédiaires. Néanmoins, tous les pays n’ont pas envisagé la prise en charge de la dépendance au même moment et n’ont pas tous orienté leur politique vers les mêmes formes de prise en charge. En effet, les situations divergent en fonction de la place de l’individu, du rôle des familles, des aidants informels et des pouvoirs publics. Dans le domaine du maintien à domicile, le Danemark est le précurseur puisqu’il a fait de cette forme de prise en charge, une réelle priorité dès les années 1970. De son côté, la Suède favorise l’institutionnalisation jusqu’en 1980, pour ensuite considérer plus sérieusement le domicile. Mais la plupart des autres pays de l’OCDE, comme la France, attendront les années 1980 pour se concentrer plus sérieusement sur le domicile160.

Au Danemark (5,4 millions d’habitants en 2008), 21,6 % des personnes âgées de plus de 65 ans en perte d’autonomie résident à domicile en 2008161, soit environ 1,1 millions de personnes. En France, ce sont 5,6 % des personnes âgées de plus de 60 ans (3,6 millions) qui résident chez elles malgré un problème de santé ou un problème de dépendance. Ces chiffres résultent d’une politique récente de maintien à domicile combinée à une diversification des prestations et des

159 GIMBERT V., MALOCHET G. (2011) Les défis de l’accompagnement du grand âge Perspectives

internationales, Centre d’analyse stratégique, DREES, 186p.

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structures d’accueil depuis les années 1990, soit plus tardivement que dans les pays nordiques. De son côté, l’Italie ferme la marche avec un peu moins de 3 % de personnes âgées qui résident chez elles avec un problème de santé. Pour cette dernière, cette faible proportion provient d’un manque de dispositifs. L’offre de services minimaux ainsi que des prestations nationales existent mais ne suffisent pas à garantir une prise en charge à domicile adéquate. De plus, si le maintien à domicile repose initialement sur une prise en charge familiale et sur l’aide informelle, ces aides diminuent progressivement, ce qui fait que l’Italie a de plus en plus recours au marché privé informel et emploie des travailleurs immigrés pour faire face à ce type de besoins. Parallèlement, l’institutionnalisation n’est envisagée qu’en dernier recours et plus particulièrement pour les personnes qui ne bénéficient ni de ressources suffisantes, ni d’aide informelle ou pour les veuves162. Au Danemark, le domicile résulte d’un choix politique fort, ce qui fait que le pays possède une offre plus structurée en la matière. Quelques soit son degré de dépendance, une personne dépendante choisit son lieu de résidence. Les municipalités sont chargées d’organiser et de financer la prise en charge de la perte d’autonomie. Les services sont quasi gratuits ou nécessitent un co-paiement qui n’excède pas 15 % du revenu des personnes163. De plus, les nouvelles constructions immobilières orientent leurs choix en fonction du maintien à domicile, ce qui fait que depuis 1987, seuls des appartements adaptés aux besoins des personnes âgées sont construits au dépend des maisons de retraite. En France, la question de l’adaptation du logement est plus récente. Les aides relèvent de l’Agence NAtionale de l’Habitat (ANAH) et de l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA) mais le dispositif reste peu lisible compte tenu de la diversité des acteurs et des aides octroyées. Depuis plusieurs années, la France tente de structurer ce secteur et nous verrons dans une prochaine partie les différents partenaires et les mesures engagées pour améliorer ce secteur (Livre 2, Chapitre 2). De manière générale, le maintien à domicile nécessite des logements évolutifs et adaptables aux besoins des personnes âgées. Dans ce domaine, les Pays-Bas et le Danemark sont les mieux pourvus avec respectivement 45 % et 20 % de logements adaptés pour la population âgée. Les taux les plus bas concernent l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. La France arrive en situation intermédiaire avec 18 %164.

Du côté de l’hébergement complet, les pays doivent également répondre à une demande croissante. En France, depuis la loi de 2002, les Etablissements d’Hébergement des Personnes

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Âgées Dépendantes (EHPAD) rassemblent l’ensemble des établissements médico-sociaux et sanitaires relatifs à la prise en charge des personnes âgées (maisons de retraite, USLD, foyers-logements, hébergements temporaires…). La plupart des structures réalise plusieurs types de prestations au sein d’une même entité mais elles tendent à se spécialiser progressivement en fonction du public hébergé. C’est le cas notamment avec le « Plan Alzheimer » et la création de services ou d’établissements spécialisés. En Allemagne, on assiste à la mise en place de zones de regroupement de services, où plusieurs établissements se regroupent au sein d’un même espace pour faciliter le transfert des personnes âgées d’une structure à l’autre selon les besoins165.

Enfin, entre le domicile et l’institutionnalisation, les pays mènent des réflexions pour trouver des solutions d’accueil intermédiaire. Ce type d’accueil doit entretenir l’autonomie de la personne et prévenir de l’isolement social. Ces formes de logement concernent une large partie de la population âgée car ils répondent aux besoins des personnes légèrement dépendantes mais qui nécessitent tout de même des soins et des services. Aux Pays-Bas, cette formule est développée sous la dénomination de « Woongroepen ». En 2007, le pays possède 300 établissements de ce type organisés en petites structures ou en logements individuels au sein d’ensembles d’habitats166. Au Royaume-Unis ou au Danemark, ce type d’hébergement existe sous forme de communautés d’habitation, nommées respectivement «Abbeyfield » et « Aelreboliger ». Ces résidences services permettent à des personnes âgées de résider de manière autonome dans un appartement tout en faisant appel à des aides et des soins extérieurs167.

Depuis 2010, les pays doivent progressivement adopter un standard de qualité pour la prise en charge des soins de long terme. A titre d’exemple, cette gestion de la qualité dépend des autorités locales en Italie ou du niveau national aux Pays-Bas. En France, les normes de qualité sont gérées par la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA) et l’Agence Nationale d’Appui à la Performance (ANAP). Toutes ces pratiques sont innovantes et sont indispensables mais elles peuvent entraîner des différences importantes en matière de prise en charge selon les pays. Il est donc important de construire des indicateurs communs et d’intégrer les différents acteurs du système (professionnels, usagers, familles…) pour aboutir à une

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standardisation de l’offre et à une définition de meilleures pratiques. Certains pays ont bien intégré cela et avance en ce sens, en incluant l’usager et sa famille. La Suède l’a bien compris et a d’ores et déjà mis en place un comité de patients dans chaque comté et dans chaque municipalité.

Le rôle primordial des aidants

Le rôle des aidants est très important, voire de premier plan, dans la prise en charge des personnes âgées. L’aide informelle est relativement identique selon les pays. Les aidants sont âgés entre 45 et 64 ans et deux tiers sont des femmes168. Cette aide est principalement réalisée par un proche ou un membre de la famille. En effet, 80 % des heures d’aides sont assurées par un membre de la famille. Pourtant, ce rôle représente une réelle charge sur la vie personnelle des aidants. En effet, si l’aidant est un acteur important dans l’accompagnement des personnes âgées à domicile, il a besoin de soutien pour faire face au poids de cet investissement. Il doit parfois prendre des décisions importantes dans un contexte d’urgence (maintien à domicile ou institutionnalisation) et peut être confronté à des relations tendues avec la personne dépendante. Ce poids engendre une modification des relations familiales et les priorités ne sont plus les mêmes. La personne âgée devient le centre des préoccupations, ce qui fait que l’aidant accorde moins de temps à sa vie personnelle et professionnelle.

Si cette ressource est très importante, elle devrait diminuer dans les décennies à venir. La féminisation du travail, l’éloignement géographique et les recompositions familiales sont des facteurs qui tendent à réduire le nombre d’aidants169. Face à ce constat, les pays prennent conscience de l’importance de cette ressource et mènent des réflexions pour tenter de la préserver. Car le point essentiel pour préserver l’aide informelle reste le soutien. Ce rôle est mieux toléré si l’aidant arrive à trouver un équilibre et à concilier l’accompagnement d’une personne âgée, sa vie personnelle et professionnelle. Des mesures sont progressivement mises en place mais restent encore trop légères. En 2006, la France proposait une loi pour la création d’un « statut d’aidant » mais ce projet est laissé sans suite à l’époque. La même année, les Pays-Bas adoptaient une loi sur l’aide sociale, la «Wet maatschappelijke ondersteuning » (WMO) pour que les municipalités apportent le soutien nécessaire aux aidants. En 2009, la Suède

168 BARANGE C., EUDIER V., SIRVEN N. (2008) Enquête SHARE sur la santé, le vieillissement et la retraite en Europe devient longitudinale, 2ème vague de données, Question d’économie de la santé n°137, 4p.

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adoptait une loi pour que les des aides individualisées soient accordées aux aidants170. A partir de cette période, certains pays commencent à rémunérer les aidants, notamment par le biais d’un contrat de travail. C’est le cas au Royaume-Uni mais les montants restent trop faibles et les critères d’attribution sont trop stricts. En Espagne, une prestation spécifique a été instituée dans le cadre de la loi « Ley de Promoción de la Autonomía Personal y Atención a personas en situación de dependencia » en 2006. La personne âgée a le choix de faire intervenir un membre de sa famille qui sera rémunéré par l’Etat en échange d’une inscription à la sécurité sociale. C’est toute la différence avec la France où ce type de contrat n’existe pas. Une personne âgée ne peut pas rémunérer une personne grâce à un contrat de travail. Elle peut uniquement le faire par le biais de l’APA. Parallèlement, depuis 2007, la France dispose de deux outils : le congé familial et le congé de solidarité familiale. Le premier consiste à effectuer une demande de congé pour un certain délai. Il assure un retour à l’emploi et une garantie de cotisations à la sécurité sociale. Le second accorde une interruption totale ou partielle de l’activité professionnelle de l’aidant. Depuis 2010, une allocation journalière d’accompagnement pour une personne en fin de vie a été mise en place. Cette démarche s’inspire de l’allocation suédoise « Care leave », dont le montant est plus avantageux qu’en France (80 % du salaire de l’aidant)171. Le montant journalier en France est de 53 euros en 2014 et cette prestation peut être perçue pour une durée maximale de vingt et un jours.

Lorsque l’aidant souhaite conserver sa profession, les temps de répit s’avèrent indispensables. Pour cela, la France dispose d’accueils de jour et de formes d’hébergements temporaires qui permettent à une personne dépendante d’être prise en charge pendant une période donnée. Au Québec, il existe une autre forme que l’on appelle « baluchonnage ». Cette forme « d’aide à l’aidant » consiste à faire intervenir une personne au domicile de la personne âgée pour lui tenir compagnie et la surveiller de manière continue. Au Luxembourg, il existe les gardes de nuits mais qui ne sont pas spécifiques aux personnes âgées. D’autres pays commencent à développer des formes de répit par le biais de prestations de loisirs. Au Royaume-Uni, il existe le « Direct payment for carrer » pour financer certains loisirs et en Australie, des « summer camps » (camps de vacances) sont proposés aux aidants172.

Si les réflexions politiques orientent de plus en plus leurs mesures sur le développement du maintien à domicile et sur la prise en considération de l’aide informelle, elles intègrent

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désormais les problématiques d’hébergement intermédiaires et de soutien des aidants. Toutefois, le chantier est vaste et beaucoup d’améliorations s’avèrent encore nécessaires. Les pays nordiques sont précurseurs dans le maintien à domicile mais la France doit rattraper un certain retard. En effet, elle manque de places d’hébergement complet, temporaire ou d’accueil de jour et les aides à domicile manquent de coordination et de structuration. De plus, lorsqu’elles existent, elles n’allègent que partiellement les contraintes professionnelles et financières des aidants.