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TECHNOPHANIQUES : DE QUEL SYMBOLE

Dans le document Manufactures Technophaniques (Page 116-123)

PARLE-T-ON ?

Maintenant que nous avons replacé la proposition technophanique dans son contexte et montré à quel point elle paraît contradictoire, nous allons pouvoir aborder plus finement ce que Simondon en dit et les manières dont il l’articule. Deux questions majeures se posent : comment Simondon entend-il le symbole, terme aux acceptations très diverses ? Et comment replacer cette acceptation dans la suite de la hiérophanie d’Eliade ?

En réalité, la description que Simondon fait de la technophanie est profondément problématique, notamment au regard des exemples qu’il utilise. Au fur et à mesure du texte, les significations du terme varient et qualifient des objets d’ordres différents voir contraires. Cette imprécision a eu pour impact de diluer voir de dissoudre la proposition technophanique à tout objet technique, d’où le manque de commentaires ultérieurs de ce terme. La raison de cette imprécision, selon moi, réside dans l’hétérogénéité des acceptations de la notion de symbole qu’il invoque. Nous reviendrons dans ce chapitre sur ces problèmes et les interprétations qui en ont été faites, pour ensuite nous éloigner de Simondon et proposer une lecture du terme en même temps plus précise et plus générale. Cette entreprise sera possible uniquement parce qu’elle s’appuie sur ma pratique : c’est l’existence de mes projets et leur analyse qui va me permettre d’en proposer une interprétation liée à des cas concrets.

Expérience du paratonnerre, Eau-forte, XVIIIe

siècle. Fig 33.

172 173 Il va nous falloir commencer ce chapitre par une analyse de texte. “Psychosociologie

de la Technicité” contient trois parties distinctes. Les deux premières parties sont les transcriptions d’un cours donné entre novembre 1960 et juin 1961 à Lyon. La troisième partie provient d’une conférence faite à Bordeaux en 1961. Comme nous allons le voir, les notions et exemples utilisés par Simondon pour parler de technophanies changent au cours du texte. On peut ainsi supposer que sa pensée a évolué au cours de l’année universitaire. Pour analyser ses usages, nous allons découper le texte en trois moments : un premier moment dans la partie 1, que nous qualifierons de technophanie faible, un second moment dans la partie 3 qui considère la technophanie comme relation au milieu technique, et enfin un troisième moment dans cette même partie 3 qui sera la proposition technophanique forte.

7.1. TECHNOPHANIE FAIBLE : HÉTÉROGÉNÉITÉ DE LA PROPOSITION

La première partie du texte est relativement déroutante. Simondon introduit le terme de technophanie en utilisant plusieurs exemples d’ordres divers.

Il commence par évoquer ce que l’on pourrait qualifier d’objets “phanéro-techniques positifs” : il parle des pendules ou des montres, dont les rouages, plutôt que d’être cachés dans une coque opaque, sont partiellement visibles. Leur “balancier spiral doré, miroitant, prestigieux en sa lente oscillation sous une cloche de verre”1 serait technophanique, parce que sa technicité serait source de prestige. Plus loin dans le texte, il mentionne aussi des pavillons d’échappement d’automobiles ou de motos qui permettent d’améliorer leur efficacité, mais deviennent aussi signes culturels de cette puissance. Ces premiers exemples sont de l’ordre de la monstration. Comme dans les machines exposées dont nous avons discuté en début de cet écrit, le fonctionnement est mis en scène et devient signe de ce qu’il est : précision pour le pendule, puissance pour les pots d’échappement. Comme pour une moissonneuse-batteuse, une moto de course, une cigarette électronique surdimensionnée ou une tronçonneuse thermique, l’objet acquiert une signification sociale associée à ses propriétés techniques (maîtrise de la matière, puissance, force, moyen efficace).

Le second groupe d’exemples que Simondon utilise peut être qualifié de “substitutif” : il parle du tableau de bord d’une automobile ou d’un avion. Selon lui, ces systèmes seraient technophaniques parce que les éléments qui les composent seraient “symboles de l’existence d’un fonctionnement”2. Les boutons, les LED ou même la marque du constructeur gravé dessus permettent une médiation dans l’usage des techniques sous-jacentes. Cette technophanie est, à l’inverse de la précédente, crypto-technique car permet l’utilisation d’un système technique sans y avoir accès ni en comprendre la logique interne. C’est d’ailleurs en référence à cet exemple que Simondon affirme qu’”un aspect presque essentiel de l’esthétique industrielle consiste à organiser la technophanie”3. Sur ce point, il conçoit la pratique du design comme mise en boîte d’un fonctionnement technique et élaboration de médiations d’usages (nous y reviendrons dans la troisième partie de cette thèse). Cette exemplification de la technophanie va finalement à l’inverse de son intention première, puisque son rôle ne permet pas de communication directe entre l’utilisateur et la technique. La tableau de bord est un écran, fait de signes conventionnels. Il ne donne pas accès à une compréhension du schème technique. Le tableau de bord ne permet pas de comprendre la machine, et de “prolonger l’acte d’invention”. Au contraire, il permet de ne pas se soucier des réalités techniques exactes.

Une troisième série d’exemples concerne ce que Simondon appelle les “sous-groupes

1 Gilbert Simondon, “Psychosociologie de la technicité (1960-1961)”, dans Gilbert Simondon, Sur la

Technique, Paris, Presses Universitaire de France, 2014, p. 31.

2 Ibid., p. 40. 3 Ibid., p. 39.

dominés” : enfants, femmes, groupes ruraux et sous-groupes en situation prégnante (comme les marins). Je ne m’attarderai pas sur les paragraphes particulièrement dérangeants, voire carrément misogynes, en tout cas totalement irrecevables, concernant la relation des femmes à la technique. Mais le passage sur les enfants est intéressant. Selon Simondon, “le jouet est archétypal, il contient une image [...] Le jouet représentant une locomotive n’est pas seulement l’objet locomotive, mais l’image et le symbole d’une catégorie entière d’êtres techniques susceptibles de développement.”4

Comme dans les rites décrits par Ernst Cassirer, “le jeune enfant ne voit pas seulement ou n’entends pas seulement une automobile : il est automobile ou camion, il fait lui-même le bruit du moteur, et, par participation, il est le moteur ; il freine, il accélère, ce qui veut dire qu’il se freine et qu’il s’accélère. Des enfants qui font le train sont eux-mêmes locomotives ou wagons, ils ne contentent pas d’être dans le train.”5 Ce cas est intéressant parce que les enfants, au sein de leurs jeux, montrent bien l’absence de dichotomie entre sujet humain, objet technique et animal : ils peuvent, à l’instar des Kasuas que nous verrons en conclusion, se mettre dans la peau d’animaux, de machines ou de héros et en emprunter leurs comportements6. Ils font preuve d’une empathie interspécifique.

Ces premiers exemples sont relativement confus. Ils sont d’ordres différents et ne semblent pas faire pleinement justice à la hiérophanie d’Eliade dont la symbolique n’est pas limitée au signe, mais bien aux imaginaires complexes et ambivalents. Simondon ne les argumente pas profondément ; il semble lui-même hésiter sur ce que pourrait être la transposition de la hiérophanie à la technique. Il va nous falloir aller plus loin dans le texte pour trouver des propositions plus convaincantes.

7.2. TECHNOPHANIE COMME RELATION AU MILIEU

Au début de la troisième partie de son texte, Simondon élabore une argumentation de manière bien plus nourrie. Il soutient tout d’abord que “la technicité vraie est un caractère du réseau d’objets et non de l’objet. À proprement parler, une automobile n’est pas un objet technique, mais un élément d’un ensemble technique formé par le réseau routier, par le réseau de stations-service, par le réseau de postes distribuant des pièces de rechange et effectuant les réglages nécessaires [...] De la même manière, un avion ne se suffit pas à lui-même : il doit être pensé par référence aux aérodromes, au réseau de radionavigation aérienne, au système d’approvisionnement en combustible”. Simondon fait alors le parallèle entre les réseaux de sacralité et les réseaux techniques par un usage particulier du terme de symbole, comme dans le cas de la téléphonie :

“L’appareil ancien n’était symbole que d’un autre appareil du même type ; l’appareil nouveau est symbole de tout l’ensemble d’alimentation et d’automatisme. La technicité de la téléphonie est dans l’ensemble constitué par le réseau et les appareils ; elle n’est pas contenue dans un seul objet ; elle est même de moins en moins contenue dans l’objet, qui perd de sa densité, de sa réalité interne, à mesure qu’augmente la réalité du système total. Chaque ustensile existe de moins en moins comme objet et de plus en plus comme symbole.”7

4 Gilbert Simondon,op. cit.,p. 41. 5 Ibid., p. 44.

6 En cela l’exemple de Simondon rejoint la triangulation que Haraway opère en soutenant que les frontières entre humain, animal et machine sont devenues caduques depuis le XXIe siècle. Voir Donna Haraway, Donna Haraway, “Manifeste Cyborg : science, technologie et féminisme socialiste à la fin du XXe siècle” (1984), dans Donna Haraway, Manifeste Cyborg et autres essais : sciences, fictions, féministes, Paris, Exils, 2007. Disponible sur <http://ferbos.jeanfrancois.free.fr/psychanalyse-et-creation/IMG/pdf/savoirs_situe_s_version_2015. pdf> (consulté le 15 août 2018).

174 175 La seule reprise explicite de la notion de Technophanie a été réalisée lors d’une

conférence intitulée “Design et Technophanie”, du cycle de recherche “Les Ateliers Simondon 2012-2013” par Vincent Beaubois, doctorant en philosophie à Paris 10 sous la direction d'Anne Sauvagnargues. Son intervention a ensuite donné lieu à une publication éponyme dans le cinquième numéro des Cahiers Simondon sous la direction de Jean-Hugues Barthélémy. Si je le cite ici, c’est justement parce que son analyse se concentre sur ce passage du texte. Beaubois relie cette interprétation à d’autres usages du symbolique chez Simondon :

Le terme de symbole possède, chez Simondon, un sens précis. Dans sa thèse principale L’Individuation à la Lumière des Notions de Formes et d’Informations, il l’utilise notamment pour exprimer la situation de l’individu vivant : l’individu n’est pas le tout de l’être, étant toujours associé à un milieu avec lequel il est en communication permanente et qui est la condition de son devenir. L’individu est alors dit “symbole” de son milieu associé, l’un renvoyant à l’autre comme condition réciproque d’existence.8

Beaubois met ainsi parfaitement en lumière ce que Simondon développe dans cette partie : la technophanie exprimerait la relation entre l’objet technique et son milieu associé, au sens d’une “co-implication entre les deux”9.

La technophanie, c’est l’expression dans un objet de l’attachement à un ensemble. [...] La technophanie d’un objet technique correspond à la manière dont cet objet là se fait symbole de son ensemble technique.10

Cette proposition de Simondon, reprise et commentée par Beaubois, a plusieurs impacts. Tout d’abord la technophanie n’est plus une qualité que l’objet manifeste : “le concept de technophanie n’est pas un concept phénoménologique, ça ne renvoie pas à un apparaître d’une technicité qui se lirait en expérience directe avec l’objet.”11

La technophanie s’éloigne donc de la hiérophanie d’Eliade qui parle bien de “quelque chose qui se montre à nous” — c’est par les sens que la hiérophanie s’installe. Ensuite, la proposition implique que tout objet technique soit technophanique, puisque tout objet technique possède un milieu associé plus ou moins complexe. Les affirmations selon lesquelles “parfois, une ostentation technophanique peut concilier les deux zones” paraît donc contradictoire. De plus, si le symbolisme utilisé ici excède bien sa réalité immédiate et se structure en réseau, elle n’est ni ambivalente ni créatrice de sens, ni indescriptible (comme nous allons le voir dans la suite de ce chapitre). La technophanie, dans ce passage, sert simplement à qualifier la relation entre un objet et son réseau technique, et aucunement une efficacité ou un effet que pourrait avoir l’objet technique pour dialoguer avec l’homme. Simondon “sous-détermine le symbole”12

d’Eliade par cet isomorphisme, le rend descriptif d’une situation globale alors qu’il est opératoire et inscrit dans les choses. Il serait absurde de dire que la lecture de Beaubois n’est pas juste, puisque Simondon propose cette lecture de lui-même, mais selon moi, elle réduit la proposition technophanique à une initiative évidente et simple, déjà énoncée dans le concept de milieu technique, alors qu’il me semble que Simondon a pris le risque, dans ce texte, d’aller décrire la relation esthétique et expérientielle, de sens (aux deux significations du terme), auquel l’opération technique peut, parfois, donner lieu.

8 Vincent Beaubois, “Design et Technophanie”, dans Jean-Hugues Barthélémy (dir), Cahiers Simondon

n° 5, Paris, L’Harmattan, 2013, p. 70.

9 Vincent Beaubois, “Design et Technophanie”, conférence aux Ateliers Simondon 2012-2013, Paris, École Normale Supérieure, 12 février 2013, séance dirigée par Vincent Bontems.

10 Ibid. 11 Ibid.

12 Boudouin Decharneux et Luc Nefontaine, Le Symbole, Collection Que Sais-je ?, Paris, Presses Universitaires de France, 1998, p. 3.

7.3. TECHNOPHANIE FORTE

Dans la suite de cette troisième partie, Simondon invoque un autre type d’exemples et de discours : celui de “gestes technophaniques”. Il commence son argumentaire en montrant l’importance psychosociale de certaines technologies à certains moments de l’histoire, comme les ondes hertziennes durant la Seconde Guerre Mondiale. Il poursuit en montrant combien l’envoi du premier satellite en orbite, en 1957, eut un retentissement qui a “dépassé celui des plus importantes découvertes scientifiques”13. Elle est devenue le représentant de groupes, qui peuvent ainsi se reconnaître et prendre conscience de leur cohésion, comme jadis dans les cérémonies sacrées. “Pour un temps, il est semblable à un astre : il s’intronise en se manifestant.” 14 Ce caractère se retrouve d’ailleurs dans la notion d’échec :

Un échec du geste technique — la fusée qui retombe près de sa base ou qui échappe au contrôle — crée un effet collectif aussi gênant que lorsque, chez les Romains, les poulets sacrés ne voulaient pas manger ou lorsque le taureau sacrifié s’enfuyait de l’autel en emportant, dans une horrible blessure, la hache du sacrificateur. Les lancements de fusées, les lancements de satellites [...] existent comme gestes avant d’être une expérience scientifique ou une opération militaire. En ce sens, la bombe d’Hiroshima a été une technophanie au moins autant qu’un acte militaire.15

Les exemples présentés ici sont d’un tout autre ordre que tous ceux que nous avons évoqués jusqu’alors : ils font jouer des imaginaires et des cosmologies particulièrement puissantes et universelles. Le nucléaire est profondément ambivalent dans les analogies que son fonctionnement implique : il fait jouer en même temps la fin du monde, le cataclysme et la Boîte de Pandore, que l’apport d’une énergie infinie, d’un futur radieux et d’un apaisement avec la nature. De la même manière, le satellite fait jouer l’imaginaire de l’astrologie, de nouvelles étoiles, d’une émancipation de notre damnation permanente à être soumis à la gravité, du Paradis par delà les nuages, des anges. Son déploiement a donné lieu à des “modes, jouets et mots nouveaux, jaillissement du prestige sur un secteur entier de sciences et de techniques voisines par effet de halo”16. Dans la même section du texte, Simondon invoque aussi le paratonnerre :

Le paratonnerre est une invention d’une portée théorique presque nulle. Cependant, le halo psychosocial de cette invention est considérable, car elle a établi la communication avec la foudre, avec le feu du ciel devenu étincelle électrique [...] Il est objet technique permettant non pas de produire la foudre, mais de la capter, et de lui imposer un trajet défini en l’écoulant au sol. C’est bien un enchaînement technique rattachant le milieu humain au milieu des météores [...] L’objet technique fait communiquer des ordres de réalité antérieurement séparés, qualitativement distincts, et qui, parfois, étaient des paradigmes implicites de sacralité objective. 17

L’objet est lui-même totalement ambivalent puisqu’il est promesse de contrôle de la foudre, à l’instar de Zeus et de son sceptre dont le paratonnerre est très semblable, mais en même temps il a pour conséquence d’attirer le danger, “de s’attirer les Foudres” de la colère des Dieux comme le dit l’expression consacrée. Son déploiement a été largement conditionné par ces significations.

13 Gilbert Simondon, op. cit., p. 118. 14 Ibid., p. 119.

15 Ibid. 16 Ibid. 17 Ibid., p. 105.

176 177 Cette description paraît bien plus proche de mes projets. En effet, le paratonnerre est

bien un objet technique efficace et déterminé par ses caractéristiques propres. Mais en même temps, son action, sa technicité, fait jouer une série d’imaginaires ambivalents et complexes dans la grande majorité des cultures humaines. Comme dans la hiérophanie, le paratonnerre ne perd pas sa qualité d’objet technique fonctionnel. Il n’est pas une représentation de la foudre ou du Trident de Zeus. Il est un outil catalyseur de foudre à part entière. Mais cette qualité fait jouer une série de récits, de mythes, de craintes, de fascinations culturelles communes — ce que Simondon qualifie “d’halo psychosocial”. 7.4. SIGNES ET SYMBOLES CHEZ ELIADE ET JUNG

Au fond, ces trois acceptations diffèrent fondamentalement sur l’acceptation de la notion de symbole. Dans la première partie, le symbole est associé au signe : la technophanie est signe de quelque chose d’absent et de caché, la LED est signe de la charge de la batterie électrique. Dans la seconde partie, le symbole est considéré comme relation entre un objet et son réseau, la voiture est symbole du réseau routier. Dans la troisième section, le symbole est une relation entre un geste et un ensemble de significations collectives, la bombe nucléaire fait jouer des imaginaires, des craintes et des fantasmes par son explosion. Pour justifier notre choix envers la troisième acceptation, il va donc nous falloir éclaircir cette notion de symbole, non seulement par les explications que Simondon en fait dans le texte, mais aussi vis-à-vis d’Eliade ou de Jung à qui il se réfère et dont la lecture a généré la proposition technophanique. Nous verrons que le symbole chez ces auteurs est surdéterminé, ambivalent, concret,

et additif plutôt que substitutif.

La notion de symbole est extrêmement complexe, discutée depuis des millénaires et source de fantasmes les plus ésotériques. Nous ne pourrons donc en épuiser les interprétations. Pour commencer, il faut revenir sur l’usage qu’en fait Simondon dans le texte lui-même :

“Images, symboles, mythes sont des représentations qui se rapportent à des types de réalités ne pouvant être objectivées sans perdre leur signification et leur contenu réel. Images, symboles, mythes se rapportent à un type de réalité dont il ne peut y avoir de représentation pleinement rationnelle, selon les catégories de l’unité et de l’identité. [...] Et même, selon Mircea Eliade, il y a un type de représentation qui résiste à une analyse rationnelle, et c’est ce type de représentation qui constitue le contenu de la culture. L’ethnologie et l’ethnographie scientifique n’ont pas su découvrir et traduire par une représentation adéquate le contenu des cultures, parce qu’une préoccupation scientifique ne peut que réduire et même évacuer des contenus dont l’essence est d’être surdéterminés.”18

On sent tout de suite que Simondon est sensible à une acceptation “forte” du terme de symbole tout comme Jung qu’il cite :

“Jung avait déjà établi le caractère surdéterminé des archétypes : l’archétype n’est jamais le concept ou le percepteur d’une chose unique ; il est une image, parce qu’il condense plusieurs situations en une seule représentation.”19

Cette surdétermination se retrouve dans l’étymologie du terme : symbole vient du grec symbolon qui désigne un “objet de reconnaissance coupé en deux parties, chacune permettant à des messagers ou porteurs à se reconnaître en les emboîtant.”20 Cette

18 Gilbert Simondon, op. cit., p. 74. 19 Ibid.

20 Boudouin Decharneux et Luc Nefontaine, op. cit., p. 19

filiation nous permet de comprendre une première caractéristique essentielle du

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